Le discours d’Alonso était puissant et résonnait dans l’entrepôt où on était tous rassemblé… Il était monté sur un table en métal et nous regardait tous alors que, comme à mon habitude, j’étais un peu derrière lui, à ses côtés, appuyé contre un mur.

J’avais été obligé de venir… Alonso avait insisté malgré le danger qu’il savait que je courais en participant à ce genre de meeting. Même si on prenait toujours toutes les précautions tant au niveau du timing qu’au niveau des informations pour être certain qu’un coup de filet ne soit fait à ce genre de moment. Parce que j’avais toujours cette épée de Damoclès au-dessus de la tête et que si on me voyait en compagnie de Los Diablos, ça n’allait pas plaidé en ma faveur au tribunal.

Mais il avait insisté alors, j’étais venu. Et son speech me disait une seule chose : Alonso parlé à Jimmy Reed… Sinon, il ne pourrait pas faire tant de belles promesses à tous les Los Diablos présent.

-Votre salaire sera doublé. C’est, je pense, une juste rétribution pour tout ce que vous vivez chaque soir dans les rues. Pour tout ce que vous font subir ces enfoirés de New Soldados. Que vous soyez un ancien membre ou un nouveau, vous aurez plus d’argent que vous n’en avez jamais eu.

Cette nouvelle provoqua un réelle enthousiasme de la part de tout le monde. Même de Carlos qui, depuis, devait avoir eu la nouvelle de sa rétrogradation. Les Los Diablos allaient avoir plus d’argent et si je restais de marbre, intérieurement, je me disais que Jimmy Reed pouvait très bien triplé, quadrupler voir même plus, le salaire des Los Diablos. Il pouvait leur offre chacun une maison hors de l’Eastside… Il pouvait faire tout ça mais il n’en avait aucune envie. Il se prenait pour Dieu mais ce n’est pas un Dieu. C’est un homme d’affaire qui s’est offert un terrain de jeu pour se prendre pour Dieu… Depuis que Reed m’avait fait part de ça, j’avais peu d’estime pour lui.

Et Alonso continua :

-Désormais, pour les missions sur le terrain, vous vous en référerez à Manuel et Keenan. Ils remplacent Carlos dans la hiérarchie. Ce seront les deux nouveaux généraux.

Ça, je le savais déjà. Parce que les dernières bourdes de Carlos, même Alonso n’avait pas pu passer à côté et on avait pris, ensemble, la décision de choisir deux personnes à cette place. Parce que Manuel tout seul, du haut de ses 19 ans, n’aurait pas suffisamment d’autorité… Quant à Keenan, il était plus vieux, mais c’était un membre récent ce qui le légitimait moins aux yeux des autres. Pourtant, niveau compétence, c’était eux qui me semblaient les meilleurs. Manuel était sérieux, loyal et malin. Il avait des défauts dû à sa jeunesse mais ces défauts se corrigeront avec le temps. Quant à Keenan, il était intelligent et le fait qu’il soit nouveau fait qu’il savait encore penser en dehors du cadre ce qui pouvait être un avantage. Bref, Alonso et moi, on s’était mis d’accord là-dessus et en les déclarant généraux devant tout le monde, Alonso leur donnait de la légitimité qui faciliteront leur travail.

-Quant à Carlos, il sera désormais en charge du recrutement. Bientôt, d’autres frères se joindront à nous et nous gagneront cette guerre.

Je tiquai… Ça je ne le savais pas… C’était une décision qu’Alonso avait pris seul. Ou avec Reed, je ne sais pas. Mais le recrutement, c’était dans mes attribution… Des attribution que j’avais toujours en l’absence d’un remplaçant.

Mais je ne dis rien… Parce qu’Alonso n’avait pas fini… Alonso qui s’était appliqué pour ce speech parce qu’il n’avait pas l’habitude d’utiliser tant de mots et des si grands mots. M’est d’avis que c’est sa femme qui avait écrit son texte… L’idée me fit sourire intérieurement.

-Notre ennemi est puissant. Il est malin. Il cherche à nous déstabiliser en utilisant la violence. Mais tout le monde sait que si on coupe la tête des New Soldados, ils ne seront plus rien. Alors, si jamais vous avez la possibilité de tuer Ward Fleming, tuez-le. Celui qui me ramènera sa tête aura une récompense en argent. Beaucoup d’argent. Parce que si vous tuez Ward Fleming, c’est la paix que vous apporterez. Alors, n’hésitez pas !

