Je pleurais ! Je pleurais très fort. Je venais de casser tout ce qu’il y avait dans ma loge. C’était le quatrième jour de tournage de ma série favorite. Mais c’était aussi mon dernier jour…

-Non ! Je ne veux pas que ça finisse comme ça ! Je ne veux pas ! Je ne veux pas tourner cette scène ! Je veux pas !!!

Je tenais fermement mon script dans ma main gauche alors que les larmes de rage et de tristesse coulaient le long de mes joues. Je venais de lire mes scènes du jour et le roi que j’incarnais allait mourir aujourd’hui… Dans le tout premier épisode de la deuxième saison ! C’était pas ça que je voulais !

-Ian… L’histoire est comme ça. On ne va pas la changer parce que tu pleurs. C’est normal que le roi Damon finisse ainsi. Ça ne pouvait pas finir autrement.

Le realisateur restait sur ses positions. Il ne flanchait pas. Il était assis les bras et les jambes croisés sur sa chaise en me regardant crier et pleurer parce que je n’étais pas d’accord avec la fin de mon personne.

-Ma maman dans la série n’aurait pas laissé faire ça ! Je veux voir le scénariste !! Tout de suite !

Je tapai du pied mais le Ben, le réalisateur, ne bougeait pas d’un poil.

-Je sais que ça te rends triste de finir l’aventure comme ça mais c’est comme ça. Le scénariste de changera rien.

Je shootai dans une chaise et déchirai mon script. Et j’envoyai les morceaux de papier sur Ben. Il leva les yeux au ciel.

-Je ne tournerais pas cette scène ! Si je ne la tourne pas, Damon ne mourra pas ! Je ne veux pas qu’il meurt !

Je ne voulais pas arrêter la série. Je n’avais même pas encore tourné avec Robin depuis la reprise. Qu’est-ce que j’allais faire après ? C’était mon passe-temps pour l’année avant une tournée de maman… Je pleurais toujours de rage alors que Ben soupira.

-Ian… Si tu ne tournes pas la dernière scène on insinuera la mort de Damon d’une autre façon. Mais ça risque de mettre en péril ta carrière si les gens comprennent que tu ne veux pas tourner les scènes qui ne te plaisent pas. Tu deviendras un acteur pas fiable et les réalisateurs risquent de ne plus t’engager. Sans compter que tu devras de l’argent à la production. Beaucoup d’argent. Tu comprends ?

Je le regardai avec un regard noir. Il voulait me sortir du scénario coute que coute. Il allait me faire mourir même si je ne tournais pas la scène. Je frottais mes yeux mais j’avais toujours le visage tordu par la colère.

-Quand ma maman apprendra ça vous aurez tous de gros ennui. Je vais tourner la scène mais je ferais plus jamais de série pour vous tous. J’aimais bien Damon. Il devait vivre. Il ne pouvait pas perdre !

« Les méchants vont toujours tricher pour essayer de t’atteindre, Ian… ». Jimmy avait raison. Ils avaient triché. Ils avaient tués mon personnage pour ne plus me voir.

Ben se leva et me regarda de haut. Je n’aimais pas qu’il me regarde comme ça.

-Très bien. Maintenant, repasse te maquiller un peu et va rejoindre River sur le plateau.

Il s’éclipsa alors me laissant seul dans ma loge. Quand je dirais ça à maman elle ira me défendre et dire que c’est mal ce qu’ils font.

Je quittai la loge pour passer au maquillage non sans crier au scandale en chemin. La maquilleuse essaya de me calmer et essuya mes larmes avant de me maquiller. Après ça, je me dirigeai vers le plateau où tout le monde était déjà en place.

River était là. Il me regardait avec son regard bleu. Je frissonnai en le voyant. J’avais lu la scène et je savais que ça allait être pas beau. Ma lèvre trembla. J’étais toujours plein de rage.

-En place !

Le réalisateur venait de dire ça et je me mis en place sur le plateau.

