Tatiana Cuplle. Un prénom qui semble sonner à l'est mais un nom de famille totalement américain patriotique. En effet, Tat' tirait ses origines de Russie mais elle n'y avait jamais mis un pied. Née d'une mère russe et d'un père purement états-unien, elle était la parfaite combinaison de la droiture et de la loyauté. Un charme sans pareille. Elle, elle se sentait juste elle. Tatiana, cette fille au look original, cette fille d'une douceur incroyable et d'une gentillesse irréelle. Tat', c'était une vraie fille. Le genre de celles qui aiment les froufrous, les trucs roses, les paillettes, les belles chaussures et dont la garde-robes déborde. Elle adorait le bodmod, les personnalités hardcore mais elle avait élu domicile dans un monde rose bonbons, au dos d'un petit poney. Cela ne signifiait pas qu'elle était loin de se rendre compte de la réalité. Non. Elle faisait probablement partie de ces personnes qui ont souffert, enduré des sales choses mais que l'on nomme résilients.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'enfance et l'adolescence de Tatiana n'ont pas été idylliques. Entre la disparition de son père et les frasques de sa mère, la jeune femme a mis du temps avant de trouver ses marques dans le monde qui l'entourait. Elle crut sa vie de femme entamée lorsqu'elle rencontra Kurtis, un jeune paumé aux allures rock'n roll qui se prétendait être musicien, rock star en devenir. Elle l'ignorait encore mais il fut le plus gros désastre de sa vie. Entre la drogue et les violences physiques, Kurtis empoisonna la vie de Tatiana alors qu'elle venait tout juste de sortir de l'enfer familial. Son père bien aimé était parti et sa salope de mère vivait enfin la vie de gamine qu'elle regrettait tant. Comme toute jeune fille amoureuse et en quête de vérité, Tat' se laissa un peu influencer par Kurtis. Elle connut une sorte de débauche elle aussi, un peu la drogue et beaucoup l'alcool. Mais Tat' était une fille droite, sensée et déterminée, ce qui la guida sur le bon chemin assez rapidement. Elle ne joua pas plus longtemps avec le feu et après quelques années de galère amoureuse, elle eut le courage de mettre Kurtis à la porte, non sans mal. Il la harcelait nuit et jour, devant sa porte, au téléphone. Le manège prit fin lorsqu'elle entra dans une grande école d'arts. Là-bas, elle y étudia différentes matières qui résumaient tout à fait sa personne : la photographie, le chant et le dessin. De plus, dans la vie, Tat' était passionnée de mode et travaillait souvent pour des créateurs. Elle avait sa propre vision du stylisme et la mettait en pratique pour gagner de quoi vivre. Elle adorait le chant également mais ne s'imaginait pas vraiment rock star. Elle aimait juste ça pour elle et désirait améliorer ses performances en suivant une des meilleures formation du pays. Néanmoins, son leitmotiv était la photo. C'est là dedans qu'elle s'épanouissait le plus. Et l'avantage de cet art était qu'il pouvait réunir tout ce qu'elle adorait dans la vie. On pouvait photographier de tout, saisir l'instant, le suspendre dans le temps à tout jamais. Le faire partager, émettre des émotions, des sentiments à tout le monde à travers un seul petit cliché, parfois pas tout à fait réussi, parfois pris totalement au hasard. Tati' connaissait les difficultés du métier, surtout des débouchés mais elle ne baissa jamais les bras, c'était là dedans qu'elle voulait tracer le chemin de sa vie.

