Il fallait impérativement que je me calme et que je respire. Si l’opportunité m’avait semblée accessible quand Brooke m’avait parlé de cette audition improvisée, maintenant que je suis au studio, je n’en suis plus si certaine.  Je suis aveugle, ils vont bien s’en rendre compte et quel genre de rôle pourraient-ils espérer me donner ? En ce moment, j’ai surtout peur de leur faire perdre leur temps bien plus que de me faire dire non.

Je suis préparée mentalement à me faire dire non. Ce n’est qu’un mot qui, bien qu’il puisse décevoir, n’a jamais envoyé personne à l’hôpital. Du moins je n’ai jamais entendu parler de quelqu’un qui s’est retrouvé aux urgences après s’être fait dit non.

Brooke, la fiancée de mon cousin Jack chez qui je réside depuis mon retour à Los Angeles, a entendu parler d’une audition pour un film indépendant et dont les auditions se passaient sans textes, donc parfait pour moi qui ne peux pas lire.  L’idée m’a séduite et je me suis laissé aller à rêver.  

Reprendre ma carrière là où elle s’est abruptement terminée était ma raison première de revenir à Los Angeles. Oui, bien entendu, pour revoir mon cousin et rencontre sa future femme et leur fils, le petit Jesse. Le fait est que j’ai toujours envie de continuer à camper des rôles et que je suis certaine que ma grande détermination peu m’ouvrir des portes. Il suffit de tomber sur  les bonnes personnes. Je peux apprendre mes textes en les écoutant encore et encore si on peut me les enregistrer sur bande audio.  Et puis…

Je ne sais pas s’il est possible d’envisager un personnage principal ou de soutient aveugle. Est-ce que ça peut cadrer dans leur perception du projet ?
Je l’espère et je compte leur montrer que c’est possible.

Très lentement,  je me dirige en me guidant avec les spots de lumières.  J’essais d’avoir l’air le plus naturelle possible, en gardant la tête haut et en souriant quand je crois croiser des gens, il peut tout aussi bien s’agir d’un distributeur d’eau ou d’une plante, je ne saurais même pas le dire ! Et bien évidement, j’ai cru qu’il serait mieux de ne pas prendre avec moi ma canne, question de me fondre le plus possible dans la masse !

Quelle belle idée stupide c’était ! Je veux leur vendre l’idée d’engager une actrice aveugle qui ne s’assume pas !

Mon pied heurt quelque chose au sol, un câble je crois. Je tâtonne du bout du pied  puis  en me retournant à demi, je crois être face à un mur que j’explore en y pressant ma main et ce n’est que là que je me rends compte que ce n’est pas un mur mais… quelqu’un.  La honte me gagne et je sens mon visage s’empourprer.  Moi qui voulais me fondre dans la foule, me voilà qui palpe les gens.

- Oh, pardon c’est que… je me suis pris le pied dans… ce câble, pourvu que ça en soit bien été un, et j’ai pris mon appuie contre vous.

Je mens très mal !

Le comble serait que je sois entrain de m’expliquer avec un mannequin !

@ Billy Lighter

J’avais embarqué pour un tout nouveau projet ! Tourner me manquait et j’avais eu un coup de cœur pour un scénario indépendant d’un réalisateur peu connu mais dont j’avais déjà vu l’un ou l’autre film. Quand je lui avais dit être intéressé par son film, il n’avait pas hésité à m’en donné le rôle principal qui, je devais avouer, m’intéressait beaucoup.

Le film était un drame basé sur une histoire d’amour à sens unique. Le genre de scénario que je trouve bien moins mielleux qu’une romance classique. Surtout qu’ici, ça fini mal ce qui donne encore plus de relief à une histoire définitivement pas lisse.

Bref, j’étais motivé mais il fallait encore que la production cast les autres rôles dont le rôle féminin principal. On avait ouvert l’audition à tout le monde pour, peut-être, découvrir des nouveaux acteurs prometteurs. J’aimais bien ce genre de système. On faisait parfois de très bonnes découvertes.

Le réalisateur avait voulu que je participe au processus de sélection parce qu’il trouvait important que le courant passe bien entre moi et l’actrice principale. Qu’il y ait directement un genre de connexion. C’était moi qui serait, donc, chargé de rendre la réplique acteurs qui se présenterons aujourd’hui. J’aimais bien ce genre de casting basé sur l’improvisation. C’était bien mieux que de voir des gens la tête rivée sur leur texte.

Les auditions n’allaient pas tarder à commencer mais avant j’étais allé fumer une cigarette dehors histoire de ne pas en avoir envie pendant que les gens se présentaient devant nous. Après ça, j’étais repassé au distributeur de canettes pour prendre une petite réserve. On n’allait pas faire des pauses toutes les cinq minutes alors il fallait que je prévoie le coup.

Alors que j’étais tourné vers le distributeur, je ne vis pas une femme passé derrière moi jusqu’à se prendre les pieds dans les miens.

Je m’étais retourné et les miens de la femme s’était posées sur mon torse qu’elle commença à palper alors que, presque en même temps, je reconnu cette femme.

C’était Sloan. Sloan Perry. Elle avait joué avec moi dans Keeping Our Lands. Je me rappelle encore de sa chute. J’étais là ce jour-là. Je savais qu’elle avait été longtemps à l’hôpital et avait subi plusieurs opérations. Moi et les autres acteurs, on avait cherché à avoir des nouvelles d’elles le plus souvent possible.

Jusqu’à-ce que j’apprenne qu’elle était repartie en Australie alors que, dans la série, son personnage avait été tué étant donné que Sloan n’aurait pas pu reprendre son rôle… Je n’avais pas tous les détails mais, d’après la production, elle avait des séquelles dont une perte de la vision. C’était la rumeur qui courait.

Elle s’excusa… Elle ne m’avait pas reconnu. Les rumeurs étaient peut-être vrai mais elle n’imaginait pas à quel point ça me faisait plaisir de la revoir sur deux pieds.

-Sloan ?!

Un sourire s’afficha sur mon visage alors que je pris ses mains dans les miennes.

-C’est bien toi ?

Question stupide. Elle n’avait pas changé, Robin !

