Je détestais cet endroit ! Ça faisait un mois que je venais ici tous les jours et je détestais ça ! J’avais beau dire à Maman que je détestais et que je ne voulais plus y aller, elle disait que j’allais m’habituer…

Mais je n’aimais pas ça ! Tout le monde ici était stupide ! Les autres élèves n’arrêtaient pas de se moquer de moi. Ils m’appelaient tous « Roi Damon » et n’arrêtait pas d’imiter le personnage de River quand il m’a tué. Il y en a qui m’appelait « la Diva ». Ils étaient tous méchants ! Ils ne me respectaient pas ! Sans compter la nourriture à la cantine qui était vraiment pas bonne du tout.

Je n’aimais pas DU TOUT cet endroit !

Mais j’avais abandonné l’idée de m’en échappé en pleine journée. Je l’avais fait le premier jour et les policiers m’avaient trouvés à la salle d’arcade. Maman ne m’a pas puni mais l’école, oui ! J’ai eu ce qu’ils appellent une retenue… J’ai détesté ça ! J’ai crié auprès de Maman pour qu’elle l’annule mais elle n’a pas réussi.

« Votre fils n’est pas au-dessus du règlement de l’école », c’est ce qu’on lui a dit. Je déteste cette école et tous ceux qu’il y a dedans.

Et je n’aimais pas le cours de math… Et j’avais math maintenant. Je marchais seul dans les couloirs. Je ne parlais à personne ici parce que je les détestais tous !

-Hey, la Diva, fait attention à Kraken !

Je me tournai vers la voix du garçon qui venait de dire ça. Quand je me retournai, lui et ses trois amis rigolèrent de moi. Je fronçais les sourcils et devint tout rouge parce que j’étais énervé.

-Arrêtez de vous moquez de moi ! Sinon, je le dirais à ma mère !

Ils rigolèrent encore plus et imitèrent un bébé qui pleure avant de rigoler encore plus.

Je les déteste !

-Vous verrez ! Un jour, vous verrez !

Je disais ça en tournant les talons avant d’entrer de très mauvaise humeur dans la classe de math. Je n’aimais pas le professeur de math. Il disait tout le temps que je n’étais pas au-dessus des autres.

Si je le suis ! Je suis un acteur, je n’ai rien n’à faire ici avec les autres élèves normaux !

Je me mis à mon banc et fronçai les sourcils. Le professeur commença son cours et quand il demanda à ce que je vienne au tableau résoudre un exercice, je croisai les bras sur mon banc.

-Non. Je ne veux pas venir. Je refuse de faire l’exercice.

Le professeur fronça les sourcils.

-Monsieur Hunter fait encore sa crise, comme je vois… Viens au tableau, Ian, ou bien je serais contraint de te mettre une retenue.

Encore une retenue ?! Non mais ça ne va pas.

-Non ! J’en ai déjà eu une hier ! Vous ne pouvez pas m’en mettre tout le temps. Je n’ai pas envie de venir au tableau, point à la ligne ! Je ne viendrais pas !

J’haussai le ton et frappai du poing sur la table. Le professeur resta de marbre.

-Bien, puisque cet ainsi, tu peux sortir de la classe Ian. Je préférerais de ton comportement à la Directrice et tu auras encore une retenue.

Je frappai très fort du poing sur mon banc.

-Non ! Vous ne pouvez pas faire ça !

Il me regarda et fronça les sourcils.

-Si je le peux. Maintenant dehors, Monsieur Hunter ! Tout de suite !

Il haussa un peu le ton. Fâché, je rangeai mes affaires dans mon sac et criai avant de sortir :

-Vous le paierez tous !!!

Je claquai la porte en sortant. J’étais fâché et triste aussi. Des larmes coulaient sur mes joues. Personne ne m’aimait ici et je n’aimais personne. Je voulais que ça s’arrête ! Je voulais partir de cette école !

Je shootai fort dans un casier parce que j’étais en colère. Il fallait que je fasse en sorte de me sortir de là. Mais Maman ne voulait pas… Et Maman n’écoutera personne… Sauf…

Oh j’ai une idée !!!

Je sortis en courant de l’école. Le surveillant ne m’avait pas vu et je suis sorti dans la rue avant mon sac sur mon dos. Je me dirigeai vers la cabine téléphonique la plus proche et mis une pièce dedans pour la faire fonctionner. Je composai le numéro de Jimmy Reed. Lui pourra faire quelque chose ! Il dirigeait BSC ! Il pouvait tout faire et je l’aimais bien !

