À deux doigts de se jeter vers la sortie, Rose tenta de se donner une contenance. Elle n'était pas venue pour faire des caprices. Au début, ce devait être une journée normale, à quelques détails près. Elle devait, tranquillement, se rendre à Hollywood pour avoir un autographe.

Et voilà qu'elle se retrouvait dans la loge de Robin North, après l'avoir embrassé et en train de chialer comme une gamine. Si elle voulait donner une meilleure image d'elle-même, elle devait se reprendre, et surle-champs.

Mais ce qui se passait n'était tellement pas dans ses habitudes que la situation la dépassait complètement. Elle ne savait même plus quoi répondre à Robin, qui venait de s'asseoir près d'elle et de lui entourer les épaules avec son bras. Elle se leva comme un ressort, et tenta de balbutier quelque chose, mais ne parvint qu'à émettre un son indistinct.

D'un air affolé, elle essaya de s'expliquer :

"Euh... Écoute, je ne sais pas si... si je devrais rester ! Je..."

Mais elle s'enfonçait encore plus. Elle, qui paraissait si assurée tout à l'heure, se trouvait bien démunie dans l'instant présent. Elle voulait être n'importe où, tout sauf ici. Oui, elle avait honte de ce baiser. Mais elle n'était pas prête à l'assumer devant quiconque.

Elle était consciente que son comportement était puéril. Jamais elle n'avait été aussi gênée de toute sa vie. Elle s'énervait contre elle-même. Et puis la maladresse, chez elle, ce n'était pas ce qui manquait. En plus, elle disait toujours ce qu'il ne fallait pas.

"Tu vois, c'est pas mon genre ! C'est vraiment pas mon genre de... d'embrasser quelqu'un sans raison !"

Là, c'était une phrase digne d'un adolescente en phase rebelle. Agacée par tant de stupidité de sa part – d'autant plus qu'elle avait très mal choisi ses mots –, elle se dit qu'elle commençait à être sérieusement casse-pieds.

La jeune femme ne savait plus ce qu'elle devait faire : s'en aller comme une folle furieuse ou s'écrouler comme une poupée de chiffon aux pieds de Robin ? Ou faire autre chose, de plus gamin et qui aggraverait encore son cas ? Elle était bonne pour l'hôpital psychiatrique... Robin devait maintenant être sûr qu'elle souffrait de troubles psychologiques graves et incurables.

Et puis... rien que de se répéter la phrase qu'elle avait prononcée dans sa tête lui faisait croire que si, il y avait une raison. Elle aurait dû réfléchir avant de parler... Sûrement le résultat de plusieurs années passées seule et sans vraiment entretenir de relation avec les gens... Mais à chaque fois qu'elle se tournait vers Robin, elle le trouvait de plus en plus attirant, et ça commençait vraiment à la rendre plus que mal à l'aise.

Elle faisait mauvaise impression, semblait-il. Surtout que ce n'était aucunement sa volonté de gâcher une si belle journée. Pourtant, c'était ce qu'elle était en train de faire. Et ça, ça lui brisait le cœur.

La mettre à l'aise, attendre que ses sentiments se stabilise et lui montrer que ce baisé n'avait pas été une erreur. Tant de chose difficile à faire passer à Rose. Pourtant j'essayais, cherchant le contact. Et au fur et à mesure, c'est moi qui me sentais un peu mal à l'aise et, surtout, démuni face à la situation.

Etait-ce mon statut d'acteur connu qui lui faisait croire que sont geste n'était pas approprié? J'espérais que non, parce que je ne voulais pas que Rose me prenne pour un acteur innaccessible mais comme un gars comme un autre. Mais peut-être que si elle avait fait ça à un gars lambda elle aurait aussi été mal à l'aise. J'en savais rien après tout, je ne la connaissais pas assez pour juger et savoir.

Alors que j'avais réussis à obtenir un contact en passant mon bras autour de ses épaules, elle se leva subitement, brisant ce contact. Elle balbutiais, elle était affolée. Elle voulait partir. J'aurais baissé la tête si j'avais pas eu de courage. Mais j'en avais face à cette fille dont j'avais maintenant la mission de rassurer. Lui dire que ce n'était pas grave n'était pas suffisent et je ne savais pas vraiment quoi faire.

Elle disait que ce n'était pas son genre et qu'il n'y avait aucune raison à son geste. Et c'est bien cette dernière phrase qui me fis me lever pour lui faire face.

-Il y a toujours une raison à tout. Et puis, comme je te l'ais dit, tu es une des seuls qui a eu le courage de faire ce geste. J'en ai pas vu d'autre des comme toi.

Pour moi c'était un compliment. Une fille qui osait et qui par ce genre de geste osait se démarquer des autres, c'était pas quelque chose qu'on voyais tout les jours.

Et puis j'eu une idée, peut-être pas la meilleur mais bon. J'embrassai à mon tour Rose. Un simple baisé déposé sur ces lèvres. Que je brisais après quelques secondes.

-Voilà, on est à égalité. Plus besoin de s'en faire maintenant.

Je ne savais pas si j'avais empirer les choses ou non... J'allais le savoir très vite.

Rose se sentait bête, là, les bras ballants. Elle avait l'impression d'être ridicule. D'autant plus qu'elle ne s'attendait pas à ce que Robin se lève d'un coup, et elle retint un mouvement de recul. Il la dominait d'une bonne tête au moins. Et, lorsqu'il l'embrassa à son tour, cela ajouta à sa gêne, même si ça ne se voyait pas. Aussitôt le baiser brisé, la jeune femme se calma sur-le-champ. Elle était sidérée, et aussi un peu confuse. Qu'est-ce qu'il venait de se passer ?...

Les genoux tremblants, elle aurait voulu s'asseoir. Elle ne pouvait donc pas avoir de conversation normale avec les gens ? Elle ne savait même plus où elle était. Elle se reprit, mais elle aurait voulu s'appuyer sur quelque chose. Il n'y avait cependant que Robin en face d'elle, et rien autour d'assez près. Elle aurait pu contourner le jeune homme pour s'asseoir sur le lit, mais elle n'avait vraiment pas envie.

"Pardon... Je n'aurais pas dû faire ma gamine."

Et puis si il y avait une raison à tout, pourquoi elle faisait n'importe quoi depuis quelques minutes ? Elle aurait aimé être une fille normale, mais non, il avait fallu qu'elle se soit faite remarquée. Tout compte fait, elle aurait dû rester chez elle aujourd'hui, ou bien aller faire quelque chose de productif de sa journée. Même si ces instants n'étaient pas désagréable, elle s'en voulait quand même.

"Je... Je ne m'en fais pas. Je..."

Ça y est, elle ne savait plus quoi dire. Si, elle s'en faisait, et ça lui faisait mal. Mais elle n'allait certainement pas l'avouer, quoi de plus stupide ? En fait, elle était encore une enfant, quand on y réfléchissais bien. Elle réagissais encore comme une adolescente et pensait comme telle.

