J’avais fait ma petite enquête pour trouver où résidait actuellement la jeune chanteuse Livia… Enfin, si on pouvait appeler ça une enquête… Je m’étais rendu à Santa Monica où elle vivait dans un appartement avec le jeune Hughes, l’héritier de MTI… A coup sûr pour une demande de rançon, c’était là qu’il fallait frapper.

J’avais appris là, par la bouche de Julian Hughes lui-même, un Julian Hughes qui n’avait vraiment pas l’air dans son assiette, que Livia vivait en fait chez son manager pour le moment. Je ne l’avais pas emmerdé plus longtemps et avait repris ma voiture de service pour filer sur Downtown, là où se trouvait l’habitation de Jack Perry.

L’immeuble était d’allure agréable bien que restant tout à fait classe moyenne. Pas de grand luxe ici, juste ce qu’il fallait où il fallait. La villa que Hughes partageait avec Cortez sur Santa Monica était bien plus vaste que ça. Mais il fallait croire que la jeune femme préférait faire sa convalescence chez son manager plutôt qu’auprès de son petit ami.

C’était tout à fait compréhensible. Elle ne se sentait peut-être plus en sécurité dans la villa de Santa Monica et préférait être entourée.

Je sortis de ma voiture de patrouille, porte-documents en main, et cherchai le nom de Perry sur les boutons pressoirs des sonnettes.

Une fois que je l’eu trouvé, je sonnai et m’annonçai.

-Bonjour, Inspecteur Keller du L.A.P.D., j’aurais quelques questions à poser à mademoiselle Cortez. C’est pour l’enquête.

J’attendis qu’on me fasse entrer… Ou pas… Je ne savais pas si la jeune femme était prête à ressasser tout ça ou pas encore. Mais j’espérais que oui. Parce que ce n’était pas le genre de mission que je préférais et je n’avais pas envie de la traîner derrière moi pendant des semaines.

@ Billy Lighter

Brooke m’avait tiré de mes révisions scolaires pour me prévenir qu’un policier était ici pour me rencontrer. J’avais soupiré en refermant mon livre d’histoire puis je m’étais habillée puisque je traînais encore en pyjama. Je ne sortais plus, ni le soir, si les fin de semaines alors je passais tout mon temps libre en pyjama. À quoi bon s’habiller quand j’allais retourner au lit, de toute manière ?

J’avais été mise au courant que la police de Los Angeles désirait me rencontrer afin de faire la lumière sur l’enlèvement dont j’avais été victime. C’était à prévoir puisque mon père avait parlé de rançon, que les policiers voudraient faire la lumière sur cette histoire. En ce qui me concernait,  j’étais déterminée à les faire courir après Yang et à couvrir Ward.  C’était la chose logique à faire puisque c’était Yang, le véritable coupable.

J’avais assez à dire sur Yang, ses tics, cicatrices visibles, je pouvais même dire qu’il était gaucher et qu’il mangeait son dessert au travers de son repas principal. Je n’avais eu que ça à faire, l’observer ! Je me sentais donc prête pour cette rencontre même si elle ne m’enchantait pas le moins du monde.

Je m’étais donc installée au salon, puis Brooke l’accueillit, comme si elle accueillait une amie ou je ne sais pas, quelqu’un qu’elle était réellement heureuse de voir. Comment elle fait, Brooke, pour toujours être de bonne humeur ? Pour toujours avoir un sourire honnête sur les lèvres et de se montrer avenante avec les gens, comme avec le policier, à qui elle offrit un café. Il n’est pas venu faire une partie de carte, il est là pour me jouer dans mes bobos !  Je restais calme, je voulais être détendue. Et ça ne servait à rien non plus que je m’en prenne à Brooke et son éternel joie de vivre, d’autant plus que, c’est ce que j’aime d’elle. Cette façon qu’elle a de propagé du soleil autour d’elle sans faire d’effort.

Par politesse, je me levais et les rejoignis puis je présentais au policier. Il était grand, une bonne stature, pas très beau, en tous les cas, pas mon type, mais il devait être celui de Brooke puisque, quand elle se retrouva dans le dos de l’agent Keller, elle me fit une de ces mimiques, sur laquelle, s’il y avait eu du son, nous aurons pu entendre quelque chose du genre ‘’ Oh mais ce qu’il est mignon !!’’  Je dû me retenir de ne pas rire, puis elle s’excusa et s’en alla dans une autre pièce, pour nous laisser seuls.

J’aurais aimé qu’elle reste, mais je devais faire ça seule.

- Bonjour, agent Keller. Vous allez bien ?

Je ne pouvais pas lui dire que j’étais heureuse de le rencontrer, personne ne serait heureux de rencontre quelqu’un en de telles circonstances.  

D’un geste de la main, je l’invitais à prendre place sur le fauteuil du salon, c’était celui de Jack, pas que nous n’avions pas le droit de nous y installer, mais c’était sur ce siège qu’il s’affalait après une longue journée, pour relaxer et regarder les infos à la télé ou encore, un bon film. Et moi, je pris place sur le divan, devant l’inspecteur et entre nous deux, une table basse sur laquelle je posais mon verre d’eau.

@ Billy Lighter

Ce fut une belle jeune femme qui m’ouvrit la porte de l’appartement de Perry. Elle était magnifique, souriante, mais ce n’était pas Olivia Cortez. Elle se présenta comme étant la compagne de Jack Perry, lequel était absent pour la journée, travail oblige.

Je lui dis qu’elle pouvait rester auprès d’Olivia pendant l’audition si elle le voulait, mais elle m’annonça que la jeune femme voulait faire cela seule. Je hochai la tête pour toute réponse, mais le sourire aux lèvres car la joie de vivre de cette femme était contagieux.

-Je n’en aurai pas pour trop longtemps. Le but n’est pas de torturer mademoiselle Cortez. Mais nous sommes sûrs qu’elle peut apporter une plus-value à l’enquête.