-Je suis content de te voir. C’est moi, Robin North. Ça fait longtemps. Tu sembles en pleine forme. Ça fait vraiment plaisir.

Je parle trop… C’est un de mes défauts. Et je laisse exploser ma joie aussi facilement que ma colère en général.

-Tu vas bien ? Tu es ici pour le casting ? Dis-moi tout.

Je souriais toujours entrainant Sloan vers une chaise pour qu’elle puisse s’asseoir. Je pris place à côté d’elle n’ayant encore fait aucune commentaire sur ce que je supposais savoir.

@ Billy Lighter

Je me sens honteuse d’avoir attiré l’attention alors que je croyais m’être prit les pieds dans un câble au sol et que, pour me permettre de me relocalisé , je m’étais mise à tâtonner le mur devant moi avant de me rendre compte qu’il ne s’agissait pas d’un mur mais d’une personne qui me connait, qui plus est !  

- Heu, oui… C’est bien moi.

J’ai beau plisser des yeux pour concentrer ma faible vision sur le visage de cet inconnu, sans succès et on dirait que le stress de la situation me fait perdre de l’ouïe parce que je ne reconnais pas, pas tout de suite, la voix de mon interlocuteur.  Et ça doit  transparaitre sur mon visage puisqu’il  se présente dans un même souffle qu’il me confi être heureux de me revoir. Je voudrais pouvoir en dire autant !

- Si seulement je pouvais voir ton visage, je pourrais en dire tout autant. Je suis heureuse d’entendre ta voix !

Robin est fidèle au souvenir que je gardais de lui. Un petit moulin à parole qui avait le chic pour me faire sourire quand on se rencontrait sur un plateau de tournage. J’ignorais qu’il serait présent aujourd’hui, je ne pensais pas qu’un acteur connu viendrait tenter sa chance dans ce genre d’audition indépendante.

- J’ai cru que je pourrais avoir une petite chance en me présentant pour une audition improvisée… pas de texte à lire…

Je lève ma main au niveau de mes yeux pour lui faire comprendre l’évidence de ma situation, tout en m’esclaffant.

- Je ne sais pas à quoi j’ai pensé… ce n’était pas une bonne idée.

Je me suis mise à palper Robin pour retrouver mon chemin ! Si ça avait été quelqu’un d’autre, une femme, et que je lui aurais palpé les seins ! Oh, mon dieu ! Je n’ose même pas imaginer le drame que j’aurais pu causer.

- J’ai entendu dire que ta carrière se portait plus que bien. Et tu continu de t’intéresser à de petits projets indépendant ? Je reconnais bien là ton grand cœur, ta passion pour la caméra !

Je m’intéresse au parcours de celui que je considère comme un très bon ami. Je regrette de ne pas avoir su donner des nouvelles à ceux pour qui j’éprouvais une réelle affection. L’important, je crois, ce n’est pas de s’attarder au passé mais de se réjouir de nos retrouvailles.

- Est-ce que tu es toujours sur… Keeping Our Lands ? Je n’ai pas suivis la suite, à dire vrai. Je n’en avais pas le cœur. Cela dit, je suis prête à tout entendre de ce qui s’est passé depuis mon départ !  

Il y avait beaucoup de chassés croisés sur le plateau entre certaines actrices de moindre importance et des membres de la production. Rien de bien étonnant mais parfois, cela donnait lieu a des situations quelque peu inconfortable.  Puis il y avait River Moriarty qui ne donnait pas sa place, mais lui, c’était pour  tout autre histoire.

- Mon Dieu ! Je parle autant que toi ! Quel beau duo de pies bavardes formons-nous ! Comme avant…

@ Billy Lighter

Tomber sur Sloan était vraiment une bonne surprise. Je ne m’attendais vraiment pas à tomber sur elle étant donné que je la croyais toujours en Australie.

Je compris, petit à petit, que les problèmes de visions de Sloan qu’elle avait eu suite à son accident sur le plateau de tournage de Keeping Our Lands était bien réel. Elle n’arrivait pas à me reconnaitre ou, tout du moins, il lui fallut le temps de reconnaitre ma voix. Une voix qu’elle était heureuse d’entendre à défaut de me voir. Malgré ça, elle avait beaucoup d’humour vis-à-vis de sa situation, ce qui me fit sourire. Je le reconnaissais bien là. Elle avait toujours le sourire et voyait toujours les choses du bon côté déjà avant son accident.

Je ne tardai pas à la bombarder de questions, la pauvre. Je me demandais, d’abord, si elle était là pour le casting. Ça me semblait logique. Elle confirma disant qu’elle pensait tenter sa chance vu qu’il n’y avait aucun test à lire. Je trouvais que c’était une très bonne idée. C’est clair que dans sa situation, les castings devaient la freiner alors que je savais qu’elle avait un talent immense. Ici, elle pourra le montrer sans avoir le problème du texte. Même si elle pensait que, tout bien réfléchi, ce n’était pas vraiment une bonne idée.

-Moi, je pense que c’est une excellente idée ! Tu as toutes tes chances ! Je sais ce que tu vaux comme actrices et je sais que tu peux arriver à convaincre le réalisateur.

Et moi, aussi, ce que je ne lui dis pas tout de suite préférant ménager un peu le suspens.

Sloan me posa alors des questions notamment sur le film qui était un film indépendant. Je souris à ses réflexions.

-Oui, ce projet m’intéressait beaucoup. Quand je choisi un film, je cherche avant tout un scénario qui me plait. Je ne regarde pas si c’est un film indépendant ou une plus grosse production. J’ai cette chance-là que je peux choisir ce que je veux.

Plus un acteur devenait connu, plus il avait le choix. Je n’ai jamais vraiment vécu le moment où il fallait percer… Mes parents étant déjà dans le métier, je n’avais jamais dû forcer pour avoir un rôle… Ce qui faisait que, pour certain, je ne devais ma célébrité qu’à mes parents et pas à mon talent. Mais je vivais avec. Je savais ce que je valais.

Sloan se demanda, alors, si j’étais toujours sur Keeping Our Lands. Elle n’avait pas suivi la suite, ce que je pouvais facilement comprendre. Cette série était synonyme de très mauvais souvenir pour elle. Et après sa question, elle fit une remarque sur le fait qu’elle parlait autant que moi. Je rigolai un peu.

