Lucky avait déjoué tous les pronostics ! Dans trois mois, il aurait déjà deux ans et il n’avait jamais eu les problèmes qui caractérisaient les grands prématurés comme lui : pas de problème de cœur, de foie ou de poumons… Après, il ne disait encore que quelques mots comme « maman », « papa » et « guitare » ainsi que quelque chose qui ressemblait vaguement à « Jake ». Mais il fallait lui laisser le temps.

Par contre, il avait rattrapé son retard de croissance, probablement parce qu’il tenait de moi sa carrure ainsi que ses cheveux blonds. Il était presque aussi grand que les enfants de son âge et marchait aussi déjà, même s’il restait très maladroit et tombait souvent. Mais ni ça, ni son léger retard de langage n’inquiétait son pédiatre qui était impressionné de ses évolutions à chaque fois qu’on avait une visite.

Souvent, pour lesdites visites, on s’arrangeait pour y aller à deux, avec Carolyn. Parce que ça nous semblait important. Mais parfois nos métiers respectifs faisaient qu’on avait pas le choix d’y aller seul mais c’était quand même rare. Pour Lucky, on aurait tout mis en pause.

Tout allait très bien avec Carolyn. N’étant pas marié à l’époque de notre séparation, on avait pas eu besoin de passer par un tribunal. De toute façon, on s’entendait bien, même si on était pas faits pour vivre en couple. On avait tout fait à l’amiable, que ce soit pour les gardes de Lucky (qu’on pouvait ainsi arranger en fonction de nos disponibilité mais toujours dans un souci d’égalité) ou pour l’argent que j’avais tenu à verser à Lynn.

C’était une rente qu’elle recevait chaque mois, une belle somme d’argent. Au départ, elle n’avait pas voulu autant, mais j’avais insisté en lui expliquant que je voulais qu’ils aient tous les deux une vie confortable et que je gagnais beaucoup plus que Carolyn avec son job de serveuse au Canter’s Deli.

Finalement, elle n’avait eu d’autre choix que d’accepter.

Aujourd’hui, je devais reconduire Lucky chez sa mère pour qu’il y passe la prochaine semaine. Lucky m’avait aidé à faire son sac, amenant les jouets qu’il voulait prendre chez Lynn. Il était particulièrement fier du petit camion-benne jaune que Clepto lui avait offert, comme ça, sans occasion bien définie. Il avait vu le camion dans un magasin de jouet et l’avait acheté.

On embarqua ensuite dans la voiture et je l’attachais précautionneusement sur le siège arrière. J’étais toujours sobre, même si certains jours, c’était dur de tenir, surtout quand les autres membres du groupe qui vivaient au manoir avec moi, ne faisaient, eux, aucun effort et buvaient à toute heure du jour ou de la nuit.

Mais j’avais mon fils et pour lui, j’aurais fait des efforts surhumains.

Une fois derrière le volant, la petite voix de Lucky m’interpella.

-Papa ! Papa !

Je levai les yeux vers le rétro. Il pointait l’autoradio. Il voulait écouter Roadtramp en fait.

-Ok Lucky !

Je fis entrer la cassette dans le lecteur et Sanitarium, puisque c’était la première chanson de l’album, emplit l’habitacle.

♫

Je démarrai la voiture, une Alfa Romeo GTV6 de cette année… C’était Daniele qui m’avait conseillé cette voiture. Parce qu’elle était italienne, je crois.

Bref, j’arrivai bientôt dans l’Eastside et Lucky s’était endormi à l’arrière. J’eus la chance de pouvoir me garer juste devant l’immeuble de Carolyn et elle du voir la voiture arriver parce que le temps que je fasse le tour de mon véhicule pour aller chercher le sac de Lucky dans le coffre, elle était sur le palier.

Je lui fis signe de la main.

-Salut, Lynn !

Je posai le sac par terre le temps de réveiller doucement mon fils et de le détacher.

-Lucky, on est arrivé chez maman.

Il ouvrit alors grand les yeux et je le mis sur ses deux pieds sur le trottoir. Il trottina jusqu’à sa mère en lui tendant les bras.

-Maman !

Je m’approchai en souriant et fis la bise à la mère de mon fils. Puis je soulevai fièrement le sac.

