Avec l’orage qui grondait dehors, je préférais nettement être au poste plutôt que chez moi, même si nous étions vendredi soir. Même si mon feuilleton préféré jouait à la télé et que je ne saurais donc pas la suite de l’intrigue. Je n’aimais pas les orages, ils me terrorisaient depuis toujours. Mon père me répétait chaque fois que ce n’était rien de plus qu’une grosse pluie accompagné de roulement de tambour et agrémenté de quelques feux d’artifices. Pour moi, ça demeurait la colère de Thor qui s’abattait sur nous.

Au poste de police de Los Angeles, en compagnie des inspecteurs en service ce soir, je n’avais aucune raison de craindre quoi que ce soit. De toute façon, j’étais trop absorbée par les dossiers à vérifier et à ranger pour me préoccuper de ce qui se passait dehors et avec un peu de chance, l’orage aurait passé quand il serait l’heure de rentrer. Je n’aurais qu’à appeler un taxi s’il pleuvait encore.

- Inspecteur Keller ? Il manque votre signature dans le bas de ce rapport.

Il semblait avoir la tête ailleurs ces derniers temps, l’inspecteur Jordan Keller mais jamais je n’aurais osé lui poser franchement la question. Nous n’étions pas amis intimes pour se faire des confidences sur nos vies privées respectives mais nous savions tous au poste qu’il était en couple depuis peu avec une belle jeune femme et qu’il avait aussi la responsabilité d’un jeune garçon. Ça, je le savais car il arrivait souvent que l’école appel pour parler à l’inspecteur Keller concernant le garçon. Grant était son nom.

En tant que secrétaire, j’apprenais beaucoup de chose comme ça sur les policiers travaillant ici et leurs familles. Je ne faisais pas exprès, hein ! Les informations venaient d’elles-mêmes sans que je le demande. Ainsi, je savais que l’enquêteur Dyers avait oublié son anniversaire de mariage et que sa femme lui faisait la gueule depuis ce temps. Le pauvre m’avait demandé de contacter le fleuriste le plus proche – et le moins cher ! – pour rattraper le coup. Ce n’était qu’un exemple parmi tous les petits potins que je pouvais apprendre en travaillant ici.

- Merci !

J’avais repris le dossier maintenant signé par l’inspecteur Keller et j’étais retourné à ma place que pour déposer le dossier sur mon bureau et je m’étais dirigé vers la machine a café m’emparer de la cafetière puis j’étais retourner vers l’inspecteur Keller lui remplir sa tasse maintenant vide. Il avait une pile de dossier devant lui, il aurait donc besoin de sa dose de caféine pour ne pas s’endormir sur sa paperasse.

De nouveau assise à mon bureau, je répondis à quelques appels. Sur les trois qui firent sonner mon téléphone, un seul nécessita qu’on envoie une auto-patrouille. C’était un petit vendredi soir orageux tranquille et personne ici allait s’en plaindre, surtout avec la guerre des gangs qui sévissaient toujours. Ça, s’était le principal nœud qui attirait toute l’attention du poste mais dot personne ne pouvait tenter de dénouer. Pas pour l’instant.

Mon regard était porté sur le bureau non loin de celui de l’inspecteur Keller, celui de l’inspecteur Greenly. Il n’était pas là ce soir et je ne savais pas pourquoi. Il aurait dû y être pourtant mais je ne l’avais pas vu entrer et comme je regardais souvent vers sa chaise, je l’aurais su s’il était passé ici ce soir.

Je soufflais sur une mèche de mes cheveux qui venait de tomber devant mes yeux et je tirais sur un nouveau document.

- Entrée par effraction… blah… blah… blah… rien de volé… pas de vandalisme… murmurais-je en lisant pour moi-même, et pas de signature !

À nouveau, je me levais et allais trouver l’inspecteur Keller et lui tandis le rapport que l’inspecteur Greenly n’avait pas signé. Évidement, Jordan ne pourrait pas signer pour son confrère et je le savais très bien mais en allant vers lui, je pourrais peut-être savoir pourquoi Conrad n’était pas là ce soir. J’espérais qu’il soignait un petit rhume de rien du tout ou qu’il avait juste fait jouer sa banque de congé personnel pour aller voir un film au cinéma… seul.