Durant ces quelques années d'études artistiques, il y avait eu un garçon. Un garçon pour lequel elle avait littéralement tout fait. Leur rencontre sortait de l'ordinaire mais à l'instant même où leurs regards s'étaient croisés, Tatiana avait perdu pied. Il était tout ce qu'elle recherchait et tout ce qu'elle avait toujours désiré quand elle pensait à un homme. Ses cheveux mi-longs et ses tatouages l'avaient simplement subjuguée. Tout de suite, les deux adolescents s'étaient laissés bercer par l'amour et le plaisir d'être ensemble. Tat' n'avait qu'un nom, qu'un visage en tête. Aber Sparks. Celui pour qui elle aurait tout fait sans même réfléchir. Quand ils étaient ensemble, elle n'était plus qu'une ombre pour les autres et pourtant, elle rayonnait. Elle rayonnait pour lui, le simple son de sa voix ou la fragrance de son parfum suffisait à la mettre en émoi. Chaque minute passée aux côtés d'Aber était précieuse. Il n'était pas uniquement ce garçon maladroit et doux. Pas seulement ce garçon éperdument amoureux de Tat'. A les voir, on aurait pu penser au couple parfait, et pourtant, elle risquait de le perdre à chaque instant. Il avait un passé, des fréquentations qui mettaient en péril leur vie commune. Elle souffrait de ce danger, elle souffrait de le savoir loin. Les quelques années d'amour qu'ils passèrent ensemble furent les plus belles de la vie entière de la jeune photographe. Jamais elle n'avait pu vivre autant de bons moments avec une seule personne. D'ailleurs, elle s'était plusieurs fois demandé s'il ne s'agissait pas d'un rêve, d'une chimère.

Pourtant, tout n'était pas si simple, du point de vue de la réalité. Derrière tout bonheur se cache un drame. Le seul drame qu'ils connurent fut la séparation. C'est Tatiana qui mit fin à leur amour. Pourtant, elle en était toujours aussi amoureuse, même plus. Les années n'avaient fait qu'accentuer ce qu'elle éprouvait pour Aber et les projets qu'elle voulait mettre sur pieds avec lui étaient de plus en plus grands. Elle voulait finir sa vie avec lui, se marier, avoir des enfants, déménager. La vie. Elle voulait le meilleur pour lui, pour elle, pour eux. Elle voulait affronter le destin et laisser loin derrière toutes les misères que la vie avait bien pu leur apporter. Elle voulait qu'il soit un homme comblé, un mari aimé, un papa adoré. Pourquoi partir, alors ? Aber était un garçon maladroit bien qu'elle ne doutait pas vraiment de ce qu'il éprouvait pour elle, elle lui reprochait souvent de ne pas être démonstratif. Elle aurait aimé qu'il se décoince un peu, qu'il se lâche ailleurs que sur sa batterie. Qu'il lui dise, qu'il lui montre combien elle comptait pour elle. Elle attendit. Longtemps. Elle mit en place de nombreux stratagèmes pour le faire flancher. Mais rien. Aber restait délibérément muet. Elle l'avait choyé, renié, repoussé. Elle l'avait menacé, surveillé, engueulé, raisonné. Tout aboutissait au même point : nul. Elle avait conscience d'être devenue invivable. Elle ressemblait en tout point à sa mère. Elle était devenue tyrannique avec celui qu'elle aimait par dessus tout. Pourtant il restait, cela aurait du suffir à l'apaiser. Le problème était qu'elle était complètement dépendante d'Aber. Le seul moyen de ne plus penser à lui était d'être avec lui. Lorsqu'elle était loin, elle s'éteignait, perdait l'énergie et la motivation qui la caractérisait tant. Elle pleurait chaque soir qu'elle ne passait pas avec lui et elle avait désespérément besoin d'entendre sa voix ou de prendre de ses nouvelles. Plus elle avait besoin de lui et moins il lui démontrait de l'amour. Ou peut-être n'avait-il jamais changé et elle en attendait toujours plus. Quoi qu'il en soit, après de nombreux mois, Tatiana n'était plus comblée et sa relation l'empoisonnait. Peut-être avait-elle raison de reprocher certains faits à Aber, mais peut-être exagérait-elle également. Dans certains moments de lucidité, elle culpabilisait d'être constamment sur son dos.