-Allô ?

C’était une voix de femme au téléphone. J’avais toujours les joues mouillées par les larmes et on pouvait entendre dans ma voix que j’étais très énervé.

-Frances ? C’est Ian… Passez-moi tout de suite Jimmy Reed. Je dois lui parler. C’est très urgent ! Vite !

Frances paru déstabilisée et inquiète.

-Ian ? Quelque chose ne va pas ?

Bien sûr qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas.

-Oui ! Et je veux parler à Jimmy Reed tout de suite ! Vite, c’est très urgent !

J’ai dit que c’est urgent alors il fallait qu’elle se dépêche avant que je ne me fasse prendre comme la dernière fois.

-Heu… D’accord, Ian. Je te le passe.

Je la remerciai avant de sautiller d’une jambe sur l’autre parce que j’étais pressé et qu’il fallait une éternité à Frances pour passer l’appel. Quand j’entendis la voix de Jimmy, je ne lui laissais pas le temps de dire beaucoup de choses.

-Jimmy ! Il faut vite que tu m’aides ! Maman m’a envoyé dans une horrible école et je n’aime pas du tout cet endroit ! Je veux que tu m’en sortes ! Maman veut que j’y reste mais je n’aime pas du tout ici !

J’étais énervé mais ma voix se cassait un peu. Je n’aimais vraiment pas du tout ici.

@ Billy Lighter

J’attendais. J’étais dans mon bureau au sommet de la tour BSC, à lire le journal… Et j’attendais. J’attendais l’article qui m’informerait que mon plan avait fonctionné. La mauvaise cargaison avait été volée. Mieux encore, elle avait été volée et dans l’aventure, ce n’étaient pas des nôtres qui avaient été tués mais l’un de ces New Soldados.

Maintenant, j’attendais les premières conséquences néfastes de leurs ventes. Et vu l’allure à laquelle ils vendaient, et la quantité qu’ils écoulaient en fonctionnant à l’ancienne (soit, pas comme je faisais fonctionner les Los Diablos), m’était avis que je n’aurais pas à attendre longtemps.

Ce fut Frances qui m’interrompit dans ma lecture en déboulant dans mon appartement après avoir vaguement frappé à la porte. Elle savait, cela dit, que ma porte lui était toujours ouverte, même si depuis le retour de Maritza à Los Angeles, nos relations étaient redevenues purement professionnelles. Chose qui, je le savais, ne lui plaisait guère. Mais elle continuait à travailler comme elle l’avait toujours fait… Attendant peut-être elle aussi que ça me passe.

Mais Maritza n’était, malheureusement pour elle, pas une passe, je le craignais.

Et Frances ne savait pas que nous étions fiancés. Peu de gens le savaient encore. Et encore moins de gens étaient au courant que la relève Reed grandissait dans le ventre de Maritza, même si cela allait commencer à se voir.

Frances, donc, qui arriva en me demandant :

-Vous ne recevez pas l’appel?

Je la regardai vaguement par-dessus mon journal et lui répondis machinalement.

-Non, j’ai décidé de débrancher mon téléphone. Pourquoi ? Que peut-il y avoir de si urgent ?

Frances traversa la pièce jusqu’à moi et rebrancha le téléphone qui était juste à côté de moi, sur une petite table, avec un air apparemment quelque peu agacée. Et une fois le téléphone branché, celui-ci se mit à hurler. Et Frances de préciser :

-C’est Ian Hunter qui veut vous parler.

Je haussai les sourcils, le regard empli de curiosité et décrochai le téléphone. Que j’éloignai tout aussi vite de mon oreille quand le petit vociféra à travers le cornet en m’expliquant que sa mère l’avait dans une école qu’il n’aimait pas du tout… Et je roulai des yeux en soupirant.

-Vicky…

Frances, elle, me laissa en tête à tête avec mon téléphone et disparut de l’appartement.

-Qu’est-ce que tu fais à l’école ? Tu es autodidacte au même titre que moi. L’école, ne t’apprendra rien de plus que ce que tu peux apprendre par toi-même et deux fois plus vite qu’au rythme scolaire normal…

J’avais suffisamment fréquenté Ian Hunter pour savoir que s’il avait un mode de fonctionnement légèrement différent du mien, il n’en apprenait pas moins vite. Il s’intéressait à plein de chose et une fois obnubilé par quelque chose, il en tirait un maximum d’apprentissage. Seul.