- Vous avez encore oublié de signer votre rapport.

@ Billy Lighter

Conrad n’était pas là ce soir… Je n’avais donc pas envie d’aller patrouiller dehors parce que je ne supportais pas de travailler avec quelqu’un d’autre… J’avais donc demandé à rester en standby au bureau et d’aller surveiller les prisonniers si jamais les autres en amenaient en cellule… Mais pour l’instant, il n’y avait pas de prisonnier, nos cellules étaient vides.

J’en avais profité pour rassembler toute une pile de dossiers… Pour le travail ? Non. Tous les dossiers que j’avais devant moi concernaient Ward Fleming et je les épluchais attentivement pour étoffer les preuves que Fleming ne pouvait pas être un bon père pour Grant.

Il y avait surtout des coups et blessures volontaires, possession de drogue et autres petits délits… Il était aussi mentionné dans des dossiers de disparitions inquiétantes dont celle d’une certaine Angelica J. Litrell, mais ça avait été un coup dans l’eau et l’affaire restait non élucidée.

A quelques bureaux de moi travaillait la jeune Kat… Un petit bout de femme très gentille et qui, pour son jeune âge, faisait très bien son boulot. Enfin, je supposais qu’elle était jeune… Elle en avait l’air en tout cas, mais je n’avais pas été jusque dans l’indiscrétion de lui demander son âge.

Je ne la vit pas venir vers moi tant j’essayais de me concentrer sur ce qui avait pu échapper aux enquêteurs de l’époque sur la disparition de Litrell… Ward avait juste été interrogé parce qu’il était le compagnon de la jeune femme à ce moment-là et il avait juste juré qu’il ne l’avait plus vue depuis des jours. Mon cœur battait vite… Parce que Litrell avait aussi été la première psy de Grant.

Y avait-il un rapport ? Putain, je n’en savais rien.

D’une petite voix, comme si elle avait peur de me déranger, Kat me tendit un rapport que j’avais oublié de signer.

-Oh putain fait chier… Faut absolument que je fasse plus attention…

Je signai le dossier en question.

-Merci Kat…

Je la laissai aller… Et tandis que je m’allumais une cigarette, Kat me rapporta du café… je soufflai ma première bouffée.

Je lui souris.

-Merci, tu es un ange… J’en ai bien besoin… Et par pitié, appelle-moi Jordan… Inspecteur Keller, c’est pour les gradés et les délinquants. Moi je t’appelle bien Kat, j’ai l’impression de prendre des airs supérieurs avec toi en te tutoyant et tout alors fait pareil. Merci.

Elle repartit à son bureau et continua son travail qui consistait à prendre les appels et à vérifier qu’on avait pas fait trop de fautes dans nos rapports… Et surtout, si on les avait bien signés ! Et il se trouva que je n’étais pas le seul à avoir la tête ailleurs, Conrad avait aussi oublié de signé un rapport.

Kat revint donc pour me le faire signer… Enfin, plutôt pour me dire qu’on avait encore oublier de signer. Clope au bec, je regardai le rapport en question.

-Ok, je peux signer à sa place parce que j’étais avec lui sur cette intervention, merci Kat…

Je signai.

-Je vais le signer maintenant parce que Conrad ne revient que lundi. Il est parti voir sa famille en Irlande…

Je souris, espiègle.

-Il te manque déjà ?

Je savais, parce que je l’avais remarqué, que Kat était une grande admiratrice de Conrad… Elle le regardait toujours avec des étoiles dans les yeux. Conrad, lui, naïf comme pas deux, n’avait encore rien remarqué… Pourtant, ça se voyait comme le nez au milieu de la figure.

@ Billy Lighter

L’inspecteur Keller m’avait fait sourire quand j’étais allée remplir sa tasse de café en disant que j’étais une ange. Je ne faisais pourtant que mon boulot, peut-être un petit peu plus que mon boulot mais je croyais ferme que je devais prendre soin des policiers en m’assurant qu’ils ne manquent de rien pour bien accomplir leur travail. Ensuite, il avait insisté pour que je l’appel Jordan plutôt qu’inspecteur Keller. J’avais baissé un peu les yeux, timides et j’avais fait oui de la tête avant de retourner m’installer à mon bureau répondre aux quelques appels et continuer la vérifications des divers rapports.

