Cette journée s'annonçait encore très intéressante... Il fallait quelqu'un pour rester de surveillance dans les cellules du commissariat... Et comme on était samedi soir, j'allais pas manquer de client.

Déjà, à l'heure où je pris ma pause, j'avais droit à la compagnie d'un clodo particulièrement crade. Un vieux barbu à l'allure néanmoins sympathique dont j'avais vu le caddies remplis de trucs inutiles stationné dehors. Encore un qui allait me faire chier à vouloir faire la conversation quoi...

Je m'installai, les pieds sur la table à côté des magazines rock que mon collègue me laissa pour passer le temps. Plus qu'à attendre pendant 12 heures que la nuit se passe. Mais qui sait? Il y avait des jour où il n'y avait rien de plus intéressant que d'être de poste fice aux cellule, surtout à L.A... On y rencontrait parfois des gens très spéciaux et parfois aussi très connus par la même occasion... Mais tous étaient aussi vraiment bien pétés.

Mon collègue me laissa seul, retournant auprès de sa femme et ses gosses à la maison. Moi, personne ne m'attendais alors. Je pris un des magazine et l'ouvrit alors que le vieux clodo m'interpellait déjà d'une voix pâteuse... J'allais tester encore une fois ma patience et voir dans combien de temps j'allais mettre un coup de bâton sur les barreaux de sa cellule pour qu'il soit plus occuper par un mal de tête provoqué par le bruit métallique que par ma présence.

Dans le magazine, je tombai sur une photo de Billy Lighter! Excellent, j'étais totalement fan de ce groupe et je comptais bien aller les voir la prochaine fois qu'ils passeraient au Crazy Ginger s'ils avaient encore l'occasion de le faire... Parce que leurs concerts attiraient maintenant tellement de monde qu'ils remplissaient des stades!

Sur la photo, le rouquin était en compagnie d'un jeune blond dans un bar, apparemment, que je ne connaissais pas. La photo avait été prise au vol par un journaliste du magazine qui se trouvait là par hasard, disait l'article. Et le blond était un certain Eddy Cort de Roadtramp... Inconnu au bataillon...

Je relevai la tête, demandai avec ma douceur naturelle au clodo de fermer sa grande gueule et retournai à mon magazine... Je me demandais bien ce que les patrouille allaient me ramener cette nuit...

Il était tard. J’avais travaillé toute la journée et avait réussit à m’engueuler avec mon patron. Je détestais ces journées entière de travaille car c’était une journée que j’aurais pu passer avec mon groupe et composer des trucs afin de pouvoir jouer dans des clubs. Mais on n’en était pas encore là. Pour l’instant on se contentait de jammer dans notre garage. Et pour avoir ce garage et de quoi vivre il fallait des thunes. Et donc, on se devait de travailler. Mais bon… Passer mon temps à vendre des hamburgers c’était pas cool. Je détestais ce job mais je n’avais pas le choix.

J’étais donc un peu sur les nerfs et, alors que j’étais sur le chemin pour rentrer à l’appart qu’on louait moi et mon groupe, je vis deux gars entrain d’emmerder une jeune femme. Je ne savais pas vraiment ce qu’ils lui voulaient mais ils n’avaient pas l’air sympa du tout.
Je m’approchai d’eux et leur demandai ce qu’ils lui voulaient. Un des deux gars me répondit que ça ne me regardait pas et que je n’avais cas me barrer. Je n’étais pas du genre violent… Mais quand le deuxième gars frappa la fille en pleine figure cela me fit pêter un plomb. Je détestais qu’on s’attaque à une fille et ce type venait vraiment de m’énerver.

Je lui envoyai un jetons en plein figure et c’est ainsi qu’une bagarre ce déclara, rameutant tout les clochards du coin. La fille, elle, s’en alla sans demander son reste…
Il ne fallut pas longtemps avant qu’une voiture de flics arrive et nous embarque tout les trois. On n’avait pas grand-chose, juste quelques bleus ou blessures superficielles. Je n’avais jamais vraiment eu affaire à des flics. Je les respectais même, surtout depuis que j’avais appris que mon frère en était un. Je n’opposai donc aucune résistance et ils nous emmenèrent au poste. On allait sûrement rester en cellule… Encore du temps perdu…
Ils nous emmenèrent vers les cellules et il ne me fallut pas longtemps avant de reconnaitre mon frère. Un sourire enthousiaste s’afficha sur mon visage.

-Hey ! Jordan !

J’étais très heureux de le voir. Les autres flics m’enfermèrent dans une des cellules mais je ne cessais de fixer mon frère.

-Ca faisait longtemps ! Comment tu vas ?

Je n'eus pas à attendre longtemps. Le vieux con n'avait même pas encore fini de m'emmerder que j'étais de nouveau distrait par du bruit venant du sas d'entrée. Décidément, je n'allais pas être déçu par cette nuit! Puis il me sembla reconnaître une voix et quelle ne fus pas ma surprise en voyant deux flics escorter mon frère et sa petite gueule de rebelle...

Duncan était à L.A. seulement depuis quelques temps. Il s'y était installé avec son petit groupe punk et, en passant, ce qu'ils faisaient ensemble n'était pas mal du tout. Mais on ne se voyait pourtant pas souvent: moi, j'avais des horaires décalés et lui travaillait dans un fast food quand il n'était pas en train de jammer avec son groupe.

Mais ça m'étonnait de le voir ici... Duncan était un rebelle, certes, révolté contre cette société de merde que j'utilisais pour survivre. Cependant, il n'était pas le genre à se faire embarquer, même s'il avait un sale foutu caractère de merde. Ce qu'il avait à dire, il le disait dans ses chansons et je ne pouvais qu'approuver ses lyrics.

Je ne pus me retenir de lui sourire. D'ailleurs, je n'essayai même pas. Et mes collègues me connaissaient trop bien pour savoir que j'étais souvent plus proche de ceux que je gardais en cellule que d'eux-mêmes. Quatre autre flics escortaient deux autres gars beaucoup plus agités que mon frangins qui se laissait gentiment faire. Un des deux gars semblait avoir pris plusieurs jetons et vu leur style, je pouvais facilement deviner qui était dans quel camp. Mon frère lui même saignait de la lèvre, mais rien de grave.

-Salut Duncan... Si tu voulais me voir, suffisait de passer à la maison, c'était plus simple...

Mes collègues eurent vite compris à qui ils avaient à faire et ils me sourirent. Je m'approchai de mon frère et le fouillai comme la procédure l'exigeait, avant de lui demander de retirer les lacets de ses pompes. Mes collègues, pendant ce temps, faisaient de même avec les deux autres avant de les enfermer dans deux autres cellules. Ok... Je faisais avec Duncan comme avec tout le monde tant que mes collègues étaient là et que les deux autres individus étaient encore entre leurs mains. Si j'avais privilégié mon frère à ce moment-là, aucun doute qu'on aurait eu une rebellion.

