Amon Sørensen m’attendait. Il devait se tourner les pouces dans sa salle d’interview, que je connaissais comme ma poche, et il m’attendait. Et il savait que cette fois-ci, je ne laisserais rien passer !

Oui, parce que, lors de ma dernière interview avec Amon, ce dernier avait complètement oublié la grenadine dans mon eau. Je l’avais réclamé à grand fracas dès mon entrée dans la salle d’interview. Mais Amon m’avait dit qu’il n’en avait pas et qu’il ne pouvait pas m’en faire apparaitre comme par magie. Je connais des roadies qui s’en sortaient avec des demandes bien plus pointues que ça ! Ce journaliste n’était même pas foutu de m’apporter un verre de grenadine !

J’avais piqué ma crise. Et j’étais parti laissant Amon sans aucune interview. Je regrettais que L.A.People ne l’ai pas renvoyé après ça ! Tout ce qu’il méritait, pourtant, c’est d’être transféré dans une rédaction du fin fond de l’Afrique !

-Ça ira, Ian ? Tu n’es pas trop stressé ?

Maman conduisait la voiture jusque chez L.A.People. Je regardais par la fenêtre m’impatientant déjà. Je répondis sèchement :

-Non, je ne suis pas stressé. Je ne suis jamais stressé, maman, tu le sais.

C’est Amon qui devait l’être. Et maman, un peu, aussi parce qu’elle stressait à chaque fois à ma place.

-C’est vrai, mon chéri, excuse-moi…

On arriva enfin devant chez L.A.People et je m’exclamais positivement quand la voiture s’arrêta. Ma mère se retourna vers moi et posa un bisou sur ma joue.

-Je te dépose ici, Ian. Je reviendrais te chercher après ton interview. Je vais aller faire un peu de shopping en attendant.

J’approuvai de la tête en replaçant mes cheveux en arrière.

-D’accord. N’oublie pas de m’acheter un nouveau pantalon. Un noir. Comme celui que tu as jeté hier parce que tu le trouvais démodé.

Je n’avais pas avalisé ça. Quand je l’ai appris j’ai piqué une crise. J’aimais beaucoup ce pantalon.

-D’accord mon chéri. Soit gentil avec Amon, tu sais qu’il ne fait que son travail.

J’approuvai de la tête avant de sortir de la voiture et d’entrer dans la rédaction. Je m’approchai de la réception d’où une madame bien habillée me regardait.

-Ian Hunter, on vous attendait.

Je souris, content que la madame m’accueille comme ça. Elle me demanda de la suivre jusqu’à la salle d’interview. Je la suivis sans faire de vague parce qu’elle était gentille et qu’elle ne me traitait pas comme un enfant.

-C’est ici, Monsieur Hunter.

Je lui souris et entrai dans la pièce où se trouvait Amon.

-Bonjour !

Je m’installai dans le siège sans attendre le feu vert de Sørensen. Je n’avais pas qu’une interview à faire dans une journée alors je n’avais pas le temps d’attendre que le journaliste m’invite à m’assoir pour le faire.

@ Billy Lighter

Ça allait être une très mauvaise journée… J’allais devoir faire quoi ? Une demi-heure d’interview ? Et ça me ruinait totalement la journée entière ! Bon, vous allez me dire que j’appréhendais toute les interviews…

Et ben non… Seulement celles avec les Norths parce que j’avais un passif avec Robin (bien que ça devait aller mieux depuis la dernière interview) et que Hank North était le genre à s’emporter ou se barrer dès qu’une question allait un peu trop loin ou ne lui plaisait pas… Et encore, ça, c’était quand il arrivait de bonne humeur…

Les Norths, donc, et Ian Victor Hunter…

Tous les journalistes ont une bête noire en interview, à ce qu’il paraît. Et bien moi, ma bête noire est incarnée par un gosse de même pas 12 ans aux cheveux blonds gominés en arrière. C’était même à se demander comment une femme aussi agréable et belle que Victoria Hunter avait pu mettre au monde une créature aussi détestable et aux dents aussi mal foutues que le petit Ian.

L’absence d’un père pour lui mettre des tartes expliquait peut-être son comportement, j’en savais rien…

Toujours était-il que le tournage de la deuxième saison de Keeping Our Lands n’allait pas tarder à commencer. La production de la série TV m’avait donc contacté en vue de commencer, d’ors et déjà, la promotion de ladite deuxième saison, histoire de mettre les fans en haleine.

J’avais dit « ok » ! M’attendant à ce qu’ils me proposent Robin North, ce qui serait une occasion de continuer à construire une relation moins houleuse entre le jeune acteur et moi… Mais on m’avait rétorqué directement que Robin North, ce ne serait pas possible : l’acteur était en pleine tournée de promotion de Factory War et devait à lui seul supporter des interviews qui étaient théoriquement prévu qu’ils se partagent avec Hank North…

Ok… J’avais demandé à avoir River Moriarty alors, sentant bien l’arnaque arriver, mais l’agent de ce dernier, pour une raison qui m’échappait totalement, ne voulait pas que l’acteur aux yeux de glace participe à l’interview. Là, j’avais mordillé ma lèvre…

Parce qu’après Robin North et River Moriarty, l’acteur et le personnage le plus important de la série était celui de Ian Hunter. L’enfant incarnait… Lui-même… un enfant-roi capricieux surprotégé par sa mère, la reine régente et très prompt à décapiter quiconque le contrariait…

Alors quand le producteur à l’autre bout du film avait prononcé le nom du môme, j’avais soupiré, laissant tomber mon front dans ma main…

-J’imagine que je n’ai pas trop le choix…

Le producteur s’excusa d’avance, affirmant je cite : « qu’il était quand même très bon dans ce qu’il faisait… »…

Et c’était vrai, depuis ses 3 ou 4 ans, ce gosse était sur tous les écrans télé… Et on ne pouvait nier que c’était un excellent acteur, un véritable prodige pour son âge… Mais dans le cas de Keeping Our lands, j’étais sûr et certain que Ian Hunter n’avait pas trop besoin de se fouler. Il n’avait qu’à rester lui-même.

J’avais préparé minutieusement cette interview, donc, pour essayer que ça se passe au mieux pour l’enfant… Mais surtout pour moi.