Je ne me rendais pas compte qu’entre deux dossiers, je regardais désespérément vers le bureau de Conrad Greenly. Il était absent ce soir et je ne savais pas pourquoi. Je n’aimais pas quand un détail m’échappait surtout quand il concernait l’un des policier du poste et encore plus quand le policier en question était Conrad.

Les dossiers que je vérifiais devaient être ensuite reclassés pour être archivés ou bien ils seraient rangés dans le classeurs pour servir dans une affaire en cours. Les inspecteurs avaient tous ce point commun qu’ils oubliaient la plupart du temps de signer leurs rapports. Chaque fois, ça me faisait sourire.

J’avais sous la main un rapport d’entrée par effraction qu’avait rédigé Conrad. Je le savais parce que son matricule était inscrit dans le haut du document mais le bas n’était pas signé. Malheureusement pour moi, Conrad n’était pas là ce soir, je n’aurais donc pas le plaisir d’aller lui demander de signer. Ce fut donc vers Jordan que je me dirigeais, l’air de rien, pour lui demander de signer en me disant qu’il se rendrait compte que c’était son partenaire de patrouille qui l’avait rédigé.

- Merci ! répondis-je timidement.

Jordan pouvait signer à la place de Conrad puisqu’ils étaient ensemble lors de l’intervention, chose que je ne savais pas. Je le laissais donc mettre sa griffe au bas du rapport fixant la chaise vide de Conrad, partit en Irlande voir de la famille. Ça devait être beau, l’Irlande surtout en compagnie de Conrad. Je nous imaginais marcher le long des falaises verdoyante sous un ciel parsemé de gros flocons de nuage.

Puis mes genoux s’entrechoquèrent quand Jordan me demanda sur un ton légèrement moqueur qui accompagnait bien son sourire, si Conrad me manquait déjà. Je senti mes joues virer au rouge et je me retenue de m’éventer avec le porte document en carton que je tenais à la main.

- Je m’attache à chacun d’entre vous, Inspecteur… heu, Jordan. Vous m’êtes tous agréable.

Je ne voulais pas avouer mes sentiments simplement parce qu’on me taquinait avec. Cependant, je savais que toute ma gestuelle trahissait ce que je ressentais. Je passais ma main sur la couverture de mon porte document avant de le serrer contre moi et de m’assoir sur la chaise près du bureau de Jordan.

- Est-ce que l’Inspecteur Greenly est allé en Irlande parce que quelqu’un de sa famille est malade ?

Il n’avait fait aucune demande de congé prolongé, je l’aurais vu si ça avait été le cas alors je concluais que cette escapade avait été fait impulsivement ce qui me laissais croire que peut-être que quelqu’un de sa famille était malade. Ce pouvait être tout autre chose, plus plaisant, je l’espérais pour lui mais je ne pouvais pas m’empêcher de me questionner et m’inquiéter.

@ Billy Lighter

La petite Kat était vraiment une bénédiction pour nous… Elle pensait à tout et à tous ! Pour ça, elle était un peu comme Nell… Mais surtout, elle était compétente dans son travail et fort heureusement, nous évitait pas mal de vices de procédure.

Même si j’étais concentré sur les dossiers concernant Ward Fleming, je n’avais pas manqué, quand la distraction me prenait, que la petite Kat regardait souvent vers le bureau vide de Conrad… Ce n’était pas la première fois que je remarquais qu’elle en pinçait pour mon ami Irlandais. Elle avait tendance à perdre tous ses moyens devant lui…

Et Conrad, pas dégourdi pour deux balles, ne remarquai même pas que Kat était légèrement amoureuse de lui. Moi je le savais, parce que grâce à Nell, je savais maintenant quel était le regard d’une femme amoureuse.

Cependant, Kat nia un peu en disant qu’elle s’attachait à nous tous. Je ricanai et pris une gorgée de café. Puis, je m’allumai une cigarette.

J’en soufflai une première bouffée avant de dire.

-C’est gentil à toi de t’attacher à nous. Je ne sais pas ce qu’on ferait sans toi… plusieurs dossiers tomberaient à l’eau par manque de signature, je pense.