Le roi Damon venait de fuir la bataille. Ses troupes avaient été réduites à néants mais il avait réussi à fuir avec ce qu’il restait de la garde royale. Ils étaient en route vers la maison mais ils ont dû s’arrêter en chemin pour faire une pause.

-ACTION!

Je me tenais dans une grotte devant un feu. Pas l’endroit rêvé pour un roi de ma trempe. J’avais froid. Il neigeait. Mais j’étais rassuré par la voix des gardes dehors qui gardaient la grotte. Je réchauffais mes mains devant le feu. Je pensais à ma mère qui m’attendait à la maison. Cette bataille, on aurait dû la gagné. Mais nos ennemis avaient eu des renforts de dernières minutes… Je n’aurais jamais été sur le champ de bataille si je n’aurais pas su que la bataille était gagnée d’avance. Ce n’était pas mon genre de mettre ma vie en danger. Mais, hélas, mes pronostiques avaient été mauvais.

Et on avait perdu.

Mon regard se perdait dans le feu… Je revoyais ma défaite dans les flammes. Cette défaite vraiment injuste.

@ Billy Lighter

Tapi dans l’ombre, le regard perdu dans les flammes un peu plus loin, torse nu et la peau portant des marques de lacérations suintantes de sang, j’attendais que la garde royale, ou ce qu’il en restait de membres aux abois, fatiguent et baissent leur garde…

Avec quelques-uns de mes hommes, nous avions quitté le champ de bataille pour suivre à distance respectable le petit Roi Damon qui fuyait avec sa garde alors que ses troupes se faisaient ramasser par celles de celui que le peuple avait proclamé Roi, rejetant ce sale gosse capricieux qu’était Damon.

-River…

Calmement, froidement, nous avions suivi la trace de l’enfant qui s’en retournait dans les jupes de sa mère la queue entre les jambes en jappant comme un roquet. Jusqu’à ce que, fatigués tout comme leurs montures, ils ne soient forcés de s’arrêter, trouvant refuge dans une grotte humide et froide.

Venant du champ de bataille en contre-bas, il me semblait entendre les cris des blessés et agonisants… Nous avions fait un carnage ! La plupart des troupes au nom du Roi Tarlan… Mais la mienne, armée de parias mercenaires, par pur appât du gain…

-River…

Bien que, personnellement, c’était le plaisir qui me faisait courir.

Tarlan avait dû piétiner allègrement son éthique pour venir me voir. Mais il savait aussi que s’il ne le faisait pas, il n’aurait jamais le dessus sur Damon… Parce qu’ils n’étaient pas assez nombreux… Mais aussi et surtout parce que les troupes de Tarlan étaient composées d’hommes d’honneur.

Sauf qu’une guerre ne se gagne jamais avec honneur. On ne peut que perdre avec honneur.

Or, je n’ai aucun honneur.

Et Damon non plus.

Si Damon m’avait engagé avant Tarlan et si le gamin n’avait pas été aussi radin en me refusant sa mère, l’issue de cette guerre aurait été toute autre.

-Kraken ?...

Entendant mon nom, je me redressai, puisque j’étais accroupi pour guetter ma proie à la lueur des flambeaux… Je me retournai vers la voix pour me retrouver face à Ben…

Le réalisateur… qui recula d’un pas, les yeux écarquillés fixés sur mon torse lacéré.

-Bon sang ! C’est du maquillage ça ?

Je baissai la tête pour me regarder puis relevai mon regard glacé vers Ben et hocher la tête, sans rien dire…

Je m’étais fait ça tout seul, en réalité… Mais Ben sembla à demi-satisfait et soupira.

-Oook… Ils ont vachement bien fait ça.

J’eus un plus large sourire dévoilant mes dents irrégulières et mes canines légèrement proéminentes, mes yeux grand ouverts, et hochai encore une fois, plus franchement, la tête, approuvant Ben, quoi qu’il soit en train de dire. J’étais complètement excité…

Ben soupira :

-Ton method acting est vraiment trop flippant…

Il sembla se reprendre un peu alors que mon regard était attiré par ma petite proie qui passait. Mon regard croisa le sien et tous mes muscles se contractèrent. Je ne pourrais lui sauter dessus que quand Ben aurait dit « action ! ».