J’avais appris de mes erreurs et avait donc prévenu la réceptionniste du jour que quand elle verrait entrer le petit roi de Keeping Our Lands, qu’elle le traite comme tel et non comme un enfant. Histoire qu’il arrive de bonne humeur dans la salle d’interview, ce serait déjà ça de gagné. Ensuite, en mettant ça sur le compte de L.A.People, j’avais quitté mon bureau quelques minutes pour aller acheter de la putain de grenadine et la bouteille d’eau la plus chère du rayon…

J’étais ensuite revenu dans la salle d’interview, surveillant l’heure… Le petit garçon n’allait pas tarder… Je pris un grand verre propre et versai du sirop de grenadine dedans, puis de l’eau… Puis, je méditai en regardant le verre…

Non, je n’avais pas peur de ce monstre…

C’était juste que la dernière fois, j’avais pris un savon pour cette histoire de grenadine, un par le môme, puis un par mon parton parce que le gosse s’était taillé en faisant un scandale.

Pas question que je me fasse avoir cette fois-ci.

Je me levai et allai alors chercher un deuxième verre… Celui-là, je le remplis D’ABORD d’eau PUIS de grenadine. Je m’affala ensuite dans mon siège, soupirant en me disant que j’aurais dû aussi prendre un peu de mort aux rats, au passage et en mettre dans les DEUX verres.

Ian Hunter fit alors son entrée, et je fis un signe de tête en remerciement à la réceptionniste qui avait apparemment réussi à l’amener de bonne humeur jusqu’ici. Cette dernière nous laissa seuls et le jeune garçon me salua.

-Bonjour, Ian.

Je lui désignai les deux verres sur la table.

-J’ai pensé à tout, cette fois. Ce verre-là, c’est grenadine et eau et l’autre c’est eau et grenadine. En espérant que ça te plaira.

Je baissai mes yeux sur ma fiche de questions…

-Alors, est-ce que tu es content de rempiler pour une deuxième saison de Keeping Our Lands ?

@ Billy Lighter

La madame était très gentille. Elle m’avait accueilli comme si j’étais un adulte… Pas comme la dernière fois que j’étais venu ici… Ce n’était pas pour une interview avec Amon mais avec un autre journaliste. J’étais entré et la réceptionniste, qui n’était pas le même qu’aujourd’hui, avait pris le temps avant de me reconnaitre et m’avait demandé si j’avais perdu ma maman… J’ai piqué une crise devant tous les gens présents jusqu’à l’arrivée du journaliste qui devait m’interviewer. J’ai demandé à ce qu’on vire cette femme. Je devrais peut-être demandé à Amon si ça avait été bien fait !

Bref, la réceptionniste d’aujourd’hui et gentille et m’amena à Amon sans encombre. Je saluai le journaliste qui me salua à son tour. Mes yeux se rivèrent directement sur la table où se trouvaient deux verres de grenadine. On voyait bien que, dans l’un d’entre eux, l’eau avait été mise avant la grenadine. C’était un sacrilège. L’autre par contre était bien.

Amon désigna les verres que je regardais déjà. Et il disait tout haut ce que j’avais déjà observé moi-même.

-Celui-là me plait !

Je dis ça en montrant le bon verre de grenadine.

-Pas l’autre !

Et je pris tout de suite le bon verre de grenadine pour en boire un petit coup mouillant mes lèvres et le bord de ma bouche.

La première question d’Amon me fit froncer les sourcils. Pas pour le contenu mais parce qu’il me tutoyait.

-On ne se connait pas... Je ne veux pas que vous me tutoyez.

J’étais sûr qu’il me tutoyait parce que j’avais 11 ans. Je suis sûr qu’il ne tutoyait pas des gens comme Robin North. Je voulais le même traitement que mes collègues acteurs.

Et une moue s’afficha sur mon visage pendant que je répondis, quand même, à la question d’Amon.

-Oui, je suis content ! J’aime beaucoup cette série. J’aime mon rôle. J’aime l’équipe de production. J’aime bien les autres acteurs. Je suis pressé de recommencer à tourner.

J’aimais bien mon rôle dans la série. Il était très facile à jouer. Je n’avais pas besoin de forcer mon talent.

@ Billy Lighter

Et voilà, on y était, j’étais seul avec l’enfant le plus gâté de L.A. Je comprenais bien que sa mère l’avait élevé toute seule, qu’il était tout ce qu’elle avait, etc. Elle le répétait à chaque interview, pour chaque magazine, même quand il n’était pas sujet de son fils, elle arrivait à en parler.

Le résultat était maintenant devant moi… Et sincèrement, j’aurais préféré interviewer Victoria Hunter et qu’elle me parle pendant deux heures de lui, si ça lui chantait ! Mais voilà : Victoria Hunter ne jouait pas dans Keeping Our Lands.

Cela dit, je pensais avoir couvert tous les angles, allant même jusqu’à lui proposer deux verres de grenadine différents (et je maintiens qu’un peu de mort aux rats aurait peut-être été judicieux)… Je souris gentiment à Ian quand il désigna l’un des deux verres en disant qu’il lui plaisait… Ô miracle…

-A la bonne heure…

Je pris l’autre verre qui semblait clairement dégoûter l’enfant et en pris une gorgée avant de poser ma première question… J’avais tutoyé le môme… Erreur…

Et je me la pris en pleine face, mon erreur.

Je fis un sourire qui fut finalement plus une grimace qu’autre chose.

-Ok, très bien, comme t… vous voulez…

Vouvoyer un enfant n’était pas forcément quelque chose de normal ou d’inné pour moi. Mais cette petite et vile créature hideuse était-elle réellement un enfant ? Si je gardais cette idée en tête, j’allais peut-être pouvoir le vouvoyer plus facilement.

Je comprenais aussi beaucoup plus facilement Daniele Ricci et je regrettais presque d’avoir été aussi dur dans mon dernier article sur lui.

Pour mon plus grand soulagement, Ian répondit à ma première question… Avec une réponse digne de l’enfant de 11 ans qu’il était. Qui avait dit que ce gosse était difficile ? Il aimait tout… la production, les acteurs, son rôle.

Tout va bien dans le meilleur des mondes !

Qu’est-ce que je fais là ?

-Vous dites aimer votre rôle mais votre personnage n’est pourtant pas le favori des amateurs de la série… Vous aimez jouer les « bad guys » ? Qu’est-ce que vous aimez chez le roi de Keeping Our Lands que vous incarnez ?