La rupture ne se fit pas sans mal. Elle était au plus bas et elle perdit contact avec Aber. Elle aurait aimé garder le contact mais elle savait qu'elle avait besoin de se soigner de lui, de redevenir elle-même et il n'y avait qu'une façon de le faire : couper le cordon. Dans sa tête, peut-être que cette rupture ferait prendre conscience à Aber de ce dont elle avait besoin, de ce qu'elle attendait de lui et qu'ils pourraient repartir sur des bases saines. Elle était prête à tout pour lui, y compris suivre une thérapie afin de devenir une petit amie normale. Il n'en fut rien. Tous deux continuèrent leur chemin sans jamais franchir un pas vers l'autre.

Tatiana mit de long mois pour se remettre de son histoire. Néanmoins, elle finit ses études avec brio et obtint son diplôme. Côté coeur, il n'y avait eu personne après Aber hors mis Ange. Ange était un garçon de l'école avec qui elle avait toujours eu de très bons contacts. Il avait été là durant sa relation amoureuse et l'avait souvent aidé à tenir le coup. Après la rupture, il s'était montré plus que présent et l'avait soutenu chaque jour, patiemment. Ange aimait Tatiana, ce n'était un secret pour personne. Depuis le premier jour, il avait dans le coeur sa Tagada. Il aurait décroché la lune pour elle et il lui aurait probablement apporté tout ce qu'Aber s'était gardé de faire. Mais rien n'y faisait, Tat' ne jurait que par son batteur. Elle aimait bien Ange, un peu plus que comme un ami mais jamais assez pour qu'il soit son amoureux. Ils avaient été amants un certain temps. Elle avait besoin de panser son coeur des cicatrices que les années Aber avaient laissées. Malheureusement, elles étaient le genre de blessures qui ne guérissent jamais et se rouvrent à la moindre contrariété. Elle avait espéré que les sentiments viendraient au fur et à mesure et qu'il pourrait la combler autant qu'Aber l'avait fait. Il n'en fut rien, leur relation se résuma à quelques ébats sexuels et des sorties un peu maladroites. Depuis ce jour, aucun autre garçon ne partagea les draps de la jeune femme.

Malgré le drame, ces années scolaires furent les plus belles et les plus enrichissantes de la vie de Tatiana. Elle se trouva des amis irremplaçables et fit ses plus belles expériences, connut ses plus gros fous-rires. C'est également à cette époque qu'elle constata qu'elle était vraiment quelqu'un, quelqu'un de bien que les autres aimaient. Pour de vrai. Elle avait accumulé au fil des ans divers surnoms, passant des plus banals comme Tat', Tati à Tatichou, la fraise, Tagada... Quasiment plus personne assez proche d'elle ne l'appelait par son prénom. Ce dernier était réservé au milieu professionnel. Puisqu'elle était une jeune femme aujourd'hui presque accomplie, elle avait su garder la tête hors de l'eau et prendre les choses en main, Aber ou pas Aber. Elle s'était totalement plongée dans le travail et elle avait rapidement trouvé un job bien payé pour ses talents de photographe. Elle refusait de se lancer en freelance, c'était toujours ce genre de décision qui plongeaient les artistes à manger des grives, faute de merles. Elle avait, au cours de sa carrière, été embauchée dans plusieurs boites, assez prestigieuses. Elle avait travaillé dans la mode, pour des agences, des créateurs, sur la tournée d'un populaire groupe de rock et même pour un magazine. Elle s'était progressivement attribuée un nom. Son courage et sa détermination n'avaient cessé de payer et aujourd'hui, tous ses collègues et employeurs la nommait en premier lieu dans les photographes recommandables. Elle n'avait pas de projet d'avenir à long terme, elle se contentait de vivre au jour le jour, profitant de ce que son destin lui apportait. Elle atteignait ses buts un à un et tout ce qui l'intéressait était sa carrière professionnelle. Aujourd'hui, elle a repris sa place dans le monde de la musique. Elle bosse à nouveau pour un journal populaire : le Guitar and Pen. Elle y a trouvé sa place, elle s'y plait et vit au jour le jour. Ce job lui permet de payer son loyer et de se faire plaisir de temps en temps, c'est tout ce qui lui importe. Elle a combiné deux de ses plus grandes passions : la photo et la musique.



 

Behind the screen [Facultatif]