-C’est vrai qu’on cause beaucoup. Je me rappelle qu’on retardait certaines scènes tellement on était occupé à causer.

C’était ça que j’appréciais sur un tournage : la complicité entre acteur. Et j’en avais une, de complicité, avec Sloan, à l’époque.

-Oui, je suis toujours sur Keeping Our Lands. Le tournage de la saison suivante aura lieu l’année prochaine. Il y a eu quelques départs parce que certains personnages sont morts dans la série comme le personnage de Ian Hunter. Quant à River Moriarty… Je ne sais pas si tu sais mais il est enfermé à l’hôpital psychiatrique. Je suis déjà allé le voir plusieurs fois. Je pense qu’il a été enfermé injustement. Il y a une histoire de famille assez louche derrière… Je fais mon possible pour essayer de le sortir de là.

Je ne voulais pas entrer dans les détails pour ne pas plomber l’ambiance alors que nos retrouvailles étaient joyeuses.

-Mais sinon, c’est toujours plus ou moins la même ambiance. Même s’il y a de nouveaux acteurs. Mais je dois avouer que nos conversations me manquaient.

Parce qu’on en avait souvent et qu’elles étaient toujours intéressantes.

-Et pour le casting… Tu veux passer en première ? Si c’est le cas, je peux arranger ça. C’est moi qui te donnerais la réplique pour l’impro. J’ai le rôle masculin du film.

J’étais sûr que Sloan pouvait faire un bon casting. J’étais sûr qu’elle avait largement ses chances pour avoir le rôle féminin.

@ Billy Lighter

On dit que le hasard fait bien les choses. Aujourd’hui, ça ne peut pas être plus vrai puisque j’ai la joie de retrouver un ami précieux. Je n’aurais pas souhaité plus belle surprise et ça me rassure en même temps. Il pourra m’aider, discrètement, à me diriger. Les questions fusent, j’en suis ravie. J’ai toujours adoré bavarder avec Robin. Nous étirions la sauce parfois, faisant râler le staff sur Keeping Our Lands parce que nous perdions la notion du temps.

- Merci pour le compliment ! Mais je crains en avoir perdu depuis mes petites vacances en Australie.

Je voudrais avoir autant de conviction en moi qu’en a Robin.  Le fait est que j’ai perdu quelques plumes à l’instant même après m’être rendu compte que je ne voyais plus du tout où j’étais rendu dans la pièce et que j’ai dû prendre appui sur quelqu’un. Heureusement que de fût mon ami sinon, je ne raconte même pas la honte ! Une partie de moi à tout de même envie de croire sur parole Robin. Il ne m’a jamais donné envie de douter de lui, après tout.

C’est tout de même une surprise que de le retrouver sur un plateau pour ce genre de projet. Mais puisque son nom à lui seul suffit à faire courir les foules, je me dis que c’est un bon moyen de faire connaître un nouveau réalisateur, d’aller chercher un autre style de public.

- Tu es comme moi.  Si un projet ne me parlait pas, si je ne me sentais pas interpellé par l’histoire, je préférais ne pas m’y investir.

Je m’intéresse à sa carrière, à ce à quoi il travail en ce moment. Et puis pour savoir s’il est encore sur Keeping Our Lands, ce qui l’amène au même souvenir que j’ai eu au tout début ce qui ne manque pas de me faire sourire.

- De bonnes habitudes à ne pas perdre…

Si  je n’étais pas autant timide, oui ça m’arrive parfois, je me risquerais à lui proposer de boire un café, après l’audition ou un autre jour.  Mais je préfère l’écouter avec ravissement me faire un topo de ce qui se passe sur mon ancien plateau, la mort du personnage de Ian Hunter m’avais surprise, comme probablement tous les téléspectateurs. Le destin de River Moriarty, dans sa vie privée ne me surprend qu’à moitié. Je me souviens de lui comme d’un homme… à part.  Il me faisait peur, même mais je n’aurais pas été jusqu’à dire que sa différence nécessitait des soins psychiatriques.

- C’est dommage, je suis navrée pour lui. J’espère que les choses se régleront de façon correcte.

Les nouveaux acteurs embauchés pour la série doivent faire leurs maques, prendre leur place, c’est l’histoire de l’éternel recommencement sur ce genre de série avec autant de morts. Pas le choix de renouveler le casting ! Je lui souris tout en entortillant une mèche de mes longs cheveux autour de mon index  quand il ajoute que nos conversations lui manquaient.

- Elles me manquaient aussi… tu me manquais.

C’est comme une bouffée de chaleur qui m’envahit alors que j’ai pris l’audace de lui dire, sans détour que oui, il m’a manqué. Ce qui a de bien, avec mon état, c’est que je ne vois pas son visage, soit fuir le mien parce qu’il est mal à l’aise, ou rougir parce qu’il peut avoir été touché par mes paroles.

Ma surprise est grande quand il me confi qu’il me donnera la réplique puisque c’est lui qui a le premier rôle masculin et que, si je veux, je peux passer la première.

- Oh !  Pour vrai ?  Wow ça c’est…  je dois être à la hauteur alors. Je veux bien passer la première.

Et c’est entendu.

Tout est vite arrangé, reste qu’à attendre le feu vert.  On me donne comme consigne ce vers quoi je dois diriger mon interprétation. Je dois implorer Robin de me donner une chance, que notre amour vaut la peine d’être vécu.

Tout est silencieux autour de moi. Je sais qu’on attend que je me lance mais…  mon cœur bat si vite que mes idées s’embrouillent dans ma tête.

- Mon amour…  je t’en pris, ne fais pas ça, ne pars pas.  Je t’aime d’un amour profond, sincère, comme aucune femme avant moi n’a su t’aimer.  Je…  ce que nous avons vécu n’est pas vide de sens, au contraire. Tu sais me faire voir les couleurs, tu me fais ressentir la musique mieux que personne… je t’en pris mon amour… ne baisse pas les bras.

@ Billy Lighter

Sloan était certaine qu’elle avait tout perdu de son talent après son séjour en Australie. Moi, j’étais certain que le talent qu’elle avait était inné et ne se perdait pas si facilement. J’étais sûr que dès qu’elle s’y remettra, elle retrouva rapidement ses marques.