-River…

Que quand Ben aurait dit « action ! »…

-Et merde… Kraken.

Je tournai mon regard vers Ben qui recula encore, ses deux mains en l’air… Parce que j’avais pointé une des deux fausses lames que j’avais en main vers lui.

-Wow !... Sois gentil avec ça… Elles sont pas affutées, mais ça reste du métal…

Je fis tourner ma lame dans ma main, un nouveau sourire aux lèvres.

-Bon, c’est une scène importante… Je veux que tu y ailles à fond, je m’expliquerai avec le CSA ensuite.

Je hochai la tête. Ben me rendit mon sourire.

-Et… Ne lui fais pas mal… Mais te gênes pas si tu veux foutre une trouille bleue au gosse.

Je souris. Ben partit. Je m’accroupis à ma place, regardant les flammes des torches du décor…

Et replongeai.

Mes hommes étaient là, tout autour, au nombre de quatre. J’imitai le hululement d’un hibou.

Le signal était donné et je regardai la scène depuis ma planque dans les buissons. Damon était à moi, c’était le deal.

Un premier garde tomba à l’entrée de la grotte, puis disparut en hurlant, traîné qu’il était à terre, comme happé par un monstre chimérique.

Un deuxième fut transpercé par derrière, crachant une volute de sang.

Et tous les autres tombèrent aussi, dans des morts aussi certaines qu’atroces.

La garde royale décimée, je me levai, le sang, du vrai sang, luisant sur mon torse laiteux.

D’un pas décidé, j’entrai dans la grotte, trouvant l’enfant recroquevillé au coin d’un feu. Mes hommes restèrent à l’extérieur.

Je tendis une de mes lames vers lui et souris, sadique.

-Tu aurais dû me donner ta mère.

Je lançai ma deuxième lame à ses pieds. Ce n’était pas dans le script, mais personne ne cria « Coupez ! ».

-Quand je t’aurai découpé… Je lui ramènerai ta tête… Ou autre chose, peut-être.

Je m’approchai d’un pas et hurlai :

-DEBOUT !

Qu’on s’amuse un peu… Enfin surtout moi.

@ Billy Lighter

Des cris. J’entendais des cris… Des horribles cris dehors. Des cris d’effrois et de douleur. Je sursautai sur mon petit rocher où j’étais assis.

-Gardes ! Qu’est-ce qu’il se passe ?

Je n’eus comme réponses que plus de cris et les bruits de métal résonnant dans la forêt enneigée. Je n’osais plus bouger. J’étais pétrifié.

Quelqu’un était en train de décimer ce qu’il restait de ma garde royale. Je me sentais piégé dans cette grotte très froide et très humide. Je tremblais, le regard inquiet. Je criai plus fort.

-Qu’est-ce qu’il se passe ?!

Je n’osais pas aller voir moi-même. J’avais peur de ce que j’allais voir.

Mais ce que je vis, finalement, du fin fond de ma grotte, fut bien pire.

Kraken.

Il entra dans la grotte, seul et armé de deux lames. Je sursautai criant d’effroi en le voyant. Son torse était couvert de sang.

Kraken, ce mercenaire. Il avait voulu marchander son armée et ses renforts contre ma mère. Mais ma mère n’était pas une monnaie d’échange. Kraken ne la méritait pas.

J’essayai de soutenir le regard du mercenaire mais l’inquiétude transparaissait.

Il déclara que j’aurais dû lui donner ma mère. Et il lança, ensuite, une lame à mes pieds. Je la regardai avant de reposer mon regard sur Kraken. Je n’avais pas lu ça dans le script. Et, dans l’incertitude de ce qui allait se passer, je tremblais d’autant plus.

Kraken repris la parole et disait qu’il allait ramener ma tête à ma mère avant de m’inciter à me lever. Je me levai d’un seul coup laissant échapper un cri de peur.

