Le Canter's Deli, sur North Fairfax. C'était un restaurant ouvert 24h sur 24. C'était génial parce que, quand The Lightening finissait un concert au Ginger ou dans les alentours, on s'y retrouvait ensuite pour manger un bout. C'était un des seul moment qu'on passait vraiment en groupe, tous ensemble. même Billy était présent.

Je connaissais très bien le gérant et pour cause: j'étais un grand ami de son fils avec qui j'avais fait quelques coups. Et à l'adolescence, j'avais été engagé par son père pour travailler dans le resto pendant mes temps libres. Qui, vu que je séchais tout le temps, ne manquaient pas. C'est quand j'ai commencé à jouer de la guitare que j'ai quitté cet "emploi". En effet, à ce moment-là, j'eus beaucoup moins de temps libre.

Ce soir, Billy ne se sentait pas de sortir, l'enregistrement approchait et ça le rendais nerveux au possible. Quant aux autres, ils avaient encore du mal à se remettre de leur cuite de l'après-midi. Moi, ça allait, mais j'avais faim.

J'avais donc quitté l'appartement de notre batteur, puisque ces temps-ci, je voyageais entre chez lui et chez Billy, pour me rendre au Canter's Deli. C'était pas un resto grand luxe, mais on y mangeait très bien.

J'entrai, il y avait énormément de monde, comme à chaque fois. Mais la plupart des gens présents étaient musiciens, artistes, acteurs... Tout des gens qui n'avaient pas le temps et encore moins l'envie de se préparer à bouffer. Il y avait aussi des managers qui donnaient rendez-vous à leurs protégés ou machines à fric...

Je me dirigeai vers les cuisines et passai dire bonjour à tout le monde. Je devais puer l'alcool parce qu'on avait pas arrêté de picoler de l'après-midi, mais au moins, je tenais sur mes jambes. Une fois que j'eus fait le tour, mon pote, Mark, me désigna une table un peu à l'écart et me demanda ce que je voulais manger.

-Un burger, beaucoup de ketchup et du coca.

Je lui souris et allai m'installer, mettant mes lunettes de soleil parce que les spots qui diffusaient de la lumière dans le resto me faisaient mal aux yeux.

Le soir était tombé et j’étais toujours affairé à mettre mes papiers en ordre. J’avais mis un fond de musique afin de me détendre. La station de ma petite radio était branchée sur la station classique rock où il passait beaucoup de rock britannique. Cela me détendait d’entendre l’accent de mon pays sur certaines chansons. Je me demandais, parfois, si je ne devenais pas un peu trop nostalgique. Envoyer une lettre à ma mère arrangera peut-être les choses.

Quand tous mes papiers furent en ordre je regardai l’heure à ma montre. Il était bien trop tard pour encore traîner ici. J’éteignis la radio et sortis des locaux de MTI. Comme j’étais venu à pied, c’est donc à pieds que je repartis dans les rues de Los Angeles. Les Américains que je croisai étaient tous chaudement habillé. Moi, je n’avais point froid étant donné l’habitude que j’avais gardé du climat anglais bien moins clément que celui-ci. Je marchai d’un pas assuré, souhaitais le bonjour aux passants qui daignaient me regarder. C’était, pour moi, une règle élémentaire de politesse dont beaucoup passaient à côté.

Je ne m’arrêtai qu’en voyant l’enseigne du Canter’s Deli. En effet, il était tard et loin de moi la motivation de me faire à manger. Et je n’avais ni épouse, ni personne pour m’accueillir avec un repas chaud quand j’allais rentrer chez moi. J’optai donc pour l’idée de manger ici. De plus, je connaissais assez bien cet endroit pour savoir que la nourriture qu’il faisait était d’une qualité suffisante pour m’apporter satisfaction.

J’entrai dans l’établissement. Il y avait beaucoup de monde, cela semblait être l’heure de pointe. Il y avait quelques personnes que je connaissais car ils travaillaient à MTI. D’autres que je n’avais jamais vus de ma vie. Il faut dire, que la dernière fois que j’étais venu ici c’était à l’heure de midi. C’était un jour où j’avais donné rendez-vous à un de mes protégés afin que nous discutions tournée tout en mangeant.

Je considérai toutes les tables avant de repérer Cash Izbel assis, seul, à une table mise plus à l’écart. Il avait ses lunettes de soleil chose curieuse à l’intérieur d’un bâtiment. Je savais que Lenny essayait de lui parler depuis quelques jours. A vrai dire, Lenny s’inquiétait beaucoup pour son groupe et les histoires de Cash avec la drogue ne le rassurai guère.

Je décidai de le rejoindre afin de lui tenir companie et peut-être savoir s’il se portait bien. Je tapotai sur son épaule afin de lui faire part de ma présence afin de ne pas le surprendre.

-Bonjour, Cash. Comment vas-tu ? Cela te dérange si je m’assois à ta table?

Je me devais de lui demander avant de m’incruster. C’était la moindre des choses. Je ne pouvais pas m’immiscer à sa table sans lui demander son avis.