La jeune femme, qui s’appelait Brooke, me proposa du café que j’acceptai avec plaisir. Par contre, elle refusa que je fume à l’intérieur. Pas grave, je pouvais bien me retenir le temps de l’entretien, non ? Pas sûr. Au pire, je ferai une pause. Peut-être même que la jeune Cortez en aura elle aussi bien besoin, d’une pause.

Je patientai un peu dans la cuisine, le temps qu’Olivia se prépare. Je m’excusai auprès de Brooke, disant que j’aurais du annoncer mon arrivée, mais elle ne s’en formalisa pas.

Olivia finit par apparaître et je vis directement à son regard qu’elle redoutait quelque peu cette entrevue entre elle et moi. Et pour cause ! J’allais remuer la merde alors qu’elle était en pleine reconstruction d’elle-même.

-Bonjour, Mademoiselle Cortez…

Je lui serrai la main.

-… Je vais très bien et j’espère que vous allez de mieux en mieux.

Je la suivis jusqu’au salon où elle me désigna un fauteuil dans lequel je m’installai, mon calepin sur les genoux et mon bic coincé dans la poche de poitrine de mon uniforme, tout ça après avoir bien sûr déposé mon café sur la table basse entre nous. J’ouvris mon calepin et sortis mon bic pour être prêt à prendre des notes.

-Je suis désolé d’avoir à vous demander ça. Je vais probablement vous faire revivre les pires moments de votre vie, Mademoiselle Cortez. Mais il faut que vous compreniez que c’est pour le bien de tous. Que c’est pour que nous puissions retrouver ceux qui vous ont fait souffrir le martyr afin que ça n’arrive pas à d’autre.

Je tapotai de la pointe de mon bic sur mon calepin.

-Je vous interroge en tant que victime, je ne vous accuse de rien.

Il ne manquerait plus que ça. Mais parfois, il fallait bien faire entrer ça dans la tête des gens car certaines questions pouvaient être intrusives ou mal interprétées.

-Pouvez-vous commencer à me raconter tout ce dont vous vous souvenez ? Je poserai des questions plus précises en fonction de ce que vous me direz… Essayez d’être complète : combien étaient-ils,  à quoi ressemblaient-ils ? Je sais que c’est difficile mais essayez, s’il vous plait.

@ Billy Lighter

Brooke s’éclipsa une fois le café qu’elle avait offert à l’inspecteur fut servi puis c’est au salon que nous prîmes place, lui, en face de moi, installé sur le fauteuil de Jack et moi sur le divan. C’est sur ce divan que Julian et moi nous sommes embrassés pour la première fois… et j’ignore pourquoi je pense à ça, là, tout de suite. C’est plutôt étrange d’autant plus qu’il n’y avait aucune réelle raison pour que je pense à lui, là, tout de suite.

Jordan Keller, après avoir sortit son calepin et prit son bic entre ses doigts, entra dans le vif du sujet non sans prendre la peine qu’il m’interrogeait  à titre de victime et que je n’étais accusée de rien.  J’hochais de la tête pour lui faire voir que j’avais bien compris même si je me doutais que je n’avais rien à craindre de lui.  Je n’avais pas organisé mon propre kidnapping dans le but d’obtenir la reconnaissance que me refusais jusqu’avant cet événement, Jimmy Reed.

Cet entretiens ne serait ni plaisant, si agréable mais il était nécessaire si je voulais que Yang finisse par croupir dans un trou.  À ça aussi, je fis oui de la tête à l’inspecteur Keller.

Il voulait que je lui raconte mon histoire, ce que j’ai vécu à partir du moment où on a frappé à ma porte jusqu’au jour ou Jimmy Reed est intervenu. Devrais-je lui dire que mon père à sortit une arme et à tirer sur Ward ?  Si je lui racontais ça, je devrai peut-être lui avouer la véritable identité de mon père, ce qui serait fâcheux quoi que je puisse peut-être sauver Ward… Je tiquais de l’œil à cette pensée.

- Très bien.  Je tâcherai d’être précise mais je dois vous dire que certaine chose me semblent très floues et que pour d’autres, je ne pourrais jurer qu’elles se soient réellement produite.  Je n’étais pas au mieux de ma forme, vers la fin…

Je commençais donc mon récit, en parlant de ce soir là, où je m’étais installée à la cuisine, alors que Julian lui, travaillait dans le garage sur son prototype automobile.

- On a frappé à la porte et je suis allée répondre. C’était un homme, un mètre soixante-quinze je dirais et aux traits asiatiques. Il s’est présenté comme étant mon nouveau garde du corps ce que j’ai refusé de croire puisque je n’en avais pas été informé. Je lui ai demandé de voir son badge et ensuite, je lui ai demandé de patienter à l’extérieur le temps que je vérifie au bureau de BSC. Malheureusement, je n’ai pu parler à personne, je l’ai laissé entrer, malgré que j’aie toujours un doute.

Ce fut mon erreur, ma plus grande et stupide erreur.

- Nous avons brièvement parlé puis il m’a surprise par l’arrière alors que je venais de lui dire que j’allais aller chercher Julian au garage.  Je me souviens d’une vive douleur à la tête et puis je me suis réveillée avec une cagoule sur la tête, je ne voyais rien et je n’entendais strictement rien. Je suis resté comme ça un moment, au sol, menottée avec toujours cette cagoule sur la tête. Et quand il me l’a retiré, c’était toujours le même homme, l’asiatique.  Il m’a dit qu’il se nommait Yang et c’est la seule chose qu’il m’a dit de tout le temps que j’ai passé là.

J’ai mentis, légèrement. Parce que ce n’est pas Yang qui m’a kidnappé mais Ward. Il l’a fait pour se venger de mon père mais ça, je ne peux pas le dire à l’inspecteur Keller sans risquer de voir mon père se retrouver dans de beaux draps.

