Ça faisait du bien de recevoir une telle ovation. Le concert avait été un des plus long de l’histoire de The Burning Fire. On s’était tous donné à fond et l’public avait été conquis. J’avais l’impression qu’on avait encore plus de fans qu’avant… Mais c’était p’tètre qu’une impression… Le Hollywood Bowl était quand même sold-out ce qui n’était pas rien.

Et j’trouvais que j’avais été bon même si j’avais carburé à la vodka depuis bien avant le concert et pendant le concert aussi. Ouais parce que, si le concert devait être un moment joyeux, j’ruminais depuis que j’avais lu, dans Guitar&Pen, que Lola avait un nouveau manager et que c’était le même que le mien. J’comprenais pas pourquoi Timmy avait osé faire signer une fille comme elle… Une p’tite conne qui allait m’faire chier même à L.A. Déjà que j’avais pas encore digéré ce qu’il s’était passé à Vegas, c’était pire maintenant que j’savais qu’on allait travailler au même endroit et que j’la verrais un p’tit peu trop souvent à mon goût.

Du coup, après l’concert j’pensais encore à ça mélangé avec l’euphorie de l’alcool et d’un concert franchement bien réussi. Tiens, y’aura p’tètre un compte rendu du concert dans les journaux demain et ça fera surement de l’ombre aux nouvelles sur Lola.

J’rentrai pas tout de suite dans la loge contrairement aux autres. Non, j’devais d’abord régler mes comptes avec Timmy Evans. Bah ouais… J’avais pas encore eu l’occasion de lui parler de Lola. L’était trop occupé, avant ça, à superviser tous les réglages pour le concert. Du coup, y’avait que maintenant que j’avais l’temps de lui dire ses quatre vérités…

J’titubai vers la loge d’Evans avec ma bouteille de vodka vide dans la main. Ouais, j’l’avais finie mais ma main était collée à la bouteille… Ou j’me rendais plus vraiment compte que j’la tenais en main ce qui était possible aussi. J’étais toujours en tenue de concert avec mon jeans troué et mon débardeur noir. Mon gel était tout retombé à cause de la transpiration du coup ma coiffure ressemblait strictement plus à rien.

J’croisai quelques roadies en chemin qui me félicitèrent pour le concert et j’leur fis signe en chemin avant de rejoindre la loge de Timmy. J’ouvris la porte. Mon manager était à l’intérieur et faisait j’sais pas trop quoi… Mais l’était seul.

-Hey, Timmy ! Il te manque une case ou quoi ? T’as engagé Lola… T’es cinglé ou quoi ?

J’parlais fort à cause de l’alcool et j’tenais pas bien debout alors j’m’accrochais à la porte que j’venais d’ouvrir à la volée. J’ruminais ça depuis quelques jours et ça sortait que maintenant et d’une façon brusque. P’tètre parce que j’étais complètement jeté. Et p’tètre aussi parce que Timmy nous avais rien dit à ce sujet… Pas un seul p’tit mot. Rien du tout pour savoir si on accueillait ça bien ou non. C’était vraiment pas cool !

@ Billy Lighter

Nous pouvions dire que le concert avait été bon. J’étais satisfait de la prestation de The Burning Fire et nous pouvions affirmer que la tournée partait d’un très bon pied. Cependant, nous étions à Los Angeles et j’attendais que mon groupe reproduise une ambiance similaire dans des villes où les conditions seront différentes car le Hollywood Bowl était comme une seconde maison pour les membres même les récents qui avaient quand même déjà fait des concerts ici même.

Il y avait eu des rappels ainsi que de bruyants applaudissements. Toutes mes recommandations avaient été suivies à la lettre et tout s’était passé dans les meilleures conditions. J’avais remercié les roadies que j’avais croisés sur mon chemin vers ma loge. J’avais comme tradition de m’y servir un verre afin de fêter la réussite des concerts quand ils étaient réussis. Je ne me mêlais jamais au groupe après les concerts. Je les laissais vivre leur vie de rockstar pendant que j’appréciais celle de manager de l’ombre.

Je n’avais point dérogé à cette tradition en me servant un généreux verre de bourbon dans un fauteuil confortable. Nous avions une très longue tournée devant nous et cela demandera de l’énergie. Je savais qu’il y aurait des hauts et des bas et je savais que le secret était de minimiser les bas.