Je lui souris.

-Et tu nous est très agréable aussi.

Et, comme si elle venait de prendre une grande décision, Kat pris place à côté de moi… Je pris la cafetière et la tasse propre de Conrad et lui servis un café à mon tour.

Comme si elle avait décidé de ne plus se cacher puisque de toute façon prise en flagrant délit, elle me demanda des précisions sur le voyage de Conrad en Irlande. En fait, elle s’inquiétait qu’il soit arrivé quelque chose à un membre de sa famille…

Je rigolai.

-Oh non, ne t’en fait pas. Tout le monde va bien chez lui… Mais c’est un long week-end pour lui vu qu’il a posé deux jours de congé avant le week-end… Alors il en profite juste pour faire la tournée des pubs avec ses oncles, ses tantes et ses cousins.

Je tirai sur mes clopes.

-Moi aussi il me manque… Je ne supporte pas de travailler avec quelqu’un d’autre que lui… on a la même vision du métier, une tactique d’intervention bien rôdée. Et surtout, un tas de sujets de conversation en commun.

Je souris à Kat.

-Mais il est pas très doué pour voir qu’une fille en pince pour lui… Tu devrais être plus directe.

@ Billy Lighter

Mon amour pour Conrad ne semblait pas être un secret pour l’inspecteur Keller mais je n’allais pas pour autant lui confirmer mes sentiments. Quand je serais prête à le faire, Conrad serait le premier à le savoir. Alors, je répondis un peu de manière détournée à Jordan en disant que je m’attachais à chacun d’eux et c’était vrai. J’aurais espéré qu’on m’engage dans un grand journal ou dans une maison de disque prestigieuse mais au lieu de ça, c’est le poste de police de Los Angeles qui avait prit la chance d’engager une jeune diplômée de l’école de secrétariat. Puis à force, je m’y plaisais vraiment et j’adorais mon boulot.

Jordan me complimenta sur la qualité de mon travail. On me disait souvent que je le faisais très bien mais ça faisait toujours du bien de le réentendre.

- On m’a fortement recommandé de toujours vérifié es rapports avant de les classer. J’ai compris après la première semaine à quel point vous étiez tous un peu… distrait ?

Je ricanais gentiment avant de sourire timidement par la suite de son compliment. Nous n’étions pas beaucoup de femmes à travailler ici et ce soir, j’étais la seule alors à force de me retrouver avec ces grands enfants, ça forçait ma fibre maternelle à se développer.

- Je suis ravie de l’entendre. Je me sens bien à travailler ici avec vous. Avec vous tous.

J’allais retourner à mon bureau mais je changeais d’idée et je rapprochais une chaise pour être près de Jordan. Ensuite, je posais la question qui me brûlais les lèvres depuis un petit moment. Conrad n’avait pas l’habitude de prendre des congés à l’improviste alors je m’inquiétais de savoir s’il avait dû le faire pour prendre soin de quelqu’un de sa famille, malade. Je serais triste d’apprendre une nouvelle de se genre mais moins que si Jordan m’apprenait que Conrad avant rencontrer le grand amour et l’avait suivi le temps d’une escapade romantique.

Jordan m’expliqua que l’inspecteur Conrad avait simplement fait jouer sa banque de congé pour bénéficier d’un long congé et ainsi, passer de pub en pub en Irlande et passer du bon temps avec sa famille. Ça me rassurait mais en même temps, je sentais que le temps allait passer lentement d’ici à son retour.

- Ça doit être beau l’Irlande !, dis-je rêveusement.

Je jouais distraitement avec les rebords de mon porte document en carton en écoutant Jordan dire que pour lui aussi, l’absence de Greenly le pesait, qu’il n’aimait pas travailler avec quelqu’un d’autre, qu’ils avaient tout un tas de conversation. Je me demandais bien quel genre de conversation d’ailleurs mais je n’allais pas pousser l’audace jusqu’à demander à l’inspecteur Keller de m’en dire un petit peu plus là-dessus.

De toute façon, les hommes, entres eux ils parlent de quoi ? Ils parlent de sport, de femmes et de voitures !

