-Quoi ?! Tu as engagé Kate Julian ?

Trevor, qui fumait son cigare, me regardait d’un air étonné par ma réaction alors qu’il venait de me dire que c’était Kate Julian qui obtiendra le second rôle féminin de son foutu film.

-Oui. Jessica Hill m’a dit avoir déjà signé pour un autre rôle. Kate Julian était mon second choix. Elle a accepté. Je vais relancer sa carrière.

J’avais la bouche entrouverte devant ce que j’entendais de la bouche de Trevor. Je m’attendais à avoir Hill et j’avais cette connasse de Kate Julian. Ce n’était pas du tout prévu à mon planning.

-Elle n’est même pas actrice à la base alors je me demande bien quelle carrière tu essayes de relancer, Trevor !

On entendant mon agacement dans ma voix et je vis Trevor lever un sourcil. Il me regarda de haut en bas.

-Et c’est toi qui me reproche d’engager des gens qui ne sont pas acteur à la base, Victor ? Toi, tu n’es même pas acteur du tout. Kate a déjà fait des films.

Je grommelai et fit la moue tout en me mettant à faire les cent pas dans la chambre d’hôtel qu’avais choisi Trevor pour ce rendez-vous. Je n’avais aucune envie de passer plusieurs mois à bosser avec Kate Julian. Elle me détestait. Je la détestait.

-Vive l’ambiance sur le tournage.

Trevor haussa les épaules. Ça lui était égal visiblement.

-J’espère que ton acteur principal vaut le coup.

Trevor afficha un large sourire. Il semblait sûr de son coup. Je ne savais même pas qui c’était. Trevor voulait me faire la surprise. Parce que c’est bien avec ce fameux acteur qu’on avait rendez-vous aujourd’hui. Si j’étais là, moi, c’est parce que Trevor m’engageait aussi pour les détails juridique concernant le films et, surtout, les contrats des acteurs.

-Il vaut le coup. En plus, il a déjà fait des séries historiques. Or mon film, comme tu le sais, est un film d’aventure historique qui se passe au 18ème siècle. Mon acteur sera parfait dans le rôle masculin principal.

Je savais que Trevor n’avait pas réussi à avoir Robin North. Alors, je me demandais bien qui avait accepté…

On entendit toquer à la porte. Trevor sourit.

-Le voilà… Tu vas vraiment rester debout, Hunter ? J’en ai marre que tu fasses les cent pas…

Je roulai des yeux et m’installai dans un des fauteuils non sans continuer d’afficher mon air contrarié. Trevor lança alors :

-Entrez !

Et vous savez qui est entré ? River Moriarty. Je secouai la tête me disant que j’étais en train de rêver… Mais non. Je ne rêvais pas… C’était bien Moriarty. J’eus une sorte de boule au ventre en le voyant. Je ne pouvais m’empêcher de me remémoré notre dernière rencontre. Elle n’avait rien eu d’agréable cette rencontre même si je ne m’en rappelais que des brides.

Ce gars me foutait mal à l’aise. Et j’avais un peu du mal à cacher ça.

-Bonsoir River ! Installe-toi. Je te présente Victor Hunter. Il jouera dans le film mais il s’occupe aussi des détails juridiques.

Je me levai pour serrer la main de River. Mais je ne dis rien. Pas un « bonsoir ». Tout restait bloqué dans ma gorge.

Henri m’avait ENFIN dégoté un projet ! Il était plus que temps ! Je n’avais pratiquement plus d’argent et j’étais à deux doigts de devoir aller retourner chanter dans la rue pour quelques pièces. Et c’était vraiment un cercle vicieux parce que pour trouver des projets, il fallait sortir dans les lieux stratégiques, mais sans argent, on ne pouvait pas y entrer !

Et cette incertitude, cette insécurité, me rendait agressif. J’avais de plus en plus de mal à me contenir. Je ne savais pas regarder les gens dans la rue le soir sans penser à tout ce que je pourrais leur faire subir pour passer mes nerfs.

Mais ce soir, je devais voir Trevor Price dans une chambre d’hôtel. Etrange comme lieu de rendez-vous mais après tout, pourquoi pas ?