-Je comprends ta détresse, Ian. Mais sache que l’école pourra t’apprendre ce que tu ne pourras pas apprendre seul : la manipulation.

Et cette manipulation, pour que Ian trouve l’école pertinente, devait devenir son nouveau centre d’intérêt.  

@ Billy Lighter

Quand j’entendis enfin la voix de Jimmy Reed, je lui expliquai tout de suite mon problème. Maman m’avait envoyé à l’école et je détestais ça et je savais que Jimmy avait le pouvoir de me sortir de là. Maman disait toujours qu’il avait le pouvoir sur tout. Parfois elle le disait en bien et parfois en mal quand elle était énervée sur lui. Moi, j’aimais bien Jimmy Reed et il m’aimait bien aussi alors il allait m’aider à me sortir de cet enfer !

Jimmy Reed souffla le nom de Maman avant de me demander ce que je faisais à l’école. Je me pose la même question ! Jimmy pensait comme moi. L’école ne m’apprendra rien. J’apprenais très bien tout seul comme Jimmy ! J’hochai de la tête le cornet de téléphone bien plaqué contre mon oreille à regarder de temps en temps autour de moi pour voir si aucun employé de cet horrible endroit ne vienne me reprendre.

-C’est ce que j’ai dit à Maman ! Mais elle ne veut rien entendre ! Elle dit qu’il est temps que j’aille à l’école… Elle dit qu’elle a beaucoup de travail avec son nouvel album et son nouveau batteur et qu’elle n’a plus le temps de me trouver un précepteur toutes les semaines ! Mais moi, je n’aime vraiment pas cette école !

Je parlais vite et fort. Je lançai toujours des regards inquiets autour de moi. J’avais vraiment peur que quelqu’un vienne me chercher et me ramène dans cet horrible endroit où je ne voulais plus mettre les pieds.

Jimmy me comprenait et j’hochai encore de la tête très fort. Mais il disait que l’école pouvait m’apprendre quelque chose et c’était la manipulation. Mais ! Je n’avais pas envie de rester ici ! Je ne voulais pas ! Je voulais retrouver ma vie d’avant ! Je n’avais même pas de tournage alors c’était encore plus difficile ! Je croyais que Jimmy Reed allait me dire qu’il s’occupait de tout et que je pouvais rentrer chez moi mais non ! Je pris un air à la fois contrarié et inquiet.

-Mais je ne veux pas rester ici pour apprendre ça ! Les gens ici sont méchants avec moi ! Ils me traitent de diva et imitent Kraken pour essayer de me faire peur ! Je les déteste ! Ils croient qu’ils sont meilleurs que moi alors que c’est eux qui sont insignifiants ! Je veux que tu me sortes d’ici ! Appelle cette directrice… Mademoiselle Hunt et dis-lui que je ne viendrais plus et puis appelle Maman pour lui dire que je ne dois plus aller à l’école ! J’ai encore eu une retenue parce que je n’avais pas envie de faire des maths ! Je déteste les retenues ! Je déteste le prof de math et je déteste les autres élèves !

Je criais de plus en plus fort et mes yeux était bordés de larmes de colère. Jimmy Reed devait me sortir de là au plus vite ! Sinon, j’allais encore devoir rester après les cours pour ma retenue et je ne voulais pas !

-Dis-moi que tu peux faire quelque chose !

Je voulais qu’il le fasse. J’étais Ian Hunter ! Je n’avais rien à faire ici !

@ Billy Lighter

Le petit Ian était terrorisé plus qu’il ne jouait les divas. Je le sentais même à travers le téléphone. C’était pour ça que j’avais une secrétaire, nom de Dieu ! Pour qu’elle soit en première ligne et que les gens soient déjà beaucoup plus calmes quand elle me passait leurs appels. Mais ici, il s’agissait de Ian Hunter. D’un enfant. Un enfant que je connaissais, qui plus était. Un enfant à qui, et je me le rappellerai toujours, j’avais peut-être évité une mort subite il y avait douze ans de ça.

Et c’était aujourd’hui vers moi qu’il se tournait alors qu’il me semblait au bord de la crise d’angoisse. Je n’y connaissais pas (encore) grand-chose aux enfants, mais je me doutais bien qu’il ne devait pas être normal qu’un gosse soit aussi essoufflé en parlant au téléphone à moins d’avoir couru un marathon avant.

Alors je l’écoutai d’abord me déballer tout ce qu’il avait à dire avant de reprendre la parole.

