Je venais de réussir l’audition avec notre nouveau manager. Maria nous avait choisi. Elle n’avait pas hésité. Et c’est à la fois fier d’avoir réussi ce challenge et terrorisé par rapport à l’annonce de son cancer que je me dirigeai vers les studios de MTI. Une partie de mes affaires y était. Et, même si aucune rupture de contrat n’avait encore était signé, je voulais quand même prendre les devants.

The Lightening n’avait plus rien à voir avec MTI. Mes affaires n’avaient plus rien à faire là-bas.

J’aurais dû passer chez Cash parler de tout ça… J’aurais dû aller avec lui chez MTI pour signer les contrats de rupture avec Lenny. Mais ce n’était pas ma priorité. J’avais une semaine pour faire signer les contrats aux membres du groupe. Ça attendra bien ce soir.

Je garai ma Lamborghini devant les studios sous le regard stupéfait de quelques roadies qui fumaient dehors en buvant des bières. Je sorti de ma voiture pour me diriger vers l’entrée des studios.

-Billy… Les autres ne sont pas là, tu sais ?

C’était ce qu’un des roadies s’était risqué à me dire. Je savais que personne n’était ici ! On n’avait prévu aucun enregistrement ! On était trop occupé à délibérer sur qui serait la fille de Be Mine. C’était une guerre fratricide entre Cash et moi. Et Lenny en faisait les frais. Malgré lui.

-Je sais !

Je ne dis rien de plus et entrai dans les studios. Je me dirigeai vers celui réservé à The Lightening. On n’avait pas le plus grand. Le plus grand était réservé à The Burning Fire.

J’allais entrer dans le studio quand de la musique venant d’un autre studio m’interpella. C’était le son très spécial de Papa Mosies. J’adorais cette musique. Aussi mystique qu’avant-gardiste. Quelque chose de très loin de ce que faisait The Lightening. Mois rock n’roll mais plus électrique. Quelque chose qui me fascinait.

J’abandonnai mon propre futur-ex-studio pour rejoindre celui de Papa Mosies. J’étais attiré par le son. Et j’entrai sans hésiter à l’intérieur pour voir le groupe à l’œuvre. Je m’appuyai contre la porte, les bras croisés, bercé par le son électronique du groupe. Le cœur de tout ça était le clavier. Et donc, Elton Grid. Un des types les plus détestables au monde. Je n’aimais pas Grid. Mais j’aimais ce qu’il faisait.

Le groupe remarqua assez vite ma présence. Je n’avais demandé à personne l’autorisation d’entrer ici. Mais c’est la musique qui m’avait appelé. Et j’avais ma carte d’accès à tout.  

@ Billy Lighter

Depuis cette tournée, les Papa Mosies et moi on avait décidé qu'on allait surprendre le public en balançant un nouvel album tellement énorme que tout le monde serait sur le cul. Et, dans cette optique et en tant que leader, j'étais de plus en plus exigeant avec mes gars. Je voulais tirer le meilleur de chacun d'entre eux. Et là, depuis quelques jours, on n'arrivait plus à rien. Et de ce fait, mes crises de nerfs avaient tendance à revenir m'emmerder, ce qui n'avait certainement pas échappé aux gars. Et le pire c'est qu'ils ne m'en voulaient même pas !

J'aurais limite préféré... Mais au lieu de ça ils ont essayé de s'excuser de ne pas être à la hauteur. Ils sont sympas, mais moi je veux des gars qui me disent qu'ils sont les meilleurs et que c'est parce qu'ils sont juste en train de s'échauffer, pas des loques qui me disent "on est désolé". Il paraît que je suis un gros con.