Je n’avais point eu le temps d’avaler deux gorgées qu’une véritable furie s’était introduite dans ma loge sans avoir, au préalable, toqué à la porte comme la politesse l’exigeait. C’est avec un regard neutre que j’avais découvert sans grande surprise que l’intrus était Howard Stone. Sans aucun préambule, il m’avait accablé et m’avait parlé de ma récente signataire. Peyton Davis faisait partie de mes protégés à l’instar de Stone et ceci ne plaisait point au batteur.

Cependant, la presse avait fait part de l’information sur Lola depuis un tout petit temps et j’avais déjà croisé Stone après cela. Ce n’est, pourtant, que maintenant qu’il venait avec ses reproches sans aucun fondement car, aux dernière nouvelles, j’engageais qui je souhaitais et non point ce que Stone souhaitais malgré son ancienneté au sein de MTI. Nous pouvions ajouter à ceci que Stone était saoul comme à son habitude mais en plus atteint ce soir. Je n’avais point changé de regard et je ne m’étais point énervé.

-Je ne suis pas fou. Peyton Davis est une chanteuse exceptionnel avec une carrière et un palmarès avec très peu d’équivalant pour son âge.

J’avais l’impression que Stone allait tomber au sol, cependant je ne m’en inquiétais point. S’il tombait, j’allais demander à un roadie de m’en débarrasser tout simplement.

-Vous n’aurez pas à vous voir, de toute manière et ceci ne change rien pour toi. Maintenant, je pense qu’il est préférable que tu retournes dans ta loge avant de tomber ici et que je doive aller chercher le balayeur, Stone.

Ceci était dit avec une neutralité qui laissait passer une certaine froideur dont je ne me cachais point. Stone se conduisait sans cesse comme un enfant. C’est pour ceci que j’avais dû lui engager deux baby-sitters à la place d’une seule. Afin qu’il ne se tue pas lui-même. Cependant, il titubait tellement ce soir que je me demandais si tous mes efforts n’étaient point peine perdue. Howard Stone était un très bon batteur mais j’avais, et cela depuis son agression l’an dernier, une courte liste de remplaçants potentiels au cas où ses vices en viendrait à bout.

@ Billy Lighter

Timmy, l’était fou. L’avait engagé Lola et, maintenant, j’allais devoir me la coltiner à L.A. Et j’avais pas envie. Surtout pas après ce qu’il s’était passé à Vegas.

Timmy disait que Lola était une chanteuse exceptionnelle et bla bla bla. J’haussai les épaules.

-Ouais et une chieuse exceptionnelle, aussi… Elle respecte rien ni personne…

J’me soutenais au mur chaque fois que je risquais de tomber ce qui était pas simple parce que je risquais chaque fois de tomber pour de bon. La Terre devrait arrêter d’se prendre un trip et de tourner de la sorte.

Timmy disait que ça changerait rien pour moi parce que j’verrais jamais Peyton. P’tètre bien mais c’était pour le principe. L’avait pas à engager cette p’tite conne alors qu’il devait savoir qu’on se piffait pas. Elle lui a pas dit, à Timmy, la Lola, qu’on s’piffait pas ? Puis, Timmy disait que ça changerait rien pour moi mais l’a pensé qu’on devra se croise aux studios ? Et que j’allais devoir encaisser la sale voix de Lola et ses p’tites insultes à la con ? En gros, Timmy se trompait quand il disait que ça allait rien changer. Ça allait tout changer.

Je m’avançai un p’tit peu dans la pièce en titubant alors que Timmy m’disait de partir. J’fis la moue.

-Nan, j’partirais pas. Que t’ai engagé Lola ça va tout changer. Elle va faire de la musique sur mes plates-bandes et elle va s’en vanter. Elle va me faire chier chaque fois qu’on se croisera. J’veux pas que cette fille s’pavane sur mon terrain de jeu.

J’voulais pas lui laisser l’occasion de me rabaisser encore et encore.

J’titubais de plus en plus si bien que j’dûs m’appuyer contre un meuble pour pas tomber. Mes idées étaient plus ou moins claires mais ma voix partait dans tous les sens et était un p’tit peu pâteuse.