Son pouvoir de décapitation, probablement…

@ Billy Lighter

Je me ruai sur le meilleur des deux verres de grenadine. L’autre était une erreur de l’art culinaire inventé par Amon. Personne ne mettait sa grenadine après l’eau. Ça ne se faisait pas. Et je suis sûr qu’il y avait une loi qui empêchait de faire ça.

Amon bu une gorgée de l’autre verre. Et je ne cachai pas ma grimace quand je le vis faire. Ça ne devait vraiment pas être bon !

Le journaliste posa, alors, la première question de l’interview. Mais, déjà, il m’énervait. Il me tutoyait et je n’aimais vraiment pas ça. Je n’étais plus un enfant ! Je voulais qu’on me vouvoie ! Je méritais du respect de la part d’Amon. Ce n’est pas parce que je faisais 1m45 qu’il devait me prendre pour un bébé. Je le lui fis remarquer. Et j’exigeai qu’il me vouvoie.

Il le fit mais très difficilement. Je fis la moue. Et je le fixai avec cette moue pendant quelques secondes avant de répondre à sa question.

J’aimais tout dans Keeping Our Lands ! Les producteurs me donnait tout ce que j’avais besoin. Le réalisateur m’écoutait. Les acteurs jouaient bien et ne m’ennuyais pas trop. C’était bien mieux que mon précédent tournage.

Il posa une autre question. Et pendant qu’il la posait, je bus une grosse gorgée de ma grenadine en respirant très fort après parce que j’avais bu beaucoup. Amon disait que les gens qui regardaient la série n’aimaient pas mon personnage. Ma maman m’avait dit que c’était parce que je le jouais très bien. Amon, lui, voulait savoir ce que j’aimais chez le roi que j’incarnais.

-Oui, j’aime jouer des rôles de méchants. C’est plus drôle que de jouer des gentils. Mon rôle dans Keeping Our Lands est mon rôle préféré de toute ma vie.

J’avais déjà joué des gentils aussi. Mais j’aimais beaucoup moins jouer le gentil petit garçon qu’un méchant roi.

-Je l’aime bien parce qu’il n’a peur de rien. Il contrôle tout et tout le monde l’écoute. Il n’y a rien qui l’angoisse et j’aime bien ça. Par contre, tout le monde a peur de lui et c’est très drôle. Puis, si quelqu’un l’ennuie, il peut s’en débarrasser.

Je souris d’un sourire sadique en plissant les yeux et en fixant toujours Amon. Je pense qu’on devrait pouvoir se débarrasser des gens qu’on n’aime pas en vrai aussi. Mais c’est interdit.

@ Billy Lighter

J’avais réussi à commencer l’interview, ce qui n’était pas rien ! J’en savais assez sur cet enfant pour savoir qu’on ne sait JAMAIS comment les choses vont tourner avec lui. Les réalisateurs s’en plaignaient mais leur plaintes étaient systématiquement contrebalancée par un fait qu’aucun n’avait jamais nié : le gosse était sacrément bon. Mais ce talent avait un prix et c’était de devoir se coltiner les caprices et les humeurs de Ian Hunter.

Et on aurait pu s’attendre à ce qu’à ma question, l’enfant se plaigne également des autres acteurs de la série, des producteurs, des réalisateurs, comme le petit capricieux qu’il était. Pourtant, c’était tout le contraire, il aimait tout, il semblait très content de ce qu’il faisait et il parlait très facilement d’acting. Sur un tournage, ce môme était comme un poisson dans l’eau.

Son personnage n’était pourtant pas le préféré des fans, pour ne pas dire qu’il était détesté… Même encore plus que celui incarné par River Moriarty qui était réellement plus effrayant que détestable. Mais Ian, lui, ça lui plaisait beaucoup de jouer l’enfant-roi capricieux qu’était son personnage. Si toutefois « jouer » était le bon terme.

Je lui avais alors demandé ce qu’il aimait chez son personnage. Et la réponse ne me surpris pas du tout, surtout sa dernière phrase. Il n’avait pas encore 10 ans qu’il avait déjà viré je ne savais pas combien d’agents et en plus, il avait aussi essayé de faire virer une réceptionniste de chez L.A.People parce qu’elle lui avait demandé où était sa maman quand il s’était présenté à elle…

Alors quand j’avais pensé à la propension de son personnage à faire décapiter les gens, j’étais pas loin de la bonne réponse.

En fait, j’aurais pu pondre les réponses à mes propres questions moi-même… J’aurais peut-être dû le faire plutôt que de rencontrer Ian pour une vraie interview.

Je fis la moue, tentant de formuler au mieux ma question suivante pour ne pas froisser le petit Hunter qui buvait sa grenadine. Avec ses cheveux gominés en arrière, on aurait dit un homme d’affaire miniature… Jimmy Reed, en pire… Parce que Jimmy Reed ne s’emportait pas… Jimmy Reed encaissait avec le sourire puis frappait par derrière, si quelque chose ne lui plaisait pas.

-Il est un peu comme vous, finalement, non ?

Comment devais-je interpréter « il n’y a rien qui l’angoisse et j’aime bien ça » ? Comme une qualité qu’il n’avait pas ou comme un point commun entre lui et son personnage qu’il se vantait d’avoir ?

-Ça vous arrive d’avoir le trac ? Vous avez des rituels, avant de tourner une scène, par exemple ?

@ Billy Lighter

L’interview se passait très bien. La grenadine était très bonne. Et Amon posait des questions sur le personnage que j’incarnais dans Keeping Our Lands et que j’aimais beaucoup jouer.

Cette série, c’est la chose la plus drôle que j’ai fait de toute ma carrière. Les réalisateurs remplissent toutes mes exigences. Il n’y a eu qu’un technicien, un jour, qui m’a répondu sèche et que j’ai exigé qu’il soit viré. Et, il a été viré par les producteurs. Alors, je les aime aussi !

Bref, tout était bien. Et j’attendais maintenant une autre question d’Amon après avoir répondu à celle qui parlait de ce que j’aimais chez le roi que j’incarnais. J’aimais tout chez lui ! Mais maman m’avait appris qu’il fallait beaucoup parler en interview pour bien expliquer aux journalistes les choses. C’est vrai qu’ils ne sont pas très intelligent alors il faut tout leur expliquer.