-Je crois que j’ai rien oublié, mais si il manque quelque chose, n’hésite pas à téléphoner, je te rapporterai ce qu’il faut.

@ Billy Lighter

Je guettais l’arrivée d’Eddy par la fenêtre de mon salon. J’étais installée là, un livre sur mes genoux mais je n’arrivais pas à me concentrer. J’étais excitée de revoir mon fils qui venait de passer sa semaine avec son papa. L’idée de pouvoir l’endormir en lui lisant une histoire m’emballais, j’adorais ce genre de petits moments que nous partagions, de le regarder grandir et apprendre chaque jour. Ça me rendait fière de voir à quel point il était fort, ce petit humain à qui les médecins n’accordaient pas beaucoup de chance avant même sa naissance.

J’avais fait le plein d’énergie cette semaine parce qu’en toute honnêteté, je ne pouvais pas dire que la garde partagé était pénible la semaine pendant laquelle Eddy avait notre fils. Je pouvais passer des heures au lit avec Jake, aller travailler sans faire de jonglerie dans mes horaires, flâner dans le bain pendant une heure si j’en avais envie. Il y avait du bon dans l’arrangement qu’Eddy et moi avions, il convenait à tout le monde et le plus beau là-dedans, c’était que Lucky avait la chance de grandir auprès de ses deux parents même si nous ne vivions pas ensemble.

Si Lucky me manquait trop, j’étais libre, tout comme Eddy l’était quand notre fils était chez moi, d’aller le voir ou de passer un coup de fil. Nous pouvions être fier de la belle entente que nous cultivions car de plus en plus, nous entendions des histoires tristes de séparations dans lesquels les enfants étaient complètement coupés de l’un ou l’autre de leur parent pendant qu’ils étaient chez l’autre. Ce n’était pas notre cas et bien que nous ne connaissions pas l’avenir, je n’avais aucune raison de croire que les choses évoluent autrement. Eddy était heureux que j’ai trouvé l’amour auprès de Jake et j’avais hâte qu’il m’annoncer avoir lui aussi rencontré l’âme sœur de son côté. Je lui souhaitais tout le bonheur du monde car Eddy le méritait.

Quand la voiture d’Eddy se stationna tout juste devant mon building, je me levais d’un bon faisant tomber mon ivre au sol et je descendis l’escalier pour aller rejoindre mon fils et son papa, dans la rue. Je devais parler à Eddy d’une proposition qu’on m’avait fait au boulot. C’était une très belle opportunité mais nous allions devoir discuter d’horaire.

- Lucky !

J’adorais cette belle petite voix qu’avait mon fils et la manière dont il s’exclamait quand il nous voyait. Chaque fois, c’était comme s’il venait d’entrer dans un magasin de jouets ! Lucky marcha jusqu’à moi et je lui ouvris les bras pour l’accueillir et je le couvrais de baiser quand je pu enfin le serrer contre moi tout en le soulevant. Eddy nous rejoignit et me fit la bise avant de me montrer le sac, fier de me dire qu’il n’avait rien oublié.

- D’accord, je regarderai plus tard mais je suis certaine que tu as pensé à tout.

Eddy assurait comme père, alors qu’au tout début, il doutait de ses capacités. J’avais douté, moi aussi, quand notre semblant de couple avait définitivement coulé à pic. J’avais eu tout faux et heureusement. Mon fils n’aurait pu avoir meilleur père qu’Eddy.

- Tu es pressé ? Tu peux monter un moment ? J’aimerais discuter de quelque chose avec toi. On m’a fait une offre et, comme forcément tu as concerné, je crois que le mieux serait d’en parer en prenant un verre de limonade.

Eddy ne buvait plus ou alors que rarement. Je préférais lui offrir une limonade qu’une bière, de toute façon, je n’en avais même pas dans mon réfrigérateur.
Lucky pointait vers la prote et je rigolais.

- Oui, c’est là qu’on va mon grand ! Tu pourras aller virer sans dessus dessous tous tes bacs de jouets que j’ai bien rangés pendant que tu faisais la même chose chez papa !