Je verrouillai la cellule de mon frère avant de me diriger vers le bureau en plaisantant sur ce qui se passait dehors avec mes collègues. Je remplis le registre d'écrou, leur fit signer, ainsi que la liste des prohibés de chacun des détenus. Ils repartirent ensuite dans la jungle qu'était L.A.

Une fois sûr qu'ils étaient sortis, je me dirigeai vers la cellule de mon frère, l'ouvrit et le laissai sortir. Les trois autres détenus se mirent aussitôt à vociférer. Je les ignorai.

-Il s'est passé quoi?

J'invitai mon frangin à s'assoir sur le bureau. Mais en revenant vers là, je pris ma matraque sur mon ceinturon et frappai un grand coup sur les barreaux de la cellule de celui qui avait des marques de coups, à même pas deux centimètres de ses doigts. Aucun doute que si j'avais raté mon coup ou s'il avait bougé, je les lui aurais éclatés. Ils la fermèrent instantanément tous les trois. On allait être tranquille... ouf... Au moins 5 minutes avant qu'ils ne recommencent.

J'étais peut-être un flic... Mais j'étais avant tout militaire et vétéran du Viet-Nâm et c'était une nature que j'avais du mal à refouler.

Mon frère me souriait. Une chose était sûre, il n’était pas fâché de me voir dans une telle situation. De toute façon, s’il l’avait été je lui aurais expliqué les raisons de ma présence ici et il n’aurait pu que m’approuver.

Il me salua et faisant une réflexion qui me fit sourire. Il n’avait pas tort en soi, mais je n’avais pas vraiment prévu cette visite non plus.

-Ouais c’est vrai… Mais le commissariat c’est plus simple à trouver et le taxi pour venir ici est gratuit.

Je rigolai, ce qui n’était pas du tout les cas des deux autres gars avec qui je m’étais battu. Ils se débattaient et gueulaient des insultes envers moi et les flics qui essayaient de les mettre en cellule.

Mon frère me fouilla et je trouvais cela assez marrant. Surtout que je n’avais absolument rien sûr moi à part mon portefeuille et c’était déjà bien… Jordan me demanda d’enlever mes lacets. Bon, ok, c’était la procédure... Même si je ne voyais vraiment pas comment les gens arrivaient à se suicider avec leurs lacets… Ils étaient vraiment très forts. Ou alors il y avait peut-être d’autres raisons pour qu’on doive les enlever. Quoi qu’il en soit, je m’exécutai et le tendis à mon frère. Je souriais toujours. Cette soirée au poste de police aurait pu être la pire de ma vie mais, dans le cas présent et avec la présence de mon frère, ça allait plutôt être une soirée sympa.

Jordan m’enferma dans la cellule. Enfin tout du moins jusqu’à ce que ces collègues partent. Car quand il n’y eu plus que nous et les autres prisonniers, il me sortit de la cellule provoquant les injures et plainte des trois autres dans leur cellule. Bien fait pour eux !

Je m’installai sur le bureau et m’embarquai dans des explications sur les raisons de ma présence ici.

-C’est simple, je rentrai chez moi après mon travail et j’ai vu ces deux types là entrain d’emmerder une fille. Ils allaient la frappé alors je suis intervenu. Et me voici !

Je souris. Moi je trouvais que j’étais le héro dans l’histoire. Juste un héro incompris comme tous les héros.

Mon frère frappa avec sa matraque sur les barreaux des autres détenus qui ne faisait que vociférer sans arrêt. Ils finirent par se taire et ce n’était pas plus mal. Je souris à Jordan.

-Je suis Batman… Mais tes collègues n’ont pas compris ça… Ni la fille d’ailleurs.

Je soupirai tout en gardant le sourire. Je regardai les alentours avant de reposer mon regard sur mon frère.

-Ca doit être ennuyant de passer la nuit ici à rien foutre…

Je me retins de rigoler à la remarque de Duncan... Mais fallait avouer que le petit avait raison, dans un certain sens. Evidemment, mes collègues avaient compris et ne s'attardèrent pas... De plus, un tas de proies les attendaient dehors... Et si il y avait de ça deux minutes, j'aurais presque tout donné pour aller chasser avec eux, ce n'était plus le cas maintenant que je savais que j'avais Duncan avec moi.

Duncan ne fut même pas surpris de mon comportement envers les détenus. Fallait dire que le gosse me connaissait. Par contre, les détenus, eux, avaient sursauté un bon coup! Duncan, lui, avait calmement pris place sur le bureau, ses baskets usées et délacées de balançant dans le vide, m'envoyant du même coup des flashes de quand il était gamin...

Il se mit à m'expliquer la situation, comme s'il avait à se justifier. Il était vrai que j'étais pour lui ce qu'il y avait de plus proche d'un père vu qu'il ne l'avait pratiquement pas connu. Il n'avait rien fait de mal et j'étais flic depuis assez longtemps pour voir au premier coup d'oeil qu'il n'était pas bourré, contrairement aux deux autres avec qui il s'était battu. Et son histoire comme quoi il avait défendu une fille ne m'étonnait pas du tout.

Je m'assis sur mon siège et posai mes pieds sur le bureau tout en l'écoutant. Quand il eu fini en disant qu'il était Batman, je rigolai.

-Ouais, c'est ça! Et moi, je suis le Commissaire Gordon censé te couvrir?

Je lui fis un clin d'oeil, évidemment que j'allais le couvrir. Je préférais défendre ma famille plutôt que garder un job... Mais pour ce qui était du grade de Commissaire, très peu pour moi, les gars! J'avais déjà assez de responsabilités comme ça...

-Hé ben si elle a pas pigé, c'est qu'elle en valait pas la peine... Mais bon, au moins, tu lui auras quand même évité un sale quart d'heure...

Les deux autres se remirent à vociférer et à gueuler des insultes envers la fille en question, qui avait probablement pris ses jambes à son coup plutôt que de rester pour appuyer la version de Duncan. Je soupirai, j'allais attendre encore un peu avant de réagir, roulant entre mes mains le magazine que je lisais un peu plus tôt, peut-être qu'ils allaient se fatiguer d'eux-mêmes.

Après quelques secondes, Duncan fit un commentaire sur le boulot du jour. Et c'est sur lui que je balançai le magazine en riant.

-Hey! Je fous pas rien! Et on peut te retenir 12 heures p'tit mec, alors tu vas foutre rien avec moi!

Il avait rattrapé le magazine... Je le désignai.

-On parle de Billy Lighter là-dedans, si tu veux. Toi comment ça marche ton groupe? Vous avez déjà un nom?