J’aurais été une femme, j’y aurais peut-être réfléchi à deux fois. Il y avait des réalisateurs qui donnaient des rôles à des actrices uniquement en échange de faveurs sexuelles. Et la plupart n’osait pas en parler de peur de détruire leur carrière odieusement gagnée. Pas que les actrices étaient automatiquement mauvaises ! Non, beaucoup avaient un énorme talent ! Mais il y avait toujours des réalisateurs ou des producteurs qui n’hésitaient pas à profiter des rêves des jeunes femmes.

Je ne pensais pas risquer ce genre de chose… Quoi Que ? Et que ferais-je dans ce cas-là ?

Sincèrement ? J’étais à deux doigts de faire tout ce qu’on me dirait de faire ! Même si je devais sucer Trevor Davis.

Il me fallait un film. Il me fallait un rôle et si possible, un rôle dans lequel je pourrais m’adonner à mes vices les plus sombres. Enfin, faire semblant… Mais ce serait déjà pas mal.

Et sachant que c’était un film qui se passerait au 18ième siècle, il y avait des chances.

J’entrai dans l’hôtel et marchai à pas de loups dans les couloirs jusqu’au numéro de la chambre que Henri m’avait indiqué.

Je frappai et j’entendis la voix de Trevor m’autorisant à entrer. J’entrai avec un sourire carnassier.

Mais Trevor n’était pas seul : Vic était là ! Depuis notre dernière rencontre, j’avais eu le temps de faire le lien entre « Vic » et Victor Hunter, le frère de la chanteuse. Il était en train de devenir blême, pour mon plus grand plaisir.

Je m’avançai vers lui et lui serra la main, mes yeux bleus clairs transperçant les siens.

-Salut, Vic… ça faisait longtemps. Ça a été pour rentrer du Rainbow ?

Je passai ma langue sur mes lèvres. Je lâchai sa main et m’installai sur la chaise indiquée par Trevor.

-Avocat et acteur, alors… Ouais… Je t’ai vu, Vic, dans la pub pour le parfum avec Sniper… C’était pas mal.

River Moriarty.

C’était le choix de Trevor pour le rôle principal. Après avoir entendu que Kate Julian aura un rôle dans le film, voir que River en aurait un autre me donnait l’impression que le karma s’abattait encore une fois sur moi. Ouais… Dans ma vie, j’avais souvent eu des retours de karma.

En voilà un autre…

Parce que je m’attendais à tout sauf à ça… Et ma dernière rencontre avec River était aussi floue qu’elle me laissait un goût désagréable dans la bouche. Je me rappelais surtout avoir paniqué et que River avait tenté de « m’aider ». Sauf qu’avec le recul, j’avais l’impression qu’il avait aimé me voir dans cet état. Je me rappelais son sourire… Mais aussi ses yeux bleus. Un bleus clairs effrayant.

C’est ce regard qu’il planta dans le mien alors que je m’étais levé pour lui tendre la main. Il serra la mienne et j’eus comme une sorte de frisson. Je ne savais pas si c’était le contact ou bien le regard. Mais le fait est que ce type me faisait froid dans le dos sans que je puisse réellement expliquer pourquoi.

River me reconnut. Il m’appela « Vic »… Comme la dernière fois. Au point où j’en venais à haïr ce surnom qui, pourtant, est mon surnom depuis que je suis enfant. Il évoqua le Rainbow et loin de moi l’idée de lui expliquer que j’étais rentré dans le portail et la voiture de Jessica Hill…

-Ouais… Très bien…

J’aurais voulu mettre de l’assurance mais je n’y arrivais pas. Allez ! Faut te reprendre Victor !

Je finis par me rasseoir en même temps que River qui faisait face à Trevor. Mais c’est de moi que River parla en parlant de la publicité que j’avais récemment faite pour Carrie.

Je tentai de reprendre confiance.

-Et ce n’est que le premier projet d’une longue liste de projets cinématographique. Je compte bien faire plus qu’une pub et qu’un film.

Ça fit rire Trevor de son rire un peu gras. Il recentra alors son regard sur Moriarty. Moi, je regardai l’un puis l’autre essayant de ne pas me noyer dans le regard dérangeant de River.