"Je... J'ai été bête, c'est tout."

Elle l'avait embrassé sur un coup de tête, rien de plus, voilà. C'était clos, maintenant. Il ne fallait pas se prendre la tête pour ça. Elle n'avait pas réfléchi, et au fond c'était un peu par reconnaissance. Et puis même Robin avait dit que c'était bien réussi... Elle en faisait peut-être trop, maintenant qu'elle y pensait. Pour montrer que ça allait beaucoup mieux, un sourire éclaira son visage, comme pour dire « Et maintenant ? » Elle avait retrouvé sa bonne humeur, à son grand soulagement.

Avais-je fais le bon choix? Pas vraiment sûr. J'étais même persuadé que j'avais probablement vraiment beaucoup empiré la situation. Décidément, je ne savais pas m'y prendre avec des filles complexes. Ou même avec des filles tout court d'ailleurs parce que la majorité étaient complexes. Rose avait cette tête confuse. Elle ne s'y attendais pas mais je n'avais trouvé que ça comme issue à son embarra. Ah, bien joué Robin, une fille est embarrassée et toi, tu fais pire... T'es vraiment le meilleur... Pff...

Rose s'excusa à nouveau et c'est là que je compris que ce que je venais de faire n'était pas la meilleure chose qu'il y avait à faire. Et la gêne que ressentait Rose il y a quelques minutes je la ressentais aussi maintenant. Elle disait ne pas s'en faire mais ses phrases entrecoupées et sa figure disait tout le contraire. Merde, j'avais vraiment été con et je comprenais pourquoi Rose se sentais bien bête quand elle m'as embrassée.

Je l'écoutais se descendre elle-même et je devais avouer que c'était pas un spectacle agréable. J'étais toujours face à elle, je n'avais pas bougé depuis tantôt. C'est quand Rose retrouva soudainement le sourire que je fus à demi soulagé.

-Et bien si tu as été bête, je l'ai été encore plus. Et puis faut se l'avouer, c'était deux bon moment.

Je lui fis un clin d'oeil pour clore ce petit moment de gêne. On en était enfin sortis et c'était tout ce qui comptait pour moi. J'aimais vraiment pas voir une fille mal à l'aise surtout si c'était ma faute. On avait visité le plateau, visité ma loge et c'était déjà pas mal. En tout cas, c'était le principal que je pouvais lui montrer.

-Tu as visité le principal. Ma loge n'a rien d'exceptionnel, j'espère que ça ne casse pas trop tes rêves.

On ne savais jamais, elle s'était peut-être dit que ma loge était plus grande, plus sophistiquée et avec plus de trucs de "star" dedans.

-Pas contre, je peux te donner mon numéro de téléphone. On pourras se revoir dans d'autres circonstance.

Et devenir de bon ami à long terme. Plus avec cette barrière "star-fan". Car Rose était une fille vraiment sympa et de confiance. C'était clair que je voulais la revoir.

Rose se sentit tout de suite rassurée. Elle n'était pas vraiment d'accord avec Robin, parce que c'était de sa faute, mais le fait qu'ils ne se penchent pas plus sur le sujet la tranquillisa immédiatement. Ça avait peut-être été de bons moments, mais ceux qui avaient suivi, étaient moins bon, eux. Et puis Robin devait sûrement se demander ce qui se passait dans sa tête.

Visiter les studios et la loge de North n'étant pas anodin, Rose se dit qu'elle avait de la chance, et que ça n'était pas tous les jours qu'une star emmenait un de ses fans au cœur de Hollywood. C'était la preuve qu'elle n'avait pas un aussi mauvais karma que ça... En fait, il était temps de cesser de croire à ce genre de superstition. Elle n'y croyait pas vraiment, mais elle se disait souvent que quelqu'un qui n'avait pas de chance dans la vie avait une mauvaise étoile. Au fond, elle savait que c'était faux, que ce n'était que mensonge et endoctrinement.

"Je t'accorde que je m'attendais à quelque chose de plus... original, mais je ne suis pas déçue."

Elle ne l'était pas du tout, même. Elle avait eu ce qu'elle voulait ; et elle n'était pas prête à oublier sa visite. La proposition de Robin la surprit cependant. Son numéro de téléphone ? Était-ce vraiment utile... ? Rose, dans un premier temps, hésita à refuser, puis accepta.

"Euh... Oui, pourquoi pas."

Et puis quoi de mieux que ce genre de geste qui paraît infime pour devenir amis ? Elle avait le droit. Il avait le droit. Alors pourquoi s'en priver ? La jeune femme parut soudainement se rappeler qu'elle n'était plus mineure et que maintenant, elle faisait ce qu'elle voulait. Elle n'avait décidément pas vraiment grandi dans sa tête.

"Hum... tu sais tirer à l'arc ?"

Si elle avait posé cette question, c'était par spontanéité, parce qu'elle venait de penser à quelque chose : Robin... des Bois. Non, elle n'avait vraiment pas grandi dans sa tête.

Le malaise était passé et cela faisait beaucoup de bien autant à elle qu’à moi. Je préférais nettement la voir sourire que la voir angoisser. Mais toute cette histoire m’a fait penser qu’il fallait absolument que je me trouve un guide qui m’expliquerait comment marchent les filles. Le genre guide de survie en fait.

Ma loge était la plus banale qui soit. Et j’avais un peu l’impression que ce spectacle aurait pu casser les beaux rêves de Rose. Mais bon, je ne pouvais pas changer une vérité. J’étais un type comme un autre je n’allais pas faire tout comme les grandes stars parce que j’en étais une. Ce serait vraiment stupide. Elle disait qu’elle s’attendait, en effet, à quelque chose de plus original mais que ça ne la décevait pas.

-Elle est à mon image en fait. Je suis un gars simple au fond.

Et c’est d’ailleurs parce que j’étais un gars comme un autre que je lui proposai de lui donner mon numéro. Mon réseau d’ami était composé uniquement d’acteurs ou de tout ce qui traine autour des studios. Je n’avais jamais vraiment eu d’amis qui me fassent oublier mon travail. Et pourtant, c’est sûrement de ça que j’avais besoin. C’est donc tout naturellement que je fis cette proposition à Rose. Une proposition qui semblait la surprendre. Mais elle finit par accepter ce qui me fit sourire.

J’allais jusqu’à un meuble de ma loge et en sorti un papier et un bic où j’écrivis mon numéro. Quand je me retournai vers la jeune femme, elle me posa une question qui me fit rigoler.

-Non, pas du tout. Pourquoi cette question ? J’ai une tête d’un type qui tire à l’arc ?

Cela me faisait vraiment rire tellement la question était inattendue. Je lui tendis mon numéro de téléphone. Elle m’avait peut-être déjà vu dans un film et que je tirais à l’arc. Même si je me rappelais pas l’avoir déjà fait à part dans celui que j’étais entrain de tourner mais il fallait avouer que je n’étais vraiment pas doué pour ça…

Lui, un gars simple ? Il en avait l'air... En fait, c'était tout le contraire de Rose. Rose, c'était avant tout, des questions, des milliers de questions qui tournoyaient dans son esprit, elle était compliquée, en fait, même si elle savait se taire quand il fallait.