Je m'intéressais beaucoup à ce que faisais Duncan avec son groupe parce que j'adorais la musique et si mon prorpre petit frère pouvait se faire sa place dans ce monde-là, ce serait génial.

Je racontai mon histoire en mettant bien en avant le fait que j’avais fait une très bonne action. En fait je voulais que mon frère sache la vérité. Avec ma mère, il était la seule autorité que j’écoutais et respectais, je me devais donc de me justifier devant lui-même si je savais pertinemment qu’il serait de mon côté.

D’ailleurs quand je lui dis que j’étais Batman il joua dans mon jeu et je souris.

-Ah ouais, je te vois bien en Commissaire Gordon.

Je rigolai. Ce n’était pas le même genre du tout… Mais par son clin d’œil je compris bien vite qu’il me couvrirait. Il m’avait toujours protégé, ce n’était pas vraiment maintenant qu’il allait s’arrêté.

Il me rassura aussi en disant que la fille ne valait pas la peine et que j’avais bien fait. Je pouvais comprendre la réaction de la fille quelque part…

-Ouais peut-être… Mais je pense surtout que tout ce qu’elle voulait c’était partir loin de là… Peut-être qu’elle se souviendra de moi si on se croise encore.

J’avais beaucoup d’espoir. C’était mon côté romantique. Car ouais, tout les anarchiste avait un côté romantique c’était bien connu !

Le commissariat était bien calme hormis le fait que les détenus braillèrent encore… Je soupirai faisant une réflexion sur le boulot de mon frère. Il ne tarda pas à répliquer disant que les 12h j’allais devoir les passer avec lui ici. J’attrapai le magasine qu’il me lança.

-Ok, je veux bien rien foutre avec toi ! Ca peut être cool !

Ca me rappelait les jours où on été coincé à la maison à cause du temps qu’il y avait dehors et qu’avec mes frères on s’inventait des jeux afin de passer le temps.

J’ouvris le magasine que j’avais en main quand mon frère affirma qu’il y avait un article sur Billy Lighter dedans. J’aimais beaucoup The Lightening et ils avaient déjà une sacrée réputation. Je commençai à lire l’article où ils parlaient surtout de toutes les frasques de Billy pendant leur dernière tournée. Je m’arrêtai afin de répondre à mon frère.

-Ca marche super bien. Mais avec nos boulots on manque de temps… On cherche des bars qui voudraient nous laisser faire quelques chansons en live…

J’avais dit cela avec beaucoup d’enthousiasme. J’avais bien réussit à venir jusqu’à L.A. je n’allais donc pas m’arrêté en si bon chemin. C’est sûr que ce n’est pas facile, mais je suis un gars optimiste.

-Pour le nom on cherche encore. On veut un truc accrocheur genre Anarchy ou un truc dans le genre. Un truc qui nous corresponde bien.

Je regardais Jordan dans les yeux. Peut-être avait-il une bonne idée, lui.

Les trois prisonniers gueulaient de plus en plus et ça commençait à m’énervé.

-Fermez-là, j’entends plus notre conversation !

Mais cela ne fit qu’empirer leurs vociférations.

Il y avait quelque chose que je ne partageais pas avec Duncan, c'était sa capacité au romantisme. Moi, ça me dépassait complètement. C'était peut-être un peu pour ça qu'à 36 ans, j'étais encore tout seul... Et aussi un peu parce que je ne cherchais pas beaucoup... J'avais un peu autre chose à foutre...

-Toi aussi en voyant l'agression t'aurais pu avoir envie de partir loin de là. Tu l'as pas fait, tu l'a sauvée, elle aurait du rester, CQFD.

En plus, dans une grande ville comme L.A., combien y avait de chance que mon frangin croise cette fille encore une fois? Et sur ce minuscule pourcentage, combien restaient de chances qu'elle le reconnaisse? Mais je gardai mes réflexions pour moi... Le romantisme irrécupérable de mon petit frère était une bonne partie du terreau de son inspiration et je n'avais aucune envie de casser ça. Moi, j'étais fait pour porter un flingue, lui pour manier une arme bien plus puissante: la musique.

Il était ravi d'être en détention pour passer des heures avec moi. Tant mieux et c'était vrai que ça pouvait être marrant. Je me levai pour aller nous faire couler du café alors que les autres recommençaient à vociférer plus fort. Bordel de merde, j'allais en flinguer un pour faire un exemple. Si j'étais toujours au Viet-Nâm, ce serait déjà fait...

J'écoutais Duncan me parler de son groupe, des difficultés qu'ils avaient. Et pour une fois, je n'avais aucune idée de comment aider le petit... J'adorait le rock, mais j'avais aucune idée de comment ça marchait... Evidemment, Duncan, tout en parlant, lisait l'article sur Billy Lighter. Je me demandais si lui avait une idée de qui était Eddy Cort.

Je rigolai quand il me regarda droit dans les yeux en me disant qu'ils n'avaient pas encore vraiment trouvé de nom... Je me rapprochai de lui, les deux tasses de café en main et posai la sienne à côté de lui sur le bureau sur lequel il avait posé son cul.

-Pour le nom je sais pas, me regarde pas comme ça... Vous êtes les mieux placés pour savoir ce qui vous représente, les gars. Un truc style BleedingHearts ou Society Killers... J'ai que des idées de merde.

Je marquai une pause...

-Par contre, si vous voulez, plutôt que de vous casser le cul pour avoir des thunes pour payer votre appart, vous avez qu'à vous entasser dans le mien... J'y suis pratiquement jamais parce que je suis tout le temps ici... En plus il dois pas être beaucoup plus petit que celui que vous avez pour l'instant.

C'est là que Duncan gueula un coup parce qu'il n'y avait plus moyen de s'entendre dans ce bordel. Je lui fis signe de se calmer.

-Non t'arriveras à rien maintenant comme ça...

Je m'approchai de casiers dans lesquels on mettait les prohibés des détenus. Parfois, on y oubliait des trucs, et notamment de la nourriture. Je trouvai une vieille gauffre sèche encore emballée et deux vieux sandwiches... Au pire, ils allaient tout se chopper la shit et ils resteraient sur le pot le reste de la nuit sans nous faire chier nous.

Mon frère n’avait pas vraiment la même réaction face à ce qu’avait fait la fille tout à l’heure. Pour lui, elle manquait cruellement de reconnaissance. Possible… Mais je voulais me laisser croire que c’était la peur qui l’avait empêché de rester et qu’un jour on se reverra et on pourra discuter. Je haussai donc les épaules avec un léger sourire comme réponse à sa réflexion.

Je me mis donc à parler de mon groupe. Le nom… C’était quand même une question cruciale. Il n’y avait pas un seul jour où je n’y pensais pas. Mes potes aussi d’ailleurs. Jordan me fis quelques propositions. Elles étaient pas mal … Je pris un bic qui était sur le bureau et griffonna les noms proposés par Jordan sur ma main. Je les trouvais très simple mais ça avait de la pêche.

