Wow. C’était merveilleux … et intense. Parfois, lorsqu’Angela et moi faisons l’amour, ça peut durer près d’une heure et le plaisir vient lentement. Le rythme change, parfois on ne fait que se regarder et s’embrasser, parfois c’est sauvage et trépidant. Et puis il y a les fois comme celle-ci où tout va très vite, où le plaisir est fulgurant, disparaissant aussi vite qu’il est venu – le genre de plaisir qui m’oblige à mordre mon oreiller pour ne pas crier trop fort. Je ne plaisante même pas ; faut dire qu’Angela est très compétente pour les choses de l’amour, et qu’elle sait très bien quoi faire pour me faire monter dans les tours, elle me connaît par cœur. Bon, je ne suis pas mal non plus de ce côté-là ; j’oserais même dire que c’est ce que je sais faire de mieux. Et comme Angela et moi ne pouvons pas nous empêcher de nous sauter dessus, je ne manque pas de pratique non plus !
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Il faut que je me lève … je dis en soupirant.
Je serais bien restée des heures ainsi serrée contre elle, mais le fait est que je n’ai pas pris ma journée pour m’envoyer en l’air. Je dois à me rendre à ce truc dont Angela m’a parlé, une espèce de réunion pour les gens comme nous ou je ne sais pas quoi – je n’ai pas retenu les détails, je sais juste qu’Angela elle n’y va pas parce qu’elle ne « se sent pas concernée ». Qu’est-ce qu’elle veut dire par là ? Aux dernières nouvelles elle couche avec moi alors elle est tout à fait concernée … mais non, elle a dit que je dois y aller seule. Elle a probablement dû me dire pourquoi, mais j’avoue que je ne l’écoutais plus vraiment à ce moment-là, j’avais trop de questions en tête. Une association LGBT, pourquoi faire ? Tout ce qu’on veut c’est vivre en paix et être comme les autres et pourtant on fait tout pour se démarquer … bon, je sais bien qu’à l’origine le but était de faire en sorte qu’on obtienne les mêmes droits que les hétéros, qu’on soit reconnus et tout ça … mais c’est en partie chose faite maintenant, non ? Après c’est vrai qu’il reste encore pas mal de choses à faire, comme faire en sorte que nous puissions nous marier, et à mon avis ça n’arrivera pas avant le prochain millénaire tant ce pays est stupidement croyant. Bah, j’en ai un peu rien à foutre de tout ça. La politique et les combats idéologiques, je laisse ça à ceux qui aiment ça. Moi, tout ce que je veux, c’est d’être enfin capable d’avouer un jour à ma famille et à mes amis que j’aime les femmes ; qu’Angela et moi puissions enfin nous afficher au grand jour, que je puisse enfin me foutre de ce que les autres pensent.
Maintenant que j’y pense, c’est peut-être pour cela que je dois me rendre à fameuse réunion …
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Tu es vraiment sûre que tu ne veux pas venir avec moi, hein ?Assise sur le bord du lit, je cherche du regard mes vêtements éparpillés un peu partout dans la chambre. Ah … je n’ai pas envie de me lever, mais je n’ai pas le choix. J’ai promis à Angie que j’irai, alors j’irai. Ce n’est pas mon genre de trahir une promesse.
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Tu sais bien que je n’en ai pas besoin. Je n’ai pas de problème avec ma sexualité, moi.Quoi … qu’est-ce qu’elle me dit, là ?! Elle abuse ! Certes, c’est quelque chose dont j’ai un peu honte et dont je ne parle jamais, mais … mais ce n’est pas un problème, si ? C’est juste que je suis pudique et … et … c’est vrai qu’il faudrait que j’arrête de me trouver des excuses. Comme le dit Angela elle-même, « les gens s’en foutent d’avec qui je couche ». Ouais, mais ce n’est pas si simple … imaginez que ma vraie nature tombe d’un l’oreille d’un de mes collègues. Il y a des tas d’ordures dans la police, je le sais très bien ; des racistes, des misogynes … des homophobes, il y en a sûrement aussi. Comment je pourrais faire mon travail correctement si on passe mon temps à m’insulter, à se foutre de moi ? C’est un risque que je ne veux pas prendre ; alors c’est pour ça que personne ne doit savoir. Pour ça, et pour la réaction de ma mère aussi – elle est du genre très croyante, en fait sa foi est à peu près la seule chose qui lui permet de maintenir la tête hors de l’eau pendant sa dépression …
… ça et son amour pour moi et pour mon frère, et je pense qu’elle n’y renoncerait jamais même si je lui annonçais mon secret …
… mais on est jamais sûr de rien et c’est pour ça que je préfère ne rien dire.