Mais la question d’Amon se fit attendre. Et ma grenadine était déjà vide qu’il n’avait pas encore posé sa question. Qu’est-ce qu’il attendait ?! Je fronçai regardant ma montre sans me cacher pour lui montrer que je n’avais pas que ça à faire. Et il finit par poser sa question. Il me demanda si le roi était un peu comme moi.

-Oui ! Tout à fait !

Il avait beaucoup réfléchis pour une simple petite question comme ça…

Maman disait que j’étais mieux que le roi mais, moi, je trouvais qu’il me ressemblait beaucoup.

Amon enchaina avec une autre question. Et celle-ci me fit froncer les sourcils très forts. Je n’aimais pas qu’on parle de trac ! Je n’aimais pas du tout ! Je fis tomber le verre vide d’un revers de la main à la question d’Amon. Il se brisa au sol.

-Non ! Je n’ai jamais le trac ! Je suis sûr de moi quand je tourne une scène. Je n’ai pas besoin de rituels débiles ou de truc de fou comme ça.

Devoir relire son texte quatre fois avant chaque scène n’était pas un rituel. C’est juste que certaines phrases ne sont pas facile à retenir ! Et les autres trucs ce n’est pas des rituels non plus. C'est juste les maquilleuses qui prennent du temps!

-J’ai toujours fait du cinéma, je n’ai plus peur quand je fais une scène. Et je n’ai pas le trac en interview non plus.

Ma moue resta collée sur mon visage.

@ Billy Lighter

Ian répondit, après avoir fini sa grenadine et m’avoir fait bien comprendre que je mettais un peu de temps à poser mes questions, qu’il était exactement comme son personnage. Sans blague… Je me demandais si c’était vraiment nécessaire que je pose cette question, finalement.

Mais j’avançais dans un véritable champ de mines au point que j’en oubliais tout ce que je savais. De toute façon, toute mon expérience ne pouvait rien contre quelqu’un comme Ian Hunter. Il était juste imprévisible et pas seulement parce qu’il était un enfant ! J’étais sûr que même en grandissant, il n’allait pas s’arranger !

J’enchaînai avec une autre question et tout ce que je craignais se concrétisa d’un coup : Ian envoya valser le verre d’un revers de la main et celui-ci se brisa au sol. Et comme si ça ne suffisait pas, le petit Hunter se mit à crier qu’il n’avait jamais le trac, vexé que je lui aie posé la question.

Bon, très bien. Hunter piquait une crise… Maintenant, tu fais quoi, Amon ?

Je posai mon carnet sur mes genoux en soupirant, le laissant vomir ce qu’il avait à vomir.

-D’accord, j’ai compris. Rien ne sert de s’énerver.

J’étais sûr et certain que ce gosse était nerveux à mort, derrière ses grands airs. Il ne prendrait pas mal la question, sinon…

Imaginons que je pose cette question à quelqu’un qui n’est véritablement pas angoissé… Au hasard, Howard Stone. Si je lui avais posé la même question, Howard m’aurait répondu « non » en haussant les épaules, tout simplement.

Ian Hunter, lui, était monté direct dans les tours. Très haut dans les tours.

Il avait fini par se calmer… Probablement simplement parce qu’il n’y avait rien d’autre à casser dans le coin. Il gardait une moue ronchonne sur le visage que j’avais l’impression d’avoir déjà vu quelque part.

-Pas de rituels, pas de trac, on est d’accord.

Je l’écrivis en grand sur mon carnet et le retournai vers lui pour bien lui montrer que j’avais bien pris note. Je me mordis la langue pour ne pas lui demander s’il savait lire.

Puis, j’enchaînai avec la question suivante… En espérant qu’il y réponde.

-Qui est votre partenaire préféré dans Keeping Our Lands ? L’acteur auquel vous aimez le plus donner la réplique ?

@ Billy Lighter

Cette question, je ne l’appréciais pas ! Je n’étais pas quelqu’un d’angoissé ou de stressé ! Je n’avais pas peur avant mes scènes ! Je ne faisais aucun rituel stupide !

Amon avait posé une très mauvaise question. Et je le lui avais fait comprendre en bousculant le verre qui était maintenant en miette sur le sol. Je m’énervais pour des raisons ! Il n’avait pas à me demander ça !

Il disait que ça ne servait à rien de s’énerver.

-Bien sûr que si ! Cette question est débile !

Je faisais la moue. Je m’énervais si j’en avais envie ! La question d’Amon valait bien tout cet énervement. Amon finit par conclure que je n’avais pas de trac, ni de rituel. C’est très bien ! Il avait compris ! J’approuvai sèchement de la tête pendant qu’il écrivait sur son carnet. Il le tourna vers moi pour me montrer ce qu’il venait d’écrire. C’était écrit grand, presque en lettres capitales.

-Pas besoin d’écrire si grand. Je ne suis pas aveugle !

J’étais de très mauvaise humeur. Et je croisai les bras fronçant les sourcils en regardant Amon. J’avais envie de partir ! Et c’est ce que j’allais faire si les questions n’étaient pas plus intéressantes.

Heureusement pour lui, sa question suivante était bien. Elle parlait de l’acteur avec lequel j’aimais le mieux jouer dans la série. Je repris mon sourire mais mon visage était encore un peu plissé par mon énervement d’il y a quelques minutes. Ma voix aussi redevint plus amicale.

-C’est Robin North. C’est une des meilleurs acteurs du monde. Il incarne son rôle à la perfection ! C’est avec lui que j’ai le plus facile à jouer. Les autres ne nous arrivent pas à la cheville.

Donner la réplique à Robin, c’est comme vivre la série en vrai. Ce qui n’est pas le cas de l’actrice qui fait ma mère dans la série, par exemple, qui doit s’y reprendre toujours quatre fois avant que la scène ne soit bonne. Avec Robin en une fois c’est dans la boîte. Je n’ai jamais rencontré aucun autre acteur capable de faire ça.

-Toutes les scènes où on est nous deux ont été dans la boîte en une seule prise.

Je souris mon visage redevenant totalement amicale. J’avais même oublié le verre brisé au sol. Mais ce n’est pas pour ça que je ne comptais pas le nombre de mauvaises questions posées par Amon.

@ Billy Lighter

Bon… Ok, je pensais bien que je commençais à voir un chemin se dessiner entre les mines. J’avais réussi à faire redescendre le petit Ian en allant dans son sens, en lui montrant que j’avais bien compris que ma question était débile (quoi que…) et que j’avais saisi qu’il n’avait pas le trac et n’utilisait pas de rituel.