- De temps en temps, il quittait et un autre homme le remplaçait mais je ne peux malheureusement pas vous le décrire. Chaque fois, il replaçait la cagoule sur ma tête. Je les entendais  parler mais jamais je n’ai vu l’autre homme. Peut-être même qu’ils étaient plusieurs, je n’en sais rien.  Ça n’arrivait pas souvent, que Yang me laisse seule et quand il était là, il me frappait, me forçait ma uriner dans un sceau sans rien pour me nettoyer, il ne me nourrissait pas, non plus qu’il me donnait à boire. Je mangeais que lorsqu’il y avait un autre homme. Il me laissait de la nourriture et me laissait seule, le temps que je mange ensuite, Yang revenait.

Je haussais des épaules, ne voyant pas ce que je pouvais ajouter d’autres.

- Mes blessures se sont rapidement infectées et j’allais de plus en plus mal. Un jour, Yang m’a détachée et j’ai cru que je pourrais m’enfuir. Je me souviens avoir rampée un peu dans la pièce puis j’ai vu Jimmy Reed. Il y a eu des coups de feu puis… plus rien. Je me suis réveillée à l’hôpital.

C’était les grandes lignes de mon histoire. Je redoutais un peu les questions qui allaient suivre mais j’étais prête. Si je m’en tenais à cette cagoule qu’on me plaçait sur la tête pour ne rien voir et que le seul que j’ai pu voir fut Yang, je n’aurais pas besoin de mentir tant que ça puisque c’était bel et bien vrai que le seul qui m’a battue, humilié, menacé fut Yang.

@ Billy Lighter

Installés dans le salon et armés de café, il était temps pour nous d’entrer dans le vif du sujet. C’était bizarre, je me sentais comme un journaliste sur le point d’interviewer une star mondiale. Mais en fait, c’était beaucoup moins marrant que ça. J’aurais préféré parler musique avec la jeune femme. Mais il fallait que je me concentre, malheureusement, sur les événements qui devait, de sa vie, avoir été les plus durs de sa courte vie.

Je commençai par une question générale à laquelle elle répondit avec beaucoup de précision. Je notais, buvait parfois une gorgée de café mais surtout, je l’écoutais.

L’homme qui l’avait enlevé était donc un asiatique. Je pouvais donc quasiment mettre de côté les Los Diablos qui étaient majoritairement latinos. Bien que, je n’étais pas là pour trouver le coupable, j’étais là pour poser des questions et mon rapport irait ensuite aux enquêteur qui, eux, s’occuperaient de se creuser la tête pour savoir qui avait fait ça.

Elle me raconta comment il avait réussi à pénétrer chez elle, sans trop de mal et qu’il lui avait frappé sur la tête...

Elle s’était ensuite retrouvée cagoulée… mais quand on l’avait décagoulée, l’homme lui avait dit se nommer Yang. Génial. Combien d’asiatique se nommaient Yang à Los Angeles… ?

Mais il y avait aussi un deuxième homme. Un qu’elle n’avait jamais vu car il lui remettait la cagoule sur la tête à tous les coups, la laissant seule pour manger. Tout ça entre autres humiliations…

Quand elle eut fini, après m’avoir dit avoir vu Jimmy Reed et entendu des coups de feux, j’enchaînai doucement.

-Je suis désolé d’avoir à vous annoncer ça, Mademoiselle Cortez… Mais votre garde du corps a été retrouvé enterré derrière l’habitation désaffectée où vous avez été trouvée.

Je la laissai avaler cette première pilule avant de lui demander.

-Vous avez vu Jimmy Reed… Puis entendu des coups de feux. Ou c’était avant ? Ou vous étiez trop mal en point pour savoir chronologiquement comment les choses se sont passée parce que…

Je feuilletai le dossier à la recherche d’une information particulière.

-On a retrouvé ni douilles, ni traces de sang dans l’entrepôt où vous étiez…

Je la regardai dans les yeux, avec un regard bienveillant.

Et l’autre homme, celui qui était plus gentil avec vous, avait-il un accent, une voix particulière. Est-ce qu’il vous semblait grand, petit… Essayez de vous rappeler, s’il vous plait…

@ Billy Lighter

L’inspecteur Keller m’avait demandé de lui raconter mon histoire avec le plus de précision possible et c’est ce que je fis, sans toutefois parlé de Ward. Je parlais plutôt de Yang comme étant le principal coupable de cette histoire. De toute façon, il est le seul à m’avoir fait du mal et m’avoir fait craindre le pire.  Je donnais autant de détail que je le pouvais, non pas seulement parce que je me souciais de protéger Ward mais parce que certains souvenir ne me semblaient plus autant précis et même, pour certaine chose, je me doutais presque qu’elles se soient réellement déroulées comme je le pensais. De ça, je m’en excusais à l’inspecteur Keller en espérant qu’il ne m’en voudrait pas.

Quand j’eu terminé de lui raconter mon histoire,  Keller me regarda avec beaucoup d’empathie avant de m’annoncer que Russell, mon garde du corps, était mort.  Enfin, non. Il m’avait plutôt dit qu’il avait été retrouvé enterré derrière la maison abandonnée dans laquelle j’avais été gardée captive.  Donc, logiquement, Russell était mort puisque cela me surprendrait qu’Yang lui ait laissé une bombonne d’oxygène avant de soigneusement l’enterrer…

- J’offrirai mes sympathies à sa famille.

C’était le moins que je puisse faire.  Il avait été assassiné indirectement de par ma faute. S’il n’avait pas été mon garde du corps, il serait encore en vie. C’est ce qui me faisait le plus mal et peut-être que ses proches me détestaient à cause de ça.  Je devrais voir avec Jimmy ce qu’il serait possible de faire pour eux.

J’avais à peine ingéré la nouvelle qu’il continua pour me demander, au sujet des coups de feu, si je les avais entendu avant ou après avoir vu Jimmy.