Je sursautai en sentant quelqu'un poser sa main sur mon épaule. Je n'avais pas l'esprit tranquille ces temps-ci. Avec Lenny qui me courait après et que je n'avais pas envie d'entendre. Avec Billy qui m'en voulait encore un peu pour les murs de chez MTI. Je me tournai vers la personne qui m'avait foutu les jetons. C'était Evans.

J'avais jamais parlé à Evans. C'était un manager anglais qui gérait notamment les Burning Fire. Il était grand, plus grand que moi, fin et clean. Plus clean que n'importe qui que je connaissais. Je le regardai à travers mes lunettes de soleil, la bouche à moitié ouverte.

-Ooh... Ouais... Non... Ca me dérange pas trop.

Il m'avait demandé si ça allait. J'eus un sourire contri... Je savais pas vraiment comment j'allais. en plus, il devait savoir pour ce qui s'était passé chez MTI.

-Je vais pas mal. On va bientôt enregistrer.

Mon pote mark revint avec mon burger, un coca et beaucoup de ketchup. Je lui souris, le remerciai. Et reportai mon attention sur Evans qui commandait ce qu'il voulait à manger. Il avait des manières qui me rappelait un peu celles de cette photographe que Billy avait engagée. Putain, ça m'énervait... Alors que ça m'avait jamais fait cet effet-là avant. Il fallait dire que cette fille avait gâché ce qui aurait pu être un très bon moment avec Billy. Le genre de truc qu'on aurait pu raconter quand on serait vieux, à 40 ans, dans un livre retraçant nos vies.

Je pris mon burger et mordi dedans. Ca changeait des paquets de chips chez Billy et des bières-vodka chez notre batteur.

-Je savais pas que tu venais manger au Canter's Deli...

Et si j'avais su, je serais pas venu. C'était pas le moment pour moi de croiser des gens de chez MTI.

-Dit... Tu connais cette fille qui fait des photos chez MTI?

J’avais fait sursauter le jeune rockeur. Peut-être mon approche était-elle un peu trop brusque. En tout cas, mon intention première n’était pas de lui faire peur, au contraire. Son sursaut était peut-être signe qu’il était dans la lune et que je venais de le ramener à la réalité.

Je ne le dérangeais pas. Enfin, plutôt, je ne le dérangeais pas trop. Je me risquai à lui demander des nouvelles tout en m’asseyant en face de lui. « Pas mal » c’est le terme qu’il employa pour me définir comment il allait. Ce n’était ni bien, ni mal… Impossible, donc, de savoir s’il allait plus bien que mal. L’enregistrement de leur album était proche et ce que me disait Cash à l’instant je l’avais appris par Lenny.

-C’est très bien ça. Je suis sûr que l’enregistrement ira vite.

Je ne connaissais pas très bien Cash. Je n’avais, d’ailleurs, jamais parlé avec lui. Je savais juste ce que racontaient les autres sur lui. Beaucoup de gens l’aimait malgré son côté un peu gamin.
Son repas arriva… Et quel repas ? Une chose ignoble typiquement américaine : un hamburger bourré de ketchup. Une pure horreur… Comment pouvait-on apprécier ça ? Je fis une mine dégouté en regardant le plat de Cash. Le serveur me demanda alors ce que je désirais commander. Je pris un steak avec une petite salade et un verre d’eau. Je regrettais amèrement les plats typiquement anglais que faisait ma mère… Les américains, eux, mangeaient vraiment n’importe comment…

Quand ma commande fut prise, je reposai mon attention sur Cash qui ne m’avait, apparemment, jamais vu ici.

-Si j’y viens de temps à autre, quand j’ai fini tard ou quand j’ai un rendez-vous d’affaire qui tombe à midi. C’est un peu le repère de pas mal de managers de MTI.

C’est bizarre comme je sentais une certaine tension dans la voix de Cash. Comme du reproche. Je n’arrivais pas à déterminé si c’était à cause de moi, si c’était la faut d’une cause extérieur ou si, simplement, je me trompais.

Il me posa alors une question à laquelle je ne m’attendais pas du tout. La photographe, il ne pouvait s’agir que de la jeune Eileen Kramer. Celle qui était maintenant la photographe de The Burning Fire. Il n’y avait qu’elle comme femme photographe à MTI, donc difficile qu’il s’agisse de quelqu’un d’autre.

-Hé bien… Oui je la connais, c’est moi qui l’ai engagé pour qu’elle s’occupe des photos de The Burning Fire. Elle est pleine de talent ! Une vraie perle anglaise !

Je marquais une pause. Cela faisait beaucoup de compliments, mais cette jeune femme les méritait amplement. Elle était comme moi, elle avait fait son chemin toute seule jusqu’ici.

-Pourquoi cette question ? Vous vous êtes rencontré ?

Evans avait l'air complètement dégoûté par mon hamburger. Je ne comprenais pas pourquoi... Les hamburgers du Canter's Deli étaient les meilleurs du monde! Il faisait même du bien à mes yeux et me donnait faim rien qu'à le regarder. Mark pris alors la commande du manager anglais. Et je le regardai, interloqué, de derrière mes lunettes de soleil. Du steak, ok, c'était très bon le steak. La salade, j'étais pas sûr de me rappeler exactement ce que c'était et l'eau... L'eau ça avait pas de goût.