-Ton agent est venu me voir River. Il a bien fait. Pour moi, tu seras parfait pour le rôle principal de mon prochain film. C’est un rôle assez ambigu. Tu vas adorer. C’est une histoire de chasse au trésor mais il y aura de l’action et du sexe. En gros, ça ne sera pas pour les enfants. Mais j’imagine que n’importe quel rôle te convient. Il parait que tu cherches désespérément un rôle. Sache que je me fiche de tout ce qui a été dit sur toi dans la presse. Le fait que tu sois libre prouve que tu n’es pas aussi cinglé que L.A.People le disait…

C’était de notoriété public que River Moriarty avait été enfermé dans un hôpital psychiatrique pendant quelques années… Certains évoquait un coup monté, d’autres disait que Moriarty était sérieusement givré. Moi… Je le connaissais trop peu pour me faire un véritable avis mais il était clair que ce type n’était pas comme les autres.

Je ricanai, donc, à la remarque de Trevor.

-Au pire, Trevor, s’il est réellement cinglé, on le saura vite… S’il tue Kate Julian, c’est que L.A.People et les Moriarty avait raison. Mais en soi, ça ne sera pas une grosse perte.

Trevor rigola encore de son rire gras.

-Tu as de l’humour. Comme tu vois, River, Kate Julian aura un rôle. Est-ce que ça te pose problème ? Parce que ça pose problème à ce cher Vic…

Alors comme ça, l’avocat et frère de Victoria Hunter s’en était tiré, de son petit voyage en voiture en état d’ébriété plus qu’avancé… Dommage… Je scrutai son visage à la recherche de fantômes d’égratignure. L.A.People n’avait pas parlé d’un crash de voiture, pourtant, je l’avais attendu, cet article, dans les jours qui avaient suivis notre rencontre au Rainbow.

Mais… Rien.

Cela dit, contrairement à sa sœur, Victor Hunter n’était pas vraiment une célébrité. Mais sa présence ici me laissait entendre qu’il avait l’intention de changer de statut… Se faire acteur ? En effet, ce fut ce que confirma Victor après que j’ai souligné l’avoir vu dans une pub pour un parfum, à la télévision.

Je m’étais assis et regardais Victor dans les yeux. Pourquoi ? Parce que je sentais sa tension comme si c’était palpable.

Mais ce n’était pas de la tension que je voulais susciter… C’était de la peur.

Et puisque Victor jouait dans le film prévu par Trevor, j’aurais certainement l’occasion d’instaurer cette peur… Tout en faisant en sorte qu’il ne puisse pas mettre le doigt sur le comment du pourquoi.

Je souris.

-C’est une belle ambition que tu as là.

Je ricanai.

-Ça permettra de mieux nous connaître…

Trevor avait ri aussi, mais pour une raison qui m’échappait… Croyait-il que Victor n’était pas capable de faire carrière dans le monde du cinéma ? Physiquement, il pouvait convenir pour bien des rôles et j’imaginais qu’il devait avoir un succès certain après des femmes. Après, est-ce qu’il savait jouer ? Je le connaissais bien trop peu pour le savoir.

Trevor attira mon attention et se mit à décrire ce qu’on attendait, plus ou moins, de moi et le contexte de son film. Mon rôle serait ambigu et ce détail important fit que j’écoutai attentivement ce que le réalisateur avait à dire.

-De l’action et du sexe… De la violence aussi ?

Il ajouta qu’il se fichait de ce qui avait été dit sur moi dans la presse. Je fis signe que tout ça était oublié.

-La presse se contredisait elle-même. Un jour, L.A.People publiait un article qui me descendait et le lendemain, une lettre de Nathan J. Williams qui me défendait farouchement.

Personne ne savait donc le fin mot de l’histoire… Sauf moi… Et encore… Est-ce que je savais vraiment ce que j’étais ? Ce qui me poussait à des pulsions morbides ?

Victor ricana et ma tête se tourna brusquement vers lui. Il disait que si je tuais Kate Julian, ils seraient fixés. Je le regardai avec dans les yeux cette expression : « Ne me tente pas. »

Et ce fut sans quitter Victor des yeux que je répondis à Trevor qui me demandait si la présence du mannequin était un problème.

-Pas du tout… Tu sais ce qu’on dit : « Plus on est de fous… plus on rit. ».

Je passai ma langue sur mes lèvres.

