Depuis ma nuit passée avec Conrad, je flottais littéralement. J’arrivais à peine à réaliser que ce dont j’avais rêvé depuis si longtemps c’était concrétisé autour d’un verre de whisky irlandais. Je me surprenais même parfois à me pincer question d’être certaine que je ne rêvais pas. Même quand je m’étais réveillée le lendemain dans les bras de Conrad, je n’étais pas certaine si je n’étais pas dans un monde parallèle dans lequel tous mes fantasmes prenaient vie.

Je serais bien resté dans les bras de Conrad toute la journée mais il fallait bien aller au travail, affronter le monde extérieur en sortant de ce petit cocon dans lequel nous avions sauté à pieds joints. Je devais avouer que j’avais un peu peur que notre nouvelle situation soit vue d’un mauvais œil au commissariat. J’étais habituée aux remarques parfois désagréables de certains inspecteurs, je me disais que peut-être Conrad serait plus pointilleux et plus réactif s’il entendait un commentaire déplacé ou si je me retrouvais dans une situation désagréable comme je l’avais été par la faute de Pioli et Hernandez.

J’avais demandé à Conrad si nous pouvions faire un détour par chez moi pour que je puisse me changer. Je ne voulais pas aller travailler avec la robe en jeans que je portais la veille, ça ne faisait pas très professionnel, c’était quelque chose pour sortir, pour faire la fête mais pas pour travailler. J’avais fait aussi vite que possible pour me changer tout en me disant que ça me faisais tout drôle que d’avoir Conrad chez moi, qui pouvait regarder et toucher mes choses. Est-ce qu’un jour il laisserait sa brosse à dent ici ou bien son rasoir ? Est-ce que j’aurais un tiroir chez lui pour y laisser des vêtements pour éviter de faire des détours comme ce matin ?

C’était beaucoup trop tôt, du moins moi je jugeais que c’était beaucoup trop tôt pour poser ce genre de questions. Si moi j’étais certaine de mes sentiments pour Conrad, je me rappelais qu’il avait aussi dit qu’il avait un ‘’petit’’ faible pour moi, qu’il me trouvait intelligente et gentille. Ce n’était pas une déclaration d’amour ni une promesse d’engagement et, malgré ce que nous avions vécu la nuit dernière, je ne voulais pas le brusquer en l’appelant mon amour ou en annonçant à la terre entière que nous formions un couple.

Nous avions couchés ensembles et il avait un petit faible pour moi. Évidement, je ne pu m’empêcher de trop penser pendant qu’il m’attendait dans ma cuisine et que je passais rapidement la brosse dans mes cheveux pour les démêler un peu. Conrad n’aurait pas profité de la situation, il n’était pas comme ça, je le savais. Il avait tout de même dit qu’il était trop vieux pour moi, peut-être qu’il regretterait notre aventure quand nous serions confrontés à une situation générationnelle.

Je réfléchissait vraiment trop !

Quand Conrad stationna la voiture dans le parking qu’il utilisait toujours, je le regardais avec des étoiles pleins les yeux et des papillons qui batifolaient allégrement dans mon ventre. Je devais vraiment cesser de trop réfléchir et de faire confiance à mon instinct. Seulement, une fois qu’on entra dans le commissariat, j’eu l’impression d’avoir une étiquette collée sur le front qui trahissait ce que nous avions fait. Plusieurs têtes se tournèrent vers nous et je me disais ’’Ils savent ! ‘’ alors qu’en fait, ils n’avaient que fait comme tous les jours pour saluer ceux qui entraient en poste. Fort probablement qu’ils me regardaient avec espoir de voir une boîte de cookies ou de muffins entre mes mains.

Je me retournais vers Conrad qui déjà, était accaparé par le chef qui l’envoya faire une petite vérification sur une ancienne enquête ce qui fit que, je me retrouvais seule avec mon petit bonheur et mes deux cents questions. J’allais donc m’armé de deux café et je me dirigeais vers Jordan qui avait le nez plongé dans un dossier.

- Tu es arrivé tôt ! Café ?

@ Billy Lighter

Après avoir déposé Grant chez Duncan et Nell à Saint John’s, j’étais venu directement au commissariat, ce qui faisait que j’étais là tôt… C’était ma deuxième maison et je ne voyais pas l’intérêt de rester tout seul chez moi… Et puis ça me faisait des heures supplémentaires que je pourrais récupérer à un moment où Grant ou Nell aurait vraiment besoin de moi à la maison.