Evans assura qu'il était sûr que l'enregistrement irait vite. C'était sans compter sur Billy, ça. Bien sûr que ça pouvait aller vite, si on se tenait à ce qu'on voulait faire. Les chansons, on les avait. Il restait des détails à régler, évidemment, mais le principal était là. Le tout, c'était qu'on ne soit pas trop bourrés, que je ne replonge pas, et que Billy se pointe aux enregistrement. Et tout ça, par contre, c'était pas gagné.

-Ouais... Les chansons, on les a...

Je retirai mes lunettes et frottai mes yeux par derrière mes boucles de cheveux. Ce n'était pas la première fois qu'Evans venait au Canter's Deli. Normal, il y venait plus ou moins pour les mêmes raisons que nous. C'était ouvert 24/24h. J'approuvai de la tête et sourit. Le manager me mettait peu à peu en confiance, en fait. Certes, il ne m'en fallait pas beaucoup. Mais je préférais l'avoir lui en face de moi que Lenny.

-Tu devrais essayer les hamburgers. Je te jure, c'est ce qu'ils ont de meilleur!

Du coup que j'étais plus en confiance, j'osai lui parler de Eileen. J'avais eu une mauvaise impression sur elle dès le début... Et quand c'était comme ça, j'avais vachement du mal à changer d'avis. Mais ce n'était pas tellement à cause de son style snob, de ses manières ou du fait qu'elle nous ait dirigé un peu de façon stricte en faisant les photos... C'était plutôt parce que pendant quelques minutes, sa présence avait dressé Billy contre moi. Je n'avais même pas conscience que ça pouvait être mon propre comportement qui avait pu provoquer sa colère.

Et Evans, calmement et même fièrement, m'expliqua que c'était lui qui l'avait engagée. Une vraie perle anglaise? Ah ouais? Ben les perles faisaient pas chier, que je sache. Elle avait peut-être du talent, pour moi, elle pouvait tout aussi bien rentrer dans son château en Angleterre.

Evans demanda si on s'était rencontrés. D'un air renfrogné, je commençai par dire.

-Et ben qu'elle reste avec The Burning Fire...

Avant de soupirer et de continuer. Je détestait en vouloir au gens. Ca m'arrivait que rarement. Mais j'avais la réaction d'un gosse à qui on avait toujours tout laissé faire, ce qui était le cas, et à qui on avait soudain assigné une nounou bien trop stricte.

Voyant que Timmy gardait une expression interrogatrice sur le visage, je décidai de me confier à lui. A qui je pouvais le faire d'autre? Hormis Billy qui n'était pas d'accord avec moi sur ce point?

-Ouais, à MTI.

On allait sans aucun doute retombé sur le coup de la peinture, mais de toute façon, tout le monde savait maintenant que c'était moi et j'en avais rien à foutre puisqu'il n'y avait pas eu de conséquence. Comme d'hab... Comme quand j'avais balancé la télé par la fenêtre de l'hôtel en tournée ou que j'avais détruit une autre chambre...

-On voulait s'amuser et elle... Ben... C'est une...

Nooon... Je ne pouvais pas dire ça... Surtout devant le manager anglais qui avait engagé la jeune femme.

-Elle rigole pas quoi... Elle aurait un peu besoin de se détendre, si tu vois ce que je veux dire.

Sur ce, je bu une grande gorgée de mon verre de coca avant de prendre mon hamburger à pleine main pour en mordre une bonne bouchée...

Le ketchup dégoulinait de tout les coins du hamburger de Cash. Je me demandais bien s’il était possible de manger pareille chose sans se salir l’intégralité de ses mains. Cela me paraissait du domaine de l’impossible.

J’essayai d’oublier cet ignoble hamburger pour me recentrer sur le guitariste de The Lightening. L’enregistrement n’avait pas encore démarré pour eux, mais ils avaient déjà les chansons. C’était déjà une très bonne chose de mon point de vue et je l’encourageais d’un sourire alors qu’il retirait ses lunettes de soleil.

Nous n’allâmes pas plus loin dans cette conversation sur les enregistrements. J’espérais que tout irait pour le mieux pour Cash et son groupe. C’est là que ce dernier mon conseilla le hamburger. Je fis une mine très dégoutée.

-Non merci, je ne raffole pas de la cuisine fast-food.

Cela partait d’une bonne intention de sa part j’en étais sûr. C’est bien pour cela que j’accompagnai mon dégoût d’un sourire envers le jeune homme. Il me semblait, d’ailleurs, de plus en plus à l’aise ce qui me permettait de l’être moi-même bien plus aussi.

Rapidement, nous en arrivâmes au sujet Eileen. Et quand j’eu finis de lui raconter qu’elle était chez MTI grâce à moi, il me décréta qu’elle se devait de rester chez The Burning Fire. Mon air ravis et fier devint plus interrogateur. Que s’était-il passé pour qu’il pense ainsi ? Je le laissai continuer à parler pour en savoir plus à ce sujet. Apparemment, leur rencontre avait été électrique et ils ne s’étaient pas bien entendu. Cash la trouvait trop sérieuse.

-Hé bien… Je ne pensais pas qu’elle puisse paraître si sérieuse. C’est pourtant une fille, pleine de vie…

Je réfléchis quelques secondes. Pour moi, Eileen était une femme formidable et, d’après les échos que j’avais eu, elle s’entendais très bien avec Kayden James. Et le fait qu’elle ne s’entende pas avec le guitariste de The Lightening m’étonnait amplement.

