Je ne saurais dire quelle était la chose, la raison, qui me poussait toujours à revenir ici. Une certaine part de masochisme - doublée de nostalgie - certainement. Tout ce que je savais, c'était que je revenais systématiquement ici, à retourner le couteau dans la plaie, à embrasser du regard ce que je n'aurai jamais. Et ce soir ne fit pas exception. Comme tous les vendredis, j'avais fermé mon cabinet plus tôt pour pouvoir venir ici. J'étais toujours en contact avec la dame qui gérait le secrétariat du conservatoire de danse, et elle m'avait orienté ici... Il y a de cela un moment déjà. Alors je venais, inlassablement, caché dans l'ombre et je regardais. J'observais ces corps bouger en harmonie, le mien mourant d'envie de les rejoindre ; et c'était, hélas, la seule chose qui était hors d'atteinte. Alors, comme chaque vendredi à 18h00 pile, je venais m'installer dans les gradins pour regarder les répétitions du prochain ballet de L.A. Et dieu que cela faisait mal.
Il y a de cela quelques semaines, une des jeunes danseuses m'avait semblé prometteuse. Elle brillait un peu plus que les autres, d'une lueur plus... Singulière. Elle semblait vivre pour la scène, vivre à travers ce piano et cet orchestre. Elle me faisait penser à moi. Je ne saurais dire quelle était la chose, la raison, qui me poussait toujours à revenir ici. Une certaine part de masochisme - doublée de nostalgie - certainement. Tout ce que je savais, c'était que je revenais systématiquement ici, à retourner le couteau dans la plaie, à embrasser du regard ce que je n'aurai jamais. A embrasser cette jeune femme du regard, qui me semblait être mon reflet dans le miroir. J'avais l'impression de retourner dix ans en arrière, durant l'apogée de la vie de Wolfgang. Juste avant sa chute mortelle.
Un léger sourire flotta sur mes lèvres à cette pensée. J'avais le don de voir ma vie comme une tragédie grecque, ou un ballet de Tchaikovsky. Le sublime dans la souffrance ultime. Je terminais ma cigarette devant le théâtre - mauvaise habitude prise de ma période post-accident, il y a de cela dix ans maintenant. J'avais essayé d'arrêter, mais... Sans succès. Je passais une main dans mes cheveux et rentrais le plus discrètement possible à l'intérieur du théâtre, adressant un hochement de tête poli à la dame de l'accueil. Elle me reconnaissait, depuis le temps. Le vieux fou qui vient observer quelque chose qu'il n'aura jamais. Mais c'était une drogue, une foutue drogue. Je n'avais jamais plus dansé, et mon corps en mourrait d'envie bien malgré moi. Je trouvais de la satisfaction dans mon métier de psy, mais... C'était.. Différent. Plus calme, plus raisonnable. Pas aussi fusionnel, pas aussi passionnel que la danse. La danse est une amante gourmande, qui vous détruit peu à peu. Qui prend tout de votre âme, de votre corps. Elle vous dévore en entier, cette muse infâme.
Je m'approchais de la salle du théâtre, et l'ouvrais discrètement - aussi discrètement qu'il était possible. J'observais quelques secondes les danseurs sur scène avant d'aller m'asseoir au fond avant de me faire remarquer. J'étais simple spectateur, après tout. Fantôme du passé qui revenait hanter le lieu qui l'avait tué.
Elle était là. La petite étoile qui commençait à briller. Je n'arrivais pas à me rendre compte quel fut le moment où elle passa de "la petite danseuse" à "la petite étoile". Peut-être fut-ce lorsqu'en la voyant se mouvoir sur scène, j'eus cette terrible épiphanie, me voyant moi-même à travers elle. La petite étoile.
Invité
Invité
Sujet: Re: Prima ballerina - PV AMBER Lun 16 Jan - 18:20
Il ne nous restait plus beaucoup de temps. Le ballet était dans une semaine et demi. Toute la troupe était tout feu tout flamme. Pendant toute la matinée, ils avaient voulu jouer avec les lumières, les rideaux, les petits effets par-ci par-là. Et on trouvait encore une idée supplémentaire à mettre en oeuvre pour ceci et celà. On avait carrément monopolisé la pièce de théâtre toute la journée. Chaque soirée, je rentrais éreintée à la maison. Heureusement pour moi, Sélène était super compatissante. Elle terminait assez tard aussi parfois mais, on arrivait à s'arranger pour les repas du soir. Mais comme pour le moment, je terminais souvent plus tard qu'elle, c'était souvent elle qui préparait le souper. Et qu'est-ce qu'elle sait bien cuisiner! Même si franchement, ce n'était facile pour aucune d'entre nous.