Elle n'était pas du genre non plus à extérioriser ses pensées. Elle se contenta de hocher imperceptiblement la tête. Il avait raison... Malgré le fait qu'il soit célèbre, il restait modeste et n'était pas extravagant.

La jeune femme attendit qu'il ait terminé de noter son numéro sur un papier pour s'en saisir délicatement, comme s'il valait tout l'or du monde. Elle ne comptait certainement pas le perdre. Elle le rangea précieusement dans son sac, qu'elle avait gardé jusque-là sans vraiment s'en rendre compte.

Puis, à sa question, le rire de Robin lui fit chaud au cœur. Elle n'en demeura pas insensible. L'hilarité du jeune homme lui arracha un large sourire. Que répondre ? Il la prendrait vraiment pour une gamine... Mais elle n'avait vraiment pas pu s'empêcher de penser à ça.

"C'est que... j'ai pensé à Robin des Bois. Ça peut paraître idiot, mais... c'est la première chose qui m'est passée par la tête."

À bien y réfléchir, il y avait de quoi se moquer. Et maintenant, elle était à court de mots. Que raconter d'autre... ? Comment expliquer cette pensée soudaine ? Il n'y avait même pas d'explication... C'était comme ça.

Elle attendait quelque chose, que la conversation reprenne – si c'en était une –, elle ne savait plus quoi dire. Elle pouvait commencer à raconter sa vie, ou bien parler de sa famille... Oui, son esprit était composé d'un enchaînement de questions impossibles à déterminer. C'était pathétique.

HRP:

Je la regardai prendre délicatement le petit papier où était noté mon numéro pour le mettre, ensuite, dans son sac. Elle l’avait pris avec une telle délicatesse, comme si elle avait peur de faire mal à ce pauvre papier. Et, intérieurement, ça me faisait sourire. Ce n’était qu’un numéro mais ça avait l’air de valoir de l’or pour elle.

Mais c’est une question inattendue de la part de Rose qui me sortit de mon observation. Elle voulait savoir si je savais tirer à l’arc. Et je rigolai, pas pour me moquer d’elle mais parce que sa question m’avait surprise. Et elle avait bien compris que c’était pour ça que je riais car cela la fis sourire. Elle était bien plus jolie quand elle souriait. Elle m’expliqua sa question par le nom que j’avais en commun avec un héros populaire, Robin des Bois. N’empêche que ce gars était tout ce que je voulais être. Brave, amoureux et, surtout, il avait un but dans la vie. Ce type était génial. Et il savait tirer à l’arc ! Pas moi…

-Ah je comprends mieux maintenant. Mais Robin des Bois, lui c’est un vrai héro. Moi je ne fais que jouer les héros c’est pas pareil.

Oui et, au passage, Robin des Bois n’existait pas mais ne bousillons pas notre réflexion enfantine par des détails pareils. Parce que j’aimais bien croire qu’il existait moi. Au fond j’étais un gamin… Peut-être pas qu’au fond, en fait…

Je rigolai toujours mais je voyais bien que la jeune Rose était à court de mots. Mais bon, je n’allais pas lui laisser finir sa journée de rêve ici. Après tout, j’avais encore de la ressource !

-Tu veux que je te reconduise chez toi ?

Je ne savais pas où elle habitait. Peut-être qu’elle était venue de Seattle. Bah, ma fois j’avais une bonne bagnole et un petit road-trip ne me fait pas peur surtout en si bonne compagnie.

-Même si tu habites à New York je veux bien te reconduire.

Je rigolai toujours attendant la réponse de Rose.

Robin des Bois avait tout d'un héros. Il était courageux, fort, et puis il savait tirer à l'arc... Rose était passionnée par ce sport, elle le trouvait fabuleux. Elle était souvent en admiration devant les sportifs de haut niveau, qui savaient taper dans le mille à plusieurs mètres de leur cible.

La jeune femme dut admettre que ce que lui disait Robin – le vrai Robin, celui en chair et en os qui se trouvait devant elle – était vrai. Jouer les héros et être héros, ce n'était vraisemblablement pas pareil.

"Oui, mais... Quand on joue un héros, on est pas dans sa peau, quand même ? Jouer un héros, c'est se mettre à sa place... Un peu comme être lui-même... Non ?" nuança-t-elle pour ne pas s'avouer vaincue.

Elle était plutôt amusée par la situation. Et aussi fut-elle surprise que North lui-même lui propose de la raccompagner chez elle. Ça signifiait qu'il saurait maintenant où elle habitait. Au dernier étage d'un immeuble rempli de vieux assourdissants... Oui, ils étaient assourdissants. Il n'arrêtaient pas de se plaindre.

"Euh... Oui, si ça t'embête pas." répondit-elle avec un sourire.

Elle était ravie. Mais elle avait envie de se cacher en même temps. Elle ne voulait pas montrer là où elle habitait – un endroit plutôt infernal. Mais elle voulait quand même. Elle était pleine d'indécision...

"A New-York ?!" Rose éclata de rire, d'un rire franc et étonné à la fois. "Non, quand même pas. J'habite à l'est de Los Angeles... Je peux te montrer le chemin quand nous serons dans ta voiture, je le connais par cœur."

À supposer qu'il ait une voiture... Il n'allait pas l'emmener en montgolfière non plus. Elle ne put s'empêcher de penser que ça serait chouette quand même.

On était parti dans toute une réflexion sur les héros. Moi j'étais persuadé que j'en était pas. Parce que j'avais beau jouer le héro dans certains films, je ne me sentais pas l'étoffe d'un héro en réalité. Quant à Rose, elle voyais les choses d'une manière plus "magique". Une vision d'une fille qui n'a pas perdu ses rêves d'enfants. Joué un héro c'est être lui. C'était pas faux quelque part. Je souris à la réflexion de la jeune fille.

-Oui c'est vrai. Tu as raison. Mais je ne le joue que l'espace de quelques heures. Et, quelque part, chacun peut joué les héros s'il en a envie, pas besoin d'être acteur pour ça. Il suffit de savoir rêver. Mais, en réalité, je suis très loin de ça...

Une simple petite question avait provoqué cette réflexion. Une échange d'avis, de point de vue. C'était ça qui construisait une amitié, ça qui détruisait la barrière qu'il y avait entre mon statut d'acteur et son statut de fan. Elle était maintenant Rose et moi Robin. Et c'est dans cette optique là que je l'invitai à la raccompagner chez elle. Elle ne s'attendais pas à ce que je lui fasse une telle invitation et elle l'accepta ce qui élargit mon sourire.

-Cool!

Je voulais bien la raccompagner à l'autre bout de la planète si elle voulait et je lui en avait fait part. Elle éclata de rire et je la suivis. Elle habitait à L.A. ce qui était quand même plus accessible que New York.

