Pour la première fois depuis notre mariage, à moins que j’en aie oublié en chemin, j’allais passer la soirée seul dans la villa. En effet, Grace nous avait invités à venir voir l’avant-première d’un film… Alors j’avais dit que Bailey pouvait faire ce qu’elle voulait, mais que moi, j’irais pas. Pourquoi ? J’en avais déjà marre de Bailey ? Y avait un truc qui allait pas ? En dehors du fait que que je flippais toujours de pas pouvoir mettre ma femme enceinte ?
Ben non… à part ça, tout allait comme sur des roulettes. Mais la cérémonie à laquelle Grace était invitée et nous invitait par extension était l’avant-première d’un film qui avait Anatola Kay dans le premier rôle. Alors j’avais dit diplomatiquement (ok, je suis ironique) à mes deux petites femmes préférées, qu’Anatola Kay, je me la coltinais déjà suffisamment en tournage grâce à Daniele Ricci que pour en plus aller voir un de ses films (en sachant que quand elle avait le rôle principal, le scénario avait toujours tendance à tourner de la même façon et ça me foutait hors de moi à chaque fois), et EN PLUS devoir faire semblant de me plaire là après le film en buvant des verres au milieu de la jet-set…
Non… Merci…
Ça allait jaser que j’y allais pas et qu’on allait voir Bailey accompagnée uniquement de Grace… MAIS je n’en avais rien à foutre parce que si j’y allais, ça allait jaser QUAND MEME, parce que c’était le coup à me battre avec quelqu’un…
Enfin soit, ça, c’était ma première raison pour rester tranquille à villa.
La deuxième, c’était que les Dodgers de Los Angeles jouaient ce soir et que j’avais envie de regarder le match bien pépère dans mon fauteuil.
Je suis un vieux con, qu’est-ce que vous voulez ? Ben vous avez qu’à faire avec (ou sans, c’est encore mieux).
Donc, les filles parties en tenue de cérémonie (voire Bailey dans sa belle robe avait presque failli me faire changer d’avis au dernier moment mais… Y avait le match…), je m’installai confortablement dans mon fauteuil, avec des chips, de la bière et des clopes pour tenir un siège. J’avais déjà enfilé un paquet de chips entier et presque un paquet de clopes entier aussi, de même qu’un six-pack, quand Steve Sax frappa la balle extrêmement bien et se mit à courir, me laissant dressé sur mon siège, les deux mains posées sur les accoudoirs, le paquet de chips ouvert sur les genoux et la clope pendant à mes lèvres… Je laissai échapper un grondement sourd entre mes dents, les yeux grands ouverts.
-Cours… Cours… COURS ! COURS NOM DE DIEU ! OUAIS ALLEZ ! Homerun… Homerun… HOME… !!!La télé fit un « pfiou » fatigué et l’écran devint noir… Et moi, j’étais resté figé, tout raide, sur mon fauteuil comme si on m’avait éteint aussi… Le seul truc qui bougeait, c’était la fumée de ma cigarette qui montait vers le plafond.
Enfin non… Quelque chose bougea dans mon champ de vision, juste à côté du meuble télé, un petit truc tout blanc… Avec un câble coupé en deux dans sa petite gueule de petit connard de mes deux !
-HOWARD ! MERDE ! WHISKY je veux dire !♫C’était pas dénué de sens, en soit parce que si cette horrible chose vivait ici, c’était la faute d’Howard !
Je me levai d’un bond, mon paquet de chips tomba à terre, son contenu s’éparpillant partout. Le furet se recroquevilla sur lui-même contre le mur, le câble bousillé de la télé dans sa petite gueule d’enfoiré.
Je le regardais, il me regardait…
Et je plongeai sur lui, me retrouvant couché à terre, les chips s’écrasant sous mon poids. Et whisky m’échappa des mains, glissant comme une PUTAIN d’anguille !
Je me redressai en grognant, le cherchant des yeux, écrasant ma clope dans le cendrier de la table basse du salon.
-Tu perds rien pour attendre ! Tu vas voir, enfoiré ! Qu’est-ce qu’il foutait hors de sa cage, déjà ?! Hein ?! Quelqu’un peut me dire ça ?!
Une fois debout, je fis quelques pas, passant de pièce en pièce pour retrouver cet animal à la con, bazardant et shootant dans ce qui se trouvait sur mon passage. Je ne me rendais pas du tout compte que j’étais en train de foutre 1000 fois plus de bordel que Whisky ne pourrait jamais en faire dans la villa de toute sa petite vie de merde. Pas grave, quand Bailey reviendrait, je dirais quand même que c’était Whisky.
Je fulminais entre mes dents.
-Je vais le tuer… je vais le tuer… JE VAIS LE TUER ! OU TU ES, SALOPARD ?!Je vis un éclair blanc passer du coin de l’œil et attrapai la batte de baseball qui se trouvait justement dans le couloir d’entrée que j’étais en train de traverser. J’allais le réduire en bouillie…
Je m’immobilisai, les deux mains serrées sur mon arme au point que les jointures de mes doigts en étaient blanches, patientant alors que mon cœur était en train de courir le marathon jusque dans mes tempes. Le furet pointa le bout de son nez de dessous un meuble du couloir, me regarda en hésitant, mais je ne bougeai pas.
Il se décida, détala et j’essayai de l’avoir au passage, frappant un grand coup de batte vers le sol et faisant une belle grosse marque dans le parquet.