-Merci !

Je lui fis un grand sourire sincère. Mon frère avait toujours de très bonnes idées. Je pris la tasse de café qu’il avait posé à côté de moi et en bu une gorgée. Je fis une grimace… Il était fort son café. J’aimais bien quand il y avait plein de lait et de sucre dedans, ce qui n’était pas le cas de mon frère. Je reposais la tasse sur le bureau.

C’est là que Jordan fit une proposition qui me laissa sur le cul. Je l’aurais pris dans mes bras s’il n’y avait pas eu les autres prisonniers qui nous regardaient.

-C’est vrai ?! Génial ! Merci ! Je le dirais aux autres.

J’étais vraiment heureux. Encore plus qu’un gosse le jour de Noël. On allait pouvoir moins travailler et nous concentrer sur notre musique. C’était tout ce qui nous manquait : du temps.

Ma technique pour faire taire ces gars-là n’était, d’après mon frère, pas la bonne. Et, à la place de crier ou taper dessus, il leur apporta des trucs qui avaient plus l’air très frais. Je fis une grimace quand il les donna aux détenus. Mais, le pire, c’est que ces derniers étaient tellement affamés qu’ils les mangèrent sans demander leur reste.

-Ils sont dégeu…

Je reposais ensuite mon regard sur le magasine. Une question vint alors à mon esprit.

-T’es fan de The lightening, non? Tu connais cet Eddy Cort?

J’avais envie de parler musique.

Mon frère sauta presque de joie et j’étais sûr qu’il m’aurait sauté dessus si y avait pas eu autant d’autres mecs dans la pièce… Quoi qu’après les jetons qu’il avait mis à l’autre con, il aurait pu se le permettre : il avait déjà prouvé tout ce qu’il y avait à prouver. Il avait aussi pris note sur sa main des noms de groupe que je lui avais donnés. Je les trouvais pas terribles, c’était rien de très recherché… Et puis surtout, je ne faisais pas partie du groupe et ce n’était pas à moi de trouver ces trucs –là…

Je souris en le voyant grimacer en buvant le café que je lui avais préparé… Ouais c’était un peu fort pour le gamin.

Quant à mon appartement, j’étais très content que l’idée me vienne à l’esprit. Ca allait me changer, peut-être mettre un peu de piment dans ma vie privée… Parce que jusque-là, hormis dans mon boulot que j’adorais, c’était un peu monotone… Voire même très emmerdant… Au moins maintenant, quand je rentrerais chez moi, je ne serais plus seul comme un imbécile devant ma télé. Je souris en imaginant tout ce qu’on pourrait faire tous ensemble pour passer le temps, sans compter qu’apparemment, ça allait pas mal les aider à avancer dans leurs chansons.

-Je te ferai un double des clés demain matin en sortant du commissariat. T’auras plus qu’à rameuter des potes… Je garerai la caisse devant mon garage comme ça vous aurez l’espace à disposition pour votre matos.

Je souris puis allai « nourrir » les détenus qui furent ravis d’avoir quelque chose à se mettre sous la dent même si c’était pas du grand luxe. Duncan s’inquiéta d’ailleurs de ce que je leur avais distribué.

-T’inquiète… Ce genre de gars ont bouffé tellement de merde, sans compter tout ce qu’ils s’injectent, qu’ils ont des anticorps à toute épreuve.

Je jetai un regard vers les cellules et parlai comme si je m’adressai à eux.

-Du coup, ces enfoirés vivent plus longtemps qu’ils ne le devraient et nous emmerdent pendant loooongtemps.

C’était vrai quoi, merde… J’avais peut-être une vision un peu extrême des choses… Ou du moins, une façon d’en parler un peu hard. Mais je ne supportais pas les gens qui faisaient du mal aux autres pour le plaisir. Un simple type bourré au volant pouvait me mettre hors de moi quand je pensais à toutes les familles qui, sur quelques kilomètres seulement, risquaient leurs vies en le croisant.

Mais Duncan passa à autre chose… ouais, il était inutile que je me foute en rogne dans le vide simplement parce que le monde était injuste et dangereux et le serait toujours… Il avait reprit le magazine et me le tendait en désignant la photo de Billy Lighter et de l’autre grand blond…

-Aucune idée mon pote…

Je marquai une pause, pris le magazine et regardai plus attentivement la photo…

-Déjà, c’est étonnant que Billy Lighter soit au Stryge Bar… En tout cas, sa petite balade incognito n’a pas duré longtemps. T’as vu comment il est attiffé ?

Ouais, j’en avais peut-être pas l’air, mais j’étais pas flic pour rien.

-D’après l’article, il y a eu un concert improvisé ce soir-là où ces deux-là ont chanté une chanson ensemble… Mais le Stryge est un bar metal alors… D’habitude, c’est le Ginger son QG à Lighter…

J’étais souvent intervenu avec mes collègues au Crazy Ginger… Chaque fois pour des bagarres, souvent parce qu’ils étaient bourrés ou parce qu’il s’agissait de groupes rivaux… Ou encore pour des histoires de petites copines pas toujours très fidèles qui jouaient en plus les victimes après…

Jordan confirma sa proposition quand il me dit qu’il allait faire un double des clés demain matin. Je nous imaginais déjà moi et mes potes prendre possession de son garage afin d’affiné nos chansons. C’était, en quelques sortes, un nouveau départ. Ou plutôt un bon tremplin. Il nous manquait du temps et maintenant on allait l’avoir grâce à mon frère.

Je lui rendis sont sourire alors qu’il s’en alla nourrir les prisonniers. J’étais vraiment dégouté par cette nourriture et, sur le coup, j’étais bien content d’être de l’autre côté des barreaux. Je crois que je n’aurais pas réussit à manger ça même si j’avais été affamé.

Mon frère, lui, ne s’inquiétait pas pour eux. Il disait même qu’ils devaient en être blasés. Je souris tout de même, mais c’était quand même bien dégeu. Et je finis par carrément rigoler quand il déclara que ces gens là, grâce à leurs supers anti-corps, allait encore l’emmerder longtemps.

-Pas de chance, mec.

Notre conversation tourna ensuite sur des choses un peu plus relax. En d’autre terme, elle tourna autour du rock, ma passion. Et quand je montrai à mon frère la photo de ce fameux Eddy Cort il déclara ne pas la connaitre. Je le fixai mais mon regard était plus que pensif. J’essayai de me rappeler si je n’avais pas déjà entendu parler de lui.

Jordan prit le magazine et semblait réfléchir lui aussi. C’était vrai que Billy allait rarement au Stryge Bar. C’était un habitué du Crazy Ginger. Mais il était vrai que le style de Billy ne l’aidait pas à passer inaperçu.