-Ok, parfait!

Je lui fis un clin d'oeil et lui fis signe de me suivre dehors. A l'extérieur, les fans étaient parti. Il restait uniquement les acteurs et les gens qui travaillaient habituellement aux studios. On alla jusqu'au parking où était garée ma Delorean grise métalisée. Je l'ouvris et m'installai côté conducteur alors que Rose prenait place côté passager.

-Il y a des cassettes dans la boite à gant, choisis celle que tu préfère.

J'avais plein de cassette de différents groupes que j'adorais dont The Burning Fire et je savais que Rose aimait aussi ce genre de musique donc c'était une question légitime. En attendant sa réponse je tournais la clé et fis vrombir le moteur.

D'un certain point de vue, Robin avait raison, mais Rose refusait d'abandonner la partie. C'était un peu puéril au fond... De toute façon, le débat pourrait durer plus d'une heure, alors autant ne pas s'éterniser. Et puis la dernière phrase du jeune homme la laissait suspecte. Très loin de ça ?

"Pourquoi ?" fit-elle en fronçant les sourcils.

Elle n'avait pas vraiment compris, et ça se lisait sur son visage. C'était peut-être un détail insignifiant, mais Rose voulait savoir ce qu'il voulait dire par là. Ça pouvait être simple ou non, mais là, elle avait besoin d'explications – un peu comme si c'était vital. Ou pas.

Elle répondit au sourire de Robin par un autre sourire, et le suivit jusqu'au parking. Il n'y avait presque plus personne. Rose crut reconnaître des stars qu'elle connaissait. Elle était fascinée... Ce n'était pas tous les jours qu'on visitait Hollywood en compagnie de North. Arrivée devant la voiture de Robin, elle mit un temps à percuter que c'était la sienne. C'était bizarre...

S'asseyant à la place du passager, elle ouvrit la boîte à gant en souriant, et se mit à chercher une cassette qui l'intéressait. Elle en dénicha une de The Lightening, releva la tête et la tendit fièrement à Robin.

"Quand tu sors du parking, tourne à gauche." indiqua-t-elle pendant qu'il rentrait la cassette dans le lecteur.

Elle était contente. Rien de mieux qu'une petite ballade en voiture pour se changer les idées. Même si elle n'habitait pas très loin, ils auraient un bon bout de temps pour discuter. Il se faisait déjà tard... Et elle n'avait même pas vu le temps passer.

Non, décidément je ne trouvais aucun point commun entre moi et tous ces héros des films. Je n’en trouvais même pas en ceux que je jouais habituellement. Et quand j’en fis par à Rose, elle fronça les sourcils. Je baissai un peu la tête.

-J’ai jamais sauvé personne… Et j’ai pas le courage de tous ces héros là… Et puis, pour qu’il y ait des héros il faut une certaine justice et il n’y en a pas de ce monde…

J’étais vraiment influencé par ce qui était arrivé à Karen. Déçu qu’elle meurt et qu’Amon sans sorte sans que personne ne le mette en doute ou ne l’accuse de quoi que ce soit.

J’avais enfin relevé la tête remettant un peu l’ambiance en proposant à Rose de la reconduire chez elle. Elle accepta, bien sûr, et on sortit sur le parking des studios. Ma voiture nous attendait, la carrosserie avait chauffé à cause du soleil. Ce matin, je n’avais pas réussi à trouver une place à l’ombre… Dommage… On s’installa et je laissai à Rose le choix de la musique pour le trajet, et elle me sortit une cassette de The Lightening que j’insérai dans le lecteur alors qu’elle me donnait les premières indications quant au chemin à suivre.

-The Lightening ! Bon choix ! Mais je dois t’avouer que j’attends leur nouvel album avec impatience !

Je démarrai alors que la voix de Billy Lighter s’éleva dans toute ma caisse. Leurs chansons déchiraient quand même à mort fallait l’avouer.

-Depuis quand tu aimes ce groupe ? Parce que tu m’as bien dit que tu les aimais mais il y en a beaucoup qui les ont suivi avant même qu’ils ne soient connu. Tu fais partie de ces gens-là ?

Parler musique, il n’y avait que ça de vrai et je souriais jetant de temps en temps des coups d’œil à Rose.

Robin avait baissé la tête, au grand dam de Rose. Qu'est-ce qu'on en avait à faire qu'il ait sauvé quelqu'un ou non ? Elle chassa sa colère comme elle était venue et répliqua, avant d'espérer de ne pas avoir été trop brusque :

"On s'en fiche de n'avoir sauvé personne ! Qui veux-tu sauver de toute manière... ? Il n'y a personne à sauver..."

C'était bien vrai. De toute façon, personne n'avait besoin d'aide. Chacun était son propre maître, alors si quelqu'un décidait d'aller élever des crocodiles au Canada, qu'il le fasse ! Il n'avait juste pas à mêler les autres à ses affaires. Ou le contraire. Lorsque son propre frère était parti, Rose n'avait pas tenté de l'en dissuader : elle l'avait serré dans ses bras, lui avait dit au revoir, et il était parti. C'était tout. Elle lui envoyait parfois des lettres, et il lui répondait, même si ces derniers temps ils n'avaient plus trop de nouvelles l'un de l'autre.

La jeune femme avait suivi Robin dans sa voiture, et maintenant la voix de Billy Lighter se faisait entendre dans tout le véhicule. Rose réprima un sourire de satisfaction et se cala dans le siège pour être plus confortablement installée. Elle se sentait un peu mal à l'aise ; elle n'était pas chez elle et ces lieux ne lui étaient pas familiers. Le jeune homme la félicita pour son choix et déclara qu'il attendait leur nouvel album avec impatience.

"Oui, moi aussi..."

Elle sourit, et tourna la tête vers Robin et expliqua :

"J'ai découvert The Lightening peu avant qu'il soit connu. J'étais fascinée..."

Il faisait chaud dans la voiture, et elle commença à avoir les mains moites. Recalant une mèche derrière son oreille, elle ajouta :

"Au bout de cette rue il faut que tu tournes de nouveau à gauche... Après, tu fais comme pour aller au centre de L.A."

Ce bout de chemin ensemble promettait d'être agréable, surtout s'ils continuaient à parler de musique.

Pour moi être un héro consistait à sauver quelqu’un. Je vivais constamment dans les films et j’en restais donc à l’image du héro que me procuraient ces mêmes films. Mais Rose, elle me disait qu’il n’y avait de toute manière personne à sauver. Sa question me frappa : Qui veux-tu sauver de toute manière ? J’avais relevé la tête en haussant les épaules. Karen peut-être. Oui, au fond de moi je n’aurais voulu sauver qu’elle. Mais je ne le pouvais plus. C’était peut-être pour ça que je ne me considérais pas comme un héro.