L'après-midi, c'était l'heure fatidique de se dérouiller, comme tous les jours. On refait un nombre incalculable d'heures à la barre à faire des pointes, des pliés, des demi-pliés, des étirements puis après on avait encore les sauts, les pirouettes et tous les mouvements chorégraphiés à revoir, on terminait ensuite sur les portés. Et une fois qu'on était plus qu'échauffés, c'était parti pour la vraie répétition. Cela ne faisait que deux jours que l'on répétait avec nos vraies tenues de spectacle. Mais les sensations étaient différentes, on devait apprendre à se sentir autant à l'aise avec qu'en habit d'entrainements, vérifier qu'on ne glissait pas lors des portés ou voir comment améliorer nos prises pour éviter les accidents. Et ça commençait à rentrer.
Vous savez, c'est pas le même. Entre connaître une chorégraphie quelque part puis devoir la refaire ailleurs. Nos repères sont bousculés, on est moins à l'aise, une seconde d'inattention et on pouvait faire la gaffe monumentale. Celle qui met Ben hors de lui et nous oblige à recommencer tout plusieurs fois, tout le temps. Pendant des heures. Ben ne s'en lassait pas. Tant et si bien que plus le temps passait, plus on fatigait et plus on ratait... Et on devait recommencer tant et plus.
Et Ben aujourd'hui n'était vraiment pas dans son élément aujourd'hui. Des choses qu'il laissait passer d'habitude avec une simple remarque prenaient ici des proportions immenses. Il proférait des insutes à tout va. Traitait l'un ou l'autre de merdeux, de tapette, de pute, de grosse... Tout y passait.
Il devait bien être 19h passé quand il avait terminé de lyncher un danseur gay. Et on refaisait le tableau 3 pour une enième fois. Je me donnais à fond le regard perdu mais fixe dans un public invisible. Je sautais, tournais, levais la jambe, montais sur pointe de pieds pendant 2 minutes avant que la musique baisse doucement et puis se taise tandis que j'effectuais un tout dernier mouvement.
« Allez, sortez tous de ma vue! On commencera une heure plus tôt lundi. »
Soupir de soulagement mais en même temps, petite crispation. On allait pas rire non plus lundi s'il était de la même humeur massacrante qu'aujourd'hui. Tout un chacun reprit ses affaires dans les coulisses et partaient se changer dans les vestiaires. Ben est parti aussi mais moi, je suis restée cinq minutes sur place, m'asseyant à même le sol. J'étais un peu perdue dans mes pensées... Demain, c'était le gala et j'avais déjà la frousse. La frousse parce que ce ballet, j'allais devoir en faire la publicité... Avec Jimmy. Et passer la soirée avec lui. Un sentiment de dégoût me traversait. Cet homme était répugnant, malsain. Au final, il était même pire que Ben. Alors que Ben, c'était déjà un cas à part...
Un bruit me sortait tout d'un coup de mes pensées et, au loin, dans la vaste étendue de sièges, je percevais une silhouette. Quelqu'un avait dû nous regarder mais aussi loin et dans le noir, difficile de vraiment distinguer de quel genre de personne il s'agissait. Homme ou femme, aucune idée. Je me levais doucement avec l'intention d'aller chercher mon sac, à mon aise car je n'étais pas pressée de retrouver les autres dans le vestiaire non plus... Mais avoir l'air d'une malheureuse sur la scène ainsi, ce n'était pas mieux non plus je crois.
@ Billy Lighter
Invité
Invité
Sujet: Re: Prima ballerina - PV AMBER Mar 17 Jan - 0:30
Comme tous les vendredis, je faisais un saut en arrière. Je remontais les temps, quelques années en arrière, lorsque je me tenais moi-même sur cette scène. Je pinçais légèrement les lèvres à cette pensée, enviant du regard les étoiles sur scène. Ainsi donc, le besoin de danser n'était jamais réellement passé : des années durant, j'avais réussi à m'en persuader. Je m'étais éloigné de tout ce qui se rapprochait de près ou de loin à l'univers de la danse, du ballet... Jusqu'à ces dernières semaines. Lorsque j'avais su quel ballet la troupe allait danser, je n'avais pu résister.