Je m’étais installé à mon bureau en attendant que Conrad arrive pour aller patrouiller toute la journée. J’avais pris les derniers PV qu’on avait rédigés : des troubles de l’ordre public, des ivresses au volant et autres petits délits… Je les passais en revue pour corriger nos fautes d’orthographe mais surtout pour vérifier qu’on avait bien tout fait dans les règles de l’art pour ne pas que ces PV finissent dans une poubelle pour vice de procédure.

Depuis que Ward était en prison, attendant son procès, j’étais plus détendu. Je savais qu’en tant que tuteur de Grant, je serais appelé à la barre… Mais je ne comptais dire que la stricte vérité donc ça ne m’angoissait pas trop. Je pensais qu’il y avait bien assez de charges et de preuves que pour que Ward soit enfermé un long moment, s’il n’y perdait pas carrément la vie.

Le seul truc qui m’inquiétait vraiment, ce serait la réaction de Grant qui me semblait prendre son père pour un héros.

Mais bon, on verrait…

Je levai le nez des PV quand Conrad entra dans le commissariat, suivi de près par Katy, toute jolie et pomponnée.

Je fronçai les sourcils… Ils avaient tous les deux un air béat de petit fumeur de joints.  

-Salut, Conrad !

Il me salua et se pencha sur les PV que je regardais, mais bientôt, le chef le réquisitionnait pour aller vérifier un truc. Donc on eut pas vraiment le temps de parler. Quant à Katy, comme elle s’était arrêtée à son bureau de l’accueil, je n’eus pas l’occasion de la saluer vraiment et replongeai mon nez dans mes papiers.

Mais ce fut finalement la jeune secrétaire qui vint me trouver avec du café chaud. Je lui souris et déposai mon bic pour prendre la tasse.

-Salut Katy ! Un flic ne dit jamais « non » à un café… Merci…

Je le portai à mes lèvres pour en prendre une première gorgée puis déposai la tasse et m’allumai une cigarette…

-Ouais, je suis arrivé tôt… Il n’y avait plus personne à la maison, c’était inutile d’y rester…

Je soufflai une première bouffée de nicotine et la regardai d’un œil brillant de malice.

-Tu fais du covoiturage avec Conrad, maintenant ?

Je disais ça comme ça, sans vraiment savoir... juste parce qu'ils étaient arrivés en même temps.

@ Billy Lighter

C’est le cœur léger de bonheur et la tête lourde de question que j’entrais avec Conrad dans le commissariat. J’avais l’impression que nous avions tous les deux une étiquette collée sur le front qui mentionnait que nous avions couchés ensemble la nuit dernière alors qu’en fait, pour les quelques têtes qui s’étaient tournées vers nous lorsque nous avions passés la porte, ce n’était que pour nous saluer et rien de plus.

Je devais inspirer et expirer et surtout, cesser de trop réfléchir. Après tout, j’avais le droit d’avoir une vie privée et si notre histoire à Conrad et moi n’interférait pas avec notre travail, je ne voyait pas le mal. Je ne me souvenais pas qu’à mon embauche, on m’ait conseillé d’éviter les relations avec mes collègues. On m’a surtout parlé d’être décemment vêtue, d’éviter les décolleté et les jupes trop courtes mais d’avoir toujours un vernis à ongle irréprochable ou de tout simplement éviter d’en porter. Jusqu’à aujourd’hui, je n’avais jamais eu de mauvaises remarques sur mon apparence et encore moins sur mon travail à l’exception de la fois avec Ward par la faute d’Hernandez et Pioli.

Avec Conrad, nous n’avions pas discuté de comment nous comptions vivre notre histoire, si pour autant il avait l’intention d’en vivre une, au travail. Je n’étais pas le genre de fille qui profiterait de chaque occasion pour l’embrasser ou le cajoler si c’était quelque chose qui pouvait l’inquiéter. N’avais-je pas été jusqu’alors assez discrète sur mes sentiments pour lui au point où il n’avait même pas remarqué que mon cœur battait pour lui ?

Conrad fut réquisitionné par le chef dès notre arrivé ce qui fit que, non pressé de me mettre au travail, j’allais chercher deux tasses de café que je partagerais avec Jordan. Il était arrivé vraiment tôt et semblait déjà bien plongé dans le travail. Il méritait donc une petite pause-café et ça me ferait du bien de discuter avec lui.  