Bref, j’avais finis par lui proposé de la ramené chez elle et on était allé jusqu’au parking où se trouvait ma voiture. Une fois installés, j’avais laissé le choix de la musique à la jolie blonde et elle m’avait sortis une cassette de The Lightening. Après l’avoir complimenté sur le choix, j’avais commencé les questions. Parlé musique, il n’y avait rien de mieux. Si je n’avais pas été conçu pour le cinéma j’aurais probablement tenté une carrière musicale. Ça m’aurait tellement plut.

Rose aussi attendais le nouvel album de Lighter et cie. Mais avec Lighter tout était lent. Le monde devait aller à son rythme. C’était ce que le presse ne cessait de dire de lui en tout cas… Puis, c’était un gars space… Rose connaissait se groupe peut avant qu’il ne soit connu.

-Vrai ? La classe ! Ils étaient comment avant qu’il ne soit connu ? Moi je les hais connus alors qu’ils étaient déjà en tournée américaine, soit après leur premier album.

Je tournais, suivant les indications que me donnait Rose quant au chemin à suivre pour arriver chez elle. Ce n’était pas si compliqué. J’habitais L.A. depuis longtemps et certaines rues m’étaient plus que familière.

-J’imagine Lighter entrain de chanter comme un dingue au milieu des clubs et tous les gens autour. Donc une partie qui ne l’écoute pas parce que c’est un groupe pas connu. Ce devait être génial à voir.

On ne peut pas plaire à tout le monde au début et le grand public est parfois dur à convaincre, c’est la même chose dans le cinéma.

Rose voyait bien qu'elle n'aurait pas dû dire ça. Elle se sentait coupable, maintenant, surtout qu'elle ne savait pas à quoi pensait Robin. Elle, elle n'avait pas pu s'empêcher de dire tout haut le fond de sa pensée. Au moins, elle était franche, mais elle ne voulait pas pour autant mettre les autres mal à l'aise. Se mordant la lèvre, elle regretta ses paroles.

Elle n'avait pas tort, mais pas raison non plus. Il y avait des tas de gens à sauver. Des gens qui avaient raté leur vie, des gens qui était malheureux... Et puis, être un héros, ce n'était pas que sauver des gens. C'était faire preuve de courage, de justice. Être à l'écoute des autres et les aider.

Durant le trajet de retour, ils avaient commencé à parler musique. Il y avait tout un tas de trucs à dire sur la musique, et puis discuter de ça, ça détendait. Partager les passions des autres, c'était formidable. Rose sourit en se remémorant la première fois où elle avait vu The Lightening. C'était dans un café, comme tous les autres groupes débutants. Il fallait avouer qu'ils étaient plutôt bons. C'était sûrement ce qui avait valu leur succès. La jeune femme avait immédiatement adoré. Et puis d'un jour à l'autre, ils avaient gagné en notoriété.

"Ah, bah c'était cool. Ils devaient sûrement être moins stressés que maintenant..."

Elle n'osait pas imaginer ce qu'ils vivaient depuis que les médias faisaient leur choux gras. Ça ne devait pas être toujours rose. Elle éclata de rire à la remarque de Robin.

"C'est vrai que c'était génial... Ça me manque un peu."

Il fallait l'avouer, quand même. Maintenant, il n'était plus question de se rendre dans un café pour aller voir The Ligthening. Et puis un concert, c'était hors de prix pour une simple vendeuse de pop-corn... Elle déclara soudain, en parlant de chez elle :

"C'est ici."

Elle leva les yeux vers l'immeuble qui occupait une grande partie du trottoir. Ouais, il était un peu minable. Mais Rose n'avait pas de quoi se payer ce qu'elle voulait non plus. Elle sortit de la voiture, et demanda, par pure politesse :

"Tu veux prendre un café ou pas ?"

Elle allait ajouter "ou un thé", mais elle se souvint rapidement que Robin n'était pas une fille. En général, les garçons n'aimaient pas trop le thé.

J’écoutais Rose attentivement alors qu’elle me parlait de The Lightening. Elle les avait vus à la période des clubs et c’était sûrement quelque chose d’exceptionnel à voir. Se dire que tu as vu un groupe alors même qu’il n’était pas encore connu et puis le revoir après faire des concerts dans des stades pour des milliers de personne ça devait faire quelque chose. Et Rose affirmait qu’ils devaient être moins stressés à l’époque que maintenant.

-C’est clair qu’ils ont la pression… Je les plains parfois. Je les comprends un peu…

La célébrité avec ses avantages et ses inconvénients. Comme tout quelque part. Tout le monde est au courant de ce que tu fais, des gens que tu fréquentes, de tes qualités, de tes défauts, de tes forces, de tes faiblesses. Moi j’y étais habitué. Mais des gars comme les membres de The Lightening, ils avaient été célèbres du jour au lendemain. Ca ne doit pas être facile à gérer.

L’époque où ils faisaient la tournée des clubs semblait manquer à Rose. C’est clair que ça devait avoir une autre faveur. Les bars offre quelque chose de plus intime aux concerts. Mais c’était comme si elles ne les avaient plus vu depuis, comme si elles les avaient perdu de vue depuis qu’ils étaient célèbre. Et alors que j’allais lui poser la question de savoir pourquoi tout ça lui manquait, elle m’interpella brusquement me disant qu’on était arrivé chez elle.
Je me garai sur une place très proche de l’immeuble qu’elle m’avait désigné. Elle sortit de ma voiture et, avant de refermer la porte elle me proposa un café. Je lui souris, j’étais très content qu’elle me le propose. La Rose que j’avais en face de moi avait gagné en assurance par rapport à la Rose que j’avais « sauvée » tout à l’heure et ça me faisait vraiment plaisir. Il n’y avait plus de barrière entre nous.

-Ouais ! Avec plaisir !

Je sortis à mon tour de la voiture et la fermai à clé. Ma Delorean dénotait un peu par rapport aux autres voitures garées dans la même rue. L’immeuble où vivait Rose était l’immeuble typique des quartiers ni pauvre, ni riche de L.A. Pas génial, mais pas horrible non plus. Je la suivis à l’intérieur, impatient de découvrir à quoi ressemblait son appartement.

Rose ne bougea pas durant tous le trajet. Elle tentait de se remémorer les instants qu'elle n'aurait jamais dû oublier. En vain. Elle ne voyait que du flou, sa mémoire lui jouait des tours. Elle voyait seulement Lighter sur une scène improvisée, dans un café... et le reste du groupe, aussi. Mais tout ça était plutôt loin ; autant cesser de sonder son cerveau pour retrouver ce qui n'existait plus...

Lorsque Robin avait garé sa voiture, elle lui avait proposé de prendre un café. Et il avait accepté, plutôt enthousiaste à cette idée. La jeune femme regretta un instant sa proposition, puis se dit qu'il n'y avait rien à appréhender... Elle le conduisit dans la bâtiment sans regarder s'il la suivait ou pas. Elle entra dans l’ascenseur, appuya sur le bouton du cinquième étage. Elle fixait consciencieusement le bout de ses chaussures. Heureusement que la machine n'était pas en panne, sinon ils seraient arrivés en nage à son appartement, surtout que les escaliers étaient plutôt rudes à grimper. Ils furent bringuebalés jusqu'en haut de l'immeuble, et l'ascenseur s'arrêta avec un ding ! résonnant.