-Je suis sûr que tu retrouveras vite tes marques.

Je souris lui parlant sincèrement. Je n’étais pas du genre à dire à quelqu’un que j’aimais qu’il avait ses chances alors que ce n’était pas le cas. Si je pensais que Sloan n’avait pas assez de talent, je lui aurais dit. Mais ce n’était pas le cas. Sloan avait énormément de talent. Si sa carrière n’avait pas été brutalement arrêtée par son accident, elle ferait, aujourd’hui, partie des actrices les plus en vue du moment.

Elle n’était qu’à moitié surprise que je fasse partie d’un projet comme celui-ci. J’expliquai que ce qui comptait, pour moi, c’était que le scénario m’interpelle et me donne envie de m’investir à fond que ça soit une petite production ou une grosse production. Sloan disait qu’elle était comme moi, que si l’histoire ne l’interpellait pas elle préférait ne pas s’investir. Je souris et hochai la tête. Sloan et moi, on avait la même vision du cinéma et de l’acting en général. Ce n’était pas étonnant qu’on s’entendait aussi bien sur le plateau de Keeping Our Lands. D’ailleurs, on ne tarda pas à se remémorer ce genre de souvenir. Sloan disait que c’était le genre d’habitude à ne pas perdre. Je rigolai un peu.

-Ça c’est sûr !

Je finis par lui donner des nouvelles des acteurs de la série dont River Moriarty… Sloan se disait navré pour lui et mon sourire disparut le temps de lui expliquer le « cas Moriarty ».

-J’espère aussi... C’est un bon ami à moi.

Mais je ne voulais pas entacher nos retrouvailles par des mauvaises nouvelles. Alors, je repris mon sourire disant que nos conversations m’avaient manquées. Et elle ne savait pas à quel point elle me faisait plaisir en disant que je lui avais manqué aussi ainsi que nos conversations. Je crois que j’ai rougi un peu ne sachant quoi dire. Je me mordis la lèvre avant de réussir à reprendre la parole pour avouer à Sloan que je faisais déjà partie du film et que je pourrais lui permettre de passer première.

Elle s’exclama, ce qui me fit rire un peu avant qu’elle n’accepte de passer première.

-Très bien ! Je vais arranger ça tout de suite ! Quelqu’un viendra te chercher pour te diriger là où il faut.

J’allais tout mettre en place pour que Sloan soit le plus à l’aise possible malgré sa condition. C’était la moindre des choses. Et je savais que si elle était à l’aise, elle pourra donner le meilleur d’elle-même et montrer au réalisateur ce qu’elle vaut. Parce que, moi, je savais déjà ce qu’elle valait. Mais il fallait aussi qu’elle puisse convaincre les autres juges. Je n’étais pas seul à décider du casting.

Je finis par tout régler, le réalisateur me permettant de faire passer Sloan première. Je ne lui cachai pas que Sloan avait quelques problèmes de vision mais il était quand même prêt à lui donner une chance.

Bientôt, on fit entrer Sloan dans la pièce. J’étais placé devant elle alors que les autres juges étaient assis. Il n’y avait pas un bruit sauf, à un moment, la voix du réalisateur qui déclara que Sloan pouvait commencer.

Et elle commença… Elle lança des répliques s’imprégnant assez rapidement du personnage qu’elle venait de se créer. J’étais moi aussi dans mon rôle vu que je devais lui rendre la réplique. Le rôle d’un homme qui veut s’en aller laisser derrière lui la femme qui, au fond, il aime. Je l’écoutai, les bras croisé. Une posture qui se décomposa aux fils des répliques de Sloan si bien que je finis les bras le long du corps.

Comment est-ce que je ne pouvais pas laisser une chance à la femme que j’aimais après une telle déclaration ?

Je m’approchai de Sloan.

-Je n’ai pas le choix… Il faut que je parte… Après ce qu’il s’est passé, je n’ai pas le choix.

Si les paroles de mon personnage montraient qu’il allait partir, son ton sous-entendait qu’il n’en avait pas vraiment envie.

Je pris la main de Sloan. Elle avait raison… Enfin, son personnage avait raison… Aucune autre femme, avant, n’a su m’aimer aussi bien qu’elle.

-Mais… Je ne saurais pas partir sans toi…

Je pris ses mains dans les miennes.

-Viens avec moi… Il faut qu’on parte de cet endroit. C’est lui qui est responsable de nos désaccords… C’est lui qui est responsable de tout ça. Alors… Viens avec moi.

Le réalisateur regardait attentivement la scène sans lâcher Sloan des yeux. Ce n’était pas mon jeu qui est analysé… Ni même réellement celui de Sloan. C’était l’alchimie entre nous qui l’était. Et il attendait la réplique de Sloan pour évaluer ce qu’il en était. Moi… Moi, je la ressentais cette alchimie. La même alchimie que j’avais déjà ressenti quand on jouait ensemble dans Keeping Our Lands

@ Billy Lighter

D’un côté, je suis rassurée de savoir que je vais donner la réplique à Robin North avec qui j’ai déjà partagé l’écran. Je le connais bien et nous avons toujours eu une très bonne chimie tous les deux. Je me souviens que, fut une époque, on nous avait prêté un flirt qui a été très vite démenti puisque Robin était en couple et très heureux.

Mais d’un autre côté, la joie de le retrouver risque de me faire passer à côté de l’émotion que je dois faire ressentir.  C’est ma crainte, en tous les cas mais je ne l’exprime pas a Robin qui est, de toute manière, déjà partit arranger le coup avec les autres en charges des auditions. Je n’ai le temps que de prendre quelques grandes inspirations pour me calmer qu’il revient et me dirige vers la salle où ça se passe.

Le stress m’envahit rapidement, mes genoux jouent des castagnettes, sale moment pour décider de faire une symphonie alors que tout est ultra silencieux autour de nous. Je me lance, avec le peu d’indication que j’ai. J’y vais au feeling, comme on dit dans le jargon du métier.  Je dois convaincre mon grand amour de ne pas me quitter, lui montrer que le meilleur reste à venir pour nous.