-Il est vrai qu’elle est sérieuse dans son travail, mais c’est normal, elle fait un travail de précision et elle a besoin de se concentrer. Dans quelle circonstance l’as-tu rencontré ?

Mon plat arriva alors que je questionnais Cash afin d’en savoir plus. Je me faisais un peu l’avocat d’Eileen et j’avais bien des raisons de le faire.

Je pris mes couverts et commençai à découper mon steak afin d’en manger un morceau.

Même si je l'avais voulu, je n'aurais pas pu m'empêcher de me mettre à rire devant l'expression dégoûtée d'Evans. Ca lui faisait vraiment une tête trop fun! Il fallait dire qu'il avait pas une mauvaise bouille et qu'il avait l'air beaucoup moins nerveux que Lenny. Lenny avait un foutu stress contagieux. Ce qui n'arrangeait pas le stress personnel de Billy, ni mon addiction à toute substance qui pouvait me le faire oublier.

Une fois que mon rire fut calmé, je secouai la tête avant d'utiliser ma main pour bouger les boucles de cheveux qui me cachait les yeux et voir mieux mon interlocuteur à l'accent exotique.

-C'est pas si mauvais que ça en a l'air, tu sais...

Comme pour confirmer mes dires, j'avais mordu une nouvelle fois dans mon hamburger tout en écoutant Timmy me parler de sa fabuleuse, magnifique, professionnelle, blablabla, recrue. Ouais, j'avais aucun d'oute qu'elle faisait sûrement de très belles photos. Bien qu'on avait pas encore vu les résultat de ce que le shooting avait donné, mais bon... Fallait se détendre aussi, parfois...

Je relevai la tête de mon assiette quand Timmy me demanda les circonstance de notre rencontre et je failli m'étrangler avec ma bouffe. Il n'était pas au courant ou quoi? Il avait pris des vacances en Antarctique? Parce qu'il fallait au moins aller jusque là-bas pour ne pas savoir que j'avais foutu le bordel à MTI... Un bordel malheureusement avorté.

je toussai quelque fois avant de pouvoir lui répondre... Mais j'allumai une clope avant. Clope, burger et coca, j'aurais été au paradis si la conversation avait tourné autour de la musique...

-Heu... Ben... Billy s'était planifié une séance photo au building de MTI. Comme on avait parlé de repeindre les murs, je me suis pointé avec Ruby, tu sais... Ruby?

Je l'interrogeai brièvement du regard avant de continuer. Je ne savais pas s'il connaissait Ruby...

-Enfin, c'est pas grave, on s'en fout, c'est une de nos groupies quoi. Et on a un peu taggué les murs de MTI... Mais tu dois savoir ça déjà... Et Billy et la photographe l'ont mal pris. Et alors Billy m'a envoyé son poing dans la gueule. Et l'autre fille a commencé à nous commander pour continuer le shooting.

Quand j'étais lancé, j'arrêtais plus... Et je disais ce qui s'était passé sans aucun complexe, persuadé que ce que j'avais fait n'était rien de mal. Et c'était vrai en fait: quelqu'un était mort? Non. Alors ce n'était pas mal.

Je posai ma clope en équilibre sur mon verre de coca. Je pris une nouvelle bouchée de mon hamburger, faisant gicler du ketchup partout. Puis j'attrapai une serviette pour vaguement m'essuyer les mains tout en regardant toujours Evans.

-Bref, c'était pas marrant, putain.

Cash me disait tout le bien qu’il pensait des hamburgers américains, décrétant qu’ils n’étaient pas si mauvais. Il en faisait la pub mais sans vraiment réussir à me convaincre. Le ketchup dégoulinant de toutes parts ne me donnais guère envie d’en manger le moindre morceau. Je souris quand il rigola de ma mine dégoûtée. En même temps, je l’étais réellement…

Ensuite, c’était mon tour de faire de la pub. Je montrais tout le bien que je pensais d’Eileen en mettant en avant les aspects les meilleurs de sa personnalité. Une femme dynamique, travailleuse et motivée avec un don certain pour l’art.

J’eus l’impression que ma question sur les circonstances de leur rencontre étonna considérablement le jeune guitariste. Apparemment ce n’était pas des circonstances anodines, ce qui me donna encore plus envie de les savoir. Je dus attendre que Cash allume sa clope avant d’entendre finalement toute l’histoire.

Je le laissai parler jusqu’au bout en appréciant le plat que le serveur venait de m’apporter. C’était une histoire de peinture, de séance photo et de Ruby. Il me demanda d’ailleurs si je la connaissais et je fis un léger « non » de la tête. C’était une groupie… Il me raconta la fin de son histoire que j’avais parfaitement suivit malgré que le guitariste parlait plutôt vite.

Etonnant que je ne sois pas au courant de cette histoire… Peut-être parce que c’était rare quand j’écoutais ce qui se disait dans les couloirs quand ça ne concernait pas nos rivaux. Il était vrai que j’avais bien entendu une histoire de mur souillé mais je ne pensais pas que ça impliquait The Lightening et Eileen. Si j’avais su j’y aurais prêté plus ample attention.