- Je me souviens des coups de feu ! Yang a dû tirer pour faire fuir Jimmy mais je me souviens très bien  et…  il y avait un autre homme avec mon père, je crois, mais de ça, je ne suis pas certaine, vous devrez voir avec lui. Sauf que les coups de feu, je ne les ai pas imaginés. Yang était armé tout le temps, alors il a certainement dû tirer sur mon père pour le tuer.

J’ai conscience que mon état à ce moment là m’a tenu dans un espèce de brouillard délirant, je l’ai moi-même dit avant de débuter mais quand je suis certaine de quelque chose, je veux qu’on me croie.

- Peut-être que le  ou les complices de Yang sont revenus ensuite et nettoyé ? Là-dessus, je ne peux pas vous aider mais je sais que j’ai tendu les coups de feu.

Puis, c’est au complice de Yang que s’intéressa l’inspecteur Keller. Je devais être prudente pour qu’aucune de mes paroles ne puissent mener à Ward, d’aucune façon.

- Je ne peux malheureusement pas vous le décrire physiquement. Nous n’avons eus aucun contact donc je n’ai pas pu évaluer sa stature. Il avait une voix portante de baryton et il était toujours posé, comme s’il avait toujours tout son temps.  Il était gentil dans ses paroles, il s’informait de comment j’allais, si j’avais faim, si j’avais besoin de me lever ou d’aller me laver. Je…

Je ne savais plus quoi dire, j’en avais trop dit, peut-être, je ne savais plus.

- Êtes-vous entré dans cette cabane ou entrepôt ou peu importe, personne ne semble avoir la même description de l’endroit où je me trouvais, mais, l’odeur de pourriture mélanger avec celle de l’humidité, je peux encore la sentir, j’ai l’impression qu’elle est à jamais mêlée à mes cheveux, que je vais l’avoir sur ma peau jusqu’à la fin de mes jours.  Cependant, je suis certaine d’une chose, ce deuxième homme sentait le Old Spice comme s’il avait trempé dans un baril de cet après rasage.

@ Billy Lighter

J’essayais d’y aller le plus doucement possible, mais annoncer à quelqu’un la mort de quelqu’un d’autre était toujours quelque chose de délicat. Même si ici, il ne s’agissait pas d’un membre de la famille de Livia, on parlait quand même de quelqu’un de proche… Je vis que pour elle, ce n’était pas facile à encaisser malgré qu’elle restait digne. Et maintenant que je le savais, je voyais tout ces traits qui la liaient à Reed.

Je hochai la tête quand elle annonça qu’elle offrirait ses sympathies à la famille du fameux Russell.

Elle me raconta ensuite tout ce qu’elle se rappelait de l’histoire… Et dans cette histoire, il y avait des coups de feu sauf que dans les rapports que moi j’avais, on y mentionnait ni douilles, ni traces de sang… Et sans ces deux éléments, personne n’avait cherché d’impacts non plus.

Et ce fut là qu’elle s’emballa, assurant qu’il y avait eu des coups de feux, qu’ils avaient du être tirés pour faire fuir Reed… Mais non… Non… Là, ça ne collait plus :

-Je ne doute pas que vous ayez entendu des coup de feux. Mais peut-être n’était-ce pas le même jour que Jimmy Reed est venu vous chercher… Peut-être était-ce avant, voire même quelques jours avant.

Peut-être que c’était juste dans sa tête, mais j’avais trop de respect pour elle que pour lui dire ça tout haut.

-Peut-être que vous mélangez un peu tout, ce qui serait bien normal après tout ce que vous avez vécu. Mais quel intérêt Yang aurait-il eut de tirer sur celui qui lui apportait l’argent et venait vous chercher en échange…

Je la regardais dans les yeux.

-Et Jimmy et vous en êtes sortis sans blessures par balle non plus.

Quant à l’autre homme, il n’avait pas de nom, il était juste gentil, comparé à Yang… il avait une voix de baryton, toujours calme et qui montrait un certain intérêt pour la jeune femme quand il venait la visiter.

Quand elle demanda si j’avais été visité l’endroit où elle avait été retenue captive, je secouai la tête.

-Non… On m’a juste mandaté pour vous poser quelques questions, c’est tout. Je ne fais pas partie des enquêteurs.

Elle affirmait que l’odeur qui se dégageait de cet endroit lui collait à la peau, qu’elle n’arrivait pas à s’en débarrasser… Mais qu’elle se souvenait aussi de l’odeur de l’après-rasage du deuxième homme.

Je griffonnai OLD SPICE sur mon carnet et le soulignai plusieurs fois.

-Avez-vous été témoin de l’échange d’argent entre Jimmy Reed et vos ravisseurs ? Comment se sont déroulées vos retrouvailles avec celui qu’on sait maintenant être votre père. Est-ce que vos ravisseurs étaient là ?

@ Billy Lighter

Je me doutais bien que Russell avait dû être assassiné puisqu’il était porté disparu depuis le jour où j’ai été kidnappée. Sauf s’il avait été impliqué et qu’il se cachait, ce que je refusais de croire, il n’y avait donc aucune autre option pour mon garde du corps que la mort. Et c’est ce que me confirma l’inspecteur Keller.  J’étais désolée et triste pour sa famille, je ne pouvais rien pour apaiser leur chagrin. Je ne pouvais que leur offrir mes sincères sympathies.

L’annonce de la mort de mon garde du corps avait servi de préambule à l’inspecteur Keller pour entrer dans le vif du sujet et me faire raconter mon histoire, une première fois pour lui mais une millionième fois parce que ma famille, mes amis(es) les médecins, et Jesse, quoi que pour lui je l’avais grandement modifiée, avaient tous voulu savoir et posés des millions de questions.

J’avais donc raconté mon histoire en essayant d’être aussi précise que possible… tout en omettant volontairement de parler de Ward.  C’était quand même facile. Il suffisait de placer Yang comme seul et unique coupable et de placer Ward dans le rôle d’un inconnu qui avait tenté de rendre mon calvaire un peu plus supportable en prenant soin de moi quand Yang quittait et, en y pensant bien, c’est exactement comme cela que les choses se déroulaient ! Je ne mentais donc pas, j’omettais d’identifier Ward.