-Puis, qu’est-ce qu’il me dit que tu vas pas la privilégier à nous ? Qu’est-ce qui me dis même que tu vas savoir bien gérer deux groupes et Lola ? J’veux pas d’un manager qui fait l’travail à moitié parce qu’il a trop d’boulot.

J’croisai les bras et j’fixai Timmy pour avoir l’air un p’tit peu menaçant. Mais ça faisait pas l’effet escompté parce que mes yeux étaient à moitié ouverts.

-J’te jure que si Lola pète un coup d’travers ou si tu la privilégie à nous, j’irais voir ailleurs avec les autres. P’tètre chez BSC…

Non, pas chez BSC. Y’avait Ricci et, surtout, Reed chez BSC… Mais Timmy était pas censé savoir ça alors ma menace était valable.

-BSC, c’est toujours mieux que de devoir supporter Lola. Et j’suis sûr qu’Apolline et Nathan seront d’accord avec moi.

Ouais, j’suis sûr. Nathan il dit oui à tout. Et Apolline m’aime, alors…

@ Billy Lighter

Stone était dans un état plus que déplorable. Il me prouvait encore aujourd’hui que je ne pourrais jamais compter sur lui pour être le leader et le moteur d’un groupe qu’il était censé tirer vers le haut. S’il n’avait point un talent certain pour la batterie, il serait encore dans son quartier mal famé à tenter de survivre. Il n’y aurait point eu d’autre alternative pour cet homme à l’âge mental de quarte ans à peine.

C’est aujourd’hui, encore une fois, pour des raisons puériles qu’il venait de pousser une gueulante dans ma loge où je m’étais installé pour profiter de l’extase d’un concert amplement réussi. Il n’était point heureux que Peyton Davis soit ma nouvelle protégée. La relation entre les deux artistes était houleuse c’est pour cela qu’Howard était ici à tituber devant moi pour porter à ma connaissance son grief.

Je restais calme. Le batteur devait comprendre que Peyton Davis était une jeune femme de talent et que passer à côté d’elle serait une grave erreur. Cependant, il ne voyait pas le côté artistique et économique des choses. Il ne voyait que la personnalité de Davis qu’il trouvait détestable. Si j’engageais les gens sur base de leur personnalité et non de leur talent, nous ne serions pas ici à discuter Howard et moi.

-Il n’y a pas qu’elle qui ne respecte rien, ni personne, Stone.

Je visais, bien entendu, Stone par cette phrase. Il n’a même aucun respect pour lui cela se voit à comment il s’est présenté à moi aujourd’hui dans cette loge. Un homme qui se respecte ne se tue point à petit feu en buvant des quantités massives d’alcool.

Nous n’avions rien à nous dire Stone et moi. Peyton était engagée et je n’allais point revenir sur ma décision pour le caprice d’un adolescent attardé. Surtout, que s’il ne voulait point être confronté à Davis, il en aura l’occasion.

Cependant, Stone n’était point décidé à partir. Je gardais mon calme sans montrer la moindre émotion. Stone n’aimait point Davis et me le faisait bien sentir. Il ne voulait pas voir la jeune femme sur son territoire. Nous avions bien, ici, une querelle d’adolescent. Cela me fatiguait et Stone se fatiguait à essayer de me faire changer d’avis pour Peyton.

Je restais silencieux. Stone allait finir par se lasser et partir si je restais de marbre devant ses pleurnicheries d’enfant capricieux. Pour le moment, celui qui m’embêtait le plus des deux n’était point Peyton Davis qui pouvait se conduire en adulte quand elle savait que ses intérêts seraient respectés. Stone était une enfant tout du long et réagissait comme tel même si cela devait mettre en péril son groupe. Il était le caillou dans ma chaussure que je ne pouvais me défaire au risque de ne point plaire au public de The Burning Fire.

Stone ne partait pas. Il préférait pousser son caprice jusqu’à l’extrême en proférant des menaces. Je n’aimais point que mon travail soit remis en question surtout quand cela venait d’un homme tel que Stone qui ne connaissait rien au management. Cela faisait 8 ans qu’il était dans la musique en tant que professionnel et il ne comprenait point encore comment le système fonctionnait. Il ne savait point qu’il était un pion dans un jeu plus grand et complexe. Un pion que je pouvais sacrifier comme tant d’autre si jamais le jeu l’exigeait.