J’y mets mon cœur et, quand je m’arrête, je réalise vraiment la première barrière que m’impose mon handicape dans mon métier. Ne voyant pas le visage de Robin, je ne peux pas lire sur ses traits si je m’en tire bien ou si au contraire, je me plante.  Cependant, je le sens se rapprocher de moi, tout en douceur. Sa voix suave me donne la réplique.  Et dans cette même vois, je pouvais ressentir son indécision. Son personnage est déchiré, c’est ce qu’il exprime.  Et lorsqu’il prit mes mains dans les siennes, j’avançais de quelques centimètres. Quelques tous petits centimètre de rien qui finirent tout de même pas nous réunir.

- Mon amour, je te suivrai jusqu’au bout du monde.

Je levais ma main pour toucher sa joue. Nos visages si près l’un de l’autre me permettait de revoir les traits de Robin, ceux qui s’étaient imprimés dans ma mémoire.  Je cru un instant que nous allions pousser l’expérience jusqu’à s’embrasser mais on nous interrompit ce qui, inévitablement, me fit reculer.

Ils devaient se parler, discuter de ce qu’ils venaient de voir. Cela me semblais bien court, après tout, nous n’avions échangé que quelques mots mis ensemble pour former quelques phrases, rien de bien étoffé.

Mais ce que j’entendis, parce qu’ils ne s’en ont pas soucié, mais ce murmure parvînt quand même jusqu’à moi.

- Elle est aveugle ! Comment veux-tu qu’elle cadre dans le rôle si elle ne voit rien de ce qui se passe !

Je lâchais les mains de Robin, envahit par l’émotion.  Je savais que c’était une mauvaise idée, je n’aurais pas dû venir… attendre  de voir avec Jack les possibilités, ne pas me montrer téméraire et au dessus de ma condition. Puis je reculais, comme une biche effrayée, avant de me retourner, bras tendue devant pour sortir de là, cherchant à surtout ne rien renverser pendant ma fuite. Ça les ferait sans doute bien marrer.

@ Billy Lighter

Il y avait beaucoup d’émotion dans ce que jouait Sloan. C’était une actrice hors-pair et elle le prouvait encore aujourd’hui. Je pouvais comprendre et ressentir les émotions de son personnage qui faisaient échos à ce que ressentait le mien même si, le mien, ne voulait se l’avouer qu’à moitié.  

Rapidement, je pouvais clairement définir la relation qui unissait nos deux personnages. Je pouvais voir une histoire se dessiner. C’était ça, la magie de l’improvisation, c’est que tout se construit avec l’autre et c’est ce qu’on est en train de faire avec Sloan en quelques secondes.

Elle ne pouvait pas me voir mais le toucher était une autre façon de communiquer et c’est ce que je fis en prenant ses mains donnant un peu plus de poids à cette scène improvisée.

Et son personnage finit par répondre au mien de disant qu’elle me suivra jusqu’au bout du monde. Mon regarda était plongé dans le sien alors que sa main toucha ma joue. Je fermai brièvement les yeux, prêt à clôturer la scène par un baiser de cinéma. Mais on fut interrompu avant par le réalisateur, le metteur en scène et le directeur de casting.

Ils disaient qu’ils allaient délibérer. Je savais que je faisais partie des délibérations… Mais ce n’était pas un peu peu pour se faire une idée ? Je levai un sourcil alors qu’ils murmuraient des choses dont j’entendais quelques bribes dont quelques mots qui ne me plurent pas du tout. Le metteur en scène semblait déjà rejeter Sloan juste parce qu’elle ne voyait pas bien.

Ça me révoltait… Et Sloan semblait avoir entendu parce qu’elle lâcha mes mains pour se retourner vers la porte. Elle y allait à tâtons mais elle était déterminée à partir.

-Non, Sloan ! Reviens !

Je m’approchai d’elle la retenant doucement par le bras.

-Ne pars pas… Pas tout de suite…

Je ne voulais pas qu’elle parte. Pour moi, elle avait largement le talent pour le rôle et je n’allais pas laisser quelques esprits fermés lui empêcher de reprendre une carrière qu’elle mérite.

Je tenais toujours Sloan doucement pour lui montrer que j’étais à ses côtés alors que j’envoyai un regard noir au metteur en scène.

-Sloan a beaucoup de talent. Vous venez de le voir en direct ! Ce n’est pas parce qu’elle a des problèmes de vues qu’elle doit être évincée ! Si vous vous arrêtez à ça, vous passerez à côté d’une perle et ça sera très dommage pour un film avec tellement de potentiel.

Le metteur en scène leva un sourcil, alors que le réalisateur, lui, hocha la tête et s’exprima.

-Robin n’a pas tort, Harlod… Cette fille a tout de même du talent… C’est indéniable.

Mais Harlod ne semblait pas d’accord.

-Tu as pensés à la logistique ? Et ses expressions à l’écran ? Comment est-ce que les gens ne vont pas s’en rendre compte ? Désolé, Robin, pour moi c’est « non ».

Je venais de voir le regard de Sloan pendant toute la scène… Pour moi, il n’y avait aucune différence. J’en avais même oublié sa condition pendant toute la scène.

-La logistique ? Vous vous arrêtez à ça ? Et, je peux vous assurez que des expressions, Sloan en a tout un panel. Beaucoup plus que certaines autres actrices bien plus célèbre qu’elle. Et si tu ne veux pas lui donner une chance dans ce casting, Harlod, alors tu peux m’oublier aussi.

J’étais un rien énervé si bien que j’avais balancé cette carte-là. J’aimais le scénario de ce film mais je ne pouvais pas supporter qu’on juge une actrice par rapport à son handicap alors qu’elle a largement le talent pour être dans ce film.

Harlod grommela et le réalisateur reprit la parole.

-On lui laissera sa chance, North, ne t’en fais pas…

Il sourit alors à Sloan.

-Mademoiselle Perry, quel est votre avis là-dessus ? Vous vous sentiez prête à cette aventure ? Vous risquerez d’avoir plus difficile qu’une actrice voyante… Est-ce que vous êtes bien consciente de tout ça ?

Je regardais Sloan, la laissant répondre.