-Ouais… En même temps il a un style reconnaissable. Je ne pense pas qu’il puisse faire autrement…

Jordan me résuma l’article et cette histoire de bar semblait le préoccupé.

-Ouais c’est vrai que Billy est un habitué du Crazy Ginger. C’est pas vraiment un adepte du métal. Mais c’est surtout cette histoire de concert improvisé qui est bizarre. C’est dingue qu’un gars qui évite les interviews et qui est réputé pour être parano fasse ce genre de truc. C’est pas vraiment le style de Lighter… Peut-être que cet Eddy Cort est un ami à lui…

Je réfléchis à nouveau. Puis je finis par divaguer.

-En tous cas, ça doit être génial de voir sa propre tronche dans tous les magazines.

Je souris. Je me suis souvent imaginer faire des tournées et être adulé par des fans.

Les connaissances de mon frère sur Billy Lighter et son groupe vinrent confirmer ma théorie. En tout cas, le journaliste qui avait publié cet article dans Rock Paradise devait avoir gagné le pactole pour avoir pris ces photos inédites. Il fallait dire qu'un journaliste de ce magazine en particulier avait l'art de se trouver toujours au bon endroit au bon moment et était réputé pour être un baratineur fini qui entrait où il voulait...

Je souris à mon frère...

-C'est vrai qu'il peut faire tous les efforts qu'il veut, pour passer inaperçu, c'est pas gagné...

Et Duncan avait raison, cette histoire de concert improvisé était pas du tout le genre de Lighter... ou du moins, de ce qu'on en savait... Je haussai les épaules...

-Quand on est bourré, on fait n'importe quoi, t'en sais quelque chose...

Et moi aussi, je le savais, mais devant trois détenus, ça le faisait pas de le dire... Je m'appuyai sur le dossier de mon siège qui pencha légèrement en arrière. C'était fait pour vu qu'on restait quans même douze heures d'affilée dans ce foutu fauteuil... Et je croisai mes boots sur le bureau, buvant une gorgée de café et scrutant mon frère.

-Mouais... Chacun son truc... Moi je voudrais pas avoir une nuée de journalistes à mon cul toute la journée... Ni des fans...

Je savais que c'était le rêve de Duncan, mais moi, j'étais celui qui gardait les pieds sur terre.

-Ils sont là pour faire monter ta popularité, mais dès que tu pètes de travers, ils te tuent médiatiquement... Pas pour rien que Billy Lighter est parano, si tu veux mon avis...

Jordan confirma ma théorie comme quoi ça devait être dur pour Lighter de passer inaperçu. Il avait une tête bien trop reconnaissable… Il déclara ensuite que c’était, peut-être, parce qu’il était bourré que Billy avait accepté de faire ce petit concert. C’était une solution plus que plausible et je rigolai.

-Ouais c’est clair que l’alcool fait faire n’importe quoi à n’importe qui…

Je marquai une pause poussant légèrement mon frère.

-Et je suis jamais bourré !

Je rigolai. Ce n’était pas vrai… J’adorais faire la fête et je n’en sortais jamais indemne. J’essayai de vivre à fond ma vie malgré toutes les injustices qu’il y avait dans ce monde. Ma musique était là pour expulsé tout cela afin que je puisse par la suite me sentir bien mieux.

En plus, mon frère n’était pas mieux et, je comprenais bien qu’en tant que flic, il se devait de ne pas tout révéler de ce qu’il faisait dans sa vie privée.

Pour ce qui était de la célébrité, mon frère comprenait Lighter. Lui non plus n’aurait pas voulu avoir des journalistes au cul à longueur de journée. Alors que moi, cela m’amusait quelque part. Enfin pour l’instant… Il m’énuméra d’ailleurs les points négatifs de tout cela.

-Ouais mais ça doit être cool de jouer à cache-cache avec eux.

Je souris. Je m’imaginais déjà courir partout dans l’hôtel à la recherche de la sortie la plus sûr afin de ne pas me faire repérer par les journalistes. J’étais resté un gamin au fond.

-Et puis, si tu es sympa avec les fans je pense que personne ne pourra te tuer médiatiquement. Les fans c’est quand même le principal dans l’histoire. Il y a des stars qui vivent très bien leur célébrité.

Et c’est bien de ces gens-là dont je voulais faire partie.

-Billy Lighter n’est pas le genre de type à apprécier ces fans…

Je marquai une pause en me remémorant les frasques de Lighter.

-Mais avant de devenir célèbre… Il faudrait déjà faire des concerts, avoir une maison de disque et sortir un album. Je suis loin de compte.

J’avais dit cela avec le sourire. J’étais un gars hyper optimiste et je savais que tout viendrais en son temps. Après tout, on était un groupe motivé et notre but commun était de percé dans ce monde-là.

-Et grâce à toi on va pouvoir faire un grand pas en avant.

Je lui souris et me couchai entièrement sur le bureau faisant tomber quelques bics qui trainaient par là. La nuit était encore longue, fallait que je me mette à l’aise.

Je rigolai quand Duncan me poussa.

-Jamais bourré, hein???

Ben j'étais prêt à parier que je me rappellais mieux que lui de sa première cuite. C'était une histoire assez sympa en fait.

Il avait à peine 14 ans et l'un de ses potes fêtait ses 15 ans. Et en bons grands frères et grandes soeurs qu'on étaient, on s'était arranger pour leur fournir de l'alcool qu'ils n'étaient pas en âge d'acheter eux-mêmes. Puis on avait laissé les petits faire leur fête d'anniversaires et leurs premières expériences dans la salle pendant que nous, les grands, on allait squatter chez la grande soeur du b-day boy. Heu... Qui, en l'occurence, à l'époque, était ma copine.

On était donc tous réunis autour du téléphone de la maison, posé sur la table basse du salon, à fumer des clopes et des joints pour certains, en attendant un coup de téléphone des petits qui voulaient rentrer ou en cas de problème.

Et il n'était même pas encore une heure du matin quand Duncan m'avait téléphoné, complètement H.S., pour essayer de m'expliquer vaguement qu'il voulait rentrer parce qu'il ne se sentait pas bien. J'avais fait ni une ni deux et avait laissé là ma copine pour aller rechercher Duncan... Qui était complètement mort bourré en train de gerber dans les chiotte quand j'arrivai... Moi, j'étais mort de rire.

Et le lendemain, j'eus encore droit à un fou rire quand Duncan, victime d'une gueule de bois carabinée, était venu me voir complètement flippé parce qu'il n'avait aucune idée de comment il était rentré à la maison...

Aah... Les bons vieux souvenir d'avant le Viet-Nâm.