De mon histoire, c’est le passage où je parlais d’échanges de coups de feu qui sembla faire tiquer Keller qui expliquait qu’aucune trace d’impact avait été retrouvé, non plus de tache de sang, que ni moi ni Jimmy avions été touchés par balle, bref, il remettait en question mon récit en supposant que je devais mélanger les évènements ou peut-être même imaginés. Ça, il ne le dit pas mais je sentais qu’il devait le penser.

- En supposant que je mélange la chronologie des évènements,  vous auriez dû tout de même trouver des traces d’impacts ou des douilles, et vous me dites que vous n’avez rien trouvé, alors quoi ajouter de plus ? J’ai dû imaginer tout ça. Je délirais vers la fin à cause de mon état.

Je poussais un soupir avant de passer mes mains dans mes cheveux.  J’avais imaginé des choses, mais quand j’étais certaine d’avoir vu ou entendu quelque chose, ça me rendais malade qu’on remette mes paroles en doutes.

- Je suis désolée… cette histoire me trouble énormément. Certaines choses semblent si réelles que je refuse d’en démordre, même quand on me montre que c’est impossible, j’imagine que le temps va m’aider à éclaircir tout ça.

Comme l’odeur qui flottait dans la pièce ou j’étais. Elle est imprégner dans mes cheveux, encore aujourd’hui, elle prend le dessus sur tout ce que je respire. J’ai fait jeter toutes les fleurs qu’on m’a offertes à l’hôpital puis à mon retour à la maison parce que je croyais que l’odeur provenait de mes fleurs. Et encore, quand je me suis glissée sous les draps du lit, ici, chez Jack, là où je devais me sentir le plus en sécurité. Les draps empestaient l’humidité et la moisissure.  Cette odeur là refuse de me quitter, totu comme j’entends encore les coups de feu résonner dans ma tête quand je ferme les yeux.

Mais au travers cette odeur, il arrive parfois que celle de l’après-rasage de Ward me revienne. L’Old Spice, je reconnaitrais cette odeur parmi toutes celles qui existent. Je m’étais accroché à son odeur comme à une bouée de sauvetage. C’est l’un des après-rasage le plus vendu dans le monde, je pari que même l’homme assit en face de moi en a déjà eu une bouteille dans sa salle de bain.

Je sentis mes yeux se border de larmes, comme ça, sans raison. Je suis devenue une véritable pleureuse depuis et ça m’énerve au plus haut point.  Comme si la moindre petite frustration méritait d’être exprimée par des larmes.  Je dû prendre une gorgée d’eau pour me ressaisir alors que l’inspecteur Keller poursuivait avec ses questions.

- À ce moment là, j’étais très faible.  Yang se tenait… j’allongeais mon bras vers l’arrière comme pour montrer la position de Ward-Yang, dans mon ‘’angle mort’’ et moi j’étais au sol. Je rampais, du moins je tentais de ramper vers la porte. J’ai vu Jimmy… et j’ai entendu… ou imaginer des coups de feus, mais ensuite plus rien.  Je n‘ai pas vu l’argent passer de Jimmy à Yang non plus que je me souviens avoir parlé à Jimmy. Je me souviens juste l’avoir vu alors que j’étais au sol et ensuite, je me suis réveillée à l’hôpital.

De ça, j’en étais certaine. La seule différence c’est que Ward était au devant de moi quand Jimmy est apparu et qu’il s’est prit des balles dans le ventre puis ensuite, je me suis réveillée à l’hôpital. Mais comme aucun impact de balle ni trace de sang ont été découvert, je dois me convaincre que j’ai imaginé tout ça.

- Qu’en a dit Jimmy ? L’avez-vous interrogé ?

S’il ne l’avait pas encore fait, il ne tarderait pas à le faire… et ce qu’allait dire mon père pourrait absolument tout changer à ce que je venais de dire.  Je ne pouvais absolument rien faire de plus pour protéger Ward, sauf espérer un miracle.

- Monsieur Keller, est-ce que…

Je baissais un peu les yeux en jouant nerveusement avec mes mains avant d’inspirer profondément et de risquer ma demande.

- Est-ce que vous pourriez me ramener là-bas ?  Peut-être qu’en y retournant… certaines choses m’apparaitrait plus claires…

Peut-être que je n’étais pas encore prête pour y retourner, je n’avais aucune idée de comment j’allais réagir en m’y retrouvant, seulement, j’avais comme une impression horrible d’y avoir laissé une partie de moi-même et en y retournant, je me disais que peut-être je trouverais la force qui me manque pour passer par-dessus tout ce que mon kidnapping m’avait volé.

@ Billy Lighter

La jeune femme était certaine d’avoir entendu des coups de feu. Je ne voulais pas mettre sa parole en doute mais le fait était qu’on avait retrouvé ni traces de sang, ni douilles sur les lieux où Jimmy Reed avait retrouvé Olivia, selon les dires du magnat de BSC.

-Je ne dis pas que vous ayez imaginé tout ça. Je dis juste que nous n’avons rien retrouvé qui corrobore vos dires. Ça veut peut-être simplement dire que quelqu’un a nettoyé les lieux entre le passage de Jimmy Reed qui est venu vous chercher et l’arrivée de la police sur place alors que vous étiez déjà à l’hôpital.

Je la regardai avec bienveillance.

-Et vous n’avez pas à être désolée. N’importe qui à votre place serait déjà en pleur rien que de m’avoir raconté son histoire pour la millième fois.

Je lui souris.

-Mais ouais, le temps aidera à guérir vos blessures, physiques et psychologiques. Tout ce qu’il faut, c’est de la patience.

Le reste de l’histoire était plus confus. Elle avait vaguement vu Jimmy Reed et Yang, mais pas de passage d’argent. Par contre, c’était là qu’elle situait les coups de feu, ce que je marquai dans mon carnet.

