J’avais les mains moites comme jamais et je me tordais les doigts nerveusement. J’étais assis face au juge, mon avocate, Maître O’Niel debout à plaider ma cause à côté de moi. C’était la famille de Conrad qui m’avait conseillé cette avocate, une Irlandaise, comme eux… Et elle était très bien dans ce qu’elle faisait !

Elle plaidait ma cause avec ferveur, et avec la hargne propre à ses origines…

Mais on savait, alors qu’on en était aux conclusions, que c’était une dernière tentative désespérée pour gagner les faveurs du juge.

Parce que face à nous, l’adversaire était féroce. Ward avait eu une chance de cocu et avait eu comme avocat pro bono le fameux Maître Louis. Et je ne savais pas comment, mais il avait réussi à rendre irrecevable l’évaluation psychiatrique que mon avocate avait demandée… Et ce alors même que j’avais déclaré être prêt à me faire évaluer moi aussi pour que ce soit équitable.

Dans son box, Ward avait un sourire mauvais. Il sentait sa victoire venir et de temps en temps, nos regards se croisaient.

Et je n’étais pas fier…

Parce que je n’avais pas grand-chose pour contrer Ward. Tous les vieux dossiers que j’avais ressorti pour prouver qu’il n’était pas un homme bien, pas un homme capable de s’occuper de Grant convenablement étaient des preuves édifiantes… Mais elles étaient caduques car Ward avait déjà été jugé et avait payé pour tous ses crimes passés.

Et on avait aucune preuve tangible comme quoi il n’aurait pas changé.

On avait bien parlé, enfin, Maître O’Niel avait parlé de la récente attaque à l’arme blanche de laquelle Ward avait été victime mais tout le problème était là : dans cette affaire, il était une victime. Même si pour moi, ça prouvait que Ward allait toujours dans des endroits peu fréquentables.

Quant aux dernières volontés de Daisy, et bien c’était tout ce qui me restait… Les vœux de la mère décédée de Grant… Mais Maître Louis l’avait discréditée en mettant en avait le fait que Daisy avait été une junkie, une dealeuse et probablement aussi une prostituée et qu’elle ne valait donc pas mieux que le Ward que je connaissais et qu’il n’était pas sûr que ces dernières volontés avaient été rédigées en pleine connaissance de cause.

J’étais abasourdi…

Mon avocate aussi.

On était en train de se faire bouffer… J’allais perdre Grant… Et ça me rendait triste et me faisait mal au cœur.

-Votre Honneur, je vous prie d’ouvrir les yeux ! Ward Fleming est peut-être le père biologique de Grant Custer, mais c’est aussi un homme qui tire bien des casseroles derrière lui ! A-t-il changé ? Rien n’est moins sûr ! Tout ce que nous avons, c’est sa parole comme quoi la récente attaque dont il a été victime est un malheureux hasard et non pas un règlement de compte lié à un trafic avec les gangs de la ville ! Mon client, votre Honneur, est au contraire un homme dévoué, qui rend jour après jour service à son pays et à cette ville. Monsieur Keller a une morale à toute épreuve et des valeurs importante pour un enfant tel que Grant, qui a besoin d’un cadre strict et stable.

Maître O’Niel marqua une pause et soutint le regard du juge et clama avec ferveur :

-Je vous prie, votre Honneur, de voir au-delà de l’écran de fumée outrageusement lancé par Maître Louis et, surtout, de respecter les dernières volontés de Daisy Custer et de comprendre pourquoi elle avait une peur bleue de Monsieur Fleming qui est tout, sauf un homme respectable.

Elle vrilla Maître Louis du regard.

-J’ai terminé, votre Honneur.

Mon cœur battait la chamade… Tout ce que je pouvais espérer, c’était que le juge ne se laisse pas gentiment bercé par l’avocat de Ward et verrait au-delà du test de paternité, au-delà du beau discours de repentir de Ward…

Je serrai les dents, attendant le verdict, le regard angoissé.  