C'était le ballet que j'étais sensé danser, moi aussi, ce soir-là. C'était le ballet qui avait signé la mort de Wolfgang, et la naissance forcée de l'homme que j'étais aujourd'hui, à l'étroit dans une vie qu'il tolérait. Je sursautais légèrement en entendant le chorégraphe - Ben, d'après la dame du conservatoire - crier sur ses danseurs. Je me tendais à ses mots : personne n'avait le droit de crier sur une étoile. Personne. Mais je restais à ma place, dans les ombres, sans un mot. Ce monde n'était plus le mien, et je n'étais qu'un fantôme du passé ; revenu hanter les lieux qui avaient vu sa chute fatale.
En repensant, plus tard, à cet instant... Je me dirai qu'il s'agissait d'un instant de grâce. Mais sur le moment, je restais figé. La petite étoile était défaite, seule, dans la lumière blanche de la scène. Elle semblait tout droit sortie d'une fatale représentation de Médée, ou l'incarnation d'Antigone. Je la sublimais parce qu'elle était sur scène, parce qu'elle était dans la lumière... Alors que je me terrais dans les ombres. Dieu sait comme j'avais envie de monter à nouveau sur cette scène. Dieu sait comme j'aimerais pouvoir remonter le temps, dix ans en arrière, devant cette foutue route.
Comme j'aimerais pouvoir.
Malheureusement, c'était désormais impossible. Je ravalais mon amertume et laissais mon humeur s'adoucir : la jeune fille semblait toute perdue, sur cette scène immense. Si je ne pouvais m'aider, alors je devais aider les autres pour pouvoir le faire. J'hésitais quelques secondes avant de finalement me lever, m'approchant de la scène d'un pas que j'avais gardé souple de ma vie d'étoile. Mes pieds se stoppèrent d'eux-mêmes à quelques mètres de la scène ; assez proche pour la voir, et assez loin pour fuir à tout instant. Je pris la parole, espérant que ma voix semble ferme, indescriptible. Que personne n'entende les tremblements qu'elle renfermait. « Pour le tableau 3, tu devrais retravailler tes pliés. Et, et les portées avec ton partenaire... Il.. Il faut qu'il soit plus laxe sur ses jambes. Plus fluide, et plus alerte. Faut... Faut que tu lui fasse confiance, si tu veux que la chorégraphie semble fluide et naturelle. »
Chaque mot me faisait mal, horriblement mal. Mais chaque mot était une délivrance. Je me tenais devant la scène, toujours dans l'ombre, mais légèrement éclaboussé de lumière. J'étais fier de ma voix, qui était sortie douce et presque détachée, alors qu'un ouragan avait lieu dans mon esprit. Je crois que j'étais définitivement masochiste. Peut-être que la douleur avait eu de moi, et que je devenais fou. Peut-être.
Ou alors, peut-être que je me mettais finalement à revivre.
Invité
Invité
Sujet: Re: Prima ballerina - PV AMBER Jeu 19 Jan - 12:09
Je venais prendre mes affaires sur le côté de la scène mais remarquais du coin de l'oeil que la personne du fond de la salle descendait les escaliers pour s'avancer jusqu'à la scène. J'avais pris mon sac en bandoulière, sur mon épaule que je regardais cette personne. Il s'agissait d'un homme, peut-être la trentaine, des yeux clairs, probablement bleus et une barbe naissante mais bien habillé. Dans le genre profession assez importante qui rapporte encore bien et qui ne veut pas faire trop parfait et adopte un style semi négligé.
Au fur et à mesure qu'il se rapprochait, je remarquais qu'il était plus grand que je ne l'imaginais. Il était même très grand. Et son visage... Avait quelque chose de familier. Une impression de déjà vu. Mais j'étais un peu mal à l'aise que pour le fixer impunément. J'étais à moitié figée sur place, osant jeter un regard autour de moi pour vérifier si j'étais bien la seule sur scène.
Il s'arrêtait environ à deux mètres de la scène. Encore dans l'ombre mais éclairé par la réverbération des spots pour que je puisse le distinguer sans peine. Et en le regardant, la bouche sèche et entrouverte après mes efforts, je tentais de déchiffrer son visage, de me rappeler l'endroit où je l'avais vu.