-Tu… Tu ne peux pas défier ton Roi ! Tu ne peux pas… Grades !!! Votre roi a besoin de vous !

Mais aucun garde ne vint. Aucun… J’étais seul. Je n’avais jamais été seul. Mes lèvres se pincèrent alors que mon regard alla de l’entrée de la grotte à Kraken ;

J’avais reçu un entrainement à l’épée comme tout futur roi qui se respecte. Ma mère avait toujours dit que j’étais le plus fort.

Je pris la lame que Kraken m’avait donnée. En dehors des bornes du scénario, je ne savais pas comment j’allais mourir. Mais, peut-être que je pouvais changer la donne… J’étais le Roi Damon ! Damon devait gagner.

Je brandis l’épée. Elle était lourde. Plus lourde que les épées d’entrainement.

Je tremblais ce qui rendait ma prise moins sûre. Mais dans mon regard régnait une détermination. Je voulais survivre. Je voulais revoir ma mère. La prendre dans mes bras…

Et lui ramené la tête de Kraken !

Pétrifié par la colère et la peur, je n’osais pas engager le combat. Je respirais fort mon dos presque contre le mur de la grotte. Il n’y avait pas d’échappatoire.

@ Billy Lighter

Le petit roi n’était plus roi. Il n’était plus qu’un enfant tremblant de froid au fond d’une grotte sordide et glacée… Un chiot perdu qui ne retrouverait plus jamais les mamelles chaudes et rassurantes de sa mère.

Un oisillon que j’allais gober comme un serpent impitoyable.

Par pur amour du jeu, et non pour le déshonneur que me causerait le fait de massacrer un enfant désarmé, je lui lançai l’une de mes lames. Un ignoble sourire vint agrémenter le bleu de mes yeux exorbités lorsque Damon hurla que je ne pouvais pas défier mon roi. Je levai la lame qui me restait et la contemplai avidement… Elle était déjà couverte du sang des soldats de Damon… Et peut-être de deux ou trois guerriers de Tarlan qui s’étaient trouvés sur mon chemin dans l’excitation de la bataille. Le reflet des flammes fut projeté au travers de mon visage par la lame.

Je repris la parole, calme, froid, alors que j’avais hurlé la seconde d’avant, imprévisible.

-Je n’ai pas de roi… Ni toi, ni Tarlan.

Et alors qu’il faisait un froid à glacer le sang, la sueur dégoulinait de mon visage, symptomatique de ma propre excitation.

Réelle.

Mes yeux brillèrent littéralement quand Damon prit la lame et la brandit devant lui, tout en reculant. Il se piégeait tout seul, se mettant littéralement dos au mur.

Je laissai tomber le plat de ma lame sur le bout de mon nez, souriant toujours de toutes mes dents et regardant Damon… puis, je me mis à marcher de long en large devant lui, le feu brûlant entre nous.

-Et tu es tout seul… Tes Gardes… sont éparpillés un peu partout dans la neige, dehors.

J’éclatai de rire, passant et repassant devant le feu.

-Personne ne va venir… Mais j’aimerais beaucoup t’entendre hurler après ta mère, petit Damon.

La lame de Damon tremblait, mais ses yeux restaient braqués sur moi. L’enfant n’avait pas d’honneur, pas de courage, pas de bravoure et n’était pas altruiste.

Mais il voulait vivre.

Tant mieux : sa mort n’en sera que plus savoureuse encore.

Je sautai brusquement par-dessus les flammes et d’un grand coup d’épée, désarmai l’enfant avec une facilité déconcertante… L’accessoire vola au-delà du champ de la caméra et du décor, faisant reculer les maquilleuses et techniciens qui se trouvaient dans la trajectoire et qui s’efforcèrent de ne pas faire de bruit dans leur surprise.

J’attrapai Damon par le col de son costume et, grâce à une force qui me venait de l’excitation que j’éprouvais, soulevai l’enfant contre le mur de la grotte, maculant de mon propre sang le tissu de ses vêtements.

Je le maintenais d’un seul bras, sans effets spéciaux.