-Je vois… Je ne savais pas que c’était vous les responsables du saccage de murs.

J’esquissai un sourire. Je détestais ces tristes murs blancs, les voir d’une autre couleur devait donner bien mieux si, et seulement si, les couleurs étaient choisies avec goût.

Mais je voyais bien que j’avais du pain sur la planche. Je me voyais mal laisser Cash et Eileen dans une guerre non dite. Il fallait, pour cela, que je fasse voir les choses à Cash dans un angle différent.

-Je comprends que tu n’as pas trouvé ça drôle… Surtout si ton chanteur ne te soutenait pas.

Je bus un coup de mon verre d’eau avant de reprendre.

-Mais il faut comprendre Eileen. Elle était là pour travailler et ça l’a probablement ralentie ou agacée que tu viennes ainsi t’incruster même si tes intentions étaient de t’amuser.

Je comprenais le point de vue de Cash. Après tout, il avait quand même reçu un poing de Billy dans la figure dans cette aventure…

-Ca va entre toi et Billy ?

Le problème était peut-être là aussi qui sait… Il fallait que je fasse réfléchir le guitariste et j’étais un as pour faire réfléchir les gens. J’avais raté ma vocation de psy !

Je voyais bien que Timmy essayait de me convaincre qu'Eileen n'était pas juste une snob avec un bâton dans le cul qui rigolait jamais. Mais j'étais à peut près autant convaincu de ça qu'Evans du fait que les hamburger était très bon. Preuve que ce n'était qu'une question de point de vue. Et je pouvais parfaitement comprendre qu'Evans apprécie beaucoup Eileen puisqu'ils étaient tous les deux sérieux dans leur travail, avec ce style anglais un peu hautain. Quoi que j'apprendrais peut-être, avec le temps, à connaître la jeune photographe comme j'avais appris à connaître le manager dont je savais qu'il pouvait s'amuser quand il voulait. Même s'il restait toujours dans les limites de l'acceptable et était d'une politesse à toute épreuve.

Je hochai la tête à ses dires, donc, mais avec une expression sceptique sur le visage. Mouais... Peut-être. Là n'était pas mon réel problème en fait. Mon vrai problème, c'était Billy. Timmy fit donc le lien entre nous et la nouvelle déco de chez MTI. Je ne pu m'empêcher de sourire, parce que quelque part, j'étais quand même toujours un peu fier d'avoir foutu le bordel là-bas, même si je m m'étais attendu à faire encore plus de "dégâts".

-Ouais... C'est nous... Enfin moi. Billy veut que je dise que c'est moi.

Et Evans d'en remettre une couche en disant qu'il fallait que je comprenne Eileen, bla bla bla fuck, bla bla bla... Ouais, ok, j'avais compris la première fois, mec. ne l'écoutant plus vraiment, je repoussai mon assiette vide et posai ma tête entre mes bras croisés sur la table. Je m'incrustais où je voulais, d'abord. Il était pas marqué le nom d'Eileen sur la porte de la salle de repos de MTI!

Puis vint la question qui me fit relever la tête et regarder Timmy dans les yeux, d'un air un peu moins vague que je n'aurais voulu le faire croire. Quelques secondes passèrent, lourdes, avant que je ne réponde franchement.

-Je suis pas encore retourné chez Billy depuis ce jour-là... J'ai peur d'y aller... Il m'en veut à mort, tu sais. J'ai tout fait pourtant mais avec Ruby...

Ouais. Ce que j'avais essayé aurait pu marcher si Ruby ne m'avait pas roulé une pelle pendant le shooting. Ou alors, si au moins Billy avait partagé son histoire avec Ruby avec moi, s'il m'avait mis au courant, j'aurais pu peut-être réagir autrement.

-Toi, t'es un peu amoureux d'Eileen, non?

Ok. Un: c'était une question indiscrète, mais j'en avais rien à foutre. Deux: C'était une bonne diversion. Trois: cette histoire de Billy me stressait au plus haut point et je sentis mon hamburger se tortiller dans mon estomac.

J’avais une forte impression que Cash était sceptique sur ce que je lui disais sur Eileen. Je faisais pourtant de mon mieux pour montrer à quel point la jeune photographe n’était ni coincée, ni snob, ni même hautaine. Autant de qualificatif que beaucoup de gens me donnaient aussi. Cela ne devait pas être facile tout les jours pour la jeune anglaise.

J’eu la confirmation de Cash que c’était bien lui qui avait repeint quelques murs à MTI. Enfin lui et Billy mais le jeune chanteur voulait que la faute revienne entièrement à Cash. L’état de leur relation était plus qu’inquiétante surtout qu’apparemment Cash avait peur de parler à nouveau à son chanteur…

Il avait finit son ignoble hamburger alors que je n’étais même pas à la moitié de mon plat bien plu goûteux.

-Hé ben… Peut-être lui parler et mettre les choses à plat afin de régler tout… Je sais que Billy n’est pas facile à vivre mais je pense que tu ne risques rien à lui parler.