Puis mon frère me donna sa vision de la célébrité. Comme avec la réaction de la fille qu'il avait aidée un peu plus tôt, Duncan avait une vision très optimiste et peut-être un peu naïve des choses... Tout comme la mienne était probablement un peu extrême... L'entre deux devait s'approcher d'un semblant de vérité en fait.

-Ouais, ok... Billy Lighter n'est pas à proprement parlé pas sympa avec ses fans. Il en a peur... Et à juste titre je pense. Justement parce que c'est eux qui font que tu peux vivre de ta musique et exprimer ce que tu veux... Et qu'est-ce qu'il arrive si tu ne les satisfait pas... Si ton deuxième album ne vaut pas le premier par exemple?

Mais Duncan gardait quand même les pieds sur terre, disant qu'il était encore bien loin de tout ça.

-C'est pas le fait d'avoir l'appart qui va vous mener loin, les gars... C'est le travail que vous allez fournir, même si vous aimez tellement ce que vous faites que vous avez pas l'impression de travailler.

Duncan s'était allongé sur le bureau, se mettant à l'aise... Je ne fis même pas attention aux bics qui tombèrent du bureau... Je l'aurais bien mis en garde, mais tant qu'à faire, un peu d'action me tiendrait éveillé... On approchait de minuit et c'était l'heure de mon coup de pompe habituel. Mais je savais que quand on se mettait à l'aise comme Duncan venait de le faire, c'était toujours à ce moment-là que quelque chose merdait... Et on avait trois emmerdeurs professionnels en cage qui avaient une imagination débordante pour ce faire...

Jordan semblait mieux comprendre les réactions de Billy Lighter que moi. D’après lui, le rockeur avait peur des fans... C’était quelque chose que je ne pouvais pas comprendre. Les fans c’est justement ce que je trouvais de génial dans ce métier… Et, même si c’est eux qui font les chiffres de vente, c’est rare quand ils sont déçus. Hormis les détracteurs bien sûr, mais ça il y en a toujours.

-Ouais… Mais en même temps c’est rare quand les fans sont mécontents. Tout comme c’est rare qu’un album soit vraiment moins bien que les autres. A part s’il y a des problèmes au sein même du groupe.

Là encore je voyais les choses positivement. En même temps j’étais pas un gars difficile et c’était rare quand je n’étais pas satisfait des albums que faisaient mes idoles.

-Je pense que Lighter se prend bien trop la tête…

Mais il fallait garder les pieds sur terre… J’étais loin de mon rêve pour le moment. Mon frère me rappela d’ailleurs que la clé de la réussite était dans le travail. Je lui souris, il avait raison.

-Ouais ! Et je m’y mets dés demain.

Je m’étais mis à l’aise, mais les détenus recommencèrent à vociférer sans cesse. Je soupirai. Il était minuit et je commençai à fatiguer.

-Ca va être dur de dormir avec ceux-là…

Je fermai les yeux pensant à tout ce qu’on venait de dire. J’avais des rêves plein la tête et du temps pour les réaliser.

Duncan avait raison quand il disait que Lighter se prenait bien trop la tête, mais mon attention avait été à moitié détournée de la conversation. Sans bouger de ma place, je faisais maintenant attention aux bruits que faisaient les détenus. Deux d’entre eux s’insultaient : le clodo qui était là quand j’avais pris mon service, et un des deux agresseurs de la fille que mon frère avait tirée d’affaire. Qu’ils arrangent leurs bidons.

Duncan s’était mis à l’aise et comme je savais que c’était toujours à ce moment-là que les choses partaient en couille, je restais attentif. Et pas aux insultes des deux autres : ils étaient séparés par un mur et ne risquaient pas de se battre. Par contre, le silence du troisième, celui à qui mon frère avait foutu un ou deux jetons, était beaucoup plus inquiétant. Mais il n’avait rien pour se faire du mal…

Je décidai tout de même de me lever, par acquis de conscience et parce que je savais pas expérience que moins les détenus faisaient du bruit, plus ils étaient susceptibles d’être en train de faire une connerie. Et j’avais bien fait, parce que quand j’arrivai devant sa cellule, il était en train de se taper le crâne contre l’arête du mur qui formait sa couchette.

-Putain !

Pas la peine de parlementer, d’essayer de le raisonner. Quand ils en étaient à ce point-là, ils ne voulaient plus rien entendre et tout ce que j’allais arriver à faire, c’était qu’il se frappe la tête plus fort. Mais quel con ! Pour une agression avortée et un simple coup et blessure réciproque, cet imbécile fini serait probablement relâché au bout des douze heures et ne serait condamné que plus tard, au terme d’une courte audience, à quelques heures de travaux d’intérêt général.

J’entrai dans la cellule, matraque à la main, mais pas pour le frapper, juste pour le maîtriser. Je l’attrapai par le col et passai ma matraque sous une de ses aisselles et le forçai à se lever pour le plaquer contre le mur en attendant qu’il se calme.

-Duncan ! Ce mec est complètement shooté !

Et j’arrivais pas bien à le maîtriser parce que sa force était décuplée. Et lui mettre des gnons n’y changerait rien : il ne sentait plus rien, j’étais prêt à le parier. Y avait qu’une dose un peu trop forte de cocaïne ou d’ecstasy pour donner un effet pareil. J’avais souvent vu ça au Viet-Nâm… Combien de mes frères d’arme ne prenaient pas l’une ou l’autre de ces drogues pour se donner plus de courage sur le champ de bataille… Je l’avais moi-même fait, plusieurs fois, pour supporter la vue des corps mutilés et les cris abominables des blessés, de notre côté comme du côté ennemi. On pensait aussi que si on était blessés nous-mêmes ou si on crevait, au moins, on ne le sentirait pas…

Mais ça nous rendait aussi complètement cinglés et on en était que plus dangereux et plus efficaces. On tuait sans avoir aucun remords parce qu’on ne s’en rendait pas compte et qu’une fois les effets dissipés, on ne se rappelait même plus de la bataille de la veille.

Mais j’avais vu des amis mourir très bêtement… D’overdose. Après le cinquième mort, j’avais arrêté et j’avais pris cette guerre de front, avec toute son horreur… Parce que si je devais crever, je voulais le faire en héros, sur le champ de bataille, sans qu’on mente à ma mère et à mes frères en leur disant que c’était le cas alors que j’étais mort parce que j’avais pas su doser. J’avais ainsi évité les séquelles que pouvaient avoir ces drogues sur le cerveau… Et beaucoup était rentrés avec une cervelle à moitié grillée.

Mais j’étais rentré avec d’autres séquelles.

J’avais fermé les yeux, mais je pouvais entendre mon frère ses lever. Je décidais donc de les rouvrir afin de voir pourquoi il se déplaçait. Je m’étais d’abord dit que c’était uniquement pour calmer les deux détenus qui s’envoyaient des insultes. Mais cela ne semblait pas être le cas vu que mon frère n’éleva pas la voix sur eux.