Je fis glisser ma lame sanglante, mon sang également puisque c’était avec ça que j’avais réussi à me lacérer le torse malgré qu’elle ne soit pas affûtée, sur le visage de Damon, y laissant une trace écarlate.

Je passai ma langue sur mes lèvres, mes yeux fous rivés dans les siens, lui postillonnant à la figure.

-Tu peux choisir… Tu peux me dire ce que tu préfères que je te coupe en premier.

@ Billy Lighter

Le regard froid et la lame pleine de sang… C’est comme ça que se présentait, devant moi, Kraken…

Et il me défiait en me donnant une arme alors que je lui criai qu’il ne pouvait pas défier son roi. Tout le royaume était soumis à mon pouvoir. Kraken ne pouvait pas me tuer ! Il ne pouvait pas !

Mais, traitre jusqu’au bout, il déclara qu’il n’avait aucun roi. Je fus pris d’une sueur froide et je serrai les dents. Je ne voulais pas mourir. Je devais rentrer chez moi et dire à ma mère que le royaume était rempli de traitres. Qu’on ne pouvait se fier à personne et qu’il fallait faire des exemples en décapitant les gens comme Kraken.

Mais la maison était encore loin…

Je pris la lame. C’était ma seule défense face à ce monstre. Je reculai de quelques pas me collant presque au fond de la grotte. Je ne devais pas avoir peur. Je devais vaincre Kraken.

Mais la lame était lourde…

Le monstre déclara que j’étais seul. Ma bouche trembla même si mon regard était plein de détermination. Le rire de Kraken me fit frissonner. Et il ajouta qu’il aimerait m’entendre crier après ma mère.

-Je ne te ferais pas ce plaisir ! Je te vaincrais !

On s’éloignait du script. Et plus on s’en éloignait plus je voyais la possibilité de vaincre. Ben ne me tuera pas comme ça. Kraken ne peut pas tuer Damon !

Kraken sauta par-dessus le feu. Je sursautai me collant complètement au mur. Il me désarma d’un coup vif. Je criai. Et criai encore quand Kraken me souleva du sol.

-Non ! Lâche-moi ! Tu ne peux pas me tuer !

Je tenais de mes mains l’avant-bras du monstre. Je fermai les yeux quand il leva sa lame. Et je laissai passer une longue plainte quand il glissa sa lame sur ma joue.

Je ne voulais pas mourir. Je voulais rentrer chez moi. Je voulais voir ma mère.

Les larmes coulaient le long de mes joues. Des vraies larmes. De peur, de colère et de tristesse.

Kraken me postillonna à la figure en me laissant un choix cruel. Je criai :

-Je ne veux pas mourir ! Je ne veux pas ! Laisse-moi partir ! S’il te plait ! Je te couvrirais d’or ! Je te donnerais une place dans la garde royale !

Mes larmes coulaient toujours abondamment. Mais je ne lui promis pas ma mère dans toutes les propositions qui sortaient de ma bouche. Je ne pouvais pas lui donner ma mère.

-Laisse-moi !

Je laissai partir un coup de pied qui frappa Kraken. Je ne m’étais pas retenu.  

@ Billy Lighter

L’enfant pensait pouvoir me vaincre ! Très bien. C’était plus amusant quand la proie ne se laissait pas faire… plus excitant aussi. J’avais passé l’âge de tuer des êtres sans défense. Il m’en fallait plus. Je voulais l’entendre crier, supplier, pleurer.

Et une fois que je le tins à bout de bras, je ne fus pas déçu. Damon passa par toutes les émotions dont un humain tel que lui était capable… Des émotions que je n’éprouverais probablement jamais moi-même, mais que, grâce au gamin, je vivais momentanément par procuration avec un plaisir sadique.

Je vis dans ses yeux, la peur, la frustration, la tristesse, l’innocence, aussi, d’un enfant monté trop haut bien trop tôt. La colère aussi, puissante, permanente et latente… Il ferma les yeux quand ma lame vint caresser sa joue en y laissant une traînée de mon sang. Il me coupa de tout ce qu’il éprouvait momentanément, jusqu’à ce que ses larmes se mettent à couler. Des larmes que peut-être moi seul pouvait bien sentir qu’elles n’étaient pas issues de son talent.