"C'est ici." déclara Rose en ouvrant la porte de son lieu de prédilection, au bout du couloir.

En ouvrant la porte, elle balaya le séjour du regard. Non, il n'était pas trop dérangé, c'était déjà ça. Elle se précipita vers une photo d'elle enfant et la cacha derrière son dos en prenant un air détaché. Elle détestait la tête qu'elle faisait dessus, c'était vraiment ridicule. Elle la cacha dans un tiroir pendant que Robin lui tournait le dos. Elle enleva son propre manteau et prit celui du jeune homme, et les déposa sur un fauteuil, faute de ne pas avoir de penderie.

Elle fit asseoir Robin dans un siège et se dirigea vers la cuisine attenant au séjour. Elle en revint quelques minutes plus tard, avec deux tasses de cafés sur un plateau, qu'elle tentait tant bien que mal de ne pas renverser.

Son appartement n'était pas trop petit, mais il n'était pas immense non plus. Elle déposa le plateau sur la table basse, et s'assit sur le canapé. Sauf que, sur le sofa, il y avait le chat. Et qu'il était allongé pile à l'endroit où elle était assise. Ou plutôt qu'elle s'assit pile à l'endroit où il était allongé. Il poussa un miaulement strident, comme si on l'égorgeait, et la jeune femme aperçut une boule de poils gris déguerpir en direction de la cuisine. Elle soupira et esquissa un sourire. Ce chat était vraiment gros. Et le pire, c'était qu'elle ne le voyait jamais, quand il s'asseyait quelque part.

"Voilà, tu viens de faire la connaissance de mon chat... Ça va t'étonner, mais il n'a pas de nom. Je l'appelle « le chat », c'est tout."

Elle rit. Ouais, elle n'avait jamais réfléchi à un nom, en fait. Elle l'appelait « balourd », parfois, mais ce n'était qu'une allusion à son ventre rebondi.

Je la suivais jusqu’à l’entrée de l’immeuble. L’intérieur de celui-ci était extrêmement modeste ainsi que l’ascenseur où on s’engouffra Rose et moi. Elle appuya sur le bouton qui nous emmènera au cinquième étage. La montée semblait dure pour le vieil ascenseur qui faisait un bruit douteux. Rose, elle regardait ses chaussures et moi je regardais Rose. Le silence régnait mais on finit par arriver en haut.

Et c’est Rose qui annonça qu’on était arrivé dans son lieu de vie. Je laissai balader mon regarder dans la pièce principale, j’avançai de quelques pas alors que Rose s’empressa d’aller cacher une photo derrière son dos, je la regardais d’un air amusé avant de lui tourner le dos pour faire mine de regarder ailleurs. Apparemment, elle avait honte de cette photo. Bah, c’était qu’un petit détail. Moi aussi il y a des photos de moi assez bizarres… J’enlevai ma veste et la tendit à Rose, apparemment, elle n’avait pas de porte manteau parce qu’elle les déposa sur un des fauteuils.

Elle m’invita à m’installer et c’est ce que je fis. Je regardais toujours la pièce. C’était un joli petit appartement. Rose était partie dans la cuisine et j’haussais un peu la voix pour qu’elle m’entende.

-Super ton appartement !

Elle finit par revenir avec deux tasses de cafés. Elle n’avait pas l’âme d’une serveuse parce qu’elle semblait trembler un peu. Mais elle arriva quand même à déposer le plateau sur la table basse. Je le remerciai pour le café. Et elle alla s’assoir, c’est là que je remarquai le chat.

-Atten…

Je n’eus pas le temps de finir ma phrase que le matou poussa un cri strident et s’en alla à toute vitesse vers la cuisine. Je souris, elle avait un chat, au moins elle n’était pas complètement seule. Rose m’avoua qu’elle l’appelait « le chat ». C’était dommage de ne pas lui avoir trouvé un nom, moi j’adorai donné des noms aux animaux.

-Il pourrait avoir un nom très cool, pourtant ! Attends, je réfléchis…

Le chat était assez gros et avait un très beaux pelage gris. Hmm…

-Grey-King… Grisoux… Vif-argent comme le mutant…

Je lui en avais cité quelques-uns avant d’éclater de rire…

-C’est peut-être pas des noms qu’aiment les filles après tout…

Je pris ma tasse de café et souffla un peu dessus pour faire refroidir le liquide qu’elle contenait.

Un super appartement... ? Ce n'était pas vraiment ce que la jeune femme pensait. Elle ne pouvait pas se permettre trente-six décorations non plus. Et puis, à part quelques photos de famille, il n'y avait pas grand-chose sur les murs. Ils étaient plutôt nus, ce qui était dommage, puisque Rose était très coquette. Si elle en avait eu les moyens, elle aurait décoré l'appartement comme elle l'aurait aimé. Mais on ne pouvait pas vraiment dire qu'il était super. Enfin bon, ça dépendait des regards, aussi.

"Tu trouves ?" fit-elle de la cuisine, mal assurée.

Elle revint avec les deux tasses de café, puis s'assit en soupirant sur le divan, et donc sur le chat, qui poussa un miaulement retentissant avant de s'enfuir. Ah, ce maudit chat, qui apparaissait toujours au mauvais moment. Rose grimaça, puis écouta les propositions de Robin quant à son nom. Vif-argent, comme le mutan... ? Ouais non, c'était pas vraiment son genre. Encore, Grey-King, ça allait, mais Vif-argent, certainement pas !

"Non, je ne crois pas !" s'exclama-t-elle en riant.

Elle se mit à siroter son café après avoir glissé deux sucres dedans. Elle l'avait fait comme elle l'aimait, mais elle n'était pas sûre que Robin l'apprécie bien serré. Mais il y avait un début à tout. Elle tendit le sucrier au jeune homme afin qu'il se serve.

"On m'a déjà proposé plusieurs noms pour mon chat, mais aucun ne me plaît... Et puis, il a l'air de vivre bien le fait que je l'appelle « le chat »."

C'était peut-être pas original, mais c'était réaliste. Après, peut-être qu'un nom lui taperait dans l’œil, on sait jamais, mais elle en doutait. Le chat, c'était le chat. Fallait pas chercher plus loin.

J’aimais bien ce petit appartement. Il était cosy et sympathique. A l’image de Rose. C’était dingue comme les appartements étaient vraiment à l’image des gens à qui ils appartiennent. Et j’avais complimenté son bel appartement mais elle, elle ne semblait pas totalement convaincue. Comme si elle n’était pas fière de son petit chez soi. C’est d’ailleurs probablement pour ça qu’elle me demanda confirmation.