Sans un bonjour ni bonsoir, sans une question pour couper le silence avant, il me donna des conseils. « Tu devrais retravailler tes pliés. Et, et les portées avec ton partenaire... » Il rajoutait ensuite qui me fallait être plus laxe mais en même temps alerte, faire confiance. Je gardais une expression neutre, l'écoutant poliment et avec un certain intérêt. Lorsqu'il avait terminé, je baissais le regard et me pinçais les lèvres. Je repris la parole en le regardant de nouveau.
« Merci... J'ai du mal à faire confiance... »
Et ça comptait autant pour les portés que dans la vraie vie. J'étais assez mal lotie pour le moment sur ce point-là. Exception faite de Sélène avec qui je m'entendais particulièrement bien et avec qui le contact était directement bien passé.
Je jetais encore un coup d'oeil autour de moi, pris une petite inspiration et reprit la parole avec un petit sourire mitigé, de bonne foi.
« Mais je ferai des efforts, et je m'entraînerai... »
C'était vrai, surtout pour les pliés... J'avais déjà moins envie de m'exercer à faire les portés avec Ross... On avait encore une semaine après tout, si je me concentrais au moins là-dessus, ça finira par aller comme sur des roulettes...
Je comptais partir mais une question me taraudait depuis qu'il était descendu jusqu'à la scène.
« Vous êtes là depuis longtemps? »
Mes doigts trituraient la lanière de mon sac, sans doute un peu nerveuse. J'avais bien envie de partir mais en même temps... J'étais curieuse de connaître cet homme, surtout si son visage ne m'était pas inconnu. Dans ma tête, je fouillais dans tous mes souvenirs pour me rappeler où je pouvais bien l'avoir vu... Mais ça partait dans tous les sens et je n'avais encore trouvé aucune piste valable.
@ Billy Lighter
Invité
Invité
Sujet: Re: Prima ballerina - PV AMBER Lun 23 Jan - 0:55
Je ne pus empêcher un léger sourire d'apparaître sur mon visage en l'entendant. J'ai du mal à faire confiance, mais j'essayerai de faire mieux ; voilà ce qu'elle me disait. Cette fille me donnait la même sensation que lorsque je rouvrais les vieux albums de famille : une sensation de nostalgie, une vague odeur sortie d'un souvenir, la sensation d'avoir vécu ces choses dans une autre vie. Elle me rappelait mon autre vie, celle que j'eus un jour, celle que j'essayais d'oublier sans jamais y parvenir réellement. Je passais une main dans mes cheveux - tic nerveux que j'avais toujours eu - avant de sourire un peu plus en entendant sa question. Quelle question ironique, bon dieu, si elle savait. Est-ce que j'étais là depuis longtemps ? Merde. Je crois que je n'avais jamais vraiment réussi à quitter cette pièce, ces lieux, et ma vie était restée sur la chaussée devant ce foutu théâtre. Mon sourire devint légèrement amer, avant que je ne reprenne le contrôle de mon visage. Je répondis d'une voix douce, et calme : « Je.. Viens souvent, ici. Disons que j'aime bien ce théâtre. »
Disons surtout que j'étais étrangement addict à cet endroit, et que ma formation de psy me criait à l'oreille que c'était absolument malsain. Que je revenais sur les lieux du crime - de ma mort - comme un criminel. Pour me remémorer. Voilà ce que ma psychiatre m'avait dit. Mais les choses s'étaient faites peu à peu, sans vraiment que je m'en rende compte ; au départ, je ne sortais plus du tout de chez moi. Je ne parlais plus à personne, j'avais coupé court à tout dialogue avec l'extérieur. J'avais décidé de m'enfermer dans ma bulle, dans mon monde, avec ma souffrance et ma peine. La seule personne à qui je daignais parler était Maria - et c'était bien grâce à elle que je m'en étais sorti. Et puis... Au bout d'un an, un peu plus, j'avais fini par sortir à nouveau. J'avais pris du temps à reprendre goût à la vie, et durant de longues années - pendant ma formation en psychanalyse - j'avais fui ce lieu comme la peste. Ce maudit théâtre, lieu de ma décadence.
Et puis... Un soir, en me baladant, perdu dans mes pensées, mes pieds m'avaient automatiquement ramené ici. Devant ce théâtre. Je l'avais très mal vécu, sur le coup, alors je l'avais de nouveau fui. Mais... J'avais fini par revenir, quelques semaines plus tard. Puis j'avais fini par passer devant de plus en plus souvent - je m'arrêtais parfois devant, juste pour.. Pour l'observer. Pour apprivoiser les lieux. Et j'avais fini par y prendre un abonnement pour le théâtre, les ballets et les opéras. Et aujourd'hui, j'y passais périodiquement ; c'était plus fort que moi. Je ne pouvais plus me passer de cet endroit qui avait vu ma vie, ma mort et ma renaissance sous cette forme grotesque, ce monstre de Frankenstein que j'étais devenu. Mais toujours, je revenais. Toujours.