@ Billy Lighter

Ward Fleming et moi faisions face à Jordan Keller et à son avocate, Maitre O’Niel. Elle avait du mordant l’avocate du flic mais pas assez de chien. Elle aboyait fort mais manquait de souffle et de substance ce qui m’avait grandement facilité la tâche pendant ce procès. J’avais accueilli chaque preuve avec un large sourire avant de les démonter une par une avec une facilité effrayante.

Je m’étais dit confiant depuis le début et quand le juge avait accepté ma demande d’irrecevabilité de l’évaluation psychologique de mon client, je lui avais murmurer à l’oreille que la victoire était dans notre poche. À partir de ce moment, tout ce que Keller et O’Niel avaient entre leurs mains ne tenait que de supposition.

Je m’objectais en m’exclamant ’’Ouï-dire, votre honneur!’’ à tout bout de champ tant et si bien que le juge, à un moment, demanda à Maitre O’Niel si elle n’avait pas mieux que des rumeurs à présenter à la cours. Une vraie mascarade dont je me délectais.

Fut enfin le temps du plaidoyer, le dernier tremplin avant que le juge ne se retire pour revoir ses notes et le résumé de la cause avant de rendre son jugement. Maitre O’Niel n’y alla pas de main morte. Son monologue transpirait la fougue du désespoir. Elle tentait le tout pour le tout afin de gagner la faveur de notre honorable. Elle faisait pitié à voir.

- Qu’on lui lance une bouée, la pauvre., avais-je murmuré à l’oreille de mon client qui s’était comporté tout au long du procès, comme un père accablé.

Puis ce fut mon tour de me lever et de prendre la parole. Je fis reculer ma chaise et me levais en prenant soin d’attacher le bouton de mon veston et je m’avançais. Je pris bien mon temps avant de parler, j’aimais entendre ce silence lourd qui étirait inutilement le supplice.

- Votre honneur, mon éminente collègue Maitre O’Niel s’est présentée devant vous avec un magnifique plaidoyer. Jordan Keller, un policier aimé et respecté de ses paires, a agi jusqu’alors à titre de tuteur pour le jeune Grant Custer, selon les prétendues dernières volontés de Daisy Custer. J’utilise à bon escient le mot prétendu puisque ma collègue n’a pas pu démontrer que la défunte femme, connue comme étant une prostituée et toxicomane, avait couché sur papier ses dernières volontés en toute lucidité. Paix à son âme.


Mon client s’est présenté ici parce que le clan Keller a fait la sourde oreille sur ses demande d’entrer en relation avec le jeune homme. Il est victime d’une réputation montée en épingle sur des faits passés pour lesquels il a déjà payé. Cela constitue ce qui pourrait ressembler à de la persécution policière. Pourtant, ne s’est-il pas rangé avec les années ? N’a-t-il pas fait la preuve qu’il était devenu quelqu’un de respectable, occupant un emplois stable, marié et père d’une adorable petite fille qui grandit dans un foyer saint et emplis de l’amour de ses parents ? C’est ce que mon client ne demande qu’à offrir à Grant, son fils biologique.


Ma collègue a tenté maladroitement de discréditer mon client en se basant sur d’innombrables ouï-dire votre honneur !  Et elle ose parler d’écran de fumée ? Votre honneur, permettez-moi de suggérer à Maitre O’Niel de retourner faire ses classes. On ne peut bâtir une preuve sur des impressions et des ouï-dire, autrement, tout le monde pourrait accuser tout le monde, ce serait un cercle infernal et beaucoup trop de travail moi un serviteur de la cours, tel que moi.


Je vous demande donc, votre honneur, de faire abstraction de ces calomnies et de ne vous baser que sur les faits. Ward Fleming, un père de famille, marié, qui a fait ses preuves devant cette même court pour obtenir la garde de son fils dont il a été privé depuis sa naissance !


Je vous remercie votre honneur. J’ai terminé.

À nouveau, je pris mon temps pour retourner à ma place. Je regardais le clan adverse dont l’humeur semblait valser entre le dépit et la haine. Maitre O’Niel accepterait peut-être d’aller boire un verre quand le magistrat aura rendu son verdict et je pourrai lui apprendre quelques rudiment du métier et plus si affinité.