-Tu peux me détailler un peu plus nos rôles respectifs ?

J’essayais de reprendre contenance face à River en montrant toutes mes ambitions futures afin d’obtenir la notoriété qui m’échappait depuis trop longtemps. Il me trouvait ambitieux mais son petit sourire continuait de me mettre mal à l’aise. Tout comme son ricanement juste avant qu’il ne dise que tout ça nous permettra de mieux nous connaitre. Mes lèvres se pincèrent.

-Ouais…

Trevor, lui, semblait se foutre de ce que je disais vu qu’il riait presque à chaque fois que j’ouvris la bouche. Est-ce que ce vieux gros lard pense que je ne ferais pas un bon acteur ? Il ne m’a encore jamais vu jouer ! Comment est-ce qu’il peut émettre un avis sans avoir vu ?!

Il verra. Et River aussi pour la cause même si sa présence sur le tournage me dérangeait presque autant que celle de Kate Julian. A quel moment Trevor s’est-il dit que les engager tous les deux était une bonne idée ? Il est complètement con ou quoi ?

Trevor parla un peu du film à Moriarty. J’écoutais passant mon regard d’un à l’autre pour ne pas m’attarder sur le regard bleu de glace de River. Ce dernier demanda, après le speech de Price, s’il y avait aussi de la violence. Le réalisateur sourit d’un petit sourire.

-Oui. De la violence et des morts.

Le genre de film qui sera interdit à certaines catégories d’âges… Pas vraiment pour le grand public. Price avait l’art de faire des films violent, en général. Comme si c’était son exutoire.

Le passé de River arriva alors sur le tapis mais tout ça ne dérangeait pas Price. Tout comme le fait que Kate Julian ait battu son fils ne semblait pas le déranger non plus. River disait que même la presse s’était contredite à son sujet. Il avait reçu le soutien de gens connus dont Jerry The Kid, le chanteur fantasque de The Burning Fire. Mouais… Pas sûr qu’il soit plus saint d’esprit de Moriarty.

-Effectivement. De toute façon, tout ça est derrière toi alors je n’ai aucune problème avec ça.

Je déclarai alors que si jamais Moriarty tue Kate Julian on sera fixé sur le vrai et le faux de tout ça. Je disais ça pour rire mais, au fond, si Moriarty avait vraiment un grain, ça pourrait foutre bien la merde sur le tournage. Bien que s’il tue vraiment Kate Julian, je ne verserais pas la moindre larme…

D’ailleurs parlant de la vieille harpie, sa présence n’ennuyait pas River. Je roulai des yeux.

-Tu changeras peut-être d’avis quand tu auras passé une heure avec elle… Y’a pas pire salope dans l’Univers. En plus, il y a des scènes de sexes alors, tu devras peut-être donner de ta personne sur la vieille…

Trevor rigola de son rire gras quand je dis ça mais il n’ajouta rien et je levai un sourcil en le regardant. J’aurais voulu demander pourquoi il riait ainsi mais River enchaina pour que Trevor parle de nos rôles respectifs.

Trevor sourit.

-Toi, River, tu feras le « héro ».

Trevor avait mimé des guillets car, apparemment, dans ce film, il n’y avait pas vraiment de vrai héro.

-Ça sera un matelot travaillant sur un bateau de contrebande. Au début du film, le capitaine du bateau voudra partir à la cherche d’une trésor et ton personnage, qui veut s’emparer du trésor, voudra tirer son épingle du jeu en manipulant les autres dont la fille dont il va s’éprendre et qui est aussi sur le bateau en tant que « passagère ». Ton personnage sera dont un manipulateur qui peut parfois devenir violent et s’emporter. Mais… Il aura certains bons côtés afin que le public puisse l’aimer malgré tout et un passé qui expliquerait ses actions présentes. C’est ça que j’aime faire. Qu’un personnage à la morale douteuse puisse être aimé du public.

Il me regarda ensuite affichant un petit sourire.

-Toi, Victor, tu fera le capitaine du bateau. C’est un connard fini qui exploite ses hommes. Il aime l’argent, le pouvoir… Tu n’auras pas trop à te forcer pour jouer ça. Tu es comme ça.

Je ricanai d’un ricanement un peu jaune. Pour qui il se prend le Trevor? Il n'y a que moi qui ait le droit de me traiter de connard.