@ Billy Lighter

Carolyn réceptionna le petit et le souleva dans ses bras alors que je marchais la distance qui nous séparait. J’avais le sac de Lucky en main et après l’avoir fièrement montré à Lynn, je caressai d’un doigt la joue de mon fils qui jouait avec le pendentif que sa mère portait au cou. Elle était sûre que j’avais pensé à tout et ça me fit sourire. Au début, avant que j’aille en désintox’ et que je retrouve un peu mes esprits, j’étais vraiment nul pour faire le sac de Lucky.

Je regrettais pas d’être allé au Snow White pour un temps, sérieusement. Et je savais que si jamais, par malheur, un jour, je replongeais, je pouvais compter sur les médecins et autres éducateurs du Snow White pour me sortir de l’impasse. Parce qu’on m’avait bien dit que l’alcoolisme était une maladie qui ne guérissait jamais vraiment.

Mais heureux comme j’étais, je ne voyais pas pourquoi je replongerais. En fait, le plus dangereux, c’était les tentations aux nombreuses fêtes qu’on faisait… Ou alors lors des longues sessions d’enregistrement qui m’asséchaient la bouche à force de chanter.

Carolyn me demanda si j’étais pressé… Elle voulait me parler d’un truc et m’invitait à monter pour discuter.

Je haussai les épaules en souriant.

-Non, je ne suis pas pressé. On enregistre que demain.

Je lui fis un clin d’œil. Content qu’elle ait pensé à ne pas m’offrir une bière mais un verre de limonade.

-Va pour le verre de limonade ! Surtout si c’est celle que tu fais toi-même ! Elle est tellement bonne.

Lucky était pressé d’entrer retrouver ses jouets et ses peluches à l’intérieur. Je rigolai quand Carolyn lui dit qu’il pourrait foutre le bordel.

-J’ai trouvé un truc pour qu’il range tout seul comme un grand. Clepto lui a offert un camion benne, il est dans le sac. Alors il met les Lego et autres jouets dans la benne et il décharge ensuite le camion dans les bacs.

C’était un truc comme un autre et puis en plus ça amusait Lucky.

On monta par l’escalier, Lynn portant Lucky et moi le sac et je redécouvris encore une fois l’ancien appartement de Sniper. Ce que j’adorais, parce que je trouvais l’idée géniale, c’était le mur signé par les différentes personnalités que Lynn avait rencontrées. C’était design et en plus ça donnait du cachet à l’appartement.

Je posai le sac sur le divan et passai ma main sur le mur.

-Pas de nouvelle signature ? Pourtant Jake doit en rencontrer des gens ! J’ai entendu son interview de Livia, c’était très intéressant. Ma petite sœur gère à mort pour l’instant.

Je me retournai vers Lynn avec un regard entendu.

-Ça va avec Jake ? En tout cas, tu rayonnes.

@ Billy Lighter

Eddy était certain de n’avoir rien oublié en faisant le sac de Lucky et je n’avais aucune raison d’en douter. Je savais qu’il faisait tous les efforts pour le bien de notre fils et même que, il faisait tellement bien ça que ça lui venait maintenant naturellement. De toute façon, s’il avait oublié d’ajouter un truc, rien ne m’empêchait d’aller le chercher ou lui de venir me l’apporter et ainsi, prendre un moment pour revoir notre fils.

Lucky dans mes bras, je demandais à Eddy s’il était pressé de partir car en fait, j’aurais bien aimé qu’il monte chez moi pour que je discute avec lui de quelque chose qui selon moi se faisait en face et non au téléphone.

- Faite de mes blanches mains ce matin même !

Eddy aimait bien ma limonade, peut-être parce que je la faisais vraiment moi-même et pas avec des sachet de poudre à saveur chimique de citron trop acide. J’avais pris la recette au Canter’s mais je l’avais un peu modifié pour lui donner plus de caractère car au Canter’s, elle était surtout servie avec de la vodka. Je n’allais certainement pas ajouter de la vodka au verre de mon ex petit ami ! Lui qui était passé par la cure pour se défaire de son addiction à l’alcool pour avoir les idées claires quand il avait notre fils avec lui.

Lucky était pressé de retrouver ses jouets certainement pour y foutre le bordel et Eddy lui, m’expliqua que grâce au camion benne que lui avait offert tonton Clepto, Lucky pouvait y mettre les jouets dedans et les ranger ensuite.

- Très intelligent comme manœuvre ! Il s’amuse tout en rangeant, je retiens l’astuce, merci !