@ Billy Lighter

Keller avait sa tête des mauvais jour alors que son avocate était prête à s’avancer pour envoyer ses conclusions après un procès que mon propre avocat avait gérer d’une main de maitre. Il faut dire que, depuis que Maitre Louis avait réussi à empêcher que qui que ce soit passe une évaluation psychologique, j’avais bien compris que j’avais déjà à moitié gagné bien que mon avocat, lui, m’avait dit que c’était déjà gagné d’avance.

Jordan et son avocate, une Irlandaise à l’accent agaçant, n’avait pas grande chose, il faut dire, pour contrer mes faits. Ma réputation dans l’Eastside et ailleurs ne tenait pas la route dans une cour de justice et le juge avait retenu toutes les objections de Maitre Louis. Tout ce qu’avait Keller, finalement, était le testament de Daisy mais le passé de la mère de Grant ne jouait pas en sa faveur. Elle aussi avait fait partie des gangs et ça avait décrédibilisé ses écrits pour la simple et bonne raison qu’elle n’était pas là pour prouver qu’elle avait fait se testament en pleine possession de ses moyens.

Quant à moi, j’avais joué les repentis. J’avais mis en avant le fait que j’avais, certes, un passé peu reluisant mais que j’avais changé. Sky et Heaven ainsi que le contrat que m’avait donné le patron du Wild pensait bien plus dans la balance que les rumeurs de Keller. Pourtant, c’est pas faute que son avocat avait mis en avant le fait que mon nom était cité dans des affaires en cours. Mais je n’y étais que cité et rien ne disait que tout ça n’était pas des fausses pistes. Quant aux crimes que j’avais fait avant, j’avais déjà payé pour ça et comme Amon le disait si bien, on ne peut pas être jugé deux fois pour la même chose.

O’Neil s’avança quand même la tête haute et commença ses conclusions. C’était limite une supplication au point que Maitre Louis me glissa une remarqua à l’oreille qui ne fit qu’agrandir le sourire que j’avais sur le visage.

Une sourire que Keller, lui, n’avait pas alors que j’avais croisé son regard. Il savait qu’il allait perdre… Et ça ne l’enchantait pas.

Pourtant c’est pas faute que Maitre O’Neil chantait ses louages mettant en avant le statut de flic de Keller. Comme si ça lui permettait d’avoir plus de droit que les autres citoyens. C’était n’importe quoi.

Elle conclu sur les dernières volontés de Daisy et ce fut, ensuite, à Maitre Louis d’entrer en scène.

Et il y alla d’un speech de son cru. Il décrédibilisa encore Daisy, parla de mon passé et de mon repentir, il remit en avant les rumeurs et le fait que je payais mon ancienne réputation. J’étais peut-être un tueur mais les avocats, eux aussi, étaient des sadiques quelque part. Parce que je voyais bien que Maitre Louis était en train de briser Jordan Keller psychologiquement parlant.

C’était beau à voir.

Il conclu en beauté et rejoignis sa place. Je lui souris avant de jeter un œil vers Keller et de fixer, ensuite, le juge qui pris la parole :

-Merci pour vos conclusions Maitres. Je vais me retirer afin de vous donner le verdict.

Il tapa de son marteau nous laissant une courte pause. Parce que je doutais qu’il aurait besoin de beaucoup de temps pour donner son verdict. Je sortis de la salle en compagnie de Maitre Louis qui, je devais l’avouer, n’avait pas usurpé sa réputation. Je ne manquai pas de lui dire avant d’aller boire un coup sans aucun regard pour Jordan Keller. Et j’eus à peine le temps de faire ça qu’on nous rappela pour le verdict.

On reprit place dans la salle.

Et le juge nous fixa.