Non, c’était vers la troisième cellule que mon frère se dirigeait. Celle du type que j’avais frappé à plusieurs reprises dans la figure. Bon, c’était de la légitime défense, il avait commencé !

Mon frère s’exclama alors avec un « putain » digne de ce nom. Je me levais instinctivement m’approchant légèrement de lui. Sans pour autant être trop près non plus. J’écarquillai les yeux en voyant la scène qu’il y avait devant moi. Le type était littéralement entrain de se fracasser la tête contre le mur… Quel malade… Preuve qu’il était déjà taré avant même que je le frappe…

Je n’osai pas bouger devant cette scène. Je n’avais pas l’habitude de voir ce genre de truc. Ce qui n’était pas le cas de Jordan qui entra dans la cellule et essaya de maitriser le type. Mon frère s’exclama à nouveau déclarant que le type était shooté. Mais là encore je ne savais pas quoi faire… Ni comment réagir. Les types shootés pouvaient faire n’importe quoi, surtout des trucs dingues et pas cool.

Je voyais bien que mon frère avait de plus en plus de mal à maitriser l’individu. Je m’approchai alors afin de l’aider. Mais j’avais peur de faire pire que mieux. J’envoyai un jeton en pleine figure du gars mais cela ne fit aucun effet… Je reculai alors.

-Ca marche pas…

Je ne voulais pas que mon frère se prenne un sale coup à cause de moi.

-Qu’est-ce que je dois faire ?

J’étais un peu inquiet…

Duncan n'avait pas tardé à réagir, il s'était levé, avait hésité puis avait tenté un coup de poing. Je devais avoué que j'avais un peu espéré que ça marcherait... Mais non, aucune chance, l'autre ne fit que se débattre plus et je fus obligé de faire un truc dangereux en passant ma matraque sr son cou pour le maîtriser en étranglement. Je le forçai ainsi à se mettre à genoux puis couché à terre, après quoi je repassai ma matraque sur ses épaules. Je ne comptais pas le tuer non plus, même si c'était un enfoiré fini!

Duncan, lui, était complètement perdu. Il se demandait ce qu'il devait faire. Il n'y avait plus qu'une seule solution et ça ne me faisait pas forcément plaisir...

-Va sur le bureau, le numéro du médecin de garde est collé dessus, tu sonnes et tu lui dis de ramener son cul en vitesse!

Et si mon frère le lui disait comme ça, le doc saurait que c'était moi aux cellules et il ferait ni une ni deux.

-Et dis-lui comme ça!

Tout en tenant le gars, je faisais maintenant face à sa couchette, maculée de sang. Ce con s'était ouvert le crâne. J'attendis que monn frère ait passé le coup de fil pour l'interpeller.

-Duncan, viens ici.

Je ne lui criai pas dessus. Duncan était un punk, un rebelle et tout ce qu'on voulait, mais son combat était artistique et, quelque part, intellectuel... Le mien était bel et bien physique et on pouvait prendre des coups autant que le camp "ennemi". Duncan s'approcha de la cellule.

-Viens appuyer tes genoux sur son autre épaule. On sera confortablement installés en attendant le doc... Et lui aussi... Enfin relativement...

Je m'adressai alors au détenu, espérant vaguement qu'il me comprenne.

-Mec, on a appelé le médecin, en attendant, tu te calmes, ok!

Puis je regardai mon frère dans les yeux.

-Ca va, petit?

Alors que j’étais complètement dépassé par les évènements, Jordan me demanda clairement d’appeler un médecin. Je ne réfléchis même pas à l’utilité ou la non utilité de cela. Jordan connaissais son job et je suivais, donc, toutes ses instructions à la lettre.

Je décrochai le téléphone qu’il y avait sur le bureau et composai le numéro sans hésiter une seule seconde. Je parlai au médecin avec les mots qu’avaient employé mon frère quelques secondes auparavant. Toutefois, on pouvait sentir tout le stress que je ressentais dans ma voix. Le médecin m’assura qu’il allait arriver dans quelques minutes. Parfait !

Je raccrochai le téléphone et me retournai vers la cellule où se trouvait Jordan et le prisonnier shooté. Je n’osai pas bouger…

-Il va arriver…

Je finis par rejoindre mon frère à sa demande. J’avais, pourtant, hésité quelques secondes. J’aimais bien jouer au héro quand je maitrisais plus ou moins la situation. Ce qui n’était pas du tout le cas ici.

J’appuyai mes genoux sur l’épaule du gars comme me l’indiqua Jordan. C’était quand même bizarre comme situation. Quand je pense que c’était le travail quotidien de mon frère… C’est bien le genre de métier que jamais je ne voudrais faire.

J’étais encore un peu stressé, mais ça se dissipa aux furs et à mesure des minutes. Jordan me demanda si tout allait bien.

-Ouais…

J’étais un peu choqué mais j’allais m’en remettre. Je ne voulais pas non plus qu’on croit que j’étais une chochotte par ce que c’était loin d’être le cas. C’était juste que je ne m’attendais pas à ce que ce type fasse une crise pareille.

-Tu fais un boulot de dingue, tu sais !

Je laissais apparaitre un sourire. On maitrisait, maintenant, plus ou moins la situation. Et je déstressai complètement quand le docteur arriva. Il avait un air très blasé et fis un signe pour saluer mon frère avant de sortir une piqûre pour aller calmer le type. Moi je détestais les piqûre et j’étais bien content de pas être ce mec-là !

Je grimaçai d’ailleurs quand la seringue entra dans la peau du type qui, en quelques secondes, se calma complètement.

-Hé ben… Tu fais vraiment ça tous les jours ?

Je regardai mon frère l’air vraiment soulagé, mais quand même un peu inquiet que Jordan fasse ce genre de truc tout le temps.

Duncan hésita deux secondes avant d'entrer dans la cellule et de se positionner comme je lui dis de le faire. Quelques années plus tôt, j'aurais fait en sorte de le mettre en sécurité, de le faire sortir, mais c'était plus un gosse maintenant... Et il n'était plus dans le Nevada... Fallait qu'il fasse son baptême du feu en quelque sorte... Déjà, il avait bien réagit en appelant direct le doc et en hésitant pas à réutiliser les mots que j'avais moi-même employés.

Je rigolai quand Duncan me dit que je faisais un boulot de dingue.

-Ouais je sais... Mais j'adore ça... Je protège les gens des petits cons comme lui.

Je désignai le prisonnier qui ne pouvait, même avec sa force décuplée par la drogue, plus trop bouger. En plus cet imbécile pissait le sang par l'arcade maintenant. Entre temps, le médecin arriva. C'était pas trop tôt... Même si en fait, il avait fait plutôt vite, c'était toujours pas trop tôt dans ces cas-là.