-Et je gagne à la fin ?

Ce fut à Trevor de rigoler.

-Non. Bien sûr que non. River gagne à la fin. Il obtient le trésor après t’avoir tué.

Je roulai des yeux. J’aurais dû m’en douter. Trevor fixa River.

-Ce rôle te convient ?

De la violence et des morts ! Mon sourire s’élargit un peu malgré moi… Mais en même temps, qui cela surprendrait-il ? J’avais joué Kraken dans Keeping Our Lands et le reste de ma courte filmographie était en grande partie composée de films d’horreur. Evidemment que j’aimais ça et ce n’était un secret pour personne.

Mais je savais que je tenais là un rôle important. Pas vraiment pour ma carrière mais pour mes besoins plus primaires.

Je m’amusais à regarder vers Victor qui semblait vouloir éviter mon regard. Pourquoi ? Que lui avais-je fait ? Je n’avais fait que l’aider à retrouver sa voiture, après tout.

Trevor parla de mon passé pas si lointain que cela. Je me défendis un peu, mais de toute façon, ce n’était pas nécessaire : Trevor se foutait comme de sa première couche de mon internement. Il me voulait pour le rôle, point barre.

Il semblait un peu plus dérangé par le fait que Kate Julian, qui serait elle aussi dans le film, refroidissaient les acteurs qui devaient jouer avec elle. Ce n’était pas mon cas. Je ne connaissais pas Kate Julian, mais je savais par la presse qu’elle pouvait être violente.

Et loin de me déplaire, ça m’intriguait.

Victor, lui, souligna la possibilité que je doive tourner des scènes explicites avec Kate qui, effectivement, n’était plus de première jeunesse.

-J’ai vu pire à l’hôpital quand j’ai été agressé sexuellement par une psychologue. Kate Julian ne me fait pas peur.

Rien ne me faisait peur… C’était probablement une partie de mon problème dont j’avais parfaitement conscience. Car je savais très bien faire la différence entre le bien et le mal.

Je demandai alors à en savoir plus sur nos rôles respectifs et sur l’histoire que raconterait le film. Et je fus toute ouïe quand Trevor se lança. Ce serait un genre de film d’aventure mais dans une ambiance glauque de vieux bateau du 18ième. Un jeu de manipulation… Et un « héro » comme le disait Trevor, qui allait se faire aimer du public bien malgré lui.

-Je vois… ça me plait ! Ça me plait vraiment beaucoup.

Puis il regarda Victor qui serait le capitaine du bateau. Un capitaine que j’allais tuer.

-Si je comprends bien, mon personnage sera plus aimable que le tien ! Et ouais, ça me convient, Trevor.

Je ricanai.

-Toi qui n’es pas acteur, sais-tu comment te faire détester ? C’est tout un art.

Je me demandais s’il y avait des gens qui aimaient Kraken… Je savais que personne n’aimait le Roi Damon, mais mon personnage ? Je n’en avais aucune idée.

-Je suppose qu’il va y avoir beaucoup de travail sur les costumes et tout ça. Ça ne va pas être un film a tout petit budget…

Que Kate Julian prenne part au projet ne semblait en rien emmerder River Moriarty. J’avais pourtant rajouté qu’il aura peut-être à faire des scènes de sexe avec elle. En fait, je n’en savais rien… Je ne connaissais pas le scénario. Je ne savais même pas quel foutu rôle j’allais jouer. Mais River, lui, n’était pas impressionné par Kate étant donné qu’il s’était fait agressé sexuellement lors de son passage en hôpital psychiatrique. Je levai un sourcil. Il disait ça comme s’il expliquait ce qu’il avait mangé au déjeuner.

-Wow… Ça donne super envie de se faire interner…

Trevor rigola à ma remarque. A croire que, lui aussi, pensait bien que River venait de parler de son déjeuner. Je savais que Kournikova avait parlé des travers du Hollywood Mental Health Center… Mais je pensais qu’elle abusait pour faire scandale et que les gens regarde son reportage afin d’accroitre sa notoriété. C’est ce que font les journalistes, en général. Ils exagèrent.