D’abord, palier à son besoin le plus pressant.

-Je téléphonerai à cette directrice dès que j’en aurai terminé avec toi. Et si tu as eu une retenue aujourd’hui pour quoi que ce soit, je la ferai sauter. Veux-tu bien m’écouter ?... Respire, Ian… Respire doucement. Je comprends ce qui se passe, d’accord ?

Je lui laissai le temps de respirer et de se calmer un peu, pour qu’il puisse bien écouter ce que j’avais à lui dire.

-L’école n’est pas quelque chose de taillé pour toi. Tu risques de t’y ennuyer parce que tu es plus rapide et plus intelligent que les autres. Et tu sais pourquoi ils veulent te faire peur, Ian ? Uniquement parce qu’ils sont jaloux de ton intelligence. Ils savent, les professeurs autant que les élèves, ils savent que tu leur es intellectuellement supérieur.

Je marquai une courte pause avant de ponctuer en souriant.

-Ce sont eux qui ont peur.

Il ne fallait pas que Ian perde ça de vue. Si les autres cherchaient à le rabaisser c’est parce qu’ils savaient que Ian était quelques niveaux plus haut.

-N’oublie jamais ça. Ils ont peur. Ils ont une trouille bleue de passer pour des imbéciles…

Je passai ma langue sur mes lèvres, me délectant encore et toujours de ce discours que je m’étais un jour tenu à moi-même, adolescent alors que j’avais fait, à 16 ans, mes premier pas à Fairfax High School.

-Prends ça comme un jeu, comme un challenge. Ne bride pas ton intelligence, que du contraire. Montre-leur, à ceux qui te font du mal. Montre-leur. Il y aura toujours les plus bêtas pour te chercher des noises. Mais certains vont commencer à graviter autour de toi, d’autres qui seront un peu comme toi, isolés, même si ce n’est pas pour les mêmes raisons.

Je lui laissai le temps d’assimiler.

-Et ceux-là, ces opprimés, ces rejetés, ces mal-aimés, ces nerds, teste-les… Teste-les jusqu’à être sûr et certain de leur loyauté sans faille et tu finiras par forger un petit groupe prêt à se mettre en première ligne pour toi. Tu me comprends ? Tu me suis, Ian ?

@ Billy Lighter

J’expliquai tout à Jimmy pour qu’il comprenne bien que je ne voulais absolument plus resté ici pour beaucoup de raisons. Je n’avais rien n’à faire ici et je voulais que tout redevienne comme avant. Je savais que Jimmy pouvait faire ça parce qu’il pouvait tout faire. C’est Maman qui me l’a dit et je croyais Maman surtout que je voyais bien que tout le monde avait peur de Jimmy.

Il disait qu’il allait téléphoner à la directrice et qu’il fera sauter la retenue mais que je devais respirer. Ce n’est pas si facile ! J’ai peur qu’on me trouve devant le téléphone et qu’on me ramène de force à l’intérieur. Mais je respirais tout de même un peu plus profondément pour reprendre mon souffle.

-D’accord… D’accord… Il faut vraiment que tu lui téléphones. Ce n’est pas parce que je n’ai pas envie de faire un exercice de math que je dois avoir une retenue ! Les profs croient qu’ils peuvent me faire faire ce qu’ils veulent mais c’est encore moi qui choisis ce que je veux faire !

Je devenais tout rouge parce que je manquais d’air. Alors je respirais à nouveau comme me l’avait demandé Jimmy en me disant qu’avec mes précepteurs c’était moi qui décidais ce que je voulais apprendre. Ici, il y a un horaire et je n’avais rien eu à dire !

J’écoutai ensuite Jimmy qui disait que l’école n’était pas faite pour moi. J’hochai la tête fort même si Jimmy ne pouvait pas le voir. Bien sûr que ce n’est pas fait pour moi ! J’étais plus intelligent que les autres. Jimmy comprenait ça, lui au moins. Et il disait que c’était les autres qui avaient peur à cause de ça.

-Oui ! Ils sont jaloux ! Et je suis plus malin qu’eux ! Je n’arrête pas de le dire à tout le monde ! Mais eux, ils se foutent de moi !

Et je n’aimais pas ça ! J’étais meilleur qu’eux. Ils devaient me respecter ! Mais Jimmy disait que la peur les faisait tous agir comme ça. J’hochai la tête encore une fois parce que j’étais d’accord avec ce que disait Jimmy. Ils avaient peur comme les gens avaient peur du Roi Damon dans la série où j’ai joué. Mais le Roi Damon n’avait pas peur d’eux parce qu’il pouvait les décapiter… Ici, je ne pouvais décapiter personne mais Jimmy avait une idée.