Pas que le bordel m’énervait particulièrement mais marcher sur un lego était fort probablement haut dans la liste des tortures que les parents devaient endurer quotidiennement.

Une fois dans l’appartement, Eddy remarqua qu’il n’y avait pas de nouvelles signatures sur mon mur. Je rêvais de le voir rempli mais ce n’était pas forcément évident de demander à une célébrité de venir chez moi signer mon mur.

- Je ne désespère pas, un jour il sera rempli !

Je ne perdais pas de vu mon objectif. Peut-être qu’Eddy viendrait ici avec Livia et peut-être que Jake inviterait de ses connaissances à venir signer le mur. Si nous ne demandions pas, nous ne saurions jamais si des gens accepteraient !

Je déposais Lucky au sol et il s’en alla illico presto à sa chambre d’où un bruit de bac de jouet qui se renverse de fit entendre. Je rigolais en secourant la tête puis j’allais moi à la cuisine sortir le pichet de limonade et deux verre dans lesquels je mis des glaçons avant d’y verser la limonade.

- Écoute, on nage dans le bonheur. Je l’aime vraiment beaucoup et je sens que c’est réciproque

Ce n’était pas une pique envers ce qu’Eddy et moi avions vécu, loin de là. Je pouvais être sincère avec Eddy et lui confier sans me censurer ce que je ressentais. Lui et moi avions été trop rapide sans vraiment faire exprès de l’être et ça nous avait contrains à quelque chose dont nous n’étions pas prêts. La vie était tout de même bien faite car de cette situation, nous en étions sortit grandis tous les deux et plus unis que jamais !

- Si je voulais te parler, c’est que le Canter’s m’a fait une grosse offre qui pourra m’apporter beaucoup pour le travail mais ça va compliqué les choses pour un temps avec notre garde partagé. Je voulais voir avec toi les possibilités avant d’accepter ou refuser la proposition.

Je n’étais pas à court de ressource mais comme Lucky était le centre de ma vie et celle de son papa, je trouvais légitime d’en discuter avec lui en premier.

@ Billy Lighter

Lynn voulait me parler d’un truc et me proposa une limonade que j’acceptai avec enthousiasme. Même quand j’étais au plus profond de mon alcoolisme, soit au début de notre relation, je buvais parfois sa limonade. Je crois qu’à l’époque, c’était le seul truc non alcoolisé que je voulais bien ingurgiter. Et elle me confirma qu’elle l’avait bien faite elle-même.

Je supposais que ce qu’elle avait à me dire n’était pas très grave parce qu’elle gardait le sourire, parlait doucement à Lucky et tout ça. Peut-être qu’elle allait m’annoncer son mariage avec Jake ! Ce serait tellement bien pour eux ! Et pour Lucky aussi qui aimait vraiment bien Jake.

Je racontai à Lynn comment j’avais fait pour trouver comment faire ranger Lucky tout seul et elle trouva ça intelligent. Je rougis un peu et me grattai l’arrière de la tête.

-Merci pour le compliment.

A l’intérieur de l’appartement, je m’étais extasié sur son mur de signature, effleurant celle de Sniper qui était aussi l’ancien propriétaire de ce lieu. Lynn m’avait raconté qu’il avait fallu plus que de l’huile de coude quand elle était arrivée ici pour le remettre à neuf parce que les 11 ans de réclusion de la légende du rock dans cet appart avait laissé pas mal de trace qui avait témoigné de ses années les plus sombres.

Mais maintenant, tout était nickel et décoré avec goût. Je repérai au porte-manteau une veste d’homme qui devait être à Jake et ça me fit sourire.

Lynn, elle, disait qu’un jour, son mur serait rempli. Il y avait déjà la signature de tous les membres de Roadtramp, évidemment, puisqu’un jour que je ramenais Lucky, on  était tous venus ensemble exprès pour ça.

-Mmm… Je pourrais aussi te ramener des gens pour signer, peut-être… Howard Stone et David McAvoy par exemple. Fireworks. Je suis sûr qu’ils seraient pas contre de le faire. Ils sont fort accessibles.

Et comme on se croisait dans les studios maintenant qu’ils étaient chez BSC…

-Enfin… S’ils restent chez BSC, sinon ça va être plus compliqué.