Trevor nous avait, ensuite, parlé de nos rôles. River avait le rôle masculin principal. Un personnage trouble mais qu’il sera possible d’aimer d’un regard extérieur. Je réussis à regarder plus intensément vers Moriarty afin de voir en quoi ce type pourrait paraitre sympathique. Rien que son foutu regard était dérangeant et les rôles qu’il a fait auparavant était des rôles de types horribles comme Kraken.

Quant à moi, je ferais… Bah, le méchant. Ça me convenait autant que le rôle de River semblait l’emballer. De quoi faire sourire Trevor.

-Je savais que ça te plairais.

Je finis par demander si je gagnais tout de même à la fin. Les films de Trevor ont parfois des fins imprévisibles alors c’était possible. Sauf que, là, c’est bien River qui allait l’emporter. Je fis la moue alors que River s’enchantait que son personnage soit plus sympa que le mien.

-Mouais… On dirait bien…

River se demanda alors si j’arriverais à me faire détester étant donné que je n’avais aucune expérience en tant qu’acteur. Je ricanai.

-Un art que je maitrise, ne t’en fais pas. Je sais parfaitement me faire détester. C’est un de mes grands talents.

Trevor rigola à ça et confirma :

-C’est clair que Victor sait se faire détester. Il a plus de mal à se faire aimer par contre. C’est pour ça que je lui ais donné ce rôle. Il n’aura pas trop à forcer.

Je roulai des yeux. Je savais autant me faire détester que me faire aimer. C’était simplement une question d’attitude. Si j’avais envie de me faire aimer, je pouvais parfaitement le faire.

Moriarty posa alors quelques questions sur les costumes et le budget. A nouveau, je me dérobai à son regard pour fixer Trevor.

-On aura un très bon budget. De quoi avoir de très bons costumes mais, aussi, des lieux de tournage qui rendront les scènes plus réelles encore que si on était uniquement en studio. Il faudra bien un très bon budget parce que…

Il me regarda.

-Je dois transformer ce petit minet en pirate sanguinaire…

Je me redressai un peu sur mon siège fronçant les sourcils après cette remarque de Trevor. Qu’est-ce que je lui avais fait ? Pourquoi il m’insulte comme ça ? Il rigola encore de son rire gras.

-Heureusement que ce n’est pas toi qu’il faut maquiller Trevor, sinon, c’est le double de ton foutu budget qu’il faudrait !

On pouvait sentir de l’énervement dans ma voix. Je fixai, ensuite, River ayant le courage, cette fois, de le regarder dans les yeux.

-Dis-moi… Est-ce que ce genre du rôle, tu sauras le jouer ? Parce que d’après ce que j’en sais, les personnages que tu as fais jusqu’ici, n’étaient que des espèce de psychopathes adepte de la violence.

Or, le rôle que lui donnait Trevor était plus subtile.

J’avais parlé sans aucune pudeur de l’agression sexuelle dont j’avais été victime. Je n’étais, en réalité, même plus vraiment capable de dire si ça s’était réellement passé ou non. Ou si j’avais juste réussi à m’auto-persuadé. Certes, cette nymphomane de psy qui m’avait pris en charge n’était pas toute nette, mais est-ce qu’on pouvait vraiment qualifier d’agression ce qui s’était passé.

Je n’en savais plus rien.

Victor commenta en ironisant. Je le regardai mais chaque fois, il dérobait son regard.

-Je ne recommande ça à personne. Surtout quand on est sain d’esprit.

C’était ce dont j’étais persuadé aussi. Je savais que j’avais des pulsions étranges, mais je ne me considérais pas comme fou ou atteint d’une maladie mentale comme celle dont on m’avait affublé : la sociopathie.

Trevor nous parla de nos rôles et sincèrement, ça m’emballait déjà. Un film où il n’y avait pas de héro tout beau et tout gentil ne pouvait que me plaire. Beaucoup de films avaient tendance à être trop manichéens.

Trevor semblait très fier que ça me plaise. Je trouvais que c’était l’occasion de faire une expérience : serai-je capable de me faire aimer à l’écran ? Je crois que j’avais déjà un peu réussi avec Kraken qui attirait une forme de fascination morbide.

Mais ça ne sembla pas vraiment plaire à Victor, ce qui me fit rire d’un rire à glacer le sang.