Jordan accepta le café que je lui tendais avec plaisir puis il me remercia avant de m’expliquer que, tant qu’à être seul à la maison, aussi bien venir ici. Il s’alluma une cigarette pendant que je buvait une première gorgée de café. J’avais un léger mal de tête que je devais fort probablement au whisky de la veille. N’étant vraiment pas habitué de boire et ayant bu un peu trop rapidement même si je n’avais pas bu des tonnes, j’en ressentais tout de même les effets ce matin.

- Puis disons-le, ici, ce n’est jamais le boulot qui manque !

La nuit semblait avoir été tranquille, tout de même. Il n’y avait pas eu de mise en cellule et mon bureau de débordait de rapport à vérifier et classer.

Jordan eu ensuite un regard qui me fit rougir et la question qui s’en suivit me fit baisser les yeux sur ma tasse à café.

- J’ai dormis chez lui…

J’avais répondu d’une toute petite voix avant de relever les yeux et de regarder Jordan et de caché mon visage, du moins mon menton, avec ma tasse de café fumant. Je savais que l’air que je venais de prendre trahissais tout ce que mon début de confession n’avait pas encore dévoilé mais Jordan était un ami et le premier confident de mes sentiments pour Conrad. J’avais besoin de le lui dire, ne serait-ce que pour partager mon petit bonheur et qui sait s’il aurait entendu Conrad lui avouer que c’était réciproque. J’en doutais mais j’avais le droit de rêver.

@ Billy Lighter

Katy, qui m’offrit une tasse de café, était très soignée, comme à son habitude. C’était une jeune femme qui avait beaucoup de goût… Mais elle avait les joues roses, comme si elle avait fait un jogging avant le travail. Et elle avait un sourire radieux ainsi que les yeux brillants. Je connaissais ces symptômes d’un bonheur contenu. J’étais ravi quand j’arrivais à ce que Nell ait cette expression.

Je pris le café, allumai une cigarette et regardai mes papiers alors que Katy disait que ce n’était pas le boulot qui manquait.

-Ouais… Mais corriger n’est pas ce que je préfère. J’ai hâte d’aller patrouiller. Les corrections, je te les laisse.

Je pris une gorgée de café, non sans demander à Katy si Conrad et elle faisaient du covoiturage. C’était simplement, dans mon chef, une petite blague. Je penchais plutôt pour le plus grand des hasards qui avait fait arriver mes deux amis et collègues en même temps.

Mais quand Katy se mit à rougir derrière sa tasse de café, je compris que ce n’était pas un si grand hasard.

Après tout, en douze heures de patrouille dans une voiture, Conrad et moi avions le temps de passer au crible nos vies privées et d’échanger nos questions les plus existentielles. C’était comme ça que je savais que Katy et mon binôme s’étaient déjà fait une sortie au cinéma, rien que tous les deux.

Et je savais que ça avait été un premier rancard parce que, si ça avait été une simple sortie entre amis, Conrad m’aurait invité à me joindre à eux.

Mais non… Et ça faisait un moment que je les voyais se tourner autour… Conrad ne parlait pas de ses sentiments mais il n’y avait pas une seule journée qui passait sans qu’il y ait Katy par-ci ou Katy par-là… Des trucs qui paraissaient innocents comme « Tu as vu la nouvelle coiffure de Katy ? » ou encore « Sa nouvelle robe lui va vraiment bien. C’est une très belle femme. » sans compter le sempiternel : « Qu’est-ce qu’on ferait sans elle ? ».

Et sur ce dernier point, j’étais tout à fait d’accord. Si je remarquais à peine ses goûts en matière de mode, si ce n’était que je savais qu’elle était toujours plus que présentable, je reconnaissais tout à fait son utilité au sein du commissariat.

Bref, toutes ces réflexions en quelques secondes entre le moment où elle avait rougi et celui où elle m’avoua presque en chuchotant qu’elle avait dormi chez mon meilleur ami.

Je fis un « o » silencieux un peu malgré moi, puis eus un sourire bienveillant.

-Et bien… Les choses avancent… Je suis content pour vous. Vous formez un beau couple…

Je rigolai en la voyant se cacher derrière sa tasse.

-Ne sois pas timide… Tu peux m’en parler, si tu veux. Tu sais que ce qu’on se dit entre nous, je ne vais pas le hurler dans tout le commissariat.