Je l’écoutais me dire qu’il fallait que je leur montre que j’étais intelligent. Et ceux qui ne se foutaient pas de moi, je devais les tester pour voir s’ils pouvaient faire partie de mon groupe dont je serais le chef. Je comprenais ce que voulais que je fasse Jimmy pour m’en sortir.

-Oui ! Je dois avoir des sujets comme le Roi Damon. Je dois faire comme le Roi Damon en montrant que je suis le plus intelligent et essayer de trouver des gens qui pourront mourir pour moi. C’est ça ? Et plus il y aura de gens autour de moi, moins les autres pourront m’atteindre avec leur méchanceté ! C’est ça Jimmy ? Mais… Mais ça c’est si je reste à l’école… Tu ne peux pas me sortir de là ? Je croyais que tu pouvais tout faire… J’aimais bien, moi, comme c’était avant. Pourquoi Maman veut changer les choses ?

Je fis une moue. Je n’avais pas du tout aimé ce changement. Mais j’étais déjà un peu plus calme maintenant et je ne regardais plus partout en respirant vite.

-Daryll la fait trop travailler… Je suis sûr que c’est la faute de Daryll…

J’aimais bien Daryll sauf quand il me prenait trop souvent ma Maman…

@ Billy Lighter

♫

Je soupirai en entendant Ian s’exclamer encore. Et à vrai dire, je faisais un énorme effort sur moi-même pour ne pas simplement raccrocher, prendre ma Cadillac et aller le chercher pour le garder ici, à la villa Reed, jusqu’à ce que sa mère vienne le chercher. Parce que je savais ce qu’était l’école et que ce que Ian était en train de me dire en projetait les relents puants jusqu’à moi. Une odeur de vieille soupe et d’hormones en pelotes mêlées. Répugnant.

-Dans un monde idéal, Ian, nous serions les maîtres incontestés de ce monde. L’école n’existerait pas et ne s’en sortiraient que ceux qui, comme nous, peuvent apprendre par eux-mêmes, tandis que les idiots seraient là pour nous servir. Mais la vie est très mal faite.

Je montrai ainsi à Ian que je le comprenais bien au-delà de la compréhension même. Mais Ian était beaucoup trop énervé et angoissé que pour se focaliser sur autre chose que sur sa propre peur panique.

-Leur dire que tu es plus intelligent qu’eux ne sert à rien. Ils le savent déjà. Ils le voient. Ils en sont jaloux.

Je lui expliquai alors la marche à suivre pour transformer cela en un grand jeu de manipulation : comment se créer un petit gang, comment avoir des gens à mettre en première ligne pour le protéger. Il comprit très vite l’astuce, faisant un parallèle avec le Roi Damon qu’il avait magistralement incarné à l’écran dans Keeping Our Lands.

-Oui, c’est plus ou moins cela, la décapitation en moins. Mais plus nombreux vous serez, plus fort vous serez aussi. Quant à ceux qui te rejoindront, il te seront à jamais reconnaissant de les avoir pris sous ton aile quand personne d’autre ne voulait d’eux. Ils seront un peu différents, certains mêmes, seront lents et tu auras l’impression d’avoir avec toi quelques minables boulets.

Je marquai une pause, le temps d’allumer une cigarette.

-Mais cela fera de toi le cerveau de la bande et, incapables de savoir penser par eux-mêmes, ceux-là feront exactement tout ce que tu leur demanderas. C’est ainsi que le monde fonctionne. C’est ainsi qu’il se doit de fonctionner.

Et une fois sa scolarité terminée, il n’aurait plus à avoir de contact, ni avec les méchants qui cherchaient à le rabaisser tant il leur était supérieur, ni avec ses « amis » qui finiraient bien par l’oublier, non ?

Restait qu’évidemment, Ian comprit que tout cela signifiait qu’il resterait à l’école. On ne la faisait pas à Ian Hunter et loin de moi l’idée de le piéger, que du contraire.

-Je pourrais. Mais je ne le ferai pas.

Un seul mot de ma part à Vicky et elle reviendrait sur sa décision. Parce que je serais prêt à aller loin pour cela. Mais le fait que Ian doive passer par cet apprentissage ne me semblait pas un si grand mal, que du contraire.