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Je … je n’ai pas de problème avec ma sexualité, réponds-je.
Je ne suis pas sûre de moi et cela s’entend. Angela sourit et pose une main sur ma joue.
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Alors sois-en fière. Sois fière de ce que tu es, de qui tu es. Tu peux y arriver ?-
Je … pense que je peux essayer.Pour toute réponse, elle me fait un de ses sourires charmeurs dont elle a le secret et m’embrasse.
Bon … c’est bien gentil tout ça mais il faut que j’y aille. Les mots d’Angela m’ont motivée et maintenant j’ai presque hâte d’y être, à cette réunion ou je ne sais pas trop quoi. Mais d’abord, il faut que je me prépare … une petite douche froide histoire de me remettre de notre quart d’heure d’amour me fera le plus grand bien.
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Lala … Angela m’a attrapée l’épaule. Je me retourne vers elle.
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Oui ?-
Je t’aime.-
Je le sais, mon cœur. Je t’aime aussi.***
« Pride Size » … c’est un peu ridicule comme nom, non ? Ca ne veut pas dire grand-chose. En tout cas c’est comme ça que s’appelle l’association que je cherche. Je crois qu’ils tiennent un journal aussi, ou un magazine, ou que sais-je. D’ailleurs Angela leur fournit des photos de temps à autre, c’est comme ça qu’elle a entendu parler de l’association. Bon … je n’ai aucune idée de ce qu’ils racontent dedans, enfin j’aime à penser que c’est une sorte de Playboy pour gays, mais de toute façon je ne suis pas là pour une interview. Enfin j’espère. Non – je suis là pour participer à une réunion, une sorte de groupe de parole pour parler de … euh, notre homosexualité j’imagine. Ce qu’on en pense, comment on le vit, tout ça. Je n’ai absolument aucune idée de quoi dire … et de toute façon je ne veux pas parler de telles choses à de parfaits inconnus. Je vais sans doute me contenter d’écouter.
Ah, j’ai trouvé le bâtiment. J’ai eu un peu de mal – je crois qu’il est volontairement discret et un peu difficile à trouver pour éviter que néo-nazis, extrémistes religieux et autres connards ne viennent le saccager. Ou bien ils ne sont juste pas très forts en communication ? Je ne sais pas, et je m’en fiche un peu. Ce que je veux, c’est – qu’est-ce que ?
Un portail grillagé, fermé par un cadenas. Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? Je suis arrivée trop en avance ? Je suis en retard ? Ca a été annulé ? Putain … j’espère que ce n’est pas ce dernier cas parce que cela la foutrait mal d’avoir demandé ma journée – sous un faux prétexte – pour qu’au final rien ne se passe. Merde …
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Il y a sûrement une explication, pense-je à voix haute.
Bah en tout cas c’est fermé. Par un gros cadenas. Ok … peut-être que ce type pourra m’en dire plus.
Il y a un jeune homme qui est arrivé avant moi. Un grand type mince, tout pâle, habillé en noir malgré la chaleur, un chapeau très fatigué non loin de lui. Je ne l’ai jamais vu avant, pour sûr – une dégaine comme celle-là, je m’en souviendrais.
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Bonjour, je lui dis.
C’est un bon début.
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Vous aussi vous êtes là parce que vous êtes … vous savez …Gay ? Homosexuel ? Ce ne sont pourtant pas des mots compliqués à dire, Rafaela …
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On dirait qu’ils ont eu un empêchement.Je fixe la porte grillagée comme si elle allait s’ouvrir par magie, jouant nerveusement avec ma queue de cheval. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Je suis sûre et certaine que la réunion était bien à cette heure-ci et on ne peut pas être deux à s’être trompés, n’est-ce pas ? Bon … peut-être qu’ils ont simplement repoussé l’évènement d’une demi-heure ou je ne sais quoi ? C’est tout à fait possible, inutile d’imaginer le pire … même si je ne peux pas m’empêcher d’y penser.