Mais d’une véritable peur de mourir.

Je lui laissai un choix. Il pouvait choisir comment il allait mourir, ce que le script ne lui permettait pas.

Mais son seul vœux était de vivre, il était prêt à payer pour ça, à faire de moi l’un de ses gardes les plus proches.

Je souriais, mes dents sales brillant à la lueur des flammes, mes yeux suivant le trajet de ses larmes sur son visage avec délectation alors que je le maintenais sans peine contre le mur. Je sentis des papillons dans mon bas-ventre quand Damon me hurla de le laisser.

Tellement mort d’excitation que je ne vis pas son coup de pied partir… Mais je le sentis clairement arriver entre mes jambes, avortant douloureusement une érection. C’était probablement mieux comme ça parce que ça aurait été embêtant, si ça s’était vu.

Je me pliai en deux, hurlant de douleur et de colère, rien à voir avec du jeu d’acteur, et lâchant ma proie. Hors champs, hors décor dans le studio plongé dans le noir, je vis, en tenant mes couilles meurtries au travers de mon pantalon moyenâgeux de cuir, mon agent, Henri Finley, qui regardait la scène trempé de sueur.

Et toujours pas de « coupez ! » de la part de Ben.

Tant mieux. Je ne voulais pas qu’il coupe.

Puis, alors que je tournais sur moi-même, le regard furieux, pour que mon petit adversaire ne se retrouve pas dans mon dos, je replongeai totalement dans ce monde violent et froid. Le monde de Kraken. Mon monde.

Je hurlai encore, mais de colère non contenue, cette fois, au point que mon visage en devint rouge, à l’attention de Damon afin de le pétrifier. La douleur me tailladait le bas-ventre, et pas pour rire !

Mon premier réflexe fut de courir me mettre entre lui et la sortie de la grotte.

Parce que si Damon réussissait à sortir de la grotte…

Si Ian arrivait à sortir du champ et du décor…

Ce serait fini.

Or, il devait mourir.

@ Billy Lighter

  Je ne voulais pas mourir ! Mon corps en entier criait mon envie de vivre. Pourtant, Kraken me tenait fermement. J’avais mal au dos. J’avais mal à cause du mur irrégulier de la grotte.

Et je pleurais. Parce que je voulais rentrer chez moi. Voir ma mère. Régner à nouveau comme avant. Je ne voulais plus aller à la guerre. Le champ de bataille n’était pas l’endroit où devait se trouver un roi.

Maman avait raison…

Je suppliai Kraken de me lâcher. De me laisser rentrer chez moi. Je lui proposai beaucoup de chose en échange. De l’argent et une place de choix dans mon royaume.

Mais il avait toujours ce même regard fou. Et il ne me lâchait pas.

Alors, c’est ma rage et ma peur qui repris le dessus. Je shootais, sans vraiment m’en rendre compte, dans les parties sensibles de Karken. Je n’avais pas calculé ma force. J’avais frappé parce que tout mon corps m’avait demandé de le faire. J’avais frappé parce que je voulais vivre ! Vivre jusqu’au bout !

Il me lâcha. J’étais libre !

Il se tordait de douleur. Et je me remis difficilement sur mes deux pieds parce que j’avais été surpris. Surpris qu’il me lâche. Surpris de mon propre coup.

Kraken se retourna vers moi. Son visage était rouge de colère. Mes yeux étaient terrifiés. Mais j’étais libre.

Je me retournai vers la sortie de la grotte. Je savais que si je passai l’entrée, je vivrais ! Et je reverrai ma mère. Elle me prendra dans ses bras. Et cette grotte ne sera plus qu’un vilain souvenir.

Je me mis à courir vers la sortie mes larmes coulant toujours le long de mes joues.

Mais Kraken se mis entre moi et ma vie… Je m’arrêtai net, reculant d’un pas.

-Ecarte-toi !