Je tendis doucement la main qui ne tenait pas ma cigarette pour aller baisser les sienne pour voir à nouveau son visage.

-Ne te cache pas… Pourquoi cacher le visage du bonheur ?

@ Billy Lighter

Après ce que je venais de vivre dans les dernières heures, je n’avais pas la tête au boulot, du  moins pas avant une bonne tasse de café. Le mieux était d’en partager avec Jordan qui était déjà en poste et la tête bien plongée dans sa paperasse. J’allais donc nous en servir et lui offrit une tasse qu’il accepta.

- Je sais que la correction n’est pas ta tasse de thé… vous êtes plusieurs comme ça ici !

Je repassais souvent leurs rapports pour m’assurer qu’il ne manquait aucune signature et forcément, je voyais les fautes qui se glissait, par inattention… évidement ! Puis je tirais une chaise pour m’assoir près du bureau de Jordan et bavarder sans avoir à parler trop fort. Une partie de moi tenait absolument à me confier à lui alors qu’une autre désirait garder le secret et j’ignorais laquelle gagnerait le combat. Ce fut Jordan, sans le savoir, qui décida de la tournure de la conversation quand il me demanda si Conrad et moi faisions du covoiturage, maintenant.

Ce fut instantané ! Mes joues devinrent rouges et je baissais timidement les yeux sur ma tasse à café avant de murmurer que Conrad et moi, avions passé la nuit ensemble. J’osais à peine regarder Jordan, on pas parce que j’avais honte de ce qui s’était passé entre Conrad et moi, loin de là, mais parce que je le réalisais encore à peine moi-même.

Je rêvais de Conrad depuis pratiquement mon premier jour d’embauche au commissariat. Je le reluquais discrètement au point où je pouvais dire s’il était contrarié ou dans un bon jour uniquement dans sa façon de rédiger ses rapports. Je devinais quand il avait les idées claires ou quand quelque chose lui accaparait l’esprit dans sa façon qu’il avait de replacer son jeans ou encore son nœud de cravate, d’ailleurs, il ne maitrisait pas parfaitement l’art de le faire et je ne comptais pas les fois où j’avais eu envie de le lui refaire.

Jordan fit un ‘’O’’ avec ses lèvres avant de dire qu’il était content pour nous et que nous formions un beau couple. J’eu chaud à ce moment tout comme un frissons me parcouru l’échine. Je me cachais derrière ma tasse comme si cela pouvait m’aider à retrouver mes esprits pendant que Jordan m’encourageait, si j’en avais envie, à lui parler.

J’en avais effectivement très envie, ça me ferais du bien. Jordan en pourrait pas répondre pour Conrad sur toutes les interrogations que j’avais mais il pourrait me rassurer ou faire m’aider à y voir plus clair. Puis je rigolais quand il fit doucement descendre ma tasse à café derrière laquelle je me cachais toujours, maladroitement.

- En fait, ce n’est pas mon bonheur que je veux cacher mais toutes les questions qui vont et viennent dans ma tête depuis hier. Ça été tellement vite… Conrad à d’abord cru que je ne pouvais pas m’intéresser à lui car il s’est dit trop vieux pour moi et j’ai cru en faite que c’était une manière détourner de dire qu’il me trouvait trop jeune pour lui… tu vois ?  Alors j’ai paniqué et j’ai bafouillé un tas de truc et… Ça fini par un baiser.

Raconté comme ça, je me sentais vraiment ridicule. En fait, la situation l’était un peu parce que je ne me faisais pas confiance et parce que Conrad avait quand même dit quelque chose de pas si faux que ça. En fait, il ne l’avait pas dit, il l’avait sous-entendu sans savoir qu’il le faisait mais une fois dans sa chambre, ça s’était imposé par la force des choses bien qu’il avait su me rassurer.

- La différence d’âge semble être omniprésente sans l’être et j’ai peur qu’il ne me trouve pas assez euh… femme ? Mature ? Je sais que c’est avec lui que je vais devoir en discuter et je vais le faire… Mais… Est-ce que toi tu me trouve pas assez mature pour être avec un homme comme lui ?

C’était tout de même un petit peu ironique que de penser que je n’avais pas peur de tenir tête à un psychopathe tel que Ward Fleming mais que dans ma vie privée, je crevais de trouille de ne pas être à la hauteur de l’homme que j’aimais !