Parce que Howard avait menacé de retirer son groupe de chez BSC. Ça m’avait fait réfléchir. Mais j’adorais Daniele et je n’avais jamais rencontré Jimmy Reed alors je voyais pas vraiment de raison de faire un coup de pute à notre manager.

Je changeai de conversation et demandai à Lynn comment ça allait pour elle et Jake. Je m’approchai de la table de la cuisine où elle nous avait servi à chacun un verre de limonade.

-Merci pour la limonade. Et je suis content pour toi et Jake. Je pense que ça lui faire du bien à lui aussi. Quand on l’entend à la radio il a l’air plus détendu et épanoui.

J’étais sûr que Lynn y était pour quelque chose.

Puis elle entra dans le vif du sujet, à propos de ce qu’elle voulait me parler. Ce n’était pas d’un mariage mais de son boulot au Canter’s… Je lui souris.

-Si c’est intéressant pour toi, tu sais qu’il n’y a aucun problème ! C’est plus facile pour moi d’emmener Lucky aux studios que pour toi de l’emmener au restaurant. En plus ça me ferait plaisir qu’il soit plongé dans la musique dès le plus jeune âge. Je sais pas ce que tu en dis ?

@ Billy Lighter

J’allais certainement me server du truc du camion benne pour faire ranger Lucky ses jouets qu’il adorait disperser tout partout où il trouvait un bout de plancher. C’était à croire qu’il n’aimait que faire ça, éparpiller ses jouets au plus grand qu’il le pouvait et s’il jouait comme ça chez son papa, il devait y passer sa semaine !

Une fois à l’intérieur de mon appartement, Eddy regarda pour voir s’il c’était ajouté de nouvelles signatures à mon mur. Malheureusement, il ne se remplissait pas aussi vite que je le souhaitais mais je ne perdais pas de vue mon objectif. Puis pour m’encourager, Eddy proposa de demander à Howard Stone et David McAvoy de passer un de ces quatre, pour autant qu’ils soient encore chez BSC. Comme à peu près tout le monde à Los Angeles, j’avais aussi lu l’article dans L.A.People qui rapportait sans détour, ce que pensais Howard Stone du grand patron de sa maison de disque.

- J’ai lu l’article. Howard n’a pas l’air de vivre sa meilleure vie en ce moment.

Ça semblait être l’hécatombe, même !

Je nous servis chacun un verre de limonade pendant que Lucky avait déjà trouvé à renverser l’un de ses bacs de jouets et Eddy lui, voulait savoir comment ça allait entre Jake et moi. Ça me fit rougir avant que je ne lui réponde que tout allait vraiment très bien à ce niveau.

- Je pense aussi qu’il a l’air plus détendu mais je ne voulais pas croire que c’était à cause de notre relation. On dirait que ça me donne le vertige mais tu vois, un bon vertige ?

Puis avec Jake, nous prenions notre temps pour ne rien brusquer. Nous avions trouvé un bon rythme et nous avions nos espaces respectifs quand nous en avions besoin. Je n’étais donc pas à temps plein dans ses bras quand Lucky était chez son papa. D’être seule de temps en temps me permettait de faire le vide dans ma tête, de faire des trucs qui ne plaisait qu’à moi et pendant ce temps-là, Jake vaquait à ses propres occupations de son côté et lorsque nous nous retrouvions, nous en étions que plus heureux encore.

Mais ce n’était pas pour parler de ma relation de couple si j’avais demandé à Eddy de venir boire une limonade chez moi. Au travail, on m’avait fait une belle proposition qui allait me permettre d’acquérir beaucoup de responsabilités mais comme cela impliquait également une grande période d’adaptation, je devais en discuter avec Eddy qui se disait déjà prêt à réorganiser son horaire.

- C’est un petit peu plus compliqué que ça mais je suis certaine qu’il n’y aura pas de problème. En fait, le Canter’s me propose de devenir leur sommelière en chef et m’offre une formation de trois semaines en Italie…

C’était là que la réorganisation d’horaire entrait en jeu par la grande porte d’en avant. Eddy devrait prendre Lucky chez lui pendant un petit peu plus de trois semaines, le temps où je serais absente puisque je ne pouvais pas l’amener avec moi là-bas, bien que ce serait une belle expérience à vivre.