-Salut, Doc... On a un client...

Je fis signe à mon frère de rester en position le temps que le doc anesthésie le drogué. Je souris en captant la grimace que fit mon frère. C'était vrai que pour un punk, il avait pas vraiment de tattoos ni de piercings, ni de crête... Il était plutôt soft... Jusqu'à ce qu'on l'entende hurler ses lyrics.

Je sentis alors le camé se détendre d'un coup. C'était efficace ou alors on lui avait filé la dose pour un éléphant. Mais quoi que ce soit, je m'en foutais, c'était plus ma responsabilité maintenant, mais celle du Doc... Et là, il risquait plus trop de s'enfuir.

-Ok, c'est bon on peut se relever. Et ouais, je fais vraiment ça tous les jours, même s'il y a des fois où c'est plus calme, ça reste L.A. Puis je suis pas toutes les nuits dans les cellules non plus...

J'allai vers le Doc, ne lui serrai pas la main parce que les miennes étaient pleines de sang, et lui expliquai la situation en quelques mots, bref, comment ce mec s'était éclaté tout seul la tronche contre son lit. Mais c'était mon frère qu'il regardait. Ben ouais, il n'était pas en uniforme, donc n'était pas un collègue. Et il était hors de sa cellule.

-C'est mon frère, t'occupes pas... Faut recoudre ce mec avant qu'il en foute partout.

Je posai la main sur l'épaule de mon frère pour le guider jusqu'aux chiottes. Même s'il n'avait pas de sang sur lui, valait toujours mieux prévenir que guérir.

J'en avait à peu près rien à foutre de savoir si le doc ferait un rapport ou pas sur le fait que j'avais libéré mon frère qui voyageait dans le couloir. J'étais un bon flic, je faisais mon job, mais j'étais humain et pas sur une non plus... Je souris à Duncan alors que je me lavais les mains et les avant-bras...

-Tu pourras t'en inspirer pour une chanson...

Mon frère savait l’importance que son boulot avait et ne voulait pas le quitter pour ces raisons là. Protéger… Il l’avait toujours fait… D’abord avec moi et les autres de nos frères, puis avec la société toute entière. Quelque part, je l’admirais beaucoup pour tout cela.

Le médecin s’occupa du prisonnier nous laissant un moment pour nous relâcher de la tension qu’on venait d’avoir. Et quand le prisonnier se calma entièrement j’étais totalement soulagé. Mon frère, lui, avait un sourire aux lèvres devant ma réaction à la vue de la seringue… Ben ouais… Chacun ses phobies…

Je finis par me relever quand Jordan me disait que c’était bon. Ouf… Ce n’était pas trop tôt. Il me rassura quand même sur le fait que ce n’était pas tout les jours comme ça.

-Heureusement, sinon tu pêterais un câble… Enfin, moi en tout cas je le pêterai…

Il parla ensuite au médecin mais ce dernier ne cessais de me regarder. Je soutenais son regard, mais je ne lui souriais pas. Il devait ce demandé ce que je foutais là, en dehors de la cellule… C’est quand je pris conscience de cela que je finis par détourner mon regard, comme un enfant qu’on vient de prendre en flagrant délit pour une connerie minime… Mais mon frère arrangea la situation en expliquant que j’étais son frère.

Jordan m’entraina ensuite vers les toilettes. Sur le coup je me demandais pourquoi on allait là… Ok, les mains de Jordan étaient pleines de sang et il devait se les laver. Mais moi je n’avais rien eu… Une seule chose me taraudait l’esprit…

-J’espère que tu n’auras pas d’ennuis à cause de tout ça… Les médecins sont des cafteurs tu sais…

Il commença à se laver les mains et je souris à sa réaction.

-Ouais c’est vrai que ça m’inspire… Depuis que je suis à L.A. plein de choses m’inspirent. Autant je trouvais la société injuste quand j’étais au Nevada. Autant, ici, c’est encore pire…

C’est claire que la ville c’était autre chose… L’injustice régnait partout et cela me donnais beaucoup d’idées. De quoi écrire des livres entiers parfois.

Je souris. Le calme était revenu dans le commissariat et c’était pas plus mal.

J'avais bien vu que Duncan avait été mal à l'aise quand le médecin l'avait dévisagé. Mais quand je "justifiai" la situation, il se détendit. Mon frère me connaissait bien et savait que j'étais pas du genre à suivre les règles juste pour suivre les règles ou parce que j'étais flic. Non, je faisais ce qui me semblait juste, à moi, ce qui était Bien et pas sous prétexte que c'était marqué dans des livres que seuls des trous du cul pétés de thunes qui sortaient jamais de leur bureau et ne connaissaient rien à la Vie dehors prenaient le temps de lire.

Je terminai de me laver les mains alors que Duncan confirmait que L.A. était une vraie source d'inspiration. Ben ouais: les lumières, la promesse de réussir que donnait cette ville, le rêve américain... Mais quand on sortait des grands axes, on avait une vue sur ceux qui n'avaient pas réussi, réunis en train de chanter autour de pneu en feu, seule matière combustible que l'on pouvait facilement et gratuitement se procurer.

-Allez lave-toi aussi... T'as même pas idée des merdes que tous ces types ont sur eux...

Je frappai affectueusement sur l'épaule de Duncan. Une fois qu'il fut lavé lui aussi, l'air dégoûté par ce que je venais de lui dire, on revint près des cellules. Le médecin était en train de recoudre le type qui était complètement dans les vappes. Duncan repris place, son cul sur mon bureau, et je pris un paquet de chips dans une armoire que je lui lançai.

-Tiens, tu dois crever la dalle, petit...

Le surnom que je lui donnais n'avait rien de sarcastique ou de moqueur. C'était le plus jeune de mes frères et j'avais été plus un père pour lui qu'un frère et ça ne l'avait jamais dérangé. Le médecin acheva de rafistoler notre pote le junkie. Je lui fit ensuite signer ce qu'il y avait à signer, etcetera. Puis il s'en alla, sans commentaire supplémentaire sur mon frère.

L'avantage avec ce qui venait de se passer, c'était que les deux autres avaient pigé qu'ils avaient pas intéret à moufter. Et que malgré que j'avais l'air de rien, je savais quand même mettre des gnions quand il fallait. Je pris une poignée de chips dans le paquet que tenait mon frère puis me rassis sur ma chaise, appuyant sur le levier pour me mettre en position semi-allongée.

-Paré pour le reste de la nuit? Si les autres nous ramène pas encore des détenus, je pense qu'on devrait être tranquilles.

J'élevai légèrement la voix.

-Hein les gars?!

Je savais que maintenant, les détenus n'auraient plus trop envie de répondre à une si légère provocation. Ils devaient eux aussi commencer à avoir envie de dormir d'ailleurs.