En gros, ma psychologie de bas étage, je pouvais la garder pour moi… Je faillis essayer de lui expliquer que c’était une question classique qu’on posait tant aux acteurs qu’aux musiciens ou chanteurs, mais j’abandonnai l’idée.

J’y allais à tâtons et je choisis de revenir sur la série elle-même, puisque c’était pour ça qu’il était là, finalement. Il avait aimé parler de son personnage un peu plus tôt, je savais donc que c’était un terrain sécurisé ou plus ou moins. Rester sur Ian l’acteur et éviter de parler de Ian l’enfant.

Je lui avais donc demandé à qui il aimait le plus donner la réplique dans la série. Il sembla aimer la question et y répondis sans même réfléchir, du tac au tac. La réponse était claire : North. Je fus même sérieusement étonné que l’enfant qualifie l’acteur de meilleur acteur du monde. Enfin « un des meilleurs acteurs du monde », vu que le meilleur devait certainement être lui-même parce que sa maman devait lui avoir dit.

Et tout ce que disait sa maman devait être parole d’Évangile.

Dans un sens, il n’avait qu’elle… Comme elle n’avait que lui…

Ce que l’enfant disait de Robin North, je l’avais déjà entendu à maintes reprises de la part de bien des acteurs différents. Mais je n’avais pas eu l’occasion d’avoir l’avis d’Hank North sur ce sujet puisque le premier film qu’ils avaient tourné ensemble était Factory War et que les producteurs du film avaient écarté Hank de la tournée de promotion suite à sa condamnation pour violences conjugales.

Mais je ne doutais pas que j’aurais entendu le même son de cloche de la part de l’enfant terrible des North.

L’avantage était que cette question avait suffi à faire en sorte que le gamin reprenne une voix plus amicale. Oook… On allait rester tranquillement sur ce chemin-là, sans faire un pas de travers et tout devrait bien se passer… Parlons acting et uniquement acting…

-On a bien compris que vous adorez votre rôle de roi dans Keeping Our Lands mais il y aurait-il un autre personnage qui vous aurait intéressé ?

Puis, je baissai mes yeux sur mon verre de grenadine que j’avais naturellement gardé en main comme pour le tenir hors de portée de Ian.

-Vous voudriez un autre verre de grenadine, peut-être ?

Et s’il pouvait ne pas me le faire voler en morceau, cette fois, ça m’arrangerait… J’allais utiliser ça comme baromètre, tiens. Si le verre tenait jusqu’à la fin de l’interview en un seul morceau, je pourrais l’estimer réussie.

@ Billy Lighter

Je m’étais calmé quand Amon confirma que je n’avais pas le trac. Il n’avait pas à poser ce genre de question. Il était prévenu, maintenant !

Il m’en posa une autre sur l’acteur avec lequel je préférais le mieux jouer. Et c’était Robin North, sans hésitation ! C’était un bon acteur, presque aussi bon que moi. C’était facile de jouer des scènes avec lui. Il incarnait vraiment bien son personnage. Tous les acteurs devraient être comme lui !

Je repris mon sourire parce que la question m’avait plu. Quand Amon voulait, il pouvait être un bon journaliste. Mais il fallait qu’il se creuse la tête pour ça…

Il me demanda si un autre personnage que celui du roi m’aurait plu à jouer. Il y avait beaucoup de personnages dans la série mais le roi était le meilleur. Même si, il y en avait bien d’autres que j’aurais pu jouer à la perfection. Je réfléchis quelques secondes en faisant des « heu » réflexe parce que je réfléchissais.

Amon me demanda alors si je voulais encore de la grenadine. Je souris.

-Oui ! Un verre entier !

Il commença à préparer mon verre et, pendant qu’il faisait ça, je répondis à sa question.

-Le personnage de River Moriarty ! Il est complètement dingue. Il n’a peur de rien et il est sadique. Il fait peur à tout le monde. Ça doit être vraiment drôle à jouer ! J’ai beaucoup fait des rôles de gentils quand j’étais plus jeune et j’aime bien faire un peu autre chose maintenant.

River était un bon acteur aussi. Il faisait peur à tout le monde même en dehors de son rôle. Moi, il ne me faisait pas peur ! Je n’ai peur de rien !

-Mais je pense vraiment que le roi est le rôle qui me convient le mieux dans cette série. Déjà, il n’y a pas forcément beaucoup de rôles d’enfants… Il y a bien le frère du roi, mais il est stupide et à peur tout le temps. Et je n’aime pas les rôles d’enfants stupides.

L’acteur qui fait mon frère dans la série est, d’ailleurs, extrêmement ennuyant. Il veut tout le temps jouer entre les scènes mais on n’est pas sur le plateau pour jouer. C’est un travail être acteur !

@ Billy Lighter

Je ne devais pas être loin de ressentir ce que ressent un démineur qui vient de désamorcer une bombe dont il était pratiquement sûr qu’elle allait lui péter à la gueule. Et quelque part, je pouvais comprendre que ça devienne addictif…

Parce qu’une fois qu’on pense avoir compris le truc, on gagne en confiance… Et c’est là que ça devient réellement dangereux… Quand on pense avoir pigé.

Je revins donc en terrain sécurisé, proposant d’abord un nouveau verre de grenadine à l’enfant. Il accepta avec enthousiasme et je me levai donc pour prendre un nouveau verre. J’hésitai un instant à lui donner un gobelet coloré mais me ravisai et pris un verre normal. Le gobelet aurait été aussi sécurisant que dangereux.

Alors que je remplissais son verre devant lui sur la table basse, d’abord la grenadine puis l’eau, il répondit à ma question suivante, affirmant qu’en dehors du rôle qu’il jouait, il aurait opté pour celui de River Moriarty. Je refermai la bouteille d’eau et fit glisser le verre sur la table jusqu’à ce qu’il soit à sa portée.

-Un rôle dérangeant et fascinant que celui de Moriarty…

Je me rappelais avoir aperçu l’acteur au mariage de Sonne et Axel, et je me demandais d’ailleurs toujours s’il y avait une filiation entre les deux Moriarty… Mais Ian avait raison sur un point : River Moriarty foutait les jetons, même à Sonne…

Je souris à Ian…

-Ben vous êtes courageux… A moi, il me fait froid dans le dos.