Quant à se faire détester, Vic pensait être à la hauteur, ce que Trevor confirma.

Je regardai Victor de haut en bas, en silence, le jaugeant. Il avait un physique qu’on pouvait qualifier d’attractif, un visage bien dessiné et un regard assez atypique. S’il arrivait à se découvrir un talent pour l’acting, ça passerait crème. Comme le disait si bien Trevor, il n’aurait pas trop à forcer.

-Je me réjouis de voir… De me confronter à lui devant la caméra… On verra lequel de nous est le plus détestable.

Restait à voir si Trevor avait un budget à la hauteur de ses ambitions. J’accepterais le rôle dans tous les cas, mais je ne voulais quand même pas être déçu. Alors je me préparais à être déçu. Mais Trevor avait confiance en son projet et en son financement.

Je souris en coin quand il tacla un peu Victor en le traitant de petit minet.

-Le maquillage peut faire des miracles quand c’est bien fait. Personnellement, je n’en ai jamais vraiment eu beaucoup besoin sauf pour… le sang…

J’eus un sourire carnassier.

-J’adore me rouler dans l’hémoglobine de synthèse.

C’était vrai, je ne mentais pas. Je me serais regardé dans la glace pendant des heures, couvert de faux sang.

Victor me sortit de ma rêverie en me posant une question. Il était sceptique quant à mes capacités à jouer un personnage plus subtil que ceux que j’avais joué jusqu’ici. Il me regardait dans les yeux et je soutins son regard.

-Bien sûr.

Je faisais ça à longueur de journée ! J’avais vécu en jouant ce genre de rôle pendant toute la période où j’avais vécu chez Nathan à ma sortie de l’hôpital.

-Je sais être subtile.

Je souris.

-Ton rôle ne sera pas facile non plus… Si tu es un pirate du 18ième siècle, il faudra apprendre à parler autrement. On devra tous le faire. Pour faire plus réel.

Je découvris mes canines.

-Mais j’avoue que je t’imagine bien balancer des gosses par-dessus bord.

Moriarty ne recommandait l’hôpital psychiatrique à personne. C’est vrai ? Je pensais que c’était le meilleur endroit pour passer des vacances ! Comme s’il avait besoin de préciser que c’était un endroit merdique.

Maintenant à savoir s’il était vraiment sain d’esprit, c’était une autre histoire. Je ne savais pas si River avait un grain. Tout ce dont j’étais sûr c’est que quelque chose en lui me dérangeait mais j’étais persuadé que c’était uniquement lié à cette soirée horrible que j’avais vécu il y a peu.

Trevor avait parlé des rôles. Et si River avait un rôle relativement gris, moi, j’étais le méchant de l’histoire. Pas que ça me dérangeait, hein ! J’imagine que ça fera un bon exutoire. Ce qui me dérangeait plus c’est que je ne gagne pas à la fin et que Moriarty aura la chance de me tuer. Enfin, pas pour de vrai, hein ! Ce n’était que du cinéma.

J’espérais que Kate Julian allait mourir de ma main, par contre… J’étais, finalement, assez impatient de lire le scénario.

River semblait remettre en doute mes capacités à pouvoir me faire détesté preuve qu’il ne me connaissait aucunement. Je déclarai en être totalement capable. Je savais me faire détester. Demandez à des gens comme Jake Snyder ou encore Liam Taylor. Ils vous diront sûrement que Victor Hunter est un sale connard imbu de sa foutue personne. Ce que j’étais en partie, réellement. Je ne peux pas le nier. Mais cette facette de moi m’était utile dans le monde où je vivais et où Snyder et Taylor ne vivaient, eux, pas.

Trevor alla dans mon sens et River ria d’un rire tout aussi dérangeant que son foutu regard avant de dire qu’il avait hâte de se confronter à moi devant la caméra. C’est un défi ? J’esquissai un sourire en coin.

-Fait gaffe. Il ne faut pas se fier aux apparences. Crois-moi que je peux être le pire des connards si je veux.

Trevor rassura River concernant le budget. Apparemment, il en avait un gros et il ne tarda pas à me tacler au passage. Je lui renvoyai la pareille alors que Moriarty déclara n’avoir jamais eu trop besoin de maquillage sauf pour le sang. Je grimaçai quand il avoua aimer se rouler dans l’hémoglobine de synthèse.