Il ne le fit pas et je reculai en respirant très vite. Je n’avais plus d’arme. La mienne s’était envolée. Hors de portée.

J’étais coincé.

-Nooooon ! Non, je ne veux pas !!! Non !!

Je criais de toute mes forces vers River. Ma voix résonnait dans tout le studio. Et je pleurais encore plus.

@ Billy Lighter

Mon bas-ventre était en feu, mais pas pour les mêmes raisons qu’un peu plus tôt. L’excitation avait laissé place à la douleur quand le môme m’avait balancé son pied dans les parties et j’avais été contraint, dans un réflexe, de le lâcher…

Mais je ne l’avais pas laissé courir vers la sortie de la grotte.

Parce que Ian devait mourir.

Damon ne pouvait plus jouer dans Keeeping Our Lands parce que son histoire s’achevait ici.

Le petit roi avait fait les mauvais choix.

Et puis, les gentils gagnent toujours… Et le gentil, c’était Tarlan. Damon et moi étions d’une autre trempe.

J’admirais l’enfant-roi… J’admirais l’enfant-acteur… Pour ce qu’il venait de faire.

Mais maintenant qu’il m’avait fait mal, il avait deux fois plus de bonnes raisons de mourir.

Je me plaçai entre lui et la sortie de la grotte et du décor. Il pleurait, de peur, de rage et de tristesse, complètement dépassé par ses émotions.

Parce qu’il savait.

Ce fut à son tour de hurler… Il me hurla de m’écarter et je ne répondis que par un presque imperceptible hochement négatif de la tête avec un large sourire aussi irrégulier que sadique. Damon comprit que c’était fini pour lui. Il cessa de parler comme le pseudo-roi qu’il pensait être… Et agit comme l’enfant qu’il était réellement.

Il recula d’un pas, pleura et cria avec ce qui lui restait d’énergie.

Suffisamment pour que ce soit aussi efficace pour me motiver que l’odeur de sang qui émanait des blessures sur mon torse. Je bondis à nouveau et me retrouvai à califourchon sur l’enfant que j’avais poussé en arrière et qui était tombé le dos sur le sol. Ben, dans ma vision périphérique s’était levé de sa chaise de réalisateur. Henri, mon agent, tournait carrément le dos à la scène, une main plaquée sur les yeux.

Ben voulait être convoqué par le CSA, il allait être servi.

Et toujours pas de « coupez ! ».

J’éclatai d’un rire triomphal, assis sur ma proie qui suffoquait sous mon poids.

Mais je n’en avais plus pour longtemps.

Tout en riant, le levai ma lame dans les airs… Je croisai le regard effrayé de Damon pour la dernière fois… Et puis abattis le pommeau de mon épée sur le crâne de Damon, n’évitant celui de Ian qu’au dernier moment, le sentant se raidir de peur sous moi. Je recommençai, encore et encore et pressai la poche d’hémoglobine factice dissimulée dans le manche de mon épée… Avec le mouvement et les chocs quand le pommeau frappait le sol du studio, les éclaboussures maculèrent mon visage… Et un caméraman eu l’excellente idée de venir filmer mon visage de près, gardant Ian hors champ.

Je frappais encore et encore, jusqu’à ce que, Damon ait le crâne complètement en bouillie…

Mais laissant Ian au sol, qui n’avait plus intérêt à bouger d’un pouce parce qu’il était mort, je me relevai, essoufflé et les yeux écarquillés, jetant ma lame à terre… Je m’étirai, la bave coulant bien malgré moi de mes lèvres…

Damon n’était plus.

-Coupez !

@ Billy Lighter

 Ma seule échappatoire venait d’être obstruée par Kraken. Je ne pouvais plus m’échapper. Devant, il y avait Kraken… Derrière le mur froid et irrégulier de la grotte.

Non ! Ça ne pouvait pas finir comme ça ! Je ne voulais pas que ça finisse !