-Oui, je trouve qu’il est super cosy. Pas comme tous ces grands appartements qu’on mes amis acteurs…

Ouais mes fameux amis acteurs. Ils préféraient l’apparence à tout autre chose. La célébrité leur était clairement monté à la tête. Alors que moi, la célébrité n’y était jamais monté à ma tête vu que j’étais né célèbre et que j’avais été élevé par des parents qui s’avaient faire la part des choses et qui m’avaient enseignés de bonnes valeurs.

Entre temps, Rose avait filé à la cuisine avant de revenir avec deux tasses de café. Et c’est en s’asseyant sur le fauteuil qu’elle faillit écraser son pauvre chat. D’ailleurs, ce dernier, Rose l’appelait « le chat ». Elle ne lui avait pas donné de nom alors je lui en avais proposé quelques-uns que je trouvais cool. Mais aucun ne semblait lui plaire. Mes propositions la faisaient plus rire qu’autre chose. Je souriais quand même, après tout ce n’était que des propositions.

Elle m’avait amené un café bien noir et quand elle me tendit le sucrier, je me permis de prendre trois sucre car je l’aimais bien sucré. Les goûts en matière de café étaient très différents d’une personne à l’autre. C’était dingue quand même.

Alors que je mélangeais mon café je l’écoutais parlé du nom de son chat. Plusieurs personnes lui avaient proposé d’autre nom mais elle était restée sur « le chat ». Et puis, d’après elle, il ne le vivait pas mal. J’éclatai de rire.

-Oui c’est sûr qu’il ne s’en rend pas compte au fond. Il n’y a rien de plus je m’en foutiste qu’un chat.

De tout façon c’était rare quand un chat réagissait à son prénom donc à quoi bon.

-En tout cas, il est très beau ton chat.

Je fis un clin d’œil à Rose. J’adorais les animaux et les chats étaient attachants au fond même s’ils manquaient cruellement de reconnaissance.

Je soufflais sur mon café avant d’en boire une gorgée.

-En tout cas, c’est cool de savoir que tu n’es pas totalement toute seule. Un chat c’est une sorte de compagnie.

Les animaux étaient souvent de bien meilleur compagnon que certains êtres humains.

Ah, ses amis acteurs. C'était sûr que son appartement était loin d'être aussi orné que ceux de ces stars bourrées de pognon. Il y avait certes des célébrités plus modestes, mais elle étaient rares. Quand on avait de l'argent, on ne se privait de rien.

"Oui, c'est sûr." lança Rose de la cuisine.

Elle haussa les épaules, même si Robin ne la voyait pas. Son appartement était des plus banal, et elle aurait tout fait pour partir vivre ailleurs, sur un bateau s'il le fallait, que de rester encore trop longtemps ici. Elle avait du mal à se l'avouer, mais son domicile lui faisait froid dans le dos, quand elle rentrait, chaque jour. Ces murs gris terne et vides de décorations, ces fauteuils dont les ressorts dépassaient sur les côtés... Ça n'était clairement pas un palais. Même si elle se sentait à sa place dans son appartement, elle n'aimait pas son côté sans couleurs et sans joie de vivre.

Il y avait un chat gris. Des murs gris. La vie en gris ! Heureusement, sa chambre était plus colorée. Elle ne se serait jamais remise d'une invasion de gris...

La jeune femme avala une gorgée de café après l'autre, puis sourit. Elle déclara sans penser à ce qu'elle disait :

"C'est vrai, les chats, ils s'en moquent complètement. Qu'on les appelle par un nom ridicule ne les dérangerait même pas... Eh, je viens de penser à un truc. Mon père voulait l'appeler Nabucco... Comme Nabuchodonosor... ! Il faut dire que ce chat est vieux, il est né il y a huit ans... Mon père était encore viv..."

Elle ne termina pas sa phrase. Elle venait de parler de son père et la dernière chose qu'elle voulait, c'était raviver des souvenirs qu'elle avait eu un mal fou à oublier. Elle se mordit la lèvre. Elle pouvait sauter du coq à l'âne et se rattraper en parlant d'autre chose, mais aucun son ne sortit de sa gorge. Ne voulant pas flinguer l'ambiance, elle fit un sourire qui ressemblait plus à une grimace qu'autre chose et dit simplement, en réponse au commentaire de Robin :

"Ah, merci."

Même si elle avait été seule, elle ne l'aurait pas vraiment été. Il y avait les oiseaux qui venaient picorer sur son balcon. Il y avait la vieille voisine qui semblait adorer lui offrir un thé. Et puis il y avait elle-même, sa conscience. Elle n'était pas schizophrène, non, mais, parfois, elle se surprenait à se parler à elle-même.

"J'aurais préféré être accompagnée d'un animal qui sait parler... Le seul avantage des chats, c'est qu'on peut leur confier tous nos secrets, et ils n'en parlent à personne... L'avantage de pratiquement tous les animaux, en fait."

Sauf s'ils étaient doté d'une mini-caméra et d'un appareil d'enregistrement, ce dont elle doutait fortement.

Parlé de chat était assez drôle. Que pensaient les chats de leur nom ? C’était une bonne question… Je ne me l’étais jamais vraiment posée, mais, pour Rose, ils s’en fichaient probablement complètement. C’était sûrement vrai parce que j’avais entendu dire que les chats, tant qu’on les nourrissait, ils se fichaient du reste. Ce sont des animaux très indépendant qui, en fait, on très peu besoin de humains. En plus, c’est même pas reconnaissant un chat… Tout ça rappela à Rose que son père voulait appeler « la chat » Nabucco. C’était assez drôle comme nom. Un chat de 8 ans qui s’appelle comme un roi babylonien c’est pas mal trouver.

-Bah c’est cool comme nom Nabucco. Ton père à des goûts originaux.

Mais son père était mort. Et Rose n’avait pas achevé sa phrase. J’avais baissé la tête, buvant mon café pour faire passer le malaise. J’avais de plus en plus l’impression que Rose était seule au monde et c’était assez triste. Je n’osais d’ailleurs pas relever la phrase. Je n’étais pas vraiment doué en gestion du deuil… Surtout que je ne savais vraiment pas si Rose voulait en parler.

Elle tenta un sourire et pour la rassurer je souris à mon tour. Et pour bien faire, j’avais complimenté son chat et lui avait dit à quel point c’était cool qu’elle l’ait pour avoir une compagnie. Et Rose, elle, aurait voulu que son animal parle tout en relevant l’avantage que procuraient les chats.

-C’est vrai. Au moins tu es sûr qui ne révéleront rien. Mais si tu veux un animal de compagnie qui parle, il te faut un petit copain.

Je voyais bien qu’elle manquait cruellement de personnes de confiance autour d’elle.

-Touver la bonne personne qui te rendra heureuse. C’est pas facile, je te l’accorde…

Personnellement j’en avais trouvé une. Et Rose avait eu des histoires semblable à la mienne ce qui rendait la chose encore plus compliquée.