- Donc, je suis tout à fait en accord pour qu’il te suive en studio, il aimera voir ce que papa et ses oncles font. Et qui sait si ça ne lui donnera pas la piqure de la musique, mais est-ce que ce sera trop intense trois semaines ? Je veux dire, Lucky vous interrompra peut-être pendant vos sessions d’enregistrement.

Je ne voulais pas non plus que Roadtramp se place en arrêt parce que moi j’avais décidé de partir pour trois semaines.

- Il y a la garderie et Jake aussi, je suis certaine qu’il sera ravi de pouvoir prendre soin de Lucky si tu as besoin de plus de concentration sur ta musique. C’est long… Trois semaines… J’ai peur de trop m’ennuyer de vous.

Ça n’allait pas m’empêcher de foncer tête première mais je préférais ne pas trop y penser et espérer que j’y apprenne tant de choses que je n’ai pas le temps de voir le temps passer. Au moins, avec son papa et mon amoureux auprès de lui, je pouvais partir l’esprit tranquille en sachant que mon fils serait traité comme le petit Roi qu’il était.

@ Billy Lighter

Je pinçai les lèvres quand Carolyn déclara qu’elle avait lu les articles concernant Howard Stone et constatait qu’il ne vivait pas sa meilleure vie. Je la suivais dans l’appartement jusqu’à la cuisine en tendant la main vers mon fils qui tendait ses petits bras vers moi, douillettement appuyé contre l’épaule de sa mère. Elle le libéra et il fila vers sa chambre et ses jouets.

-Ouais non, il n’est pas à son meilleur. Mais bon, je sais ce que c’est quand on exagère avec l’alcool… Mais on ne peut rien faire pour l’aider tant qu’il ne voudra pas s’aider lui-même…

Je soupirai.

-Et même si je suis passé par là, je ne me sens pas en droit de lui dire quoi que ce soit ou de le conseiller… Il est plus vieux que moi. Il est sensé savoir mieux que moi ce que c’est la vie.

Je bus une gorgée de limonade et souris. C’était vraiment bon alors j’en repris une bonne gorgée et on parla un peu de Jake. Le journaliste semblait détendu et Lynn l’avait remarqué aussi. Elle ne pensait pas que c’était à cause de leur relation. Je rigolai.

-Tu te sous-estime, Lynn. Je suis sûr que Jake ressent le même vertige que toi et que c’est ce qui donne ce petit ton joyeux dans sa voix quand on l’écoute à la radio. Sérieux, il a l’air apaisé. Et toi aussi.

Puis finalement, Lynn en vint à ce pourquoi elle m’avait fait entrer. Oh des fois elle me faisait entrer juste pour discuter de Lucky ou de choses et d’autres et c’était toujours très sympa. Mais là elle avait une véritable requête apparemment.

Je l’encourageai d’un regard. Puis quand elle se lança, j’ouvris de grands yeux admiratifs.

-Sommelière en chef ? C’est quoi ? C’est dans le vin, non ? La chef des vins que tu serais alors ?

Ou j’étais complètement à côté de la plaque ?

Enfin, le résultat c’était qu’elle devait partir trois semaines en Italie ! Encore une fois, j’ouvris de grands yeux surpris.

-Mais c’est super ! Tu as déjà été en Italie ? On y est passé lors de notre tournée et c’est vraiment beau ! Tu vas t’amuser ! Profites-en pour sortir le soir et voir les lumières ! Tu sais déjà dans quelle ville tu vas ?

Lynn était d’accord pour que j’emmène le petit en studio et espérait même que ça lui donne le goût de la musique. Justement, Lucky semblait avoir trouvé son petit xylophone et tapait dessus de façon anarchique. Je rigolai.

-Oh j’espère ! On lui fera essayer les instruments et tout, ce sera cool.

Elle se demandait quand même si trois semaines, ce n’était pas un peu de trop. Je haussai les épaules.

-On devrait pouvoir se démerder. Comme tu dis, il y a la garderie et je ne suis même pas sûr que Jake me laissera l’y mettre. Il sera trop content de l’avoir pour lui tout seul.

Je repris une gorgée de limonade.

-Ne t’en fait pas pour nous. Surtout fait tout ce qu’il faut pour ce nouveau poste et apprend tout ce que tu peux apprendre. Je te soutiendrai et t’aiderai dans ton entreprise.