Après, elle avait encore vu Jimmy avant de se retrouver à l’hôpital.

Je la regardai, avec un air interrogateur.

-Jimmy Reed aurait tiré sur ce Yang ?

Elle me demanda si on avait interrogé Jimmy Reed, ce que lui en pensait.  

-Je suis désolé, Mademoiselle Cortez mais ce n’est pas moi qui ai interrogé Jimmy Reed. Je ne saurais vous éclairer là-dessus.

Et elle eut une dernière demande : celle de la ramener sur les lieux du crime afin d’y voir plus clair. Je fermai mon calepin pour le moment et la regardai dans les yeux.

-Vous êtes sûre que ça ne fera pas pire que mieux ? De vous replonger dans cette ambiance ?

Elle était encore fragile, ça se ressentait dans le fond de sa voix.

@ Billy Lighter

La conversation n’avait rien de facile. Je devais patiner pour éviter que les soupçons se tournent vers Ward tout en donnant le plus d’éléments concrets afin que les enquêteurs puissent retracer Yang. C’était lui que je voulais voir croupir derrière les barreaux, que je voulais voir humilié et prisonnier de sa tête, comme il m’avait forcé à faire bien que je savais que d’être en prison serait pour lui comme être en vacances en comparaison avec ce que j’avais vécu.

Peu importe, je me sentirais tout de même un peu mieux en le sachant enfermer.

Je racontais donc tout ce dont je me souvenais, avec autant de précision que possible puis, vers la fin de mon récit, je confiais avoir entendu des coups de feus et c’est là que l’inspecteur Keller s’attarda en m’expliquant qu’ils n’avaient qu’aucun impact de balle ou de trace de sang avait été retrouvé sur les lieux, pourtant, je n’en démordais pas mais, à force, je fini par dire que, vu mon état à ce moment de mon histoire, je devais peut-être avoir imaginer. Je préférais abdiquer que de continuer de défendre mon point.

Jordan, ensuite, expliqua que ce n’était peut-être pas le fruit de mon imagination, que possiblement qu’un complice était revenu pour nettoyer l’endroit, effacer les traces, et c’est fort probablement ce qui s’est passé. Seulement, je ne savais pas lequel du clan de Ward ou de Jimmy était venu effacer les traces… Là était la question.

- Vous avez sans doute raison. Yang a dû envoyer quelqu’un nettoyer pour brouiller les pistes. Sinon, je ne saurais expliquer.

Au moins, Jordan Keller n’était pas insensible et comprenait parfaitement que ce que je faisais là avec lui n’était pas facile et heurtait mes forces déjà limitées. J’avais hâte de passer à autre chose, de raconter une autre histoire que celle là. Le fait est qu’à la moindre personne que je rencontrais, la conversation était inévitablement dirigée vers mon enlèvement, même si je déployais des efforts surhumains pour l’éviter.

L’humain a cette fascination perverse pour le malheur des autres.

Puis, l’inspecteur me posa une question que je n’avais pas vu venir et que j’aurais dû anticiper. Je le regardais droit dans les yeux avant de lui répondre par la négative. Je n’allais pas dévoiler les secrets de mon père en lui répondant qu’il était possible que Jimmy ait tiré sur Yang, le premier.

- Non. Jimmy n’était pas armé. Du moins je ne l’ai pas vu avec une arme dans les mains. Cependant, il n’était pas seul de ça, je suis certaine alors peut-être qu’il était accompagné de quelqu’un qui lui était armé. Yang se trouvais  de biais, par derrière moi et je suis certaine que c’est lui qui a tiré en direction de mon père.

Peut-être que Jimmy, dans sa version, avait mentionné être venu avec quelqu’un, il aura payé grassement quelqu’un pour qu’il confirme avoir été avec lui, n’importe quel roadie moindrement bien bâti de chez BSC.  Logiquement, parce qu’il est publiquement connu comme étant le magnat de BSC et non un chef de gang, mon père aurait prit un minimum de précaution avant de venir à ma rescousse, personne ne l’en blâmerait et comme il n’y a pas eu de mort ou de blessé, sauf moi, il aurait omis de parler de son acolyte, et de ça non plus, personne ne l’en blâmerait.

Ce n’est malheureusement pas le même inspecteur que moi qui ait interrogé Jimmy ce qui fait que, Jordan Keller ne peut comparer nos versions et m’aider à me situer dans le temps parce que même si je n’avais pas l’intention de protéger Ward, certaines choses me semblent floues ou difficiles à situer dans le temps.

Ce qui me pousse à lui faire une demande qu’il n’avait visiblement pas vue venir. Je désir retourner là-bas pour voir ce que je n’ai su voir, pour peut-être me réapproprié ce qui m’a été enlevé.

- Irais-je vraiment mieux un jour ? Le moment ne pourrait être mieux choisis de maintenant, alors que je suis encore fragile… avant que je me sois reconstruit et que de me retrouver replongé là dedans vienne briser à tout jamais ce que je me serai efforcé de réparer.

J’allais probablement avoir la nausée en y retournant, peut-être que j’en ferais des cauchemars pendant des semaines, mais s’il y avait un moment pour le faire, valait mieux maintenant, alors que j’étais bien entourée de Jack, Brooke et Jesse, plutôt que lorsque je serai seule et vulnérable.

- Peut-être que je saurai vous donnez de nouveaux éléments en replongeant là dedans.

@ Billy Lighter

Quand je contredis Olivia Cortez concernant les coups de feu, celle-ci abandonna bien vite la bataille, disant que j’avais probablement raison. Mais ce n’était pas ce que je voulais lui faire dire, que du contraire. J’avais besoin de sa version et je la mettais juste face aux faits rapporté dans le rapport. Soit qu’il n’y avait rien qui indiquait qu’il y ait eu une fusillade.

Mais elle ne devait pas les avoir inventés, quand même, ces coups de feu !

Je reformulai donc ma phrase, pour qu’elle ne se sente pas agressée. Et elle déclara que c’était possible que quelqu’un soit venu nettoyer la merde foutue par ce Yang.