Puis, je frappais avec mon porte document en carton sur l’épaule de l’inspecteur Keller en lui faisant de gros yeux alors qu’il me suggérait d’être plus directe.

- Oh ! Hey ! Tu  ne me feras pas avouer ce que je n’ai pas envie de dire !

Bien que dit comme cela, ça sonnait comme des aveux.

- De ce que j’ai entendu dire, il n’y aurait pas que l’inspecteur Greenly qui mettrait du temps a voir l’évidence.  Et pourquoi ce serait toujours à nous les femmes à faire les premiers pas ? À supposer que j’aurais des pas à faire.

La vérité était que je crevais de trouille a l’idée que Conrad ne partage pas mes sentiments et qu’ensuite, un malaise s’installe entre nous et compromette l’ambiance au travail. Je ne voudrais pas vivre en ayant constamment honte d’avoir avoué mes sentiments. Je me contentais de lui servir son café, lui apporter ses dossiers et lui transférer des appels. Je lui souhaitais le bonjour quand il passait devant mon bureau le matin et le bonsoir quand il quittait le soir, avant moi.  

@ Billy Lighter

Je souris quand la petite Kat nous qualifia de distraits…

-Disons que les rapports, c’est pas notre fort… On préfère de loin être sur le terrain et régler les problèmes de sorte qu’on ne doive pas faire de rapport… mais parfois on a pas le choix.

Kat était pratiquement la seule femme à travailler ici. Il y avait une autre secrétaire… On avait eu une ou deux inspecteurs féminins, mais elles n’avaient pas tenu le coup dans notre monde macho. Alors que les secrétaires, elles étaient très bien vues et on avait même parfois recours à elles quand il fallait fouiller une suspecte féminine parce qu’un homme ne pouvait pas fouiller une femme, en théorie. Et pour cette petite aide bien nécessaire, Katy était toujours partante…

Et elle confirma qu’elle adorait travailler avec nous. Je pris une gorgée de café et une bouffée de nicotine.

-Tant mieux, parce que tu es aussi très appréciée de nous tous. Je n’ai jamais entendu personne se plaindre de toi ou de ton travail. Tu es une bénédiction.

Elle allait retourner à son bureau avant de changer d’avis. Je levai un sourcil mais elle voulait apparemment prolonger la conversation car elle prit une chaise pour s’asseoir tout près de moi… C’était l’absence de Conrad qui l’inquiétait… Je savais qu’elle en pinçait pour mon binôme, ça se voyait aux regards qu’elle lui lançait.

Je lui expliquai donc que personne n’était malade dans la famille de Conrad mais qu’il profitait d’un long week-end dans son pays d’origine, l’Irlande.

Katy s’exclama que ça devait être beau, l’Irlande.

Je hochai la tête.

-C’est très beau ! Conrad m’a montré un album photo…

Je souris, écrasant ma clope dans le cendrier.

-Il m’a déjà proposé de l’accompagner, mais j’ai peur de l’avion… Et puis maintenant que nous sommes trois, avec Grant et Nell, les finances ne suivent pas, c’est un voyage qu’on ne saurait pas s’offrir.

Je ne cachai pas que l’absence de mon ami me pesait à moi aussi… Les journées de travail n’étaient pas les mêmes, sans lui.

Mais concernant la petite Kat, je lui conseillai d’être plus directe avec Conrad qui était un peu à l’Ouest pour remarquer les sentiments de la jeune secrétaire. Et ça me valut un coup de porte documents !

-Aïe ! Hey ! Je ne fais que t’aider.

Mais elle avoua à demi-mot que j’avais raison puisqu’elle affirmait que je ne lui ferais pas avouer ce qu’elle n’avait pas envie de dire.

Je rigolai…

-Je suis entraîné à faire parler les gens, Katy…

Elle me demanda alors pourquoi c’était aux femmes de toujours faire le premier pas…

-Parce que nous, les hommes, sommes de grands enfants… Seule une femme peut nous responsabiliser.

Je me rallumai une cigarette.

-Une femme ou un petit gars de 10 ans dont tu ne t’attends pas à avoir la garde… Mais je ne regrette pas.

Je désignai les dossiers devant moi.

-Je m’y suis attaché et maintenant, je dois me battre pour que son père biologique ne récupère pas la garde.