Je souris.

-En plus si c’est pour avoir Lucky auprès de moi un peu plus, je vais pas dire non !

@ Billy Lighter

Howard Stone vînt sur le sujet parce qu’Eddy pensait peut-être pouvoir le convaincre de venir signer mon mur et, par la bande, ce qui était rapporté dans les publications à potins sur lui me laissais croire qu’il n’allait pas spécialement bien présentement. Cela dit, parce que je l’avais un peu vécu pendant ma brève relation avec Eddy, il ne fallait pas prendre pour de l’argent comptant tout ce qui s’écrivait.

- L’alcool ne l’aide probablement pas… Peut-être que de devenir père lui fera la même chose que pour toi.

Eddy avait opéré un sacré changement dans sa vie depuis la naissance de Lucky et pour cela, il avait toute mon admiration et mon respect. J’étais vraiment fière du papa qu’il était et malgré que l’on ne soit plus ensemble, je ne pouvais imaginer meilleur père pour mon fils. Peut-être qu’un jour j’aurai des enfants avec Jake et lui aussi ferait un papa attentionné. Il n’y avait qu’à voir comment il était avec Lucky.

Pour Eddy, l’amour que je partageais avec Jake transcendait même au travers de ses émissions de radio et ça me fit rougir. Je ne voulais pas prendre tout le mérite pour moi mais là-encore, Eddy pensait que je me sous estimais. Peut-être bien mais dans cette histoire, nous étions Jake et moi à la bâtir petit à petit.

- Je me sens vraiment bien depuis qu’il est dans ma vie, c’est vrai. Il m’apporte beaucoup mais tu sais, ce que nous avons toi et moi me fait aussi beaucoup de bien. J’ai de la chance, j’en suis reconnaissante.

Nous aurions pu vivre une relation houleuse, pleine de rancœur après la fin de notre courte histoire qui avait été précipité par la force des choses. Aujourd’hui, je ne regrettais absolument rien mais je me souvenais que, enceinte de Lucky et confinée à rester dans mon lit, je lui en voulais à mort pour absolument aucune raison. Puis Eddy aussi avait eu ses propres raisons de me détester. Comme deux adultes matures, nous avions mis tout ça de côté pour le bien du petit humain qui allait grandir en nous tenant par la main tous les deux.

Pendant que Lucky redécorait sa chambre, j’expliquais à Eddy la raison pourquoi j’avais besoin de lui parler. Il n’y avait rien d’effrayant, c’était même une très bonne nouvelle mais elle allait demander de la réorganisation d’horaire. Mon travail m’avait fait une proposition et si je l’acceptais, j’allais devoir partir pour trois semaines en Italie pour un stage de perfectionnement intensif. Cela voudrait dire que Lucky irait chez son papa pendant un long moment et que ce dernier devrait réarranger son horaire.

- Oui c’est exactement ça, c’est dans le vin.  J’aurai la responsabilité de la cave à vin, de conseiller accords mets-vin sur la carte prestige, la responsabilité des achats aussi.

Ça faisait beaucoup mais je n’avais pas peur de relever le défis. En fait, ma seule crainte dans toute cette aventure était d’être séparée de mon fils et de mon amoureux pendant trois semaine bien que je savais que j’aurais tant à faire que je ne verrais probablement pas le temps passer.

Eddy pensait à apporter Lucky avec son groupe en studio et j’y voyais une belle opportunité pour stimuler son éveil à la musique. Je n’avais absolument rien contre cela tant que la présence du petit ne nuise pas à l’enregistrement. Si jamais ça devait devenir problématique, je me disais que Jake pourrait de temps en temps prendre Lucky avec lui et sinon, il restait toujours la garderie, là où notre fils y avait des amis.

- Je n’y suis jamais allée et j’espère avoir l’opportunité de visiter un peu. Ce serait dommage d’y être et de ne rien voir.

Quant à savoir dans quelle ville j’irais, je me levais pour aller chercher la documentation que j’avais reçue. Je dû lire un peu avant de retrouver l’information que je cherchais.

- Asti. Je ne connais pas du tout mais j’espère qu’il y aura des choses à visiter. Mais c’est l’Italie… Déjà d’y être ce sera grandiose.