-Sachez, tout d’abord, que dans le cas d’une garde, l’état cherche toujours à ce qu’il grandisse dans sa famille d’origine. Or, Monsieur Edward Fleming, n’a pu exercer ses droit, ni même approcher l’enfant sans qu’aucune décision de justice ne soit prise contre lui et par la seule décision de Daisy Custer et, par après, de Jordan Keller. Je comprends la volonté de Monsieur Keller de protéger l’enfant et les dernières volontés de Daisy Custer mais il ne peut décider de soustraire le père biologique de l’enfant d’approcher ce dernier sans preuve évidente que Monsieur Fleming est un homme pouvant mettre en danger son propre fils. Un fils qui a confié devant cette cours qu’il souhaitait vivre au moins en partie chez son père qu’il désir connaitre. De ce fait et malgré que je respecte les valeurs de l’Inspecteur Keller, je restitue le droit de garde totale à Monsieur Edward Fleming. La décision prenant effet immédiatement.

Il tapa de sons marteau et je levai mon poing en signe de victoire. Je me levai ensuite serrant la main de Maitre Louis.

-C’était du grand art.

Je devais bien l’avouer.

Je m’approcha, ensuite, de Keller qui parlait à son avocat. Je lui tendis la main cherchant à voir s’il allait la serrer.

-La décision ne signifie pas que je l’empêcherais de te voir, Keller. Je ne suis pas comme ça moi. Tu t’es bien battu.

Prends ça dans tes dents.

@ Billy Lighter

Ma nervosité ne se calma pas avec le plaidoyer de Maître Louis, l’avocat de Ward… Je n’avais pas grand-chose et il ne se gêna pas pour mettre ça en avant, ajoutant que désormais, Ward était marié, avait une fille et travaillait en toute légalité au Wild… Ils avaient même fourni son contrat de travail !

J’en venais à me demander si je ne me trompais pas sur Ward… Si Maître Louis n’avait pas raison et que je ne me basais que sur des rumeurs et un testament rédigé par une femme qui n’aurait pas été en pleine possession de ses moyens à ce moment-là… Si pas par la drogue, par sa maladie.

J’en avais le cœur serré… Parce que j’allais perdre Grant et que je m’étais fortement attaché au petit garçon… Je le considérais comme mon propre fils.

Et quand le juge, après le monologue de Maître Louis, déclara qu’il se retirait pour délibérer, je frottai mon visage à deux mains… Tandis que dans le clan Fleming, ça jubilait déjà…

Maître O’Niel posa sa main sur mon épaule en signe de soutien, mais ne dis rien si ce n’était qu’on pouvait se retirer de la salle le temps de la délibération.

-J’ai absolument besoin d’une clope…

C’est ce que je fis, dans le couloir de la salle d’audience et j’eus tout juste le temps de la fumer… Ward était tout sourire et sautillait presque autour de son avocat… Alors que moi, je devais avoir une tête de déterré.

On fut ensuite invités à entrer à nouveau et à reprendre nos places.

Et le juge rendit son verdict.

J’avais perdu… J’avais perdu Grant. Le juge ne se calqua même pas sur le souhait de Grant lui-même qui aurait voulu vivre à moitié chez moi et à moitié chez Ward.

Il donna la garde totale à Fleming.

Le juge se retira à nouveau et Ward et son avocat se congratulèrent l’un l’autre… Maître O’Niel, elle, reposa sa main sur mon épaule et pris un air accablé…

-Je suis désolée, Jordan. Je sais à quel point ce garçon est important pour vous…

Je lui offris un pauvre sourire.

-Vous avez essayé, je ne vous en veux pas, merci…

Je me levai et vis Ward s’approcher de moi… Je le fusillai du regard, les yeux dans les yeux. Il me tendit la main en affirmant qu’il me laisserait voir Grant, LUI.

Je serrai sa main, un peu fort, plus pour le tenir d’un air menaçant que dans un geste de fair-play.

-T’as intérêt à bien t’en occuper. Au premier faux pas, je te jure que je relancerai la procédure.

Je comptais bien continuer à voir Grant, ne serait-ce que pour m’assurer qu’il était en sécurité. Je lâchai la main de Ward.

-Bon, je me tire… J’ai les bagages d’un enfant à préparer.

Je plantai là tout le monde et sortis de la salle.

Il me fallait une clope… Plusieurs… Et je n’avais pas envie qu’on voit les larmes qui s’accumulaient au bord de mes paupières.  

@ Billy Lighter