@ Billy Lighter

Je pouffai de rire quand Katy, qui savait que la rédaction des rapports et leur correction n’était pas ma tasse de thé, ajouta qu’on était plusieurs dans le cas.

Je refermai le dossier et la jeune femme et sa tasse de café prirent place à côté de moi. Oh ! Ça, ça signifiait que Katy voulait parler. Mais de quoi ? Je crus un instant qu’elle voulait juste échanger quelques banalités en attendant que Conrad soit prêt à venir patrouiller avec moi, mais quand je lançai en boutade qu’ils faisaient du covoiturage, en fait, je sautai les deux pieds dans le plat.

Conrad et Katy sortaient ensemble… Et si Katy m’avait dit qu’elle avait « dormi » chez mon ami, je me doutais qu’entre deux adultes sachant parfaitement ce qu’ils faisaient, ça ne s’était pas arrêté là.

Je n’avais pas besoin d’un dessin.

J’étais bien content pour eux et fit comprendre doucement à Katy que c’était bien dommage de cacher son bonheur comme elle le faisait derrière sa tasse de café.

Je tirai sur ma cigarette puis en tapai les cendres dans le cendrier. Katy disait que ce n’était pas son bonheur qu’elle cachait mais… que c’était comme si elle voulait retenir le flot de questions qu’elle avait. Je savais que l’amour faisait ça. Même pour moi dont l’amour pour Nell ne datait plus vraiment d’hier, j’avais encore certaines questions…

D’ailleurs, j’en avais posé dernièrement à Duncan, pour me rassurer. Et on en était venus à la conclusion que je n’étais pas vraiment violent, que j’avais juste un caractère de cochon.

Katy disait que ça avait été vite entre eux.

Je souris en coin.

-Vite ? Ça fait des mois que vous vous tournez autour, si vous croyez que ça se voyait pas, c’est raté.

Katy m’avoua que Conrad avait pensé être trop vieux pour elle et elle, ça l’avait fait paniqué parce qu’elle pensait que ça voulait dire qu’elle était trop jeune pour lui.

Je fronçai les sourcils et fis la moue.

-Nous les hommes, on parle pas à double sens comme vous. Si Conrad a dit qu’il se trouvait trop vieux, c’est parce que… Il se trouvait trop vieux. C’est tout.

Katy avait peur de n’être pas assez mature, pas assez femme.

-Non, je ne pense pas que tu ne sois pas assez mature… Au contraire, regarde toutes les responsabilités que tu as ici et que tu gères à la perfection ! Et puis…

Je la regardai de haut en bas et souris.

-Tu es une très belle femme. Une vraie femme, pas une gamine.

Je haussai les épaules.

-Par contre, c’est sûr que Conrad a plus de vécu que toi et est certainement un peu comme moi : un peu moins souple sur certaines choses. On a fait le Vietnam, ça nous a marqué.

@ Billy Lighter

Je n’avais pas besoin d’entrer dans les détails pour que Jordan comprenne que Conrad et moi, la nuit dernière, n’avions pas fait que parler sans voir l’heure passer. Ça m’avait tout de même fait rougie et je m’étais caché derrière ma tasse de café. Si je repensais à la nuit dernière, je pouvais ressentir les mêmes frissons, les mêmes chatouillement. Valait mieux que je n’y pense pas trop, en tous les cas, pas devant Jordan qui se moquerait de me voir rougir encore davantage.

Pour moi, ce qui c’était passé la veille avait été rapide compte tenu justement que cela faisait des mois que je me languissais de Conrad mais Jordan sous entendait tout le contraire en disant que cela faisait des mois que l’on se tournait autour.

- Que l’on se tourne autour ? Je pensais que j’étais seule à tourner en rond pendant tout ce temps.

Jordan devait avoir eu des confidences de Conrad qu’il ne m’avait pas dévoilée et vu la réaction qu’avait eu Conrad hier, cela voulait dire que Jordan avait fait pareil pour moi.

- Ce que je retiens de ce que tu viens de dire c’est que tu es vraiment un bon ami et très discret.

Il aurait plus de cookies ou alors les plus gros lui seraient réservés !