La fille dénommée Ruby semblait aussi faire partie du problème mais je n’avais pas de données suffisantes pour aider efficacement Cash… Il me fallait lui poser plus de questions mais il me prit de court en me posant une question hautement personnelle. Je m’arrêtai net de manger et regardai Cash sans vraiment le regarder avec un air un peu décontenancé. Je n’avais rencontré Eileen qu’une seule fois et j’appréciai la compagnie de cette jeune femme. Mais de là à parler d’amour c’était un peu excessif.

-Hé bien…

J’étais rarement du genre à hésiter mais là c’était la surprise qui me faisait hésiter car je ne m’attendais pas du tout à pareille question.

-Eileen est une amie. Je n’en suis pas amoureux. Nous avons beaucoup de points communs et il est normal que j’en parle positivement.

J’esquissais un sourire très peu sincère mais suffisamment pour qu’il le paraisse pour Cash. Il me fallait changer de sujet. J’avalai un coup d’eau avant de reprendre.

-Quel est le problème avec cette Ruby ? J’aimerai vraiment t’aider dans ton conflit avec Billy et il me faut donc toutes les données...

Changement de sujet réussit. Enfin je l’espérai…

J'avais déjà fini mon hamburger que Timmy n'en était qu'à la moitié de son steak. Bordel, ça allait refroidir, fallait qu'il accélère! Mais il n'avait pas l'air de vouloir se presser, me parlant plutôt de Billy et plus il parlait, plus j'avais les yeux écarquillés. Quoi?! Mettre les choses à plat? Avec Billy??? Il était fou, lui.

-Heu... T'as déjà vu l'état de Lenny? Lui, il met les choses à plat avec Billy. Je ne veut pas devenir gros et cardiaque!

Et surtout, j'avais, au fond de moi, une peur bleue de faire du mal à Billy. J'étais peut-être le seul mec sur cette foutue planète à savoir à quel point Billy, derrière ses airs de rebelle et de macho, était fragile. Et je ne serais pas celui qui lui ferait encore plus mal qu'il n'avait déjà. Pas consciemment.

Je détournai donc la conversation sur la photographe. Histoire de changer de sujet. Et ça marcha! En plus, il avait l'air perturbé M.Evans! J'avais fait hésiter un des managers les plus sûr de lui de chez MTI! Et j'étais tellement fier que je ne pu m'empêcher de sourire. Puis finalement il trouva une réponse. Toute dans la correctitude politessique dont ces anglais pouvaient faire preuve évidemment...

Beaucoup de point commun, pas amoureux pour longtemps... Pfff encore des longs discours pour ne rien dire. Je croyais entendre Eileen. Il avait été perturbé, non? S'il avait été sûr, il aurait pas hésité et aurait répondu un truc du genre "Non, je m'en fous.", non? Mais il changea de conversation et revint sur Billy... Et Ruby... Ok, mec. Tu veux jouer? On va jouer.

-Toutes les données. Je comprends même pas tout moi-même... Billy est un jour content, un jour pas, même si je fais le même truc... Et là, Ruby m'a roulé une pelle et puis il a complètement explosé...

Je n'avais aucune idée des liens qui unissait Billy et la groupie. Même encore maintenant. Personne ne m'avait rien dit. Ni Billy, ni Ruby... Ni personne. J'étais tout seul dans un gros bordel que je ne comprenais qu'à moitié.

A mon tour de changer de conversation. Il voulait me retourner pour m'entuber, d'accord, mais fallait que le plaisir soit partagé, sinon, ce n'était pas marrant.

-Ouais ouais... J'ai mal posé ma question, d'accord... Alors t'as envie de te la faire, Eileen, ou pas?

Je rigolai. Je me foutais un peu de la réponse en fait. Quoi que, ça pouvait être marrant et puis Eileen semblait en avoir besoin. Non, ce qui m'intéressais, c'était le contraste entre lui et moi, dans toute notre attitude, de la façon de parler jusqu'à celle de passer nos mains dans nos cheveux.

Cash me faisait rire. Il n’osait pas mettre tout à plat avec Billy afin de ne pas devenir comme son manager. Il était vrai que Lenny était un homme stressé et m’avait mainte fois avoué ne pas trop savoir comment s’y prendre avec le jeune Billy. Et Cash était dans la même galère.

Mettre les choses à plat avec son chanteur n’allait donc pas être au programme et je ne connaissais pas assez Billy pour pouvoir aider plus Cash. C’était quand même bien dommage qu’un guitariste ait tant de mal à communiquer avec son chanteur. Je n’osais pas vraiment imaginer ce qui se serait passé si j’avais été manager de The Lightening. Peut-être aurais-je trouvé un moyen que tout se passe au mieux. Ou alors cela aurait été pire qu’avec Lenny. Je n’avais aucune idée de comment je m’y serais pris avec de pareils spécimen.

J’avais détourné la conversation vers autre chose que la jeune photographe, Eileen Kramer. Pas que je n’aimais pas parler d’elle, au contraire. Mais les questions que Cash me posaient n’était que trop personnelle et je détestais paraitre déstabilisé. J’avais, donc, redirigé la conversation vers les problèmes de Cash. Il ne savait pas lui-même ce qui s’était passé. Ce n’étais pas vraiment étrange vu le manque de communication qui semblait il y avoir au sein de The Lightening. Mais je découvrais désormais à quel point cela était néfaste pour le groupe.

