-Si je te le cède… Ils seront en sécurité ?

Georges Morris était nerveux installé dans le grand siège de son bureau. Il suait… Je voyais les gouttes de sueur ruisselées sur son crâne nu de cheveux. J’étais face à lui assis sur un siège moi aussi. Il nous avait à chacun servi un whisky. J’imagine que c’est ici qu’il recevait ses employées pour les entretient d’embauche. Ici qu’il aimait, habituellement, se sentir tout puissant. Bien que je savais que Morris n’était pas du genre à profiter des danseuses qu’il engageait. Il était réglo. Il avait toujours voulu que le Wild soit un endroit respectable. Les règles concernant les filles y étaient d’ailleurs très strictes.

C’était des danseuses. Pas des putes. C’est ça son mantra, à ce bon vieux Georgie…

Je penchai légèrement la tête sur le côté.

-Mieux… Ils seront protégés.

J’étais venu ici pour une chose : avoir la place de Morris. Il était patron et propriétaire du Wild. Je voulais ce qu’l avait. Je voulais diriger l’endroit. En faire ma nouvelle petite affaire. Une affaire légale. Loin des affaires de gangs. Une affaire qui pourrais me convenir… Je savais que ça ne comblerais pas toutes mes pulsions mais ça me permettra d’avoir plus qu’un bon revenu et me faire une place dans le monde de Reed.

Il avait longtemps été dans le mien. Il s’était plutôt bien débrouillé. Je voulais lui prouver que je valais autant dans le sien. J’acceptai le fait qu’il sache bel et bien jouer dans ma cour bien qu’il restait un débutant. Je voulais montrer que je pouvais jouer dans la sienne bien qu’il me prendra sûrement pour un débutant.

On verra qui s’en sort le mieux sur le terrain de l’autre à la fin.

Puis, soyons honnête… Je n’avais pas vraiment d’autres moyens de me faire de l’argent. Les New Soldados avaient disparus. Mes anciens petits sbires avaient soit été arrêtés, soit avait rejoint d’autres gangs, soit s’était fait tué… Josh était introuvable… Puis, il aurait été trop imprudent de reprendre les New Soldados une fois sorti de prison. Les flics sont impuissants mais pas stupides. Quant à avoir un autre job légal… Qui voudrait engager un type qui a défrayé la chronique, ses dernières semaines, pour des accusations de violence conjugales, tortures, enlèvement, proxénétisme, association de malfaiteur et trafique de drogue et qui a été, au passage, qualifié par un psychiatre de psychopathe ? Personne, je pense.

Pas même ce bon vieux Goergie… Sauf que lui n’avait pas vraiment le choix. Il savait ce dont j’étais capable.

-Protégés ?

Il sembla surpris de ma réplique.

-Je sais que tu n’avais pas des dettes qu’envers les New Soldados. Je sais que tu en dois aussi aux Los Diablos et que tu as des dettes de jeux envers les Albanais. Et, d’après ce que j’en sais, les Albanais ne rigolent pas quand il s’agit de récupérer leur argent. Je peux faire en sorte que ta famille soit protéger de tout ce petit monde.

Je continuai de le regarder poursuivant.

-Je veux être patron du Wild. Tu ne seras pas sans revenu. Les premiers mois, je te donnerais une partie des revenus pour que tu puisse payer les Los Diablos et les Albanais et même un petit bonus le temps que tu puisses te refaire. Après quoi, tu devras te débrouiller. Mais je ne toucherais pas à un cheveu de ta femme et de ta fille. Par contre… Si tu refuses…

Je penchai légèrement la tête sur le côté.

-J’aurais suffisamment de temps libre pour le consacrer entièrement à toi et ta famille si tu vois ce que je veux dire.

Il déglutis avant de boire d’une traite son verre de whisky. Je le laissai récupérer sa langue et quand il le fit il soupira.

-D’accord… Je te cède le Wild… Mais… Beaucoup de gens travaillent ici. Promets-moi de bien les traiter et de bien les payer. Le Wild ce n’est pas un gang. Personne ici, ne fait rien d’illégal.

Ouais… Sauf lui. Parce qu’acheter de la drogue, c’est illégal, au cas où il ne le saurait pas… J’hochai de la tête.

-Ils seront bien traités et bien payés. Et je ne ferais pas de tes danseuses des prostituées si c’est ce dont tu as peur. Je suis un homme nouveau.

Mais ça sera moi le chef.

-Bien…

Il bafouilla ça. Je voyais bien qu’il ne croyait pas du tout que je sois un homme nouveau. Sauf qu’il ne comprenait pas ce que je voulais dire par là.

-Je vais faire les papiers… Appeler le notaire… Et tout sera à toi…

Je me levai. Il en fit de même. Je me tournai une dernière fois vers lui.

-Parfait ! Toujours un plaisir de faire affaire avec toi, Georgie.

Sur ce, je quittai son bureau.