Puisque mon ami était doué pour parler en toute honnêteté et garder le secret des confidences ensuite, je décidais de lui parler de ce qui me tourmentais un peu. Ce que Conrad avait dit avant que je ne panique et lui avoue qu’il était l’élu de mon cœur. Peut-être que cela voulait dire qu’il me trouvait moi trop jeune pour lui.  Je fis la moue en l’écoutant parler, incertaine si c’était rassurant ou non.

Donc, Conrad avait probablement dit qu’il n’était pas dans la course parce qu’il était trop vieux pour moi car il le pensait vraiment. Je me grattais la nuque en soupirant. Hier, une fois l’instant de panique passé, ça avait été parfait et magique ! Conrad avait été doux et je ne m’étais pas sentie dépassé par tout ce que je vivais pour la première fois. Cela dit, peut-être que la différence d’âge nous rattraperait ailleurs, dans un détour insoupçonné.

Ce serait une conversation que nous allions devoir avoir. Je ne réglerais rien de cela en discutant avec Jordan, évidement mais de lui en parler m’aidait tout de même à y voir un peu plus clair. Il me rassura quand il assura que je ne manquais pas de maturité, rien qu’à voir comment je gérais mes tâches et ça me fis sourire.

- Merci, c’est gentil de me le dire.

Jordan et Conrad ne manquaient jamais de me le dire mais cela faisait toujours du bien de l’entendre à nouveau. Jordan continua en ajoutant que j’étais très belle, en sommes, je n’avais pas besoin de m’en faire là-dessus. La suite était un petit peu moins rassurante quant au fait qu’ils avaient tous les deux fait le Vietnam et que ça avait laissé des traces. Forcément, ils avaient vécus un tas de choses, certainement pas toujours plaisantes, mais on disait que la guerre faisait prendre beaucoup en âge, façon de dire à quel point ça vous marquait un homme.

J’aurais voulu demander à Jordan si cette période de sa vie jouait sur sa relation avec Nell mais je me ravisais en me disant que personne ne vivait une situation de la même manière.

- J’ai beaucoup d’amour à lui donner et j’espère de tout mon cœur que cela pourrait l’aider dans les bons comme dans les moins bons moments.

L’amour ne venait pas, hélas, avec un mode d’emploi. J’aurais aimé avoir un recueil dans lequel j’aurais pu y trouver toutes les réponses à mes questions. Je regardais Jordan et lui offrit un sourire sincère. Je ne pouvais pas le feuilleté comme un livre mais il m’avait quand même éclairé assez pour que je puisse faire ma journée sans me torturer l’esprit.

- Et juste au cas, c’est pour toi aussi. Je suis là pour partager tes bons et moins bons moments, parce que tu es un ami et un homme bien !

@ Billy Lighter

Je rigolai et secouai la tête quand Katy affirma qu’elle croyait avoir été la seule à tourner autour de Conrad. Mon ami n’avait pas besoin de tout me dire comme le ferait une femme pour que je comprenne certaines choses, et je le connaissais assez bien pour savoir que Katy, bien que jeune, était tout à fait son type : très jolie, toujours souriante, déterminée quand elle le voulait, qui ne se laissait pas marcher sur les pieds et qui savait ce qu’elle voulait.

-Oh non, tu n’étais pas la seule… Conrad te tourne autour depuis des mois mais je pense que même lui ne s’en rendait pas vraiment compte.

Je haussai les épaules et tapai ma cendre dans le cendrier.

-Mais tu ne l’as peut-être pas remarqué parce que tous les jeunes flics d’ici te tournent autour aussi…

Je la regardai dans les yeux avec un sourire bienveillant.

-Si Conrad et toi, c’est du sérieux, vous feriez bien de le faire savoir pour dégager les jeunes matous en rut.

Evidemment, je fis savoir à Katy que tout ce qu’on se disait ici et maintenant en parlant tout bas resterait entre nous. Ils décideraient de ce qu’ils voudraient faire quand ils seraient prêts. Moi, je ne faisais que conseiller, mais tout ça n’était que mon avis.

Elle m’en était reconnaissante et je lui fis signe que ce n’était rien…

Elle était contente que je glorifie son travail, mais tout ce que je disais n’était que la stricte vérité. Je n’étais ni un menteur, ni un hypocrite… J’étais même plutôt direct même si ça ne plaisait pas toujours à tout le monde.

-Je ne fais que te dire ce que je pense. Sans filtre. Tu me connais.