Je regardais rêveusement la photo sur le pamphlet avant de le refermer et de passer ma main dessus comme pour lisser le papier glacé.

Pour Eddy, l’affaire était réglée. S’il avait besoin d’un coup de main, il n’hésiterait pas à demander à Jake et sinon, Lucky irait à la garderie. Je pouvais partir l’esprit tranquille et je pris sa main dans la mienne en lui souriant.

- Merci ! Je savais que tu serais ravi de passer plus de temps avec Lucky mais je ne me sentais pas correcte de prendre la décision sans t’en parler d’abord.

Une balle roula jusqu’à nous et Lucky la suivait de près en trottinant. Il n’avait pas perdu la main pour créer un bordel incroyable avec ses jouets et, avec un sourire moqueur sur mes lèvres, je me penchais pour parler à Lucky.

- Tu mets tes jouets dans ton camion benne pour me montrer comment tu range bien avec ?

@ Billy Lighter

Lynn avait l’espoir qu’Howard Stone, en devenant père, prendrait conscience qu’être bourré en permanence ne s’alliait pas vraiment bien avec la paternité. Je haussai les épaules et souris à mon ex.

-J’espère que tu as raison. Mais c’est clair que pour moi, voir la petite bouille de Lucky a été plus qu’un déclic.

On parla ensuite de Jake et elle tout en sirotant notre limonade. Je rigolai de la voir rougir mais ce n’était pas un rire moqueur. Juste le bonheur de la voir heureuse et épanouie. Elle avait apparemment trouvé en Jake l’homme qu’il lui fallait. Mais elle ajouta aussi que ce qu’on avait créé ensemble depuis la naissance de Lucky était tout aussi important.

J’en avais conscience, moi aussi.

-Je crois qu’on était pas faits pour être en couple. Mais par contre, je suis reconnaissant moi aussi, chaque jour, pour la belle amitié qu’on a.

Car c’était ça, bien plus qu’un père et une mère liés par le sang de leur petit. On était vraiment des amis. D’ailleurs, je ne m’intéressais pas qu’à Lucky quand je venais chez elle pour le reprendre ou vice-versa. Je m’intéressais aussi à elle, à ce qu’elle faisait. Et il en allait de même pour elle qui ne manquait jamais de saluer les autres membres de Roadtramp et de prendre de leurs nouvelles et de la mienne quand elle venait au manoir.

Elle m’expliqua ensuite le projet professionnel qu’elle avait et qui ferait que Lucky serait trois semaines d’affilée chez moi. J’étais déjà content d’avoir mon fils autant de temps, mais je m’intéressais aussi à ce qu’elle allait faire. Elle me confirma que c’était un métier complet qui avait pour centre le vin. Et bien plus que ce que je ne l’imaginais, c’était tout un job ! Elle ne ferait pas que sélectionner et goûter les vins mais plein d’autres choses aussi.

-Ça a l’air super intéressant ! Et c’est autre chose que serveuse, même si tu es très bien comme serveuse ! Quand tu seras sommelière, je viendrai au Canter’s Deli pour te voir faire !

Je ne pourrais pas en boire (et de toute façon je n’aimais pas le vin), mais si j’emmenais Daniele avec moi, je suis sûr qu’il serait content.

Quand je demandai si elle savait où elle allait en Italie, elle alla chercher un petit folder et me déclara qu’elle irait à Asti. Je rigolai.

-Je ne vois pas du tout où c’est mais à en croire Daniele, toute l’Italie est belle à voir.

Nous étions donc d’accord, pour son projet, pour la garde du petit et tout. Je terminai mon verre de limonade quand une balle roula jusqu’à nous, suivie de près par Lucky, encore un peu incertain sur ses petites jambes. Lynn se pencha vers lui et lui demanda d’aller chercher son camion benne pour voir comment il rangeait.

-Bon, je vais vous laisser moi.

Ce fut à mon tour de me pencher sur mon fils et je l’embrassai sur le front.

-Sois sage avec maman, ok ?

Le petit hocha vigoureusement la tête, plus absorbé par sa petite balle qu’il avait en main que par autre chose.

Puis, je fis la bise à Lynn.

-Encore félicitation pour ton projet !

@ Billy Lighter