-J’aimerai beaucoup t’aider. Mais je pense que le mieux est de voir où se trouve le véritable problème. Peut-être que discuter avec les autres membres de The Lightening t’aiderai. Et parler à cette Ruby aussi, elle a peut-être des données que tu n’as pas.

Je ne voyais pas vraiment comment l’aider plus. Et, alors que je croyais qu’il allait me parler plus amplement de son conflit, il me posa une question d’une manière tellement vulgaire que je faillis m’étrangler avec un morceau de mon steak. Je le regardais d’un air légèrement choqué. En fait, je l’étais et il m’avait complètement déstabilisé. Ce n’étais pas mon genre de m’énerver. D’ailleurs, je n’étais pas énervé, juste choqué.

-Je ne dirais pas les choses ainsi…

Je marquais une pause, essayant de trouver les mots approprier pour expliquer les choses de manière simple à Cash.

-Je n’ai vu Eileen qu’une seule fois. C’est une femme intéressante et, comme je te l’ai dit, il s’agit d’une amie. Je ne veux, en aucun cas, vulgairement « me la faire ».

Ce n’était pas du tout les mots approprié pour expliquer les sentiments qui me liaient à Eileen. Je la considérais comme une amie qui partageait beaucoup de points communs avec moi. Je repris contenance et affichait un petit sourire.

-Qu’essayes-tu de me faire dire, Cash ?

J’avais, enfin, terminé mon steak.

Je ne répondis pas à ses conseils en ce qui concernait The Ligtening, Billy, Ruby, moi... Parce qu'en plus, il ne faisait que se répéter: parler avec Billy, parler avec Ruby. Je n'avais aucune envie de parler. Ma guitare parlait pour moi sur scène et c'était tout ce que je voulais. Je ne voulais pas expliquer pourquoi j'avais repeint les murs de MTI, je ne savais pas moi-même pourquoi je l'avais fait, j'en avait juste eu envie. Je n'avais pas envie de dire à Billy que je n'avais pas aimé embrasser Ruby, parce que ce n'était pas vrai et que pourtant, ce serait certainement ce qu'il voudrait m'entendre dire. Je n'étais pas un diplomate. J'étais un putain de musicien.

Ce qui m'intéressait plus, c'était sa réaction à ce que je venais de lui demander. Et ça valait le coup! Encore un meilleur effet qu'avec la première question. Je m'écroulai de rire sur la table! Je pariai que personne n'avait jamais vu le discret et élégant Timmy Evans faire cette tronche-là. Et ça dura en plus, avant que ses idées se soient suffisemment remises en place pour pouvoir formuler une réponse compréhensible.

Je relevai la tête, rigolant toujours à moitié, pour écouter sa réponse. Et c'était repartit... Je l'écoutai sans faire un commentaire, écrasant mon mégot dans le cendrier avant de rallumer une nouvelle clope, en le regardant dans les yeux. Enfin plus ou moins parce que mon regard n'était jamais vraiment fixe. Je m'adossai simplement sur ma chaise, me mettant plus à l'aise, ayant plus de contenance, un peu comme un roi satisfait sur son trône.

Et même si Evans semblait vouloir reprendre contenance en me posant une autre question avec un petit sourire en coin, j'avais toujours l'impression que c'était moi qui avait le contrôle. C'était une facette de ma personnalité qui ne se manifestait que rarement. Comme quoi, il n'y avait pas que Billy qui était "fucked up". J'étais 80% du temps à côté de mes pompes. Les 20 autres %, j'étais un peu manipulateur.

-Je voulais te faire dire "oui" ou "non". Tu n'as dit aucun des deux. Vous les anglais, vous parlez beaucoup pour essayer de noyer ce que vous ne voulez pas dire sous les mots.

Je me penchai en avant et repris ses mots, conscient tout doucement que je prenais plaisir à jouer. Et au fond de moi, quelque chose se débattait, refusant ce plaisir.

-"Je ne veux, en aucun cas vulgairement me la faire"... Ok, tu peux très bien te la faire élégamment si tu veux. Ca revient quand même à te la faire, j'ai pas besoin de te faire un dessin.

Je me radossai à ma chaise, inspirant une grande bouffée de ma clope. Mon coeur palpitait d'excitation à l'idée de tenir Evans en échec. Même si je savais qu'il ne tarderait pas à reprendre le dessus. Il avait quand même plus de tchatche que moi. C'était un manager, j'étais un guitariste, et j'étais loin d'être à la hauteur à ce jeu-là. C'était probablement pour ça que j'appréciais d'autant plus chaque seconde.

Et c'était un jeu auquel je n'aurais jamais voulu jouer avec billy...

Le rire de Cash commença à s’élever alors que je peinais à répondre à sa question. J’étais un rien gêner car je détestais rester sans réplique. J’essayai donc d’expliquer, au mieux, à Cash ce qu’il en était de moi et la jeune photographe anglaise. Pourtant, lui semblait vouloir me faire dire des choses qui n’étaient pas forcément vraies. Cela me rappelait quand j’étais plus jeune et que j’avais une amie du sexe opposé. A chaque fois on m’avait fait le coup de : « Timmy à une petite amie ». Ne pouvait-on pas avoir un amie sans pour autant que cela aille plus loin ?