Nabucco, c'était original, mais c'était aussi un peu stupide. Son père avait toujours eu des goûts bizarres. Ils avaient un poisson rouge, et il l'avait appelé Rex... Quelle idée. Son frère avait fait remarquer qu'il avait un nom de chien, mais leur géniteur avait éclaté de rire. Non seulement il avait des goûts bizarres, mais il était extrêmement étrange dans son comportement. Enfin, rien de grave, mais il prenait un peu trop de risques pour ne rien faire.

"Ouais... si l'on peut dire."

Elle sourit, tentant de cacher sa peine. Chaque souvenir de lui, chaque photo qu'elle retrouvait dans un vieux placard lui faisait l'effet d'un coup de poignard. Elle ne le laissait pas paraître, elle était trop fière pour en parler. Parce que en parler équivalait à pleurer, alors elle n'en fit rien.

La conversation dériva ensuite sur les petits copains. Ah, ça. C'était un tout autre sujet, mais aussi délicat à aborder. Rose ne voulait non seulement pas rappeler à Robin le souvenir de Karen, mais elle ne voulait pas se remémorer les instants si précieux de sa vie... Un peu réticente quand même, elle acquiesça. Elle était d'accord, ok. Maintenant, on pouvait parler d'autre chose ? À son grand dam, le jeune homme continua sur sa lancée. Elle se força à sourire, mais celui-ci ressemblait plus à une grimace, ce qui était tout à fait compréhensible, étant donné les circonstances.

"Oui... Après c'est discutable. Il y a des personnes qui trouvent la bonne personne mieux que d'autres."

Elle avait vécu deux histoires qui s'étaient mal terminées, et elle n'avait plus jamais touché à personne après. Elle avait eu trop peur d'un cercle vicieux. Et vivre la même chose deux fois n'avait rien arrangé, au contraire.

Elle pouvait également dire qu'elle faisait partie de la catégorie qui trouvait assez vite quelqu'un. Après la mort de son premier petit ami, elle avait trouvé un autre homme assez tôt. Elle avait eu peur qu'il croie qu'il était le lot de consolation, mais non. Il était confiant, même un peu trop. Et la mort lui avait joué le même coup... Décidément, Rose avait raison d'être aussi asociale. Tout la mettait en tort.

"Mais... Mais je suis parfaitement heureuse comme ça. J'ai... J'ai un chat, et des voisins très sympathiques."

Sa phrase sonnait faux, et l'air d'assurance qu'elle tentait de se donner s'était envolé. Elle rit nerveusement, sans qu'elle puisse se retenir. Son visage se durcit un instant, mais elle retrouva son air naturel comme il s'était envolé. Si elle avait bien retenu une leçon, c'était qu'elle ne devait plus laisser approcher qui que ce soit.

On avait, sans le faire exprès et par une sujet totalement anodin, ravivé d’ancienne peine. Rose avait perdu son père, qui avait l’air pourtant d’un gars remplis d’humour. Ne voulant pas accentué la peine de Rose je m’arrêtai de parler de ça. Elle tentait de me rassurait en souriant.

J’avais donc, tout simplement, dévié la conversation. Je ne voyais pas d’autres solutions que cela. Mais je n’avais probablement pas abordé le sujet le plus facile. Il était autant complexe pour moi que pour Rose qui avait, elle aussi, perdu des personnes chères. Je n’étais vraiment pas malin… Mais bon j’avais commencé sur le sujet alors je n’allais pas arrêter, ça ne servait à rien de revenir en arrière. Et Rose disait que certains trouvaient la bonne personne mieux que d’autre.

-Oui, c’est vrai.

J’avais baissé la tête, regrettant maintenant mes paroles. Et je la relevai quand Rose clama qu’elle n’avait besoin de personnes, qu’elle avait assez avec son chat. Mais son ton ne rendait absolument pas crédibles ses affirmations. Elle riait nerveusement pour se donner une contenance. Mais je ne voulais pas lui faire remarquer, encore une fois, qu’elle devait se sentir seule.

-J’espère que tu dis vrai.

Mais je n’y croyais pas. Et j’étais un peu triste de devoir la laisser seule avec son chat.

-En tout cas, si tu veux sortir ou si tu as besoin de compagnie, n’hésite pas à m’appeler. On est amis maintenant et tu as mon numéro.

Je souriais de nouveau. Elle pouvait compter sur moi maintenant. J’achevai mon café avant de déposer ma tasse sur la petite table.

-Le café était très bon, merci beaucoup, Rose.

J’étais sincère. Le café de Rose était bien meilleur que celui qu’on pouvait trouver dans les studios d’Hollywood.

Rose eut un pâle sourire. Elle ne voulait surtout pas que Robin se sente coupable de quoi que ce soit en croyant que c'était de sa faute si le souvenir de son père la hantait. De toute manière, elle aurait bien repensé à lui tôt ou tard, même si ça devait lui faire mal. On n'était jamais à l'abri du chagrin. Il y avait toujours une parcelle en nous qui nous rappelait les moments dont on ne voulait plus jamais en entendre parler...

La jeune femme se demanda depuis combien de temps elle était d'un égoïsme aussi répugnant. Robin venait de baisser la tête, comme s'il regrettait ses paroles, et elle, elle ne se centrait que sur elle-même. Même si ses propres oreilles bourdonnaient, elle se mordit la lèvre et fixa le plafond, comme pour faire passer le froid qu'il y avait entre eux. Quand elle se sentit plus à l'aise, elle répondit d'un air enjoué :

"Oui, j'ai de quoi être heureuse. J'ai un boulot, un animal de compagnie, un toit sur la tête, alors tout va bien !"

C'était ce qui importait le plus – plus encore que d'avoir un petit copain ou une vie sociale époustouflante. Et, même si le fait de parler avec quelqu'un de célèbre l'intimidait, elle était heureuse d'avoir pu rencontré Robin. C'était toujours si différent de voir quelqu'un à la télévision puis en vrai.

"D'accord, je n'y manquerais pas."

Elle esquissa un sourire. Elle n'appellerait le jeune homme que si elle avait besoin, elle n'allait pas déranger pour rien. Rose termina sa tasse tranquillement, pendant que Robin posait la sienne et la remerciait.

"Contente que ça t'ai plu", dit-elle avec un sourire.

Prenant sa phrase et son geste comme une prise de congé, elle hocha la tête, se leva, et souhaita une bonne soirée à Robin. Elle lui tendit son manteau déposé sur le fauteuil, se promettant secrètement d'acheter un porte-manteau, parce que son absence n'était pas très bien vue.

"À bientôt j'espère", s'exclama-t-elle joyeusement en ouvrant la porte d'entrée.

Les pas de Robin s'éloignèrent dans le couloir, puis il disparut dans ascenseur. Tous les muscles de la jeune femme se détendirent et elle put enfin respirer normalement. Elle avait eu sa dose d'émotions aujourd'hui. Elle retourna dans la cuisine, se baissa et appela :

"Le chat... hé, tu peux sortir. Je suis seule."

Une touffe de poils gris se glissa hors de sa cachette et se frotta contre les jambes de sa maîtresse.