Elle affirma en tout cas que Jimmy Reed n’était pas armé mais qu’il y avait un autre homme avec lui. Et que peut-être ce dernier était armé.

-Et l’autre homme, le complice de Yang, était-il là à ce moment-là ? Au moment de l’échange d’argent ? Ou de la fusillade ?

C’était ça qui me turlupinait : pourquoi y avait-il eu fusillade s’il y avait eu échange d’argent et que tout le monde était « content » ?

Mais c’est alors que la jeune Cortez réclama quelque chose que jamais je n’aurais imaginé : pouvoir retourner sur les lieux de sa captivité. Non seulement, elle était fragile, ce qu’elle réfuta comme raison pour ne pas y aller parce que pour elle, c’était justement le bon moment.

Mais il y avait une autre raison qui faisait qu’on ne pouvait pas y aller.

-A l’heure qu’il est, l’endroit est sûrement de nouveau truffé de dealers et/ou de squatteurs. Je ne peux pas vous emmener là-bas seul, Olivia, ce serait beaucoup trop dangereux.

Je la regardai avec toute la compassion du monde.

-Je suis un flic, pas un super héros. Malheureusement. Et aujourd’hui, je ne peux compter que sur votre mémoire pour me raconter ce que vous avez vécu. Je sais que c’est difficile, je sais que c’est flou. Mais c’est peut-être un détail insignifiant qui nous permettra de mettre la main sur Yang et son complice.

Je rouvris mon calepin.

-Avez-vous entendu mentionner des noms de gangs pendant votre captivité ?

@ Billy Lighter

Keller insérait un doute dans ma tête avec ses explications sur l’absence  de traces des coups de feu que je jurais pourtant d’avoir entendu.  Quelqu’un devait être revenu ensuite pour nettoyer, autant pour les traces de fusillade que pour faire oublier que c’était là où j’étais ?  Retirer toutes les preuves possibles de tous actes criminels imaginables.

Ça ne faisait pourtant aucun doute pour moi que ça avait eu lieu à ce moment. Quand, avant ou après, quoi qu’il ne doit pas y avoir eu d’après quand on y pense, Yang aurait-il pu faire feu ? Il m’a affamé, battu, il m’a obligé à faire mes besoins dans un sceau quand il ne me laissait tout simplement pas me faire dessus parce qu’il trouvait ça plus drôle, j’imagine. Il aurait pu tirer sur moi pour ajouter à son régime de terreur mais il ne l’a pas fait c’était là-dessus que je me fiais pour dire, sans aucun doute, que c’est lorsque Jimmy est venu me chercher, que Yang a fait feu.

- Non. Il devait revenir me chercher mais il a dû manquer de temps. Il n’était pas son complice, je crois qu’il était lui aussi coincé par Yang, d’une tout autre manière, c’est sûr !  

Les mots m’avaient glissé de la bouche,  alors que je repensais à Ward et à ce que nous avions planifiés. Le temps filait et je me rendais compte qu’il n’avait probablement jamais eu l’intention de fuir avec moi, qu’il avait dû partir seul et me laisser derrière. Il devait s’être dit que, maintenant que mon père m’avait récupéré, je n’avais plus besoin de lui.

- Il n’y avait que Yang mais rien n’empêche qu’il y a eu quelqu’un d’autre à l’entré qui a récupéré l’argent pour Yang avant de laisser entrer mon père pour me récupérer.

Yang devait avoir planifié que Jimmy allait tenter de garder l’argent s’il me récupérait avant paiement.  Là-dessus, je n’avais aucune réponse. Jimmy le saurait mieux que moi mais le seul qui avait toutes les réponses c’était Yang et j’espérais qu’à l’heure qu’il est, il soit entrain de pourrir quelque part ou s’il était toujours vivant, qu’il soit toujours aussi muet qu’il ne l’était avec moi.

J’eu l’envie de retourner là-bas. Si je voyais l’endroit, je pourrais peut-être mieux me souvenir, mieux situer la scène dans ma tête et peut-être, reformer le cadre du puzzle duquel, il ne me reste que quelques pièces flottantes ici et là.

Ma demande à de quoi surprendre, ça se voit sur le visage de Jordan Keller.  Ce n’est pas aussi simple, comme il le dit, l’endroit est probablement squatter et il ne serait pas prudent de m’y amener.  Je hochais de la tête, puisqu’il me faisait remarquer que ce serait dangereux.

- Je fais de mon mieux, je vous l’assure. Mais j’avais une cagoule sur la tête la majorité du temps et Yang et l’autre homme ne parlaient pas devant moi, pas près de moi.  Je me souviens de murmures, ils ne voulaient pas que je les entende. Yang me frappait avant que l’autre homme arrive, comme pour s’assurer que je ne sois pas en mesure de me préoccuper d’eux.

Je cherchais dans ma tête, quelque chose qui pourrait aider l’inspecteur à avancer dans son enquête mais tout me semblait si insignifiant, inutilisable.

- Yang était toujours bien vêtu. Un costard sans cravate mais quand même, un banquier du dimanche  comme le dirait ma mère.  Style décontract mais avec classe.

Ça devait en éliminer quelques un des petites frappes asiatique si on partait sur son look vestimentaire.  Plus je cherchais, moins je trouvais et moins je trouvais plus je sentais la panique me gagner et, puis,  je relevais les yeux sur Keller qui voulais savoir si j’avais pu entendre quelque chose reliant Yang à des gangs. Je faisais non de la tête alors que ma respiration accélérait. Je repensais à Jesse et au  petit  Guillermo et à mon père et ses Los Diablos et…

- El Lider !

Ça me fit l’effet d’être rentrée de plein fouet dans un mur et ma respiration semblait se bloquer dans ma gorge.

- Yang se fait appeler El Lider.