@ Billy Lighter

Il n’y avait pas de mal à oublier de signer des rapports. Comme le disait Jordan, les inspecteurs préféraient être sur le terrain, chose que je pouvais très bien imaginer. Ça devait être excitant de poursuivre un criminel, d’être dans le feu de l’action. Moi, mon job, c’était justement de repasser derrière les inspecteurs et de m’assurer que les dossiers étaient complets.

- L’adrénaline que vous devez ressentir quand vous procédé à une arrestation ou simplement quand vous recevez un appel dans votre radio !

Je rêvais en secret d’accompagner l’inspecteur Greenly un de ces quatre en patrouille mais je savais que les chances que cela arrive étaient minces. Il faudrait déjà que Conrad se rende compte que j’avais non pas un mais bien les deux yeux sur lui mais puisque je n’étais pas formée pour ce genre de virée, valait mieux que je reste sur ma chaise de secrétaire.

De toute façon, même au poste, je ne manquais pas d’action. Il arrivait que des gens conduits en cellules fassent énormément de grabuge. J’en voyais passer de tous les genres devant mon bureau. Mes collègues me faisaient aussi confiance, je le sentais. Par exemple, ils me demandaient de procéder aux fouilles des femmes qui devaient passer la nuit en cellule. Ça ne me dérangeait pas de le faire et ça me procurait le sentiment de faire totalement partie de l’équipe.

- C’est gentil de me le dire. Pour être totalement franche, c’est réciproque.

Quand je poserais la tête sur mon oreiller ce soir, je serais heureuse de savoir qu’on apprécie grandement mon travail et que mes collègues tiennent à moi ce qui me permettait de croire que Conrad aussi, tenait à moi.

Conrad se la coulait douce en Irlande, c’est ce que m’apprit l’inspecteur Keller quand j’eu prit mon courage à deux mains pour m’installer sur une chaise près de lui pour lui poser la question. Au moins, je n’avais pas besoin de m’inquiéter de savoir si Conrad était malade ou en deuil mais j’allais avoir le temps long jusqu’à son retour. Son escapade me fit rêver des paysages de l’Irlande. Jordan me confirma pour avoir vu l’album de photo de Conrad que c’était très beau.

- . Moi ce sont les bateaux. Je ne m’y sens pas du tout à l’aise. Quant au prix d’un voyage…

J’en avais pas les moyens, pas avec mon salaire de secrétaire. Je vivais bien pour les besoins que j’avais mais je ne pourrais pas partir la semaine prochaine si l’envie m’en prenais. Il me faudrait économiser pendant des mois pour amasser de quoi voyager confortablement. Jordan, de son côté, avait une femme et un fils à sa charge en plus. Il était facile de comprendre que ça devenait compliqué de planifier une escapade familiale.

Jordan ne lâchait pas le morceau concernant mes sentiments pour Conrad et je le frappais, pas assez pour lui faire mal – je ne voudrais pas être accusé de coup et blessure sur un agent de police – mais assez pour le faire réagir, avec mon porte document. Je n’étais pas prête à avouer quoi que ce soit.

Pas maintenant.

- Et bien moi, je ne parlerai pas sans la présence de mon avocat !

Nous l’entendions souvent cette petite phrase-là !

Je me questionnais à haute voix à savoir pourquoi ce devait toujours être nous les femmes à faire les premiers pas comme si l’amour et les sentiments étaient une histoire de femmes et que les hommes eux, n’avaient qu’à sauter dans le train en marche. La réponse de Jordan me fit rire puis je secouais la tête.

- Donc en gros, une relation de couple c’est un peu comme gérer une garderie ?

C’est ce que je comprenais, en tous les cas.

Jordan, ensuite, se confia sur son nouveau rôle de père et sur le combat qu’il devait mener pour en conserver la garde et ça me fit faire une moue triste. Ça se voyait comme le nez en plein visage que Jordan aimait de tout son cœur le petit bien que chaque jour n’était facile. Il faisait de son mieux, même sans être dans son cercle intime, je le constatais. Je posais ma main amicalement sur son avant-bras.

- Ne désespère pas. Je suis certaine que le juge verra que le mieux pour le petit, c’est d’être dans un environnement stable et aimant. C’est ce qu’il a chez toi, il a beaucoup de chance.