-Comme je te l’ai dit, l’école ne t’apprendra rien puisque tu es naturellement doté d’une intelligence supérieure qui fait que tu n’entres pas dans leur système. Mais à toi de jouer le jeu du plus malin. Crée une bande, expose ton savoir en classe, souligne les erreurs que font tes professeurs devant toute la classe… Et, le plus dur et le plus amusant : fait des coups en douce sans avoir de retenue. Ou fait en sorte que d’autres les prennent pour toi.

Je souris, pivotant encore et encore sur le confortable siège de cuir de mon bureau.

-L’école, c’est le monde à petite échelle. Deviens-en le maître.

Quant à sa question du pourquoi sa mère avait absolument voulu changer les choses, je soupirai de dépit. Selon l’enfant, c’était Daryll qui la faisait trop travailler.

-Cela m’étonnerait. Et tu es grand assez pour rester seul à la maison, désormais, dans tous les cas. Je ne sais pas, Ian… Peut-être qu’elle aussi veut te voir, comme moi, conquérir l’école.

Je passai ma langue sur mes lèvres.

-Les enfants de ton école n’ont pas peur du Roi Damon parce que c’est un personnage de fiction. Mais Ian Hunter, lui, existe bel et bien. A toi de leur montrer que le Roi Damon n’est pas leur pire cauchemar.

@ Billy Lighter

Oui, la vie était mal faite ! Jimmy avait raison ! J’étais intelligent ! Plus intelligent que les gens à l’école ! Je voulais vivre dans le monde idéal de Jimmy. J’étais fait pour être un maitre comme le Roi Damon ! Maman me disait tout le temps que j’étais parfait et Jimmy le confirmait aujourd’hui.

-Oui, la vie est mal faite !

Mais Jimmy disait que dire aux autres que j’étais plus intelligent qu’eux ne servirait à rien parce qu’ils le savaient déjà et en était déjà très jaloux. Je fis une moue très contrariée. Alors qu’est-ce que je devais faire ? Jimmy Reed me l’expliqua et j’écoutai essayant de comprendre ce qu’il y avait à comprendre. Et je crois que je compris ce que Jimmy voulait que je fasse. Il fallait que je fasse comme le Roi Damon. Il fallait que je m’entoure de sujet pour combattre ceux qui ne me respectaient pas ! Il confirma disait que plus j’aurais de sujets, plus je serais puissant. Même si certains de mes sujets seront lents et stupides… Je fis une moue. Ça n’allait pas être facile… Je n’aimais pas les gens stupides ! Et j’aimais leur dire qu’ils le sont… Mais là, je ne pourrais pas sinon, ils ne voudront plus me protéger.

-Ça ne va pas être facile de les supporter… Je n’aime pas les gens lents !

Mais Jimmy disait que je serais le cerveau de la bande. Je fronçais un peu les sourcils… Les autres sont bêtes mais, du coup, ils m’écouteront et feront tout ce que je dis. Un petit sourire s’afficha sur mon visage. Je comprenais.

-Donc, ils sont bêtes alors ils feront ce que je leur demande… Je peux faire ça !

Je m’en sentais capable. Le Roi Damon savait diriger alors je saurais diriger quelques abrutis qui me protégeront des autres abrutis.

Mais… Mais si c’était simplement possible de ne plus aller à l’école, je préférais ça ! J’aimais bien ma vie d’avant et je savais que Jimmy avait le pouvoir de le faire. Je lui demandai donc de toute de suite me sortir d’ici ! Il était Jimmy Reed ! Il pouvait le faire ! Il disait qu’il pouvait le faire mais… Qu’il ne le fera pas. Je fronçai les sourcils haussant tout de suite le ton :

-QUOI ?!

Pourquoi il ne voulait pas ?! Il disait lui-même que l’école n’allait rien m’apporter ! C’est ce qu’il a dit en premier ! Pourquoi il ne voulait pas me sortir d’ici ?!

Il voulait que je montre aux gens de l’école que j’étais le plus malin. Il voulait que j’arrive à faire des coups en douce sans avoir de retenue. Je fronçais très fort les sourcils. Il voulait que je devienne maitre de l’école…

-Mais ! Mais ! Je n’ai pas besoin de prouver quelque chose ! Je suis Ian Hunter !