@ Billy Lighter

J’en ai entendu des blagues et des remarques douteuses. J’en ai répondu des questions indiscrètes et tourné en ridicule des commentaires qui ne volaient pas haut. Alors pourquoi aujourd’hui, cette remarque me blesse au point où je cherche à suivre ?  

Peut-être parce qu’elle remet en question  mon rêve et ça, malgré tout ce que j’ai traversé, je n’ai jamais  songé que je ne pourrais plus jamais tenir un rôle. Mais c’était avant de me retrouver ici et de l’entendre de la bouche même du réalisateur ou du metteur en scène à moins que de fut le directeur de casting.

Qu’importe, je préfère ne pas savoir, par contre, je fuis, lâchement, bêtement. Leur donnant raison.  Robin me retient, juste avant que je ne sorte et me ramène avec lui, me soutenant comme l’ami qu’il est et a toujours été et heureusement car je me sens les jambes molles.

- Je…  Je suis désolée Robin.

Il défendait ma cause avec beaucoup de ferveur, allant même jusqu’à menacer de quitter le navire alors que l’un d’eux remettait en cause la logistique. J’ai conscience de tout ce que cela peut engendrer et que rien ne sera facile. Je suis prête à travailler,  beaucoup plus fort que n’importe qui d’autre, et même s’il le faut diminuer de beaucoup mes cachets pour tout ce que ma condition exigera de travail, comment l’enregistrement vocal de mes textes.

Ce fut comme un vent de bonheur quand on annonça que j’aurais ma chance. Je glissais ma main dans celle de Robin, écoutant la suite attentivement, craignant l’ajout d’un mais…

- Depuis que je suis toute petite, je sais qu’être actrice est ma destinée. J’ai grandis sur les plateaux de tournage. Il n’y a rien que je veux plus au monde que de prouver que je suis capable.  Je sais que je le suis et j’ai conscience de la tâche énorme qui m’attend mais je n’ai jamais eu peur de travailler.

Et puis, je serai avec Robin dans cette aventure. Avec le support d’un ami comme lui, je suis certaine que je saurai m’en sortir.

- J’ai une confiance aveugle en Robin ! dis-je en riant doucement, question de leur montrer que le ridicule ne tue pas, Avec lui comme partenaire, je peux y arriver. Il saura me guider et, vous l’avez sentis, la chimie entre lui et moi est excellente. Vous ne trouverez jamais ça avec une autre actrice.

Peut-être que ça peut sembler prétentieux un peu mais je sais ce que je dis. Robin et moi ça cliqué dès le premier jour il me semble que c’est un atout non négligeable.

- Je suis prête à refaire une audition, après que vous ayez vu les autres candidates, vous verrez si je suis vraiment le bon choix.

Je serre plus fort la main de Robin en me rapprochant de lui.

@ Billy Lighter

Sloan s’excusait alors que ce n’était pas à elle de s’excuser mais bien à Harold qui n’avait aucun droit de juger les capacités d’une personne à interpréter un rôle uniquement sur son handicap’.

C’était quelque chose qui me révoltait au point que je défendis Sloan de toutes mes forces. Elle avait le droit à sa chance comme toutes les autres femmes qui se présenteront aujourd’hui pour le rôle. Je tenais fermement ma position étant même prêt à ne pas participer au projet si jamais ils décidaient d’éjecter la candidature de Sloan uniquement pour ses problèmes de vision. Et ce n’était pas des paroles en l’air, c’était réellement ce que j’allais faire si jamais ils prenaient cette décision.

Finalement, je ne savais pas si c’était pour ça ou bien parce que le réalisateur était plus ouvert d’esprit qu’Harlod, mais, il décida de tout de même laisser sa chance à Sloan. Je sentis la main de mon amie se glisser dans la mienne et j’entrelaçai automatiquement mes doigts entre les siens.

Le réalisateur posa alors une question à Sloan et j’entendis, dans sa réponse, son optimisme mais, aussi, sa détermination. Sloan était de nature optimiste et son accident ne semblait pas lui avoir retiré ça.

Je la laissai parler regardant le réalisateur qui l’écoutait aussi attentivement. Elle mit un peu d’humour dans son explication et je souris autant pour sa blague que pour le fait qu’elle me faisait confiance. Elle semblait avoir confiance en moi autant que j’avais confiance en elle.

J’appuyai alors ses dires :

-Elle a raison… Une fille avec un talent naturel comme elle, il n’y en a pas énormément à Hollywood.

Je le savais. Je trainais dans le monde du cinéma depuis mon enfance. Et avoir une chimie comme il y avait entre moi et Sloan, j’allais avoir du mal à le trouver avec une autre actrice.

Sloan acheva son discours en disant qu’elle était prête à refaire une audition après que les autres candidates soient passées. Le regard du réalisateur passa de nous à nos doigts entrelacés avant de revenir sur nous.

-Nous vous laisserons votre chance, Mademoiselle Perry. Vous serez jugé de la même façon que les autres et, si vous êtes prête à travailler dur pour surmonter votre handicap’, alors je suis d’autant plus convaincu.

Harlod l’était beaucoup moins vu la tête qu’il tirait mais je savais que le réalisateur avait beaucoup plus de poids dans la décision finale que lui.

-On vous rappellera pour une autre audition quand nous aurons terminé. Vous avez du talent et j’ai bien ressenti une belle chimie entre vous et Robin. Vous avez, donc, toutes vos chances.

Il souriait alors que le directeur de casting semblait d’accord avec cette décision. Je souris à mon tour regardant Sloan. Elle avait fait le plus dur. J’en étais sûr.

-Maintenant, on va auditionner les autres femmes. Vous pouvez, donc, aller vous détendre.

Je fixai le réalisateur.

-Je vais prendre une pause pour la raccompagner.

Ils hochèrent tous les trois la tête et je dirigeai doucement Sloan vers la sortie. Je refermai la porte et on s’éloigna un peu. Je la fis s’assoir à un endroit où elle pourra souffler un peu et je m’installai à ses côtés.

-Tu as été géniale, Sloan. Je t’avais dit que tu avais tes chances.

J’avais toujours ma main dans la sienne.

-Tu as passé le plus dur. Harold est seul contre tous. Il n’y a que lui qui semble ne pas avoir vu que tu es celle qu’il nous faut.

Il se rendra vite compte qu’il avait tort.