Amon le frotte-manche… Mais bon, c’était pour la bonne cause : le pré-ado avait à nouveau un verre en main.

Le petit, de son côté, souligna aussi qu’il n’y avait pas beaucoup de rôles d’enfants dans la série… Hormis celui qui jouait son frère et qui était stupide… Et je ne pus m’empêcher de souligner à mon tour :

-Il n’a que 5 ans, d’un côté… Votre frère dans la série tout comme l’acteur qui l’incarne…

Et j’étais persuadé que le tout jeune acteur devait être bien plus facile à vivre que Ian…

Je reportai mon attention sur ma liste de questions et sortis la suivante :

-On sait qu’il y a un embargo sur le script, mais si vous pouviez choisir une fin pour votre personnage, positive ou négative, quelle serait-elle ?

Je savais qu’il était inutile de chercher à avoir des indices sur le script. La légende voulait même que les acteurs eux-mêmes ne sachent ce qui allait arriver à leur personnage qu’au dernier moment. On était déjà bien loin des méthodes de tournage plus classiques d’une série telle que Headhunters, par exemple.

@ Billy Lighter

Je reçus un nouveau verre rempli de grenadine. Je souris en le prenant avec mes deux mains pour ne pas renverser sur mes beaux vêtements. Je bus un peu après ma réponse à Amon sur les rôles que j’aimerais bien faire en dehors du mien dans la série. Celui de River était cool mais un peu vieux pour moi.

Amon disait que le rôle de Moriarty était dérangeant et fascinant. J’approuvai de la tête avant de boire un autre coup de grenadine mouillant encore mes lèvres et le bord de ma bouche.

-Oui mais aussi un rôle intéressant pour un acteur.

River faisait peur à tout le monde. Mais pas à moi ! Moi, je pense juste qu’il utilise le méthode acting pour jouer. C’est tout. Parfois, les artistes sont incompris.

Amon me trouvait courageux et un très grand sourire s’afficha sur mon visage. Lui, il avait peur de River comme tous les autres.

-Ce n’est qu’un acteur comme un autre… Il ne faut pas en avoir peur.

Je buvais de la grenadine tout le temps comme si je mourrais de soif. Et tout ça avant de dire à Amon qu’il n’y avait pas beaucoup de rôle d’enfant dans la série. A part mon petit frère qui était plus stupide qu’autre chose. Amon le défendit en disant qu’il n’avait que 5 ans. Je fis la moue.

-Je n’étais pas aussi stupide, moi, à 5 ans. Vous pouvez demander à ma maman !

Mon petit frère dans la série autant que l’acteur qui le jouait était insupportable. Je l’évitais sur le plateau. Et avoir 5 ans, n’est pas une excuse.

Amon continua son interview et me demanda de choisir une fin pour mon personnage. Je ne savais pas encore ce qu’il allait m’arriver. J’avais demandé 50 fois à savoir ! Mais les producteurs avaient dit que je saurais la fin le jour avant du tournage des scènes finales. Ils avaient dit que c’était pour me faire une surprise. Ils avaient de la chance que j’aimais les surprises.

-J’aimerais que mon personnages réussisse à battre ses ennemis et garde le trône. Je peux compter sur ma maman dans la série pour ça !

Un sourire s’afficha sur mon visage. Dans la série ma maman sait comment gérer le monde autour de mon personnage. Et moi aussi d’ailleurs, dans la série, mon personnage gère bien se sujets ! Comme en vrai, en fait.

-Je veux qu’il ait une fin positive ! Je sais que ça ne plaira pas au gens mais je m’en fiche !

Je souris achevant ma grenadine d’une traite. Et je reposai le verre sur la table.

@ Billy Lighter

Je pouvais bien critiquer le petit Ian sur son caractère capricieux et imprévisible, il y avait un truc chez lui qui ne cessait de m’impressionner : son amour pour l’acting. Quand on parle acting à Ian Hunter, même sa façon de parler change. Aucun doute que ce môme savait exactement de quoi il parlait.

De fait, il affirmait que le rôle de Moriarty était intéressant pour un acteur. J’étais pratiquement certain que si j’avais eu suffisamment de connaissances pour entrer dans des détails techniques, j’aurais pu avoir un dialogue des plus intéressants avec l’enfant. Mais je n’avais pas ces capacités, sans compter que ce n’était pas le but de L.A.People.

Dommage, j’aurais peut-être fait connaissance avec un autre Ian.

Je lui avais dit, lui frottant un peu la manche, qu’il était courageux s’il n’avait pas peur de River… Et vu le sourire dont Ian me gratifia, la manœuvre fonctionnait à merveille. Il prit même un ton rassurant pour me dire que River Moriarty était un acteur comme un autre. Je hochai la tête.

-Ok… J’y penserai le jour où je le recevrai en interview.

Si son agent acceptait un jour qu’il en fasse une… Je ne comprenais pas ce qui bloquait, surtout que River était une étoile montante.

Après que Ian se soit plaint de l’acteur de 5 ans qui jouait son petit frère dans la série, j’avais posé ma question suivante, à savoir comment l’enfant voudrait que ça se termine pour son personnage. Et je souris en l’écoutant tant sa réponse était évidente ! Ian était un excellent acteur, mais il avait 11 ans et évidemment qu’un enfant de 11 ans voudrait que ça se termine bien pour son personnage.

Ian voulait même clairement gagner ! Et dans la vie comme à l’écran, il comptait sur la figure maternelle pour ça…

Je me mordis la lèvre mais ne pus m’empêcher de poser quand même une question dangereuse et en connaissance de cause en plus…

Avec un peu de chance… si je la formulais correctement, peut-être que ça passerait…

Qui ne tente rien n’a rien…

-Vous voulez une fin positive pour votre personnage et c’est bien normal tant vous semblez aimer l’incarner. Mais, en dehors du fait que ça ne plaira peut-être pas aux gens, on sait que les scénaristes ne ménagent pas leurs personnages et c’est d’ailleurs ce qui fait une bonne part du succès de Keeping Our Lands…

Je marquai une pause, le laissant intégrer ce que je venais de dire…

-Serez-vous alors déçu, en tant qu’acteur, si l’issue n’est pas positive pour votre personnage ? Ou une issue moins glorieuse, voire fatale, serait-elle également intéressante à jouer pour vous?