Mais à l’école, ils s’en fichaient que j’étais Ian Hunter… Alors peut-être que Jimmy à raison… Peut-être que je devais leur montrer qui est le maitre. Je fis toute de même une moue remettant le fait que je sois à l’école sur Daryll qui monopolisait Maman… Mais Jimmy disait que ce n’était pas lui… Il disait que Maman avait peut-être envie que je devienne le maitre de l’école. Je soupirai très fort…

Maman aussi voudrait ça ? Pourquoi elle ne me l’a pas dit alors ?!

-Elle aurait dû me le dire clairement ! J’aime mieux quand c’est clair !

Et Jimmy ajouta que les gens de l’école n’avait pas peur du Roi Damon parce qu’il n’existait pas. Mais je devais leur faire avoir peur de Ian Hunter. Il avait peut-être raison. Je devais leur montrer comme je le montrais tous les jours aux gens sur les plateaux de tournage.

-D’accord ! Je leur montrerais ! Je serais le maitre de l’école ! Même si je déteste ça et que j’aurais vraiment préféré que tu me sortes de là !

Oui ! Il y avait de la rancune dans ma voix.

-Je ferais comme tu as dit. Je vais trouver des gens pour m’entourer. Mais si ça ne fonctionne pas, tu me sortiras d’ici... D’accord ? Tu le feras Jimmy ? Promets-le-moi !

Je voulais qu’il promette. Parce que si jamais personne ne voulait être mon sujet alors je voulais partir d’ici !

@ Billy Lighter

Je comprenais fort bien la détresse du pauvre petit Hunter. D’autant que si j’avais moi-même fait le choix de me faire scolariser à Fairfax (pour des raison bien éloignée, en réalité, de tout ce qui avait trait à l’école), Ian, lui, n’avait pas eu le choix. Sa mère l’y avait amené, du jour au lendemain. Je savais que Ian n’avait pas un caractère des plus faciles, mais de là à l’envoyer au purgatoire…

-Je sais, Ian, que cela ne va pas être facile à supporter. Malheureusement, la plupart des gens sont lents. En cela, ce n’est pas très différent des moments où tu es sur un plateau de tournage. Là aussi, il y a des gens lents. Tout comme chez BSC, il y a des gens lents.

Alors selon moi, et parce que je savais que Vicky était une véritable tête de mule quand il s’agissait de son bébé, Ian devait tirer profit et parti de l’expérience qu’il était forcé de vivre désormais.

-Il faut changer leur lenteur en un avantage pour toi. Plus ils sont lents, moins ils te verront venir. Parce que pendant qu’ils réfléchiront à leur premier mouvement, toi, tu seras déjà quatre ou cinq coups plus loin.

Et comme Ian était un petit garçon aussi futé que pourri gâté, il n’eut aucun mal à comprendre le plan que je lui exposais. D’autant plus qu’effectivement, c’était très similaire à ce que son personnage de Keeping Our Lands faisait pour régner.

-Mais attention, il y a une nuance, afin de ne pas finir comme le Roi Damon : tes ennemis devront te craindre, mais tes sujets devront te chérir et te vénérer. Il te faudra donc être bon avec eux, afin de les garder autour de toi.

Comme je le faisais avec les Los Diablos.

Mais évidemment, Ian se rendit bien vite compte que tout ce que je lui exposais là n’était valable que s’il restait à l’école. Ce qui me valut une exclamation outrée qui me fit éloigner le téléphone de mon oreille. Parce que je venais de lui dire que je pouvais le faire sortir de là, mais que je ne le ferais pas.

-Je sais que tu n’as rien à prouver. En tout cas, pas à moi. Mais ne peux-tu pas le faire pour ta mère ? Lui montrer que, comme moi, tout ce que tu touches finit par t’appartenir ?

Ian s’indigna d’ailleurs au sujet de sa mère qui aurait dû être claire avec lui, parce qu’il aimait lorsque c’était clair.

Je soupirai.

-Son manque de clarté est peut-être dû à Daryll, par contre. Elle ne pense probablement qu’à son album… Elle ne voudrait pas se faire détrôner par la jeune Livia, vois-tu. Pardonne-lui… A ta mère… Pour Daryll, fait comme bon te semble.

Je souriais en coin, ma cigarette entre les doigts. Refiler la patate chaude à Daryll était bon pour moi et en plus, ça permettrait au petit  de se défouler.

-Je vais téléphoner à ta directrice pour qu’elle annule la retenue, ce sera une première étape.

Et l’enfant de finir par accepter les choses telles que je les lui avais exposées. Parfait. Enfin, il me renvoya quand même qu’il était déçu que je ne le sorte pas de là. Et ensuite d’essayer de me faire promettre que si ça ne fonctionnait pas, je le sorte de là.

