Samedi après-midi. Il fait plutôt beau pour une journée d'hiver (il faut croire que les températures se sont fortement adoucies depuis quelques semaines). Il fait si beau qu'il est humainement impossible de rester enfermée chez soi. Avec un temps pareil, tu n'as qu'une envie : sortir profiter de ce merveilleux soleil. Et c'est ce que j'ai décidé de faire. Comme à mon habitude, je ne prends que le strict minimum avec moi. Je n'aime pas être encombrée avec des tonnes d'affaires et, dès que j'en ai l'occasion, je préfère ne pas prendre de sac. Aujourd'hui, il me faut juste quelques billets au cas où j'ai un petit creux ou si je tombe sur une bonne affaire, de la petite monnaie pour le métro et mon lecteur cassette. J'enfile tout ça dans les poches de mon fidèle blouson de cuir noir et je sors de chez moi.

Je mets mon casque et enclenche mon lecteur cassette. Puis je laisse les douces notes de Out on the weekend guider le rythme de mes pas. Je marche ainsi pendant une bonne dizaine de minutes, n'ayant que pour seul repère la voix unique de notre ami Neil. Je fais à peine attention à tout ce qui se passe autour de moi. J'avance presque machinalement, d'un pas étrangement rapide alors que je n'ai aucun endroit où aller, alors que je n'ai aucun rendez-vous. Personne ne m'attend à la terrasse d'un café ou devant le cinéma du quartier. J'ai toujours été comme ça. Je marche très vite. Pourtant, j'ai horreur des gens pressés. Ce qui est assez paradoxal quand on y pense.

A la fin de Heart of gold, chanson qui me fait toujours le même effet à chaque fois que je l'écoute, je bifurque à l'angle d'une de ces grandes rues caractéristiques de L.A. pour m'engouffrer dans une petite ruelle. J'ai un endroit où aller à présent, un endroit qui a toujours été ma maison. Un endroit où, dès que je passe la porte, je me sens bien. Un de ces endroits qui, vous en êtes sûrs, a été inventés pour vous.

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Je pénètre dans le vieux magasin de disques d'occasion où j'ai l'habitude de me rendre. A peine à l'intérieur, je sens déjà mon coeur se gonfler de plaisir et mes narines palpiter à l'odeur des vieux vinyles. Je suis chez moi. Et il me semble que même Neil, qui continue déverser ces délicieuses paroles à l'intérieur de mes oreilles, est aussi heureux que moi. Are you ready for the country ? Because it's time to go !

J'adresse un grand sourire à l'attention du vendeur et je commence l'exploration du magasin, exploration qui est devenue un petit rituel sacré pour moi. Je commence par le commencement : la lettre A. AC/DC, Aerosmith. Puis la lettre B. Bad Company, The Beatles, Bee Gees. Il n'y a pas de plus grand plaisir pour moi que celui de voir encore et toujours les pochettes des plus grands albums. Comme s'il suffisait que je pose mes yeux sur leurs couleurs chatoyantes pour que celles-ci me redonnent goût à la vie. Je continue ainsi jusqu'à la lettre M. The Moody Blues. Et là, paf, trop concentrée sur les vinyles et sur Neil, je n'aperçois pas qu'un jeune homme basané est arrêté devant la lettre N. N comme Neil Young ? Ou simplement comme « non je n'ai pas remarqué cet homme et je viens de lui foncer dedans ! »

Un peu secouée et surprise, je relève la tête et retire mon casque que je laisse pendre autour de mon cou. Je cligne des yeux et me mets à fixer l'homme qui se trouve devant moi.

- Heu... Désolée ! Je ne vous avais pas vu ! ... Je ne vous ai pas fait mal j'espère ?