@ Billy Lighter

De pouvoir compter sur le support de Robin me rassura assez pour que je puisse m’exprimer et répondre à la question du réalisateur. Je croyais sincèrement que la chimie existante entre Robin et moi suffirait à combler les lacunes que je pourrais avoir dû à mon état. Mais malgré cela,  je savais aussi que je pourrais donner  de la crédibilité à mon personnage.

Je voulais ce rôle, j’y tenais, mais pas au point de me mettre à dos le staff et risquer de faire tomber à l’eau le projet, surtout qu’il tenait à cœur pour Robin. Cela dit, je doutais qu’ils puissent trouver ce qu’ils recherchaient avec une autre, et je ne me gênais pas pour le mentionner.

Ce fut un réel soulagement que d’entendre le réalisateur accepter de me laisser ma chance pour une seconde audition, une fois les autres candidates passées.

- Merci ! Vous ne le regretterez pas !

Et j’avais dis ça en me croisant les doigts, pour donner encore plus de foi à ce que je venais de prétendre. J’y croyais si fort que je voulais mettre toutes les chances de mon côté.  J’avais la sensation de flotter, alors qu’avec Robin, nous quittions  pour nous rendre plus à l’écart, le temps qu’il prenne une pause et moi, d’attendre qu’ils me refassent venir pour  ma seconde chance.  J’aurais le temps de me préparer, là que je sais que j’ai trois avis favorable sur quatre, ce qui est beaucoup plus que je ne l’aurais cru au départ.

Robin m’aida à m’installer sur ma chaise, toujours en me tenant la main et lorsqu’il fut lui aussi assit, je penchais ma tête jusqu’à la sentir soutenue par son épaule.

- Tu le crois vraiment ?

Je sais que s’il le dit, c’est que c’est vrai mais la petite voix en moi  ne peut s’empêcher de douter, ce qui est normal avec ce que j’ai traversé.

- Ça se sent dans sa voix qu’il n’est vraiment pas commode comme type. Tu as déjà travaillé avec lui ? Il a quoi comme parcours ?

Sait-on jamais si je l’ai croisé quelque part mais que le nom, et la voix surtout, ne me disent pas grand-chose, pas plus que ça.  

- S’ils trouvent une fille meilleure que moi, ce sera ça et c’est très bien, je vais m’en remettre.  Tout ce que je demande, c’est qu’ils choisissent pour ce que je vaux, pas pour ce qu’ils croient que je vaux.

S’ils ne m’avaient pas vu auditionné, ils n’auraient jamais pu deviner que je suis presque totalement aveugle. Aujourd’hui n’est pas un très bon jour, ma vu me joue des tours, hélas. Mais pendant qu’ils vont entendre les autres, je vais fermer les yeux et me reposer et quand ils me rappelleront, je pourrai mieux me positionner, j’en suis certaine, j’y crois, il le faut.

- Et si ça ne fonctionne pas,  alors il faudra trouver un autre projet  à faire ensemble car j’ai vraiment très envie de retravaille avec toi, Robin !

@ Billy Lighter

Quand le réalisateur accepta de juger Sloan à l’égal de toutes les autres, je fus soulagé mais certainement pas autant qu’elle qui remercia directement le réalisateur de lui donner cette chance. Non, ils ne le regretteront pas et ils s’en rendront compte très vite.

Les trois juges congédièrent Sloan le temps de voir les autres actrices et j’avais demandé à pouvoir la raccompagner jusqu’à un endroit où elle pourra attendre. Une fois installé, Sloan posa sa tête contre mon épaule alors que je la complimentai, non seulement pour son talent, mais aussi, quelque part, pour le courage qu’elle avait eu de se présenter malgré son handicap’. Elle demanda alors si je le croyais vraiment.

-Bien sûr… Je suis certain qu’ils auront beaucoup de mal à trouver meilleure que toi.

Je parlai, ensuite, d’Harlod qui n’avait vraiment pas été tendre avec Sloan et qui n’avait même pas pensé à son talent quand il l’avait jugé gratuitement tout à l’heure. Mon amie confirma qu’il n’était pas commode.

-Non, je n’ai jamais travaillé avec… Il fait surtout des films indépendants. Les budgets sont souvent limité dans ce genre de film, comme tu le sais, alors il pense beaucoup au portefeuille… Ce qui est dommage parce que, avec cette façon de penser, il peut passer à côté de bons acteurs.

Je le pensais sincèrement. Il ne faut jamais compter ses sous si on veut faire un bon film. Il faut faire les bons choix et les revenus viendront à la fin. C’était ma façon de penser… Une façon de penser qui faisait souvent sourire mon père qui disait que je ferais un mauvais producteur mais un très bon réalisateur.

Sloan disait que s’il trouvait mieux, elle s’en remettra mais elle ne voulait pas être mise hors course juste à cause de son problème de vision. J’hochai de la tête.

-Je m’assurerais qu’ils ne t’éliminent pas pour ça.

Comme je faisais partie d’un processus de décision, ça ne sera pas trop difficile de faire en sorte que Sloan soit jugée pour son talent.

Elle proposa aussi, si jamais elle n’était pas prise, de se faire, plus tard, un projet ensemble. Mon sourire s’agrandit.

-C’est sûr ! Si jamais tu n’es pas prise, on se trouvera un projet. Mieux, on en montera un nous-même. Mon père nous y aidera et je connais du monde.

J’avais hâte de jouer, à nouveau, avec Sloan, que ça soit sur ce projet ou sur un autre.

-Je vais devoir y retourner. Je vais t’emmener dans la salle où tu pourras attendre. On viendra te chercher pour te faire passer une audition plus poussée et te dire notre verdict.

Je l’aidai à se lever en souriant avant de la conduire dans une salle où attendait, déjà, les autres actrices. A l’intérieur, il y avait une télévision. Je savais que Sloan ne pouvait pas voir mais elle pourra, au moins, entendre.

Les filles se tournèrent toutes vers moi. Je n’en connaissais aucune. Il faut dire que le casting était ouvert à tous même aux débutants. Certains avaient la bouche entrouverte de surprises. Je les saluai avant de conduire Sloan vers un siège.

-A tout à l’heure.