Après ça, je regardais ma montre et je me levais en replaçant ma chaise. L’heure tournait mais ma pile de dossier elle, ne diminuait pas. Je devais absolument passer au travers avant de quitter pour que l’équipe du jour puisse savoir où se diriger dans la journée au travers toutes les enquêtes ouvertes et les évènements entrés pendant la soirée.  Surfant mentalement sur des images de l’Irlande, je passais néanmoins facilement au travers des rapports sans avoir à récolter de nouvelles signatures et je pus ramasser ma veste et mon sac. Avec un peu de chance, je ne raterais pas mon bus, autrement, je serais forcé d’attendre le prochain.

@ Billy Lighter

Je souris à Katy qui se faisait plein d’idées sur le métier… Il y avait de l’adrénaline, bien sûr ! Mais ce n’était pas du tout ma vision d’un travail bien fait.

-Comme je dis toujours, un bon shift est un shift où il ne se passe rien… La partie du métier que j’aime vraiment, c’est quand on peut aider les gens, même si ce n’est que leur indiquer le chemin quand ils sont perdus… Des petites choses simples.

Je rigolai.

-Mais je suis content quand même, quand on arrête un truand qui fait du mal au gens… Malheureusement, la justice ne suis pas toujours et est souvent partiale… Les gens de couleurs payent souvent plus pour des petits délits que des bons blancs pour des faits plus graves.

Je fis la moue puis tirai sur ma clope.

-Je trouve ça dégueulasse… C’est pour ça que j’ai toujours des pours et des contres le métier que je fais.

Je complimentai alors Katy sur son propre travail. Je ne savais pas ce qu’on ferait sans elle… Elle était d’une grande aide non seulement pour les rapports mais aussi pour d’autres petites choses. Comme elle l’avait si bien dit, elle était là pour prendre soin de nous.

Et le compliment sembla la réjouir. Elle m’annonça qu’elle travaillait avec nous avec autant de plaisir qu’on en avait à travailler avec elle.

Puis on parla de Conrad. Avec Katy, ça pouvait pas rater puisque ça faisait quelques temps que je la voyais lorgner sur mon binôme et frère d’arme. Je lui annonçai donc qu’il prenait du bon temps dans son pays natal, même s’il avait pris la nationalité américaine pour pouvoir entrer à l’armée où je l’avais rencontré. Et Katy se fit rêveuse.

Je lui expliquai pourquoi je n’avais jamais sauté sur l’occasion d’accompagner Conrad pour l’un de ses voyages. Ce n’était pas faute de me l’avoir proposé plusieurs fois. Sur quoi, Katy m’annonça que si moi, j’avais l’avion en horreur, elle, c’était le bateau.

-Je n’ai jamais pris le bateau, je ne sais pas ce que ça fait… Mais je pense qu’on a tous un moyen de transport qu’on déteste.

Hormis l’avion, prendre le bus comme le faisait Grant était pour moi quelque chose de très stressant… heureusement que j’avais ma voiture.

On plaisanta un peu ce qui me valut un coup de dossier et au sujet de Conrad, Katy ne voulait parler qu’en présence de son avocat, ce qui me fit beaucoup rire.

Elle me demanda ensuite, alors que je lui avais dit que nous, les hommes, étions de grands enfants, si une relation de couple, c’était comme tenir une garderie.

-Parfois ouais, mais c’est toujours amusant. Si tu trouves la bonne personne, comme moi, il y a une forme d’équilibre qui se crée et on peut compter l’un sur l’autre, selon les forces et les faiblesses de chacun.

Je fis la moue.

-Enfin, c’est ce que je pense.

Je lui parlai un peu ensuite des dossiers que j’avais pris et pourquoi je les avais pris… Et elle n’eut que des mots rassurants pour moi.

Je la regardai dans les yeux.

-Merci… Je compte bien me battre bec et ongle pour ce petit gars.

Ensuite, je regardai l’heure à l’horloge alors que Katy regardais sa montre, et la laissai retourner travailler.

-Plus qu’une heure et demie, Katy ! Puis on pourra se tirer d’ici ! Courage.

@ Billy Lighter