Je regardais le jeune guitariste rire jusqu’à ce qu’il finisse par reprendre un certain sérieux. Si le mot « sérieux » pouvait vraiment le définir. Il me semblait qu’il reprenait une certaine contenance. Pire, il affichait, même, un sourire satisfait. Lui qui semblait si perdu au tout début de notre conversation.

Il mit en cause ma trop grande politesse en la mettant en relation avec le faite que je ne lui avais pas répondu « cash ». Mais il n’y avait pas vraiment de réponse « cash » à faire… Il me fallait expliquer au jeune guitariste quel était ma relation avec la jeune Eileen. Après tout, j’étais, en quelques sortes, son patron. Il ne fallait donc pas tout mélanger.

Il répéta l’un de mes phrases expliquant que je pouvais éventuellement me la faire « élégamment ». Heureusement que cela faisait un moment que j’étais aux Etats-Unis je commençais à m’habituer à leur façon de s’exprimer aussi vulgairement que cela soit. Je lui souris tout de même. Ce guitariste jouait avec moi. Bien…

-Se la faire… C’est un peu vulgaire comme terme… Il n’y a aucun amour dans ces trois mots… J’aurais plutôt dit : « est-ce que Miss Kramer te plait ? » Quelque chose dans ce style. Là j’aurais peut-être répondu par « oui » ou par « non ».

Mon sourire se faisait un peu sarcastique. J’attrapai mon verre d’eau et je le bus entièrement avant d’interpeller un serveur afin de lui demander de m’amener un Scotch. Je regardais toujours Cash.

-Et puis, pourquoi tiens-tu tant à savoir si je veux « me la faire » ? Elle est sur ton tableau de chasse Mister Izbel ?

Je savais bien qu’il allait me répondre par la négative vu ce qu’il pensait d’Eileen.

Je rigolai quand Evans m'expliqua, comme à un enfant, comment j'aurais du poser ma question. Je fumais bien tranquille, content de le voir essayer de remonter la pente glissante dans laquelle je l'avais entraîné. J'adorait Evans et mon but n'était pas de lui faire du mal,n d'autant que je le respectais beaucoup plus que Lenny. Mais voir son hésitation, c'était quand même hilarant.

-Si j'avais eu envie de poser la question comme ça, je l'aurait fait. Mais ça laisse beaucoup trop de sous-entendu. Tu aurais pu répondre n'importe comment à "Est-ce qu'Eileen te plait?" sans que ça veuille rien dire de concret. Ma question est beaucoup plus précise.

J'étais un vrai enfoiré si je voulais. Mais je prenais ça plus comme un jeu sans me rendre compte que ça pouvait faire du mal. Mais Evans était loin d'être con et il me retourna ma question. J'enfilai ma veste de cuir que j'avais posée sur ma chaise. Je lui répondit, clope en bouche, sans aucune hésitation.

-Non.

C'était clair, net, concis, précis et tout le bordel. J'étais pas anglais, mais américain. J'étais pas manager, mais guitarsite. Je n'étais pas Timmy, j'étais Cash. Et mon prénom était comme une prédestination, la ligne de conduite de ma vie: je fais ce que je veux, quand je veux.

Une fois que j'eus enfilé ma veste, je remis mes lunettes de soleil. J'avais fini de manger, j'avais plus rien à foutre là.

-Ciao, Evans... On se croisera pendant l'enregistrement, si on le fait un jour...

Je m'en allai, passai près de mon pote Mark pour payer, tailler un coup la causette puis je sortit du restaurant. Bon... Fallait que j'aille voir Billy...

Cash m’expliqua pourquoi il avait posé la question ainsi. Quelque part, il n’avait pas tort. Je pouvais détourner la phrase que je l’entendais. Le jeune Izbel était bien plus réfléchis qu’il n’en avait l’air et bien plus manipulateur qu’on ne le croyait. L’image qu’il montrait dans les médias était une image de débauche et d’innocence. Mais je commençais à douter du fait que Cash ne se résumait qu’à cela.

-En effet, c’était très précis. Mais bien trop réducteur. Je ne peux pas réduire à « oui » ou « non » ma relation avec Eileen Kramer. Moi, mes relations avec la gente féminin sont complexe mon cher Izbel ! Ce qui, d’après ce que je lis dans les journaux, n’est guère votre cas.

Cette conversation courtoise c’était transformée en une sorte de petit match. Comme si on essayait d’avoir l’avantage sur l’autre. Je savais que j’avais bien plus de réplique que Cash. Pour la seule et unique raison que j’étais plus vieux et que j’avais plus d’expérience verbale que le guitariste.

Je lui avais renvoyé la question et il m’avait répondu par un simple « non ». Et, quelque part, j'en était soulagé. Mais je ne dit rien me contentant de sourire au jeune guitariste.

Il enfila sa veste et je compris qu’il allait s’en aller. Il me salua et on se reverra sûrement à l’enregistrement de son album. Peut-être. S’il commençait, disait-il. Hé bien, cela promettait.

-Au revoir Cash.

Il traversa la porte et je me retrouvais seul devant mon plat vide. Je réglai l’addition avant de sortir dans la lumière de Los Angeles.