Plus qu’à croiser les doigts, mon vieux Amon, parce que ce que tu viens de faire là ou secouer une bombe à deux mains, c’est du pareil au même…

@ Billy Lighter

Amon me trouvait courageux de ne pas avoir peur de River. Mon sourire s’élargit. Amon n’était peut-être pas un si mauvais journaliste que ça. Et je le rassurai en disant que River était un acteur comme un autre. Je ne comprenais pas pourquoi tout le monde avait peur de lui…

Amon pensera à le voir comme un acteur à sa prochaine interview. Et pas pour je-ne-sais-quoi d’autre. Ce n’était pas un monstre comme dans la série. Il faut savoir faire la différence. Maman disait toujours ça.

Je parlai, ensuite, de mon frère dans la série. Je ne l’aimais pas. Ce n’était qu’un pleurnichard débile. Après ça, j’avais expliqué la fin que je voulais pour mon personnage. Je voulais qu’il gagne ! Je voulais que mon personnage soit le roi du monde jusqu’au bout. Avec ma maman dans la série, ça sera facile !

Après avoir donné ma version de la fin, je me ruai sur la grenadine pour en boire la totalité. Je frottai ma bouche avec mon bras. Amon avait encore des questions. Et je fronçai les sourcils en l’écoutant tirer sa question en longueur. Mon regard ne changea pas quand Amon termina sa question. Pourquoi mon personnage aurait-il une fin fatale ? Je ne veux pas qu’il meurt ! J’aime bien cette série, moi ! Je veux faire toutes les saisons jusqu’à la fin. Une moue s’afficha sur mon visage. Je m’emballai :

-Non ça ne serait pas intéressant que mon personnage meurt. Je veux encore jouer dans la série, moi !

C’était le meilleur rôle de ma vie. Je ne voulais pas que ça s’arrête. Je ne voulais pas que les scénaristes tuent mon personnage. Il n’allait pas faire ça, hein ?

-Oui je serais vraiment très déçu si mon personnage mourrait ou s’il ne gagnait pas ! Mais je suis sûr qu’il va gagner. Sa maman est très forte et lui aussi. A eux deux, ils vont garder le pouvoir et vaincre tous leurs ennemis !

Je repris mon sourire. Les scénaristes ne pouvaient pas faire autrement que de faire finir les choses comme ça. Sinon, ils allaient m’entendre !

@ Billy Lighter

J’avais réussi à m’attirer de la part de Ian Hunter une forme de complicité basée sur la pitié qu’il avait pour moi quand je lui avouai avoir « peur » de River Moriarty. Ce n’était pas de la peur à proprement parler, disons que le regard de l’acteur mettait sérieusement mal à l’aise. Certains journalistes qui avaient eu l’occasion de l’interviewer au début de sa carrière, dont certains étaient de L.A.People, disaient même qu’ils se sentaient hypnotisés ou qu’ils avaient parfois l’impression de perdre l’acteur en chemin.

Et si une part de moi-même redoutait d’interviewer River un jour, une autre crevait d’envie d’essayer.

En parlant de choses dangereuses, j’avais posé une nouvelle question à l’enfant, en redoutant qu’il s’emballe encore. J’étais d’ailleurs content de voir qu’il acheva d’une traite son verre de grenadine avant que je n’aies fini de la formuler : tant qu’à ce qu’il y ait de la casse, autant éviter que ça ne colle partout au sol.

Ian m’écoutait en fronçant les sourcils, me donnant l’impression qu’il m’attendait au tournant.

Cependant, il ne s’emballa pas. Certes, il semblait contrarié, mais pas par la question en soi… Plutôt par l’idée que son personnage puisse effectivement avoir une fin négative dans la série. Et aussi du fait qu’il voulait continuer à jouer dans Keeping Our Lands aucun doute, donc sur le fait que Ian se plaisait vraiment bien sur ces plateaux de tournage.

Le petit conclut donc que, de toute façon, ça ne pouvait pas se terminer autrement que de la façon dont il l’imaginait et force d’arguments à l’appui : sa maman dans la série et lui étaient les plus forts à eux deux… Un peu comme dans la vraie vie, quoi… Pas étonnant qu’il maîtrise son rôle à la perfection.

-On est bien d’accord. Mais même si ça s’arrête un jour, puisque la série aura certainement un fin, votre réputation en tant qu’acteur n’est plus vraiment à faire et aucun doute que vous serez rapidement demandés sur d’autres projets…

Je marquai une pause, regardant ma fiche de questions. L’interview touchait à sa fin…

-Alors, si vous aviez le choix, avec quel acteur rêveriez-vous de jouer ? Pour quel réalisateur ? Et dans que type de film ?

M’en resterait une seule après celles-ci et je serai débarrassé de Ian V.Hunter.

@ Billy Lighter

Je ne voulais pas ne plus faire partie de la série. C’était la chose que je prenais le plus de plaisir à faire depuis longtemps ! Je ne voulais pas que mon personnage meurt ! Il ne méritait pas de mourir, il était bien trop puissant pour ça. Il avait sa mère. Sa mère empêchera ça.

Ça faisait longtemps que je faisais du cinéma et je savais comment on construisait un scénario. Je savais que les méchants perdaient souvent et que mon personnage n’était pas gentil. Mais la série était originale. Elle ne suivait pas les mêmes traces que les autres films ou sérié. Dans Keeping Our Lands, les méchants pouvaient gagner !

J’étais contrarié par la possibilité que mon personnage puisse disparaitre. Et je n’aimais pas qu’on me contrarie. Amon m’avait contrarié avec sa question et je le lui fis remarquer par une moue.

Amon déclara que le série allait quand même se finir un jour que mon personnage meurt ou non. Je me renfrognai un peu. Je ne voulais pas que ça finisse même si je savais que, comme le disait Amon, je ne serais pas en manque de projet par après parce que j’étais un bon acteur.

-Je sais… Mais le plus longtemps ça dure, le mieux c’est. J’aime beaucoup ce rôle. Je ne veux pas que la série finisse trop vite.

Je voulais que ça dure longtemps et que ça finisse bien pour mon personnage. C’est le strict minimum, je pense !

Amon regarda ses fiches et me posa encore d’autres questions. C’était des questions bateau que j’entendais tous les temps en interview. Les journalistes posaient toujours les mêmes questions, c’était barbant. Je soupirai montrant un peu mon exaspération devant cette question.

