| Sujet: I'm a lone digger ♦ PV AZALON Lun 9 Jan - 0:23 | |
| [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]To the ground and get us a rock and roll round
« Oui, incline légèrement la tête. Oui, voilà, comme ça, parfait ! »
Je regardais l'objectif, mon corps tendu dans une pose que j'essayais de rendre la plus naturelle possible. Ca n'était pas mon premier shooting, mais je pense que je ne m'y habituerai jamais. Mon esprit avait toujours du mal à croire au fait que j'étais payé pour simuler un univers, mettre en scène une autre réalité. Je retenais un sourire à cette pensée : j'étais payé pour faire quelque chose que je faisais au jour le jour. Tout le temps, à chaque seconde. Personne ne pouvait se douter à quel point il était difficile de se faire passer pour quelqu'un de bien, pour une personne intelligente. Personne ne pouvait se douter à quel point il était difficile de tout faire pour ne pas montrer qu'on est un raté.
Pour une nouvelle campagne de publicité de type « urbain », comme disait le photographe, la production avait décidé de faire un shooting... Dans la rue. Oui, voilà. Dans la rue, au beau milieu de Los Angeles - enfin, ils avaient au moins eu l'intelligence de prendre une rue transversale, beaucoup moins fréquentée que certaines grosses artères. On avait droit à quelques curieux attirés par les flashs de l'appareil, et les conseils que l'on me donnait pour mes poses. Bordel, qui aurait cru que je serais doué pour être mannequin ? Les gènes ayant bien fait leur travail, j'étais peut-être stupide, mais j'étais un bel idiot. C'était notre mantra, avec June. On se répétait qu'on avait notre beauté pour nous, et que c'était peut-être ça, finalement, notre talent. Tout pour légitimer notre place en ce monde.
On essayait de se faire discrets, ces derniers temps : notre manageuse, Maria, était de ce genre de personnes un peu trop gentilles. Elle ne méritait pas de devoir s'occuper de deux démons comme June et moi. Alors, au cours d'une soirée un peu trop arrosée - comme d'habitude, dirons nos détracteurs - on avait fait le pacte d'être gentils avec elle. Le plus possible, le plus souvent. Ne nous mentons pas : chassez le naturel, il revient au galop. Malgré toutes mes belles paroles et mes jolies illusions, un raté reste un raté, malgré tout le bon vouloir du monde.
« Orion, ne te déconcentre pas ! Tiens toi plus droit, oui, comme ça. Voilà. La tête légèrement penchée, le regard en biais. Parfait. »
La vie était plutôt calme, et j'avais assez de whisky dans le sang pour être décontracté pendant le shooting. La pause arriva enfin, et je me détendais, prenais le temps de m'étirer avant d'aller fumer une clope un peu plus loin dans la rue. Nous avions pu la boucler entièrement, ce qui me permettait de marcher dans un calme relatif. J'étais la nouvelle coqueluche chez les mannequins, sans vraiment comprendre pourquoi : il y avait plus beau, et sans l'ombre d'un doute plus talentueux.
J'étais plus que confortable dans mon petit cocon, avec June, et Maria qui veillait sur nous. On se la jouait cavaliers solitaires, et malgré quelques agences de mannequinat qui nous avaient courtisés, nous étions restés fidèles à notre manageuse. Je grognais en m'étirant à nouveau, tirant une longue taffe sur ma cigarette. La légère brûlure au creux de ma gorge me détendait, tout autant que l'habitude du geste me rassurait. Ma routine était confortable, et rien ne pouvait la chambouler, rien, rien ; j'en étais sûr. J'essayais de m'en convaincre, certainement. |
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