@ Billy Lighter

Dans le récit d’Olivia Cortez, il y avait sans cesse un homme qui revenait. Un homme qu’elle n’aurait su décrire car elle ne l’avait jamais vu. Un homme dont elle ne connaissait même pas l’identité, pas même un prénom, mais qui avait promis de revenir la chercher.

Un homme qui, selon elle, n’était pas le complice de Yang, mais quelqu’un qui était aussi coincé qu’elle par ledit Yang.

Je pris une gorgée de café, qui était d’ailleurs très bon, et l’écoutais sans broncher, notant çà et là ce que je trouvais important…

Et puis… elle spéculait… Elle essayait de rendre les choses logiques en mettant quelque part un homme qui avait été chargé de prendre l’argent pour Yang. Ce qui n’expliquait toujours pas les coups de feu. Pas pour une demande de rançon.

-Mademoiselle Cortez… Je vous prie de rester dans les choses que vous avez vue ou cru voir. Laissez les spéculations aux enquêteurs chargés de l’affaire.

Ouais, parce que là, ça commençait à se voir qu’elle tentait de protéger « l’autre homme » qui, s’il n’était pas commanditaire, était au moins complice. Qu’il soit tenu ou non par Yang était une autre spéculation de la jeune femme pour décharger cet homme de ses responsabilités.

Elle assura qu’elle faisait de son mieux mais qu’elle avait une cagoule sur la tête la plupart du temps. Elle n’avait donc pas pu voir grand-chose. Par contre, des coup, elle en avait pris… A chaque fois que Yang rencontrait quelqu’un dans la planque, pour qu’elle s’occupe moi d’eux que de sa propre douleur.

Elle réfléchit encore un peu et me donna des précisions sur l’apparence de Yang… Il portait un costard sans cravate…

-Un asiatique en costard sans cravate donc…

Je me demandais, si Yang était bien le cerveau de tout ça, pourquoi elle l’avait laissé le voir lui et pas son complice qui venait lui rendre visite… Mon instinct de flic me disait qu’il y avait anguille sous roche.

Jusqu’à ce que la jeune femme me sorte de mes réflexions en me disait que Yang se faisait appeler El Lider.

J’eus l’impression de tomber de haut pour la regarder avec de grands yeux.

-El Lider est ce Yang ?

Pas étonnant qu’on arrivait à rien si on cherchait un latino au lieu d’un asiatique. Pour avoir fait le Vietnam, je savais que ces petits asiatiques étaient fourbes…

Je griffonnai ça dans mon calepin et terminai ma tasse de café…

-Je pense qu’on en a terminé pour aujourd’hui… Si besoin est, m’autorisez-vous à revenir vous voir pour quelque question… Et si quelque chose vous reviens…

Je sortis ma carte d’une poche de poitrine de mon uniforme.

-Voici ma carte… N’hésitez pas à appeler.

@ Billy Lighter

Rien de cette histoire n’était facile, elle me replongeait dans autant d’émotions que j’avais pu en vivre dans toute ma vie. Aucune vraiment très agréable. C’était un flot infini de peur, de souffrance et d’inquiétude.  En plus de ça, je me devais de protéger Ward… même si l’évidence qu’il m’avait abandonnée se faisait de plus en plus voir. Quand j’étais là-bas, il a prit soin de moi en m’apportant à manger, en me tenant au chaud, en me rassurant puis en me soignant.  Il ne méritait pas tout ce que je destinais à Yang.

C’était avec cette idée en tête que je faisais de mon mieux pour que l’inspecteur Keller focus sur l’asiatique et non sur l’autre homme, celui que je prétendais n’avoir jamais vu parce que chaque fois, je portais une cagoule m’empêchant de voir.  Les questions de l’inspecteur me forçaient à faire des liens, parce que malgré tout, j’avais aussi beaucoup de zone grise que je désirais voir s’éclaircir.  Et je spéculais, trop puisque Keller me demanda de m’en tenir à ce que je savais.

- Oh… pardon…

S’il voulait que je ne réfléchisse pas, pourquoi alors  me forçait-il à réfléchir pour qu’un souvenir me revienne ?  Forcément, j’allais passer d’un truc à un autre en tentant de les relier, mais bon, j’allais m’en tenir à ce que j’avais vu ou cru voir.  S’il ne lui fallait que des impressions pour mener son enquête, je ne vois pas alors pourquoi je me torturerais l’esprit pour lui fournir des indications claires et précises.

J’en revins donc à Yang et ajouta qu’il était toujours bien vêtu, comme s’il se préparait pour un rancart en mode décontracté. Il ne portait jamais de cravate mais ses habits étaient toujours impeccables. C’est ce que nota dans son carnet, l’inspecteur Keller.

Je me suis ensuite mise à penser à Guillermo et peut-être que c’était la fatigue, de me faire replonger continuellement dans  cette période sombre de ma vie ou bien tout simplement que je ne me sentais pas bien mais ma respiration s’emballait, mon niveau de panique commençait à considérablement monter puis, je lâchais que Yang se faisait appeler El Lider. Tant qu’ils chercheraient un asiatique en costard se faisant appeler El Lider, ils laisseraient Ward tranquille, non ?

- Oui ! Je me souviens…  l’autre homme l’appelait comme ça.

L’inspecteur Keller termina sa tasse de café après avoir griffonné dans son calepin puis déclara que c’était suffisant pour aujourd’hui.

- D’accord.

Je ne mentirai pas en disant que j’étais heureuse de le voir partir. Je n’avais qu’une envie, celle d’aller dans ma chambre et de me rouler en boule dans mon lit et espérer inutilement, pour faire changement, que Ward me fasse signe.  Je savais que son QG était dans South L.A., qu’est-ce que j’attendais pour m’y rendre moi-même ?

- Oui, je n’y vois pas de problème.  Je ferai de mon mieux pour répondre à vos questions.

Puis je pris la carte qu’il me tendait et me levais pour le raccompagner à la porte.

- Merci de vous êtres déplacés, inspecteur Keller.

@ Billy Lighter