C’était définitivement Carlotta qui avait écrit ce speech et si j’avais envie de faire la moue, je me retins. Pas parce que je n’avais pas envie que Ward Fleming crève. Qu’il crève, seulement ! Mais il fallait faire en sorte qu’il crève sans que Riley, qui était infiltré chez Ward, ne soit un dégâts collatéral. Je m’attendais à ce que Alonso le mentionne mais, au lieu de ça, il décréta que c’était la fin de la réunion.

Je soupirai me décollant du mur. Je n’avais plus rien n’à faire ici. Je voulais rentrer m’occuper de Tiff, maintenant. Les Los Diablos, je leur avait donné pas mal de temps ces derniers jours. J’aurais bien posé la question pour Carlos mais qu’importe finalement ? Ça me faisait du travail en moins…

Je me mis à avancer alors que quasi tout le monde était déjà parti mais Alonso m’interpella d’une voix sévère.

-Toi, tu restes ici. J’ai encore des choses à te dire.

Son ton de voix me fit me retourner en levant un sourcil alors qu’il sauta de la table qui lui avait servi d’estrade. Il n’avait pas l’air très content. Et il me fit face maintenant qu’on était totalement seul.

-Quoi ?

Je répliquai ça sur un ton à la fois interrogateur et suspicieux. Il me fixai d’un air toujours sévère. Jamais Alonso ne m’avait regardé comme ça.

-Les Pequeñas Manos… On s’était mis d’accord pour qu’ils ne travaillent plus… Mais en aucun cas je n’avais donné l’ordre de les remettre à United For Youth. Tu as fait ça dans mon dos, Quinn ! Tu peux m’expliquer ?

Quinn… Ça faisait 12 ans environs qu’Alonso ne m’avait plus appelé comme ça… Si bien que ça faisait bizarre et mal à la fois. Il n’avait pas aimé que j’envoie les Pequeñas Manos chez United For Youth sans le prévenir avant mais je pensais que c’était logique que si les enfants ne travaillaient plus, il fallait leur donner un avenir. Et ce n’est pas dans la maison des Pequeñas Manos à vivre entre eux qu’ils allaient en avoir un.

-Je pensais que ça faisait sens. Chez United For Youth, ils auront le droit à une famille. L’organisation leur cherchera des parents qui voudront bien éduquer et leur donner une belle vie. Que voulais-tu qu’on fasse d’autre, Alonso ?

Il avait toujours son air sévère.

-Les garder avec nous. Jimmy et moi avons discuté et on a décidé que les futures orphelins resteront avec nous, dans la maison des Pequeñas Manos. Ils ne travailleront plus et seront éduqué par Carlotta, ma femme. Ils apprendront à lire et toutes ces conneries là. Les bébés seront surveillée par la femme de Rafael ou iront chez l’un d’entre nous jusqu’à leur 7 ans. S’ils veulent rejoindre United For Youth à 7 ans, ils pourront mais ils auront aussi le choix de rester avec nous et…

Je le coupai d’un coup.

-Et de devenir un Los Diablos.

Je dis ça d’un ton déçu… Je savais qu’Alonso voulait les garder parce qu’ils tenaient à eux. Je pensais pareil avant Guillermo, avec Alvaro… Avec tout ce qu’il s’était passé ses derniers jours. Je pensais que garder les gamins près de nous feraient qu’on saurait ce qu’ils deviendraient. Qu’ils éviteront l’orphelinat qui, je le sais par expérience, est un endroit qui ne rend pas un enfant ni heureux, ni meilleur. Mais avec Ivar et quand j’ai déposé les gamins chez United For Youth, j’ai pu me rendre compte que ça n’avait rien n’à voir avec l’orphelinat où j’avais grandis.

Donc, je n’en voulais pas à Alonso de penser comme ça…

Il hocha de la tête.

-Ou de devenir Los Diablos…

Je soupirai…

-Tu es conscient que beaucoup choisiront de rester dans le gang ? Ils n’auront vu que ça… Ils ne décideront pas, à 7 ans, de vivre autre chose. Ils choisiront le gang en grande majorité et beaucoup finiront comme Manuel…

Mon visage s’assombri.