J’espérais qu’elle n’allait pas trop s’ennuyer… Je la quittai, donc, pour rejoindre la salle où étaient les autres et on fit entrer la fille suivante…

Celle-ci s’emmêla rapidement dans son improvisation ce qui fit qu’on ne la retenu pas malgré qu’elle avait, d’après Harold, un très beau visage… Les filles s’enchainèrent ensuite. Elles avaient toutes des niveaux différents mais aucune n’arrivait à la cheville de Sloan.

Ça emmerdait Harlod… Mais il fallait se rendre à l’évidence ce que je me permis de lui dire bien en face.

Le réalisateur envoya alors quelqu’un chercher Sloan. Je l’attendais avec impatience pour lui souhaiter la bonne nouvelle.

@ Billy Lighter

Jamais je n’aurais cru me sentir aussi nerveuse, il y a de cela quelques années, au moment de passer une audition. Mais aujourd’hui les choses sont différentes, ma situation l’est tout autant et la perception qu’on les gens de ma capacité de jouer l’est aussi.  Je dois faire face à mon premier essai à un esprit fermé qui n’hésite pas à appuyer là où ça fait mal. Si je n’avais pas eu Robin à mes côtés pour me soutenir, je me serais enfuie, tête basse sans demander mon dû.

Non seulement mon ami m’appuie mais il me défend allant même jusqu’à mettre sa tête sur billot tant il est certain que je suis à la hauteur, ça fou un petit peu la trouille, je ne voudrais pas le faire mentir mais j’ai à cœur de recommencer les tournages et je suis certaine qu’en travaillant encore plus fort, je saurais y arriver !

Suffit d’y croire !

Robin n’a jamais travaillé avant avec Harlod, il faut dire que mon ami à un historique impressionnante et qu’il n’a pas besoin de courir les auditions pour qu’on le considère. Je voudrais bien avoir sa chance en ce moment mais ce n’est pas le cas. Je vais devoir apprendre à vivre avec toutes sortes de remarques et d’embuches sans me laisse chaque fois démoraliser.

Tout ce que je demande, c’est qu’on me donne ma chance, en oubliant mon problème de vision. Je suis certaine que je peux donner vie à mon personnage, à lui ouvrir ses ailes et à le rendre crédible malgré ça ! Et pourquoi ne pas adapter l’histoire à mon handicape ? Cela pourrait être intéressant et là, je serais la candidates idéale pour ce genre de personnage, ça ne fait aucun doute !  C’est beau la pensée magique mais ça ne pourra pas toujours fonctionner ainsi pour tous mes projets.

Je souris à Robin quand il accepte de chercher un autre projet pour travailler avec moi si je ne suis pas prise sur celui-ci.

- Je crois en ma bonne étoile !

Il le faut ! J’ai toujours été très positive, il ne faut pas qu’un petit commentaire de rien du tout brime mes ambitions !

Je laissais Robin retourner pour l’audition des autres candidates et j’attendais patiemment en me torturant les mains, qu’il revienne. Il me sembla que cela avait prit des heures mais l’attente en valu la peine.  On vînt me chercher et je suivis, tenant le bras qu’on me proposait gentiment jusqu’à revenir dans la salle où j’avais auditionné un peu plus tôt puis on me laissa là  mais je pouvais deviner la présence de Robin tout près de moi ce qui me fit sourire.

- Mademoiselle Perry…

C’était le réalisateur, celui qui avait accepté de me revoir en audition mais il m’annonça que ce ne serait pas nécessaire.  Je cru sentir mes genoux fléchir. Ils avaient trouvés mieux que moi et je devais essuyer un premier refus, je m’y attendais et cela fait partit du lot des acteurs et actrices de devoir dire au revoir à un projet qui leur tenait à cœur.

- Bienvenue à bord !

- Hein ? Qu… pour de vrai ? [

Je plaçais mes deux mains sur mon visage avant de les laisser glisser sur mes joues puis je me tournais vers Robin, sur ma droite et l’enlaçais. Je sais que c’est bien lui, je reconnais son odeur Old Spice.

- Vous ne le regretterez pas ! Merci ! Merci de me donner ma chance ! Oh, je suis si heureuse ! On commence quand ?

@ Billy Lighter

Sloan croyait en sa bonne étoile. Son optimisme sans faille était beau à voir. Elle avait un courage que je lui enviais. Et je ne doutais pas que sa vision optimiste des choses lui soit récompensée un jour. J’espérais que ce jour soit aujourd’hui.

Je la quittai pour continuer le casting et après avoir vu pas mal de fille, il était évident pour moi, mais aussi pour le réalisateur, que Sloan était la personne idéale pour le second rôle principal du film. Il n’y avait pas photo avec les autres filles qu’on avait vues. Si extérieurement, je ne faisais que sourire, intérieurement, j’explosai littéralement de joie. J’étais pressé de voir la réaction de Sloan quand elle apprendra qu’elle pourrait reprendre sa carrière où elle l’avait laissé après son accident. Et j’étais content que ça soit avec moi qu’elle puisse reprendre sa passion. Parce que, pour moi et pour elle, l’acting n’était pas un métier mais une passion.

Sloan entra alors dans la pièce et je ne pouvais m’empêcher de sourire alors que le réalisateur, lui, ménagea quand même le suspens ce qui sembla tendra Sloan qui s’attendait, certainement, à une mauvaise nouvelle.

Finalement, le réalisateur lâcha le morceau et Sloan, dans un premier temps, ne sembla pas en revenir. Elle se tourna vers moi.

-Oui, pour de vrai. Tu as le deuxième rôle principal, Sloan.

Il y avait beaucoup de joie dans ma voix. J’étais vraiment heureux de pouvoir partager cette aventure avec Sloan. Car je suis sûr que ça sera une belle aventure.

Elle m’enlaça et je l’enlaçai à mon tour. Elle déclara qu’on ne le regrettera pas et demanda toute de suite quand on commence. Le réalisateur semblait content de voir à quel point Sloan était heureuse.

-On commence dans une semaine. Soyez prête parce que ça ne va pas être de tout repos.

Non, ça ne sera pas de tout repos. Mais je savais, d’avance, qu’on allait bien s’amuser !

@ Billy Lighter