Quant à ses inquiétudes sur le fait qu’étant plus vieux qu’elle, Conrad en avait vu d’autres, je la prévins que lui comme moi, on était marqué. Ce qui nous rendait parfois pas facile à vivre. Il n’y avait qu’entre nous qu’on se comprenait vraiment, même sans parler, parce qu’on avait vécu les mêmes choses… Les mêmes terribles choses.

Alors Katy restait réaliste, disant qu’elle avait beaucoup d’amour à offrir à Conrad et qu’elle serait là pour le soutenir dans les bons et les moins bons moments.

Je lui souris.

-Tant mieux… Il faudra aussi que tu apprennes à repérer les moments où il aura besoin d’espace… Et peut-être accepter que certaines choses, il ne les dise qu’à moi. Rassure-toi, en générale, ce seront juste de vieux souvenirs qui le tortureront… Rien de personnel envers toi…

Elle affirma que, en toute amitié, elle était là pour moi aussi.

-Je le sais ça…

Conrad revint des archives et me tapa sur l’épaule, me demandant si on y allait. Je me levai, remis mon ceinturon en place et hochai la tête, écrasant ma cigarette.

-On se voit à notre retour Katy.

@ Billy Lighter

J’étais surprise d’apprendre que Conrad aussi avait des vues sur moi alors que je me pensais seule à ressentir ce genre de sentiments. Je me rappelais alors avoir dit à Conrad être amoureuse d’un homme qui ne voyait pas du tout ce que je pouvais ressentir et ça me fis rire doucement de constater que finalement, il n’était pas le seul.

- Eh bien… Il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir, il semblerait !

Conrad et moi avions refusé de voir l’intérêt de l’autre fort probablement par peur de voir nos sentiments non partagés ou parce que nous avions l’impression que nous n’étions pas la bonne personne pour l’autre.

Je fis ensuite de très grands yeux parce que Jordan ajouta que tous les jeunes flics du commissariat me tournaient autour. Et même que Jordan suggérait, si toutefois Conrad et moi vivions un truc sérieux, de l’officialiser pour que les jeunes matous en rut comme il les appelait, cesse de me tourner au tour.

- Ok alors… On fera ça.

Si pour autant c’était sérieux pour Conrad tout comme ça l’était pour moi, il faudrait que nous discutions de comme tous les deux nous voyons notre relation. Depuis le temps que je rêvais de lui, j’étais persuadé qu’il était l’homme de ma vie mais peut-être que je me rendrais compte que nous n’avions pas grand-chose en commun et que je l’avais un peu trop idéalisé. Peut-être que ce serait Conrad qui ferait volte-face en se rendant compte qu’il ne retrouvait pas en moi les qualités qu’il recherchait chez une femme.

Quoi qu’il en soit, discuter avec Jordan me faisait beaucoup de bien. Il ne cherchait pas à dire ce que l’autre voulait entendre et bien qu’il m’avait déjà blessé une fois avec ses paroles, je ne pouvais absolument pas dire de lui qu’il soit menteur ou hypocrite. Il donnait l’heure juste et les compliments sur mon travail me faisait chaud au cœur.

Quand il souligna que je le connaissais, depuis le temps, je rigolais en faisant de grand signe que oui avec la tête.

- Oh que oui ! Et je t’aime tel quel et pas autrement !

Mon plus grand désir pour l’instant était de pouvoir prendre soin de Conrad et de lui offrir l’amour et le soutient dont il pourrait avoir besoin dans les bons et les moins bons moments. Je ne tenais pas non plus à brusquer ses habitudes de vieux garçon tout comme je savais que j’aurais moi aussi besoin de mon propre espace. Le tout serait de se doser, de trouver nos marques. Nous allions établir notre rythme à deux, tous les deux.

- Je comprends ce que tu me dis et je ferai tout ce que je peux pour être à la hauteur. Je ne peux qu’imaginer combien traumatisant tout cela à pu être pour vous.

Et tout comme j’étais prête à le faire pour Conrad, j’étais là aussi pour Jordan, comme une fidèle amie et collègue de travail.

Conrad arriva à se moment, prêt pour partir en patrouille avec Jordan et ce dernier se leva tout en me saluant. Je me levais à m on tour et les suivis jusqu’à mon bureau alors qu’eux passèrent la porte du commissariat. J’avais beaucoup de choses auxquelles réfléchir mais contrairement à mon arrivée ce matin, maintenant j’y voyais plus clair et j’étais rassurée !

@ Billy Lighter