-J’ai déjà joué avec de très bon acteurs. Celui avec qui je rêvais de jouer il y a quelques années était Robin North. Mon rêve s’est réalisé. Par contre, j’aimerais, un jour, jouer dans un film de Christopher North. J’aimerais un film où on retrouve de l’action, des émotions et, surtout, un scénario bien ficelé comme sait le faire Christopher North.

La famille North était douée pour le cinéma. Et j’ai toujours aimé les films de Christopher North. C’est mon seul rêve : pouvoir un jour participer à un de ses films.

@ Billy Lighter

C’était fascinant de voir Ian si attaché à son personnage. Mais pas que ! Il était aussi attaché à tout le contexte que ça impliquait : les plateaux, le casting, tout… Et en y réfléchissant deux secondes, ça pouvait se comprendre : ce gosse avait pas encore 12 ans et depuis ses 3 ans, il était sans cesse trimballé d’un coin à l’autre de L.A., de film en film et de pub en pub… Sans compter qu’il suivait aussi sa mère en tournée…

Et la stabilité là-dedans ?

Ben à part sa mère, il n’y avait foutrement rien de stable dans la vie du petit Hunter. Sauf queKeeping Our Lands était une série et que de ce fait, le tournage était plus long et que Ian retrouvait dons les mêmes personnes pour plus de 3 mois, contrairement au tournage d’un film. Ça devait être rassurant, dans un sens.

Alors ouais, c’était avec une totale compréhension que je regardais Ian pour lui poser mes dernières questions et à ce moment-là, il ne me sortit, comme pour réponse à toutes mes questions à la fois, pratiquement qu’un nom.

North.

Jouer avec Robin North avait été son premier objectif, et il l’avait atteint dans Keeping Our Lands. Christopher North était l’étape suivante.

Espérons pour le monde que le troisième North ne figure pas à sa « to-do list », parce que le jour où ces deux-là se retrouveraient au même endroit le gouvernement US pourra clairement aller se faire mettre avec ses histoires de dissuasion nucléaire.

-Ok. Une dernière question et vous pourrez disposer.

Je posai mon carnet sur la table, commençant à me détendre non seulement parce que c’était presque terminé, mais aussi parce que cette dernière question était théoriquement sans danger pour la vaisselle.

-En dehors du cinéma et toutes catégories confondues, qui est votre idole ?

Je voulais vraiment jouer dans un film de Christopher North. Maman disait qu’un jour j’aurais la chance de le faire. Et que mon agent actuel faisait tout pour attirer l’attention de Christopher. Moi, j’étais pas sûr que mon agent actuel soit doué assez pour ça… D’ailleurs, je crois que je vais le virer la semaine prochaine !

Je devrais même, peut-être, contacter Christopher North moi-même. Ou bien, maman devrait le faire… Oui, maman c’est bien. Je lui dirais en rentrant.

Amon annonça la dernière question et un grand sourire s’afficha sur mon visage. Ça tombait bien, je voulais voir maman. J’en avais marre de cette pièce et d’Amon. Je voulais rentrer chez moi, maintenant.

Il me demanda qui était mon idole en dehors du cinéma. Ça fait deux questions sur mes idoles… On dirait que, parce que je suis jeune, je dois avoir un tas d’idole à qui m’identifier… C’était stupide. Pourquoi, moi, on ne me pose jamais des questions sur ce qu’attende mes fans ou des trucs comme ça ? Comme on en pose aux autres acteurs… J’ai jamais entendu quelqu’un demander à Hank North qui était son idole… Je fis une moue mais je répondis quand même.

-C’est Lola. J’adore cette chanteuse. J’aime ses chansons et sa voix. En plus, elle sait ce qu’elle veut. Elle ne se laisse pas faire. Elle est presque comme moi. Dommage qu’elle habitude New-York. J’aimerais bien la rencontrer…

L’interview était terminé. Je me levai de mon siège et regardai Amon.

-J’ai fini. Je ne viendrais plus avant longtemps.

Je tournai les talons. Je savais le chemin jusqu’à la réception où m’attendait, sûrement, maman.

-Au revoir.

Je sortis de la pièce sans attendre une seconde de plus.

@ Billy Lighter

Ian sembla content que l’interview se termine. En tout cas, un grand sourire se dessina sur son visage, de toutes ses belles dents décalées de préado.

Mais ça ne dura pas longtemps et cette moue caractéristique reprit la place qui semblait lui revenir de droit. Victoria ne faisait pourtant jamais cette tête-là ! On ne pouvait pas dire non plus qu’elle était souriante tout le temps, certes : en faisant partie du Golden Triplet, elle se parait très souvent du masque un peu froid de la femme fatale.

Elle pouvait aussi ne pas être très commode quand quelque chose lui déplaisait. Mais Ian y était aussi pour quelque chose : j’avais déjà vu Victoria Hunter, en concert, s’en prendre à un roadie avant le concert, alors que j’occupais une place dans l’espace réservé à la presse, et venir s’excuser auprès du roadie après le concert en lui disant que son fils ne l’avait pas laissée fermé l’œil en 72 heures.

Mais boudeuse ou clairement crispée comme l’était souvent Ian, jamais.

Bref, tout ça pour dire que la question, qui était on ne pouvait plus banale, ne sembla pas lui plaire. Et ça me donna une idée, pour la prochaine fois, si prochaine fois il y avait : ce jour-là, je lui demanderai de faire lui-même la liste des questions qu’il voudrait que je lui pose.

Il sera content et ça me fera moins de boulot. Et je ferai la même chose avec Hank North, tiens ! Ce sera mieux pour ses nerfs et les miens !

L’enfant répondit tout de même à ma question et je ne fus pas surpris de la réponse, bien que je n’aie pas pensé à la jeune artiste qui était, elle aussi, une enfant-star doublée d’une diva.

A peine eut-il fini de répondre qu’il se leva et affirma qu’il ne reviendrait pas avant longtemps. J’eus un grand sourire et citai le grand philosophe qu’était Howard Stone :

-Amen à ça.

Poli malgré tout, à moins que ce ne soit un dernier « va te faire foutre », il me dit au revoir avant de sortir.

Je m’affalai alors dans le fauteuil que j’occupais en soupirant bruyamment et en passant une main sur mon visage.

Je ne savais pas si je devais rire ou pleurer, mais une chose était sûre : j’avais du ménage à faire.

@ Billy Lighter