-Je n’ai rien à te promettre, Ian. Et tu sais pourquoi ? Parce que je crois en toi. Tu vas réussir.  

@ Billy Lighter

Je grognai un peu quand Jimmy disait que des gens lents, il y en avait partout. Même chez BSC… Oui, je sais… Je vais souvent chez BSC et les réceptionnistes sont souvent très lents et stupides. C’était désolant !

Mais d’après Jimmy, il fallait faire avec… Il faisait avec, lui. Il disait qu’il fallait même en tirer avantage. Je fronçai les sourcils pour essayer de toute comprendre ce que disait Jimmy. Leur lenteur était un avantage et ça me fit à nouveau sourire.

-Oui ! C’est vrai ! Leur lenteur est un avantage pour moi.

Je commençais à bien comprendre comme il fallait faire les choses même si c’était difficile à réaliser. Parce que s’il fallait faire comme le Roi Damon, il fallait aussi que je fasse les choses un peu différemment de lui en étant bon avec mes sujets même s’ils sont lents et stupides. C’était ça qui allait être très dur ! Je n’aimais pas les gens stupides et je le leur disais. J’aimais qu’il le sache. Je n’aimais pas faire semblant de les aimer. Mais Jimmy disait que c’était comme ça qu’il fallait faire pour être plus puissant que les ennemis. Je fis une moue contrariée.

-Ça va être très dur ça ! Même s’ils sont stupides, je ne devrais pas leur dire ? Ce n’est pas facile !

Mais c’était la seule façon, d’après Jimmy… Alors je soupirai un peu exaspéré. D’ailleurs, je préférais quand même que Jimmy me sorte du là mais il refusa ce qui me fit m’exclamer. Je n’aimais pas qu’on refuse ! Surtout quand Jimmy avait le pouvoir de me sortir de là. Je n’avais rien n’à prouver ce qu’il confirma. Alors pourquoi ?! Pour prouver à Maman que tout ce que je touchais pouvait m’appartenir. Je laissai un silence en assimilant bien la phrase de Jimmy. Je devais prouver ça à Maman ? Je poussai un soupire… Pourquoi elle ne m’avait pas dit simplement ça ? Qu’elle voulait que je sois maitre de l’école ? Elle ne m’avait pas présenté les choses comme ça…

-Tu crois que c’est ce qu’elle veut ?

Je fis une moue perplexe avant de soupirer encore grognant un peu.

-Alors je vais devoir le faire… Je vais devoir être maitre de l’école… Mais c’est juste parce que c’est un défi… Sinon, je partirais d’ici tout de suite !

Et je n’avais pas aimé que Maman ne soit pas clair mais ça semblait être la faute de Daryll. Ça ne m’étonnait pas. Jimmy me disait de pardonner Maman. Je fis une moue.

-Je pardonne à Maman… Mais j’irais dire ce que je pense à Daryll ! Il n’a pas à faire travailler Maman comme ça ! Elle est à moi en premier, pas à lui !

Daryll m’entendra ! Je lui dirais qu’il doit arrêter de faire trop travailler Maman. Maman chante bien mieux que Livia ! Elle ne se fera jamais détrôner par Livia ! Daryll n’a pas à lui faire croire le contraire pour qu’elle travaille plus !

Jimmy confirma qu’il allait téléphoner à la directrice de mon école pour annuler la retenue et je fis « oui » de la tête vivement.

-Oui ! Fais-le vite !

Mais je voulais aussi qu’il me promette que si je n’arrivais pas à devenir maitre de l’école qu’il me sortira de là tout de suite ! Je voulais vraiment qu’il me promette mais il ne le fit pas parce qu’il était sûr que j’allais réussi. Oui ! J’en étais capable ! Je suis encore meilleur que le Roi Damon. Mais je laissai quand même planer un silence avant de répondre :

-Oui ! Je vais réussir !

Je disais ça à Jimmy mais aussi, un peu, à moi avant de regarder à nouveau craintivement autour de moi.

-Je vais devoir te laisser parce que je me suis évadé de l’école pour téléphoner et que s’il me rattrape, ils vont encore ajouter des retenues…

Je fis une moue très contrariée rien qu’à penser à ça.

-Merci Jimmy Reed… Et… Je vais de ce pas allé conquérir l’école !

Je disais ça sur un ton déterminé. J’allais devenir le maitre de l’école !

@ Billy Lighter