Mais là, c'est pas le moment de se prendre la tête avec ces conneries, on est en répète dans le stud que nous prête MTI. Et ça se passe plutôt bien ! Au moins on sait jouer ensemble, et c'est déjà ça. On joue un de nos vieux morceaux "Women Only" pour se mettre dans le bain, et j'avoue que j'ai un peu la tête ailleurs. Je joue machinalement sans vraiment me concentrer. Je réfléchis à tout un tas de trucs comme le fait qu'à part ce putain d'album en gestation, j'ai rien de mieux à foutre avec le fric et le temps qui me sont offerts par le dest... je veux dire par mon seul talent... Je ne dois rien à personne et certainement pas à la chance.

En tous cas, je n'arrive pas à être à ce que je fais. J'ai l'impression d'espérer un élément inattendu comme pour rendre cet instant un peu plus amusant. Je veux que le hasard me sorte de ma répète monotone et visiblement si peu intéressante à mes yeux.

Comme pour répondre à mon espoir, la porte du stud s'ouvre. Je commence par ne pas regarder qui est entré, faisant semblant de n'avoir rien remarqué. Au bout de quelques secondes, la curiosité se montre trop insistante et je finis par lâcher un regard en direction de la porte... J'y crois pas ! Billy Lighter en personne vient fouler le sol de mon studio ! Je sais très bien qui est ce gars (d'ailleurs tout le monde sait très bien qui est ce gars) et c'est justement là que ça coince. Je vais profiter du léger avantage tactique qu'il vient de me laisser.

J'esquisse un très léger rictus et continue à jouer avec cette fois une volonté dont je ne me croyais plus capable. Je le regarde à quelques reprises, il semble apprécier notre musique. J'aurais sans doute peine à le reconnaître si on m'en parlait mais ça me plait bien qu'il apprécie étant donné le respect inavoué que j'ai pour lui. Le morceau se finit, je lève mes mains de mon clavier et mes yeux vers lui et lui lance d'un ton condescendant :

"Je peux vous aider ?"

LTL

@ Billy Lighter

J’écoutai attentivement la musique de Papa Mosies. Je m’imprégnais de ces sons originaux et sorti de nulle part. J’aimais la nouveauté artistique, qu’il n’en déplaise à Cash. Et Papa Mosies faisait justement ça : des choses nouvelles.

Elton Grid maitrisait le clavier. Il en sortait des sons que je ne pensais pas qu’il était possible de sortir. Et j’avais l’impression que ma simple présence le motivait. Je le voyais dans les regards qu’il me lançait pendant toute sa prestation. Et ce qu’il faisait avec ses touches me donnait envie d’ajouter un clavier à la musique de The Lightening. Quelque chose de moderne. L’avenir du rock. Cette idée m’avait déjà effleuré lors de la dernière tournée. Mais n’avait pas reçu un accueil très chaleureux de la part de mon guitariste.

Cash aimait l’ancien, j’aimais le nouveau. Et ce n’était qu’une divergence parmi tant d’autres.

La musique cessa. Et Elton me regarda plus intensément. Je n’avais pas encore ouvert la bouche. Mais lui le fit d’un ton condescendant. C’est pour ça que je n’aimais pas Grid. Pour cette condescendance. Je respectais la musique. Mais pas l’homme.

-Je ne faisais qu’écouter. Je n’ai pas besoin de ton aide. J’en aurais jamais besoin.

Mon visage était fermé. J’avais les bras croisé et je fixais Grid. De la musique expérimentale et innovante. Mais un caractère merdique. C’est comme ça qu’on pouvait résumer Elton.

Je m’avançai un peu du groupe arrivant à la hauteur des instruments.

-Ta musique est exceptionnelle, Grid. J’aime les sons nouveaux. Et c’est exactement ce que vous faites, toi et ton groupe.

Le reste du groupe était là. Mais c’est à Elton que je m’adressais plus particulièrement. Il dégageait quelque chose. Quelque chose qui le désignait comme leader.

Je ne cachai pas le fait que j’adorais leur musique. Ce n’était pas mon genre. Quand j’aimais, je le disais. Quand je détestais, je le disais aussi.

-Vous allez sortir un nouvel album ?

J’avais le premier. Je l’écoutais de temps en temps.

@ Billy Lighter