Tous mes espoirs de changer le scénario venait de s’évanouir. Et mes larmes coulèrent de plus belles alors que je criais ma rage et mon désespoir. Je ne savais plus rien faire à part ça. A part crier et espérer que Ben change d’avis. Que, tout d’un coup, il me dise que ma mort n’était qu’une blague pour me faire peur.

Mais il ne dit rien. Il regardait la scène. Comme tout le monde sur le plateau.

Soudain, Kraken bondit sur moi. Je lâchai un cri de surprise et de peur. Je tombai au sol me faisant mal en tombant. Je lâchai un cri de douleur alors que le simple poids de Kraken suffisait à me maintenir au sol. Je pleurais toujours et je criai encore plus fort.

J’avais peur… Vraiment peur…

Kraken riait. Et mes pleurs furent étouffés par son poids. Je suffoquais et ma voix était sifflante. Je cherchais à crier mais je n’y arrivais plus.

Je voulais ma maman… Je la voulais tout de suite.

Je tremblais jusqu’à ce que Kraken ne brandisse sa lame et…

C’était fini.

Je devins inerte d’un seul coup. Mes yeux se figèrent. Et je n’entendais plus rien. Il y avait juste quelques larmes qui coulèrent encore de mes yeux.

C’était tout ce qui restait du roi Damon. Le grand roi Damon…

-Coupez !

Je me redressai d’un seul coup. J’étais encore maculé par l’hémoglobine. En rage, je criai un bon coup en reprenant mes pleurs. Je me relevai bousculant River au passage et sorti du décors pour m’approcher de Ben.

-Je veux voir ma maman ! Appele ma maman tout de suite !

J’étais en pleurs. J’étais fâché et triste.

Après avoir donné mes ordres à Ben, j’étais parti en courant en pleurant vers ma loge ou je m’enfermai.

Dedans, je sautai dans un grand siège et me recroquevillai sur moi-même pour continuer à pleurer. Je ne voulais pas que sa finisse.

Mais c’était fini.

Ben allait me le payer.

@ Billy Lighter

L’ordre de Ben marquait la fin de la scène… Debout au milieu du décor, les yeux dans le vide, la bave dégoulinant de mon menton jusque sur mon torse, j’essayais de remettre les choses en place : le bien, le mal, le réel et l’acting…

L’acting était une échappatoire, « Action » et « coupez », les deux positions possibles sur l’interrupteur que j’avais dans le cerveau.

Mais parfois, quand on allait trop vite, les frontières n’avaient pas le temps de se stabiliser et les barrières, pas le temps d’être remontées pour canaliser mes envies et mes besoins…

Et Ian/Damon alla un rien trop vite.

Se relevant d’un bon, criant de rage, le visage maculé d’hémoglobine factice, il me bouscula pour aller vers Ben.

Quoi ?! Damon était encore vivant ?!

Je fis un pas en avant pour le poursuivre à nouveau, mais Henri, mon agent, m’arrêta en faisant barrière de tout son corps en murmurant alors que son t-shirt fut instantanément plein de mon sang.

-River… River Moriarty… Coupez. Il a dit « Coupez ! ». Il faut arrêter de jouer.

Puis, fixant ses yeux dans les miens :

-Tu dois arrêter de jouer. Damon est mort. C’est dans la boîte et on ne la refera pas. Celui-là, c’est Ian Hunter.

Je me détendis, m’arrêtai, l’interrupteur sur « off ».

Mes yeux se reposèrent sur le gamin qui exigeait de voir sa mère. Comment quelque chose d’aussi petit pouvait contenir autant de colère… ?

Et bien, il ne la contenait pas…

-River… C’est pas du maquillage, ça…

Henri regardait sa main ensanglantée, celle qu’il avait posée sur mon torse nu en tentant de m’arrêter. Je reposai mes yeux sur lui et, pour toute réponse, haussai les épaules. Il regarda tout autour de lui, mais Hunter et ses cris, et ses pleurs et sa rage, attirait toute l’attention des autres personnes présentes.

-Viens avec moi… Faut qu’on nettoie ça avant que quelqu’un d’autre s’en rende compte.

@ Billy Lighter