-Tu aimes de drôles de choses… Tu es sûr que tu es totalement guéri ?

Je parlais de son passage à l’hôpital psychiatrique. Parce qu’il semblait tout de même avoir quelque chose de pas net…

Je renvoyai alors la question que River m’avait posé tout à l’heure. Est-ce que lui saura tenir un tel personnage ? Il en était certain et ça me fit ricaner. Il était persuadé de pouvoir être subtile. Moi, je n’en étais pas convaincu. Kraken n’avait absolument rien de subtile. C’était un foutu tueur sanguinaire et le seul moment où les gens l’avait plus ou moins aimé c’est quand il avait tué cet enfoiré et détestable Roi Damon… Sauf que penser à ça me fit faire le lien avec le scénario du film de Trevor où c’était moi qui jouait le pire enfoiré et qui allait me faire tuer par River… Et ce parallèle me fit faire la moue.

-Mouais. On verra si tu sais être subtile. Je veux le voir pour le croire.

River rétorqua que mon rôle ne sera pas simple non plus parce qu’on devra tous changer notre façon de parler.

-Je saurais gérer ça. Je suis avocat. Causer c’est mon truc. Je peux parfaitement parler autrement.

J’étais certain de pouvoir tout gérer. Moriarty déclara alors qu’il me voyait bien balancer des gosses par-dessus bord. Là, il me fit tout de même rire.

-J’ai bien failli faire ça à mon neveu lors de la dernière fête de Ricci. Mais je n’ai pas mis la main dessus, finalement, sinon, je l’aurais fait. Donc, j’en suis totalement capable, en effet. Je n’aurais pas trop à forcer pour mon personnage.

Trevor rigola. Il s’amusait de cette entrevue.

-Parfait ! Je sens que ce tournage va être amusant. As-tu d’autres questions, Moriarty ? Victor enverra le contrat à ton agent…

Etant donné que nos personnages seraient plus ou moins tous mauvais, une certaine forme de compétition s’installa entre Victor et moi. Ce serait à qui serait le mieux installé dans son rôle. Et je savais que je partais avec l’avantage de l’expérience.

Victor disait qu’il pouvait être le pire des connards. Je captai son regard…

-Il y a être un connard que les gens déteste… Et un connard que les gens craignent.

Je voulais appartenir à la seconde catégorie.

Heureusement, pour ce faire, Trevor avait un certain budget, ce qui n’était pas plus mal. J’avouai adorer me couvrir de faux sang, ce qui était on ne pouvait plus vrai…

Qu’est-ce que ça me ferait de le faire avec du vrai sang ? J’eus à la chair de poule, de plaisir, à cette pensée.

-Je n’étais pas malade.

C’était ce que je soutenais depuis le début. Que tout ça n’avait été qu’un coup monté par mon cousin. Il fallait que je m’y tienne.

Il semblait que le scénario et surtout le destin de son personnage déplaisait un peu à Hunter. Et comme si j’y pouvais quelque chose, il remettait en cause mes capacités à jouer un rôle tel que celui écrit par Trevor.

Je pouvais être subtil. Je le savais. J’étais en train de le faire. Là, maintenant, tout de suite.

Et fort heureusement, personne ne s’en rendait compte. Mais j’avais quand même un peu envie d’étrangler Victor.

Il voulait voir. Je le vrillai du regard.

-Tu verras.

Lui, en tout cas, ne remettait nullement en cause ses capacités alors qu’il n’avait jamais joué dans un film. Il était sûr qu’il pourrait trouver la bonne intonation pour son personnage. Je souris.

-Très bien… On va s’amuser.

Il était vrai que je le voyais bien jeter des gosses par-dessus bord. Et pour cause, il avait eu envie de le faire à Ian, le petit Roi Damon. Je ricanai.

-Moi, je lui ai écrasé la tête, à ton neveu.

Trevor me fit me retourner vers lui en me demandant si j’avais encore des questions. Je me levai et m’étirai.

-Non, plus de questions. Envoie-moi le scénario et préviens-moi quand il faudra tourner.

Je fis un signe de tête à Hunter.

-On se revoit bientôt. En espérant que ce ne soit pas Kate qui nous dévore tous les deux.