-Ou comme Paco.

Mes paroles touchèrent Alonso, je le sentis mais il se reprit très vite.

-C’est pourtant ma décision. Et tu t’y conformera. Parce que tu ne diriges pas, Quinn. Tu as oublié ça, c’est dernier jour ? Tu nous as fait perdre trois membres dont deux presque majeur en décidant a leur place de leur futur. Tu n’avais pas le droit d’aller au-delà de ta position de troisième homme.

Il m’avait encore appelé Quinn. Et je sentais qu’il m’en voulait sincèrement. Est-ce que ça faisait mal ? Ouais… Même si je savais que, effectivement, j’avais peut-être été trop loin, je pensais qu’Alonso comprendrait. Mais le fait est que, non, il ne comprenait pas et comptait bien rester sur sa décision…

Et j’avais tellement mal que je ne pus m’empêcher de devenir plus cynique.

-C’est ta décision ou celle de Reed ? C’est une bête question, en fait. C’est celle de Reed. C’est lui qui dirige tout. Il veut garder les gamins dans le gang. Il me l’a bien fait comprendre. Après, tout, c’est lui le Dieu. Nous on ne fait qu’exécuté ses désirs. Toi, le premier, d’ailleurs. Parce que, moi, en fait, j’ai encore l’excuse que je n’avais aucune foutue idée qu’il dirigeait tout avant il y a quelques mois. Mais toi, tu n’as pas d’excuse. Tu ne réfléchis pas… Tu exécute parce que tout ce que Reed dit, tu le fais sans te poser de questions.

J’avais été trop loin… Mais je ne m’en rendis compte que quand le poings d’Alonso frappa ma figure. Il avait frappé fort provoquant ma surprise. Je me tenais le nez qui se mit à saigner regardant Alonso d’abord avec un regard stupéfait avant de prendre un air à la fois triste et déçu…

Mais il enchaina en s’emballant un peu.

-Reed a toujours fait tout pour nous, Quinn ! Aucun Los Diablos n’a jamais manqué de rien. Dès le départ, quand il a pris le contrôle, il a fait en sorte que notre boulot soit le plus safe possible. Il a tenté de contrôlé Fleming en le gardant au sein du gang. Il a permis à nos orphelins d’avoir une maison où vivre. C’est grâce à lui si tu as eu une foutue famille, Quinn. C’est grâce à lui si tu as pu être l’homme que tu es aujourd’hui et pas le paumé que j’ai rencontré dans ce bar quand tu avais 20 ans. Tout ce que tu as eu après, c’est grâce à Reed !

Il défendait Reed et l’entendre dire tout ça fit se serrer mon cœur malgré moi… Alonso donnait toutes les éloges à Reed. Rien qu’à Reed.

-T’es qu’un putain d’ingrat ! A partir de maintenant c’est Carlos qui s’occupera de recruter. Quant à toi, tu ne t’occupera plus que de la mission que tu as donné à Riley Raphaël. Le reste, je me débrouillerais tout seul. Quand cette mission sera finie, tu pourras vivre tranquille ta petite vie. Maintenant, tu peux dégager, je n’ai plus besoin de toi.

Je fixai Alonso me tenant toujours le nez… Mais j’avais une boule dans la gorge. Parce que je sentais qu’il était sérieux. Je sentais qu’entre nous quelque chose s’était brisé et je savais que c’était en partie ma faute.

Un silence suivit la décision d’Alonso jusqu’à-ce que je le brise lâchant mon nez qui saignait toujours.

-Très bien…

Je me mis à marcher vers la sortie mais avant de passer la porte, je me retournai avec un air profondément triste. Ma voix tremblait un peu.

-Alonso… Si j’ai eu une famille… Si j’ai pu devenir l’homme que je suis aujourd’hui… Ce n’est pas grâce à Reed… C’est grâce à toi. Personne d’autre. C’est toi qui m’a offert ça… Pas lui… Pour moi, les Los Diablos, ça a toujours été toi…

Et c’est sur ses mots que je laissais derrière Alonso… Et peut-être même notre amitié.

@ Billy Lighter