Ses menaces ne me faisaient point peur. Je savais qu’il était capable de partir sur un coup de tête pour une bisbrouille avec Peyton Davis. Cependant, je n’étais point certain que les autres le suivront. Mon regard était froid comme la glace.

-Mettrais-tu en cause ma capacité à gérer plusieurs groupes, Stone ? Sais-tu seulement ce que signifie le mot « gérer » ?

Je m’étais redressé pour mieux le fixer. Selon ce que je voyais, je pouvais voir qu’il ne savait point se gérer lui-même. Gérer était une chose qu’il ne connaissait point.

-Si tu souhaites partir et changer de manager, la porte est ici. Vas-y Stone, tu es libre de partir.

Je lui avais présenté la porte de ma loge de la main. Je savais qu’il ne le ferait point et que s’il le faisait quand même, il sera très vite rattrapé par les autres.

@ Billy Lighter

L’alcool avait ça de bon que j’captais pas tous les tacles de Timmy… Celui sur le fait que j’respectais rien ni personne non plus m’passa complètement au-dessus de la tête. J’m’étais contenté de regarder Timmy en haussant les épaules parce que j’comprenais pas de qui il parlait ou bien s’il lançait une idée générale comme ça…

Bref, j’entrai dans la pièce en titubant et en disant l’fond de ma pensée à Timmy sur Lola. J’voulais pas la voir entrer dans mon univers. J’savais qu’elle avait un sacré bonne capacité pour foutre la merde. Puis, si elle était à L.A. et à notre studio, y’avait combien de chance pour qu’elle tombe sur Apolline ? Et y’avait combien de chance pour faire un quiproquo sur ce qu’il s’était passé à Vegas ? Y’avait combien d’chance pour que j’finisse encore comme le méchant de l’histoire… Lola, elle savait faire ressortir le pire de moi-même et c’était pas cool, du coup, qu’elle soit dans mon paysage.

Timmy changera pas d’avis… J’le savais. Mais ça m’empêcha pas de le menacer de changer de manager. Parce que c’était ma seule arme contre lui. Ouais, j’en avais pas d’autres… Mais j’pensais, naïvement, que cette arme-là serait assez puissante que pour faire plier Timmy et l’faire revenir sur son contrat avec Lola…

Mais mon manager, il se démonta pas. L’était calme et tout même après mes menaces et après que je lui ai dit qu’il saurait sûrement pas gérer deux groupes et une artiste de la trempe de Lola. Je m’appuyais contre une table de sa loge pour pas tomber parce que si je restais debout sans rien pour me soutenir, j’allais tomber… Et j’regardais Timmy qui me demanda si j’savais ce que ça voulait dire « gérer »… J’haussai nonchalamment les épaules.

-J’la remet pas en cause… J’dis juste que deux groupes et Lola, c’est beaucoup et qu’en tant que leader de The Burning Fire, j’me fais du souci pour mon groupe…

Ouais, c’était une fausse raison. J’voulais juste pas avoir Lola dans mes pattes. J’voulais pas partager le même manager qu’elle. J’voulais pas lui donner la moindre chance de me descendre.

-Et j’sais ce que ça veut dire « gérer »… Je gère…

J’disais ça alors que ma main zippa du bord de la table ce qui failli me faire perdre l’équilibre… Mais je la retrouvai de justesse… Je secouai ma tête avant de réussir à fixer Timmy, à nouveau. Enfin… L’était un p’tit peu flou quand même.

Et il déclara que j’pouvais changer de manager si j’voulais. Que la porte était là. J’regardai vers la porte. Puis, j’regardai Timmy… Puis, la porte… Puis, Timmy… Ah ouais… Il préférait Lola à ce point ? J’fis une moue désappointée.

-Bah, ok ! J’me casse ! Mais tu verras. Tu vas regretter d’avoir engagé cette fille. Elle va t’pourri la vie, Timmy.

J’me décalai de la table pour me diriger vers la sortie et claquer la porte derrière moi. J’allais aller dire à Apolline qu’on se barrait. Et à Nathan aussi. Qu’on allait faire nos valises pour déménager dans une autre maison de disques… Mais j’avais à peine fait trois pas vers notre loge que j’me suis dit que, si j’faisais ça, ça ferait bien trop plaisir à Lola.

Et j’voulais pas que Lola gagne…

@ Billy Lighter