-Et merde ! CHIER !Mais j’avais pas dit mon PUTAIN de dernier mot !
Je balançai la batte à terre, et m’en retournai vers la cuisine où je fouillai les armoires, en faisant à moitié tomber le contenu, en cherchant la bouffe de cette créature ignoble qui venait de me bousiller une super soirée en solitaire ! Je finis par trouver la boîte de bouffe pour cette vile chose qui était le résultat des amours incestueuses entre un Hot Dog avarié et un rat de laboratoire.
Je posai la boîte de bouffe sur le plan de travail puis passai dans l’arrière-cuisine pour y prendre l’aspirateur dont j’enlevai la brosse au bout en ricanant. Je revins dans la cuisine et m’installai à terre, assis en tailleur… Je versai un peu de croquette pour furet sur le carrelage, faisant exprès de faire du bruit avec la boîte pour l’attirer.
Si j’étais bon, peut-être que ce serait la dernière foutue boîte qu’on achèterait.
Un poing fermé au-dessus du bouton ON de l’aspirateur, l’autre tenant fermement le « canon » en direction des croquettes-appâts, j’attendis…
J’attendis longtemps, sans bouger…
Jusqu’à ce que l’enfoiré se pointe. Tous mes muscles se contractèrent…
La bestiole s’approcha des croquettes en me regardant, con comme pas deux, ne se rendant pas compte de ce qui l’attendait.
Et quand il fut suffisamment près, je donnai un coup de poing sur le bouton On, l’aspirateur s’alluma et je sentis Whisky passer dans le tuyau jusqu’à se retrouver dans le sac de l’aspirateur. Sourire aux lèvres, je me redressai, laissai tomber le canon de l’aspirateur sur le carrelage et laissai le tout là.
-Je t’avais dit que je t’aurais.Je frottant les mains, je retournai au salon, non sans avoir pris du scotch avec moi, et m’allongeai à terre pour essayer de recoller le câble pour voir la fin de mon foutu putain de match !
Même pas une minute plus tard, j’entendis quelqu’un entrer dans la villa… Mais j’étais en train de m’énerver sur le câble maintenant parce que j’avais beau le recoller n’importe comment, l’image revenait pas sur la télé !
-Putain de putain de putain de bordel de saloperie de MERDE ! De chierie de truc à la…-Jure encore une fois, Hank… Je m’arrêtai net… De jurer autant que de tirer sur le foutu câble et relevai les yeux, alors que j’étais toujours couché à terre, vers ma mère qui se tenait debout à l’entrée du salon, les poings sur les hanches…
-…con…Elle soupira :
-Mais qu’est-ce que tu essayes de faire ?Je fis la moue.
-Réparer le câble de la télé, ça se voit pas ?!Elle secoua la tête…
-Fallait pas t’énerver sur ta télé…Je me redressai vivement, presque d’un bond.
-Mais c’est pas moi qui ait cassé ce foutu câble de merde !Elle posa ses deux mains à plat sur mon torse et parla d’une voix calme.
-D’accord… ok… Ce n’est pas toi qui a cassé le câble… Calme-toi ton cœur va exploser… Je te croyais parti avec Bailey, Grace et Stopher à l’avant-première… Bailey m’a demandé si je pouvais venir nourrir Whisky.Oh… oh…
Mon regard se porta vers la cuisine alors que je me mordais la lèvre…
-Oh… Ben voilà qui allait être complexe…
Et en plus, on la fait pas à Diana North…
-Hank… est-ce que le câble a quelque chose à voir avec Whisky ?…Mes yeux dérivèrent encore vers la cuisine… je voyais d’ici l’aspirateur encore en plein milieu du bordel et le reste des croquettes sur le carrelage… J’aurais dû camoufler les traces de mon crime, sachant que maman allait débarquer….
Ma mère se tourna vers la cuisine à son tour…
-Dans la vraie vie, Hank North, tu es un très mauvais acteur… Qu’est-ce que tu as fait à Whisky ?Je voyais bien qu’elle était inquiète, même si elle parlait toujours calmement. Moi, j’étais beaucoup moins calme.
-Personne demande ce qu’il m’a fait, à moi, cet enfoiré !Elle secoua la tête et s’en alla vers la cuisine… Après, fallait pas être Einstein pour deviner où était ce salopard de Whisky…
Elle le libéra… Il s’enfuit directement à travers la maison et j’espérais bien qu’il allait allez se planquer quelque part et ne plus moufter, ce petit con !
Ma mère revint vers moi, pas forcément contente, mais pas hors d’elle non plus.
-Tu sais qu’il aurait pu étouffer là-dedans ?Je fis la grimace.
-Ben c’était un peu ça l’idée, figure-toi !Ma mère me regarda dans les yeux, longuement… Jusqu’à ce que je dise :
-Quoi ?...Elle sourit.
-Tu aurais fini par le libérer toi-même, Hank… Pas deux minutes et tu l’aurais libéré toi-même. Je savais pertinemment qu’elle avait raison… En chipotant à mon câble, j’avais pas arrêté de regarder l’heure, me disant qu’après deux ou trois minutes de punition, j’allais ouvrir le sac de l’aspirateur. L’admettre, c’était autre chose.
Je fis la moue et pointai ma mère de l’index…
-Ça… Personne le saura jamais.