« Je passe souvent par ici, j'aime bien regarder les répétitions de danse. L'envers du décors est tout aussi beau que le soir de la première. »
Je souriais doucement à la jeune danseuse, avant de sentir mon âme de danseur s'enflammer sans mon accord.
«Et tu danses bien, vraiment bien. Tu devrais t'en sortir sans soucis. »
Je me rendais compte après coup de mes mots, qui pouvaient sonner carrément condescendants. Comme ça, l'air de rien, je n'avais pas l'air d'un danseur. Je n'avais pas l'air d'être "dans le coup", de m'y connaître, de rien du tout. Je me tendais et reculais un peu, sur le point de battre en retraite, me sentant légèrement mal à l'aise.
Invité
Invité
Sujet: Re: Prima ballerina - PV AMBER Mar 7 Mar - 22:43
Sa réponse restait évasive, l’homme du public ne voulait sans doute pas avouer depuis combien de temps il était là exactement même s’il avoua par la suite venir souvent ici. Pour regarder les répétitions. Je me mordais la lèvre. Cela me mettait mal à l’aise de savoir qu’il y avait parfois des gens qui, comme lui, devaient venir jeter un petit coup d’œil à ces séances que je qualifiais désormais presque de torture (mais que je les aimais quand même, c’était ça le pire).
Et tandis qu’il me racontait ça, je sentais une légère tension dans l’air. Comme si aucun de nous deux n’avait vraiment envie de se dévoiler entièrement devant l’autre. Et pourtant, s’il était descendu jusqu’ici c’était bien parce qu’il avait eu envie de me dire quelque chose. Ses simples petits conseils étaient la seule raison pour laquelle il s’était avancé jusqu’à la scène ? Je me mettais à sa place et, pour moi, la réponse me semblait être non. Je pense. Il ne m’était jamais venu à l’idée de venir donner des conseils à quelqu’un ainsi, sans raison. Enfin, bien sûr, il avait sans doute envie de m’aider, de me réconforter mais cela suffisait-il pour aborder quelqu’un ? Ou alors avait-il pris ces conseils comme excuse pour venir me parler ?
Il me sourit et, avec un air très naturel et surtout très sincère me confiait que j’étais une bonne danseuse et que je devrais m’en sortir. Je souris malgré moi, baissant mon regard sur mes vieux chaussons.
« Merci… »
Et après ce léger rayon de soleil dans la conversation, où on avait pu sentir un confort entre nous, un voile de tension nous écartait de nouveau. L’homme recula de quelques pas, sans doute prêt pour le départ. Et je le regardais dans ce court silence. Lentement, je le voyais faire volte-face pour partir. Je lui reposais alors rapidement une nouvelle question, comme pour retarder justement ce moment où il s’éloignerait.
« Vous dansez ? »
Il semblait bien s’y connaître en danse et mieux encore, il semblait connaître l’envers du décor, les menus détails. Et en général, les gens capables de faire ça l’avaient vécu eux-mêmes. Si ce n’était plus d’actualité, certainement l’était-ce avant.
« Ou vous dansiez avant, non ? »
Je plissais les yeux pour voir les traits de son visage dans l’obscurité. Je jetais un regard vers l’arrière de la salle. Personne ne m’attendra de toute manière et je n’avais rien laissé dans le vestiaire. Je pouvais partir directement. Je descendais les cinq marches qui me séparaient du public, toujours en chaussons. Ainsi au même niveau que lui, je me rendais mieux compte encore de sa grande et forte stature. Je levais mes yeux vers lui. Il fallait encore que j'enlève mes chaussons avant de partir...
« Vous m'attendez? »
Je pliais déjà une jambe pour tenter de défaire les rubans de mon chausson d'une main malhabile et gagner quelques secondes, jouant l'équilibriste avant de poser mon autre main sur le dossier d'un fauteuil.
@ Billy Lighter
Contenu sponsorisé
Sujet: Re: Prima ballerina - PV AMBER
Page 1 sur 1
Prima ballerina - PV AMBER
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum