Le Wild tournait bien. Si en tant que chef des New Soldados, je gagnais bien ma vie, ici, je gagnais encore plus et, comble de tout, je pouvais engager des gens pour bosser pour moi. C’est pour ça que je m’étais permis un petit voyage à New York.

Pourquoi New-York ? Pour Nell… J’avais entendu à la radio et dans d’autres médias qu’Eleanor Harris avait obtenu le rôle de Sandy dans la comédie musicale de Broadway : Grease. C’était une adaptation du film qui avait eu du succès il y a quelques années d’ici. A L.A., les médias en parlaient beaucoup parce que Nell était une enfant de la ville. Une enfant qui avait réussi à obtenir un grand rôle dans une comédie musicale qui était à la tête d’affiche du théâtre le plus connu au monde.

Nell venait de passer du stade d’inconnue à, peut-être, actrice en devenir.

Mais ce n’était pas tant ça qui m’intéressait. C’était de savoir si elle avait fait le voyage seul ou non… Elle était supposée être en couple avec Jordan Keller, non ? Et Broadway, ça faisait loin de L.A.. Elle ne pourra, donc, plus jouer les femmes au foyer pour le flic. Je me disais que si il ne l’avait pas suivi, j’aurais une chance de voir Nell.

Pourquoi ? Parce que c’était la seule, en dehors de ce rapace de Sørensen et de mon avocat, à être venu me voir à la prison. Je lui devais bien une petite visite, moi aussi, non ?

Puis, ça me permettait de changer d’air. Parce que Sky ne s’était pas laisser faire face à ma dernière attaque afin d’obtenir la garde partagée d’Heaven. Elle s’était, je ne sais comment, payé les services de Victor Hunter. Je ne connaissais pas bien l’avocat mais je savais qu’il était l’avocat de mon père et qu’il était doué. Si mon père avait réussi à obtenir Hunter c’est parce que l’avocat prenait chaque fois un client en pro bono. Je me demandais si Sky avait eut aussi cette faveur ou si elle s’était endettée pour se le payer. Quoi qu’il en soit, j’avais eut une lettre d’Hunter pour le divorce et le procès à venir pour la garde.

J’avais signé les papiers de divorces. Je les avais renvoyé. Sky était libre à travers les papier mais je savais qu’elle savait qu’on serait lié à jamais. Heaven était là pour le lui rappeler tous les jours.

Parce que, après tout, elle me ressemblait. Plus elle grandissait plus elle était mon portrait tout craché.

Je me plaisais à penser ça.

Bref, j’avais mis Anderson sur le coup. A lui de m’obtenir la garde partagé d’Heaven. C’était son boulot. J’étais libre. Aucune charge n’a été retenue contre moi. J’étais patron du Wild. Je ne vois pas comment il ne pourrait pas me l’obtenir.

Moi, j’avais d’autres choses à faire pour l’instant.

J’avais obtenu une place pour la représentation. Au premier rang. Et j’avais pu entendre Nell chanter. Je savais qu’elle savait chanter… Mais je n’avais pas vraiment eu le droit à de grandes démonstrations quand on était ensemble. Ou alors, pas que je me rappelle.

Elle était douée. Quelque chose me disait que ce rôle allait lui ouvrir des portes. Peut-être celle du cinéma. Ou d’une maison de disques. Pas de BSC. Reed a des soucis avec les femmes. Un peu comme mon père… Mais moi, je me délectais de ça surtout que, au premier rang, je ne vis aucune trace de Jordan.

Il regardait des coulisses ?

Peut-être…

Je le saurais très vite.

Je ne savais pas si elle m’avait vu mais, après la représentation, j’avais réussi à me faufiler jusqu’à la sortie des artistes. J’avais payé quelques vigiles pour ça et je m’étais appuyé contre le mur non loin de la porte.

Des gens étaient sortis. Certains faisait partie des acteurs. Puis, ce fut à Nell de sortir. Je lançai alors :

-Bonsoir, Nell…

Quand elle se retourna, j’esquissai un petit sourire.

-Belle représentation. Etonnant que tu ne te sois pas lancé plus tôt dans ce genre d’aventure. Tu as du talent.

Et pas de Keller en vue.

Peu après ma rencontre avec Don Hughes, j’avais eu une longue discussion avec ma mère au sujet de la demande de mon géniteur. Comme je l’avais anticipé, elle avait été choquée et s’était même mise en colère. Elle ne comprenait pas pourquoi après toutes ces années, son ancien amant avait soudainement une reprise de conscience. Toutes les deux avions prit le temps de réfléchir à tout ça puis nous en étions venues à la même réflexion. Nous n’avions pas à nous cacher de quoi que ce soit alors si Don voulait lever le voile sur cette histoire, libre à lui de le faire. Il avait plus que nous à perdre avec tout ça si pour autant il y avait réellement quelque chose à perdre.

J’avais donc donné le feu vert à l’homme d’affaire, accessoirement mon père avant de m’envoler pour Broadway. J’avais hésité à écrire une lettre à Jordan puis finalement, j’en étais venue à me dire que ce n’était pas une bonne idée. Il m’avait violement jeté hors de chez lui. Il avait, en sommes, réagit comme il le reprochait aux autres et par conséquent, il ne méritait plus l’amour que j’avais encore pour lui.

Les auditions pour Grease étaient un véritable combat de l’enfer ! Je n’en revenait pas de ce que toutes les aspirantes Sandy ou Rizzo étaient prêtes à faire pour attirer l’attention sur elles. Alors quelle ne fut pas ma surprise, moi qui auditionnais pour le rôle de Patty Simcox, de me faire demander de me présenter sur scène avec les répliques de Sandy et que dire de ma réaction quand on m’a apprise que de toutes les postulantes, j’étais celle qu’on avait choisis !

Là encore, j’eu envie de passer un coup de fil à Jordan pour le lui annoncer. J’avais pris le cornet du téléphone entre mes mains et j’avais composé les premiers chiffres de son numéro puis… j’avais raccroché avec une boule douloureuse dans l’estomac. Je ne m’en remettais pas ! Malgré combien abject il avait été avec moi, je l’aimais toujours.

C’était soir de première et l’effervescence était à son comble. Je ne dormais plus depuis au moins quatre nuit, excitée comme une puce. Je me sentais tellement bien dans la peau de Sandra Dee que j’avais hâte de la personnifier sur scène, de rendre hommage à la belle et talentueuse Olivia Newton John et le moment venu, ce fut complètement magic !

Il y avait une belle chimie entre moi et le Danny Zuko de la pièce. Les gens dans la salle, que je ne voyais pas vraiment avec tous ces gros projecteurs braqués sur nous, chantaient ces chansons qui animait bien la pièce.  C’était une magnifique expérience que j’aurais été prête à renouvelé dès notre sortie de scène.

Je fut l’une des dernières à sortir. J’avais prit tout mon temps pour vivre encore l’adrénaline ressentie sur scène. J’avais eu aussi bien du mal à retirer mon pantalon de cuir qui me collait à la peau. Comme j’étais bien dans mes jeans ! J’avais suivis celle qui donnait vie à Rizzo et nous étions sortie par la porte qui nous était réservée. Nous allions prendre un verre, il fallait bien fêter notre première, dignement !

- Oui?!

Mon cœur s’était arrêté de battre quand on m’appela par derrière. L’espace d’une seconde, rien qu’une toute petite seconde, j’avais espérer qu’en me retournant, je verrais Jordan avec des fleurs dans les mains, ou avec rien du tout. Sa présence m’aurait suffi.

- Ward ? Tu… Je… Merci !? Qu’est-ce que tu fais ici ?

Rizzo avait posé sa main sur mon épaule et m’avait demandé si ça allait ce à quoi je répondis par l’affirmative. Oui, tout allait bien j’étais simplement surprise, je ne m’attendais pas à voir Ward ici, surtout à le revoir vivant !

- Oui… Oui ça va. Partez devant. J’irai vous rejoindre.

C’est ce qu’elle avait fait non sans lancer un regard de bas en haut à Ward. Elle préférait les filles mais elle avait peut-être reconnu Ward pour sa triste popularité.

- Qu’est-ce que tu fais ici ?

Il n’y avait pas de colère dans ma voix, ou de déception… Peut-être oui, un peu de déception mais il n’y pouvait rien. J’étais surtout très surprise de le voir.  

C’est la surprise que je pouvais lire sur le visage de Nell quand elle s’était retournée vers moi. Elle était accompagnée de Rizzo… Enfin, de celle qui jouait Rizzo. Une fille qui me regardait de travers. C’était déjà comme ça que bien des gens me regardaient dans l’Eastside mais, depuis ma sortie de prison, c’était absolument tout le monde qui me regardait comme ça. J’avais défrayé la chronique pendant mon temps en prison et tout le monde connaissais mon visage.

Ce n’était pas pratique… L’anonymat avait quelque chose d’avantageux. Mais je faisais, jusqu’ici, avec cette toute petite célébrité.

Nell se demandait ce que je faisais ici. La réponse était simple mais je n’eus pas le temps de répondre que Rizzo mit sa main sur l’épaule de Nell. Un geste protecteur, j’imagine. Mais Nell l’envoya poliment ailleurs.

Parfait.

La fille me regarda de haut en bas et je penchai légèrement la tête sur le côté avant qu’elle ne nous laissa, enfin, en paix. Apparemment, ma réputation ne l’incite pas encore à rester à tout pris aux côtés de Nell. De toute façon, Nell n’avait strictement rien n’à craindre avec moi. Absolument rien.

Nell reposa sa question.

-J’ai appris que tu avais le rôle principal dans la pièce. Ils l’ont dit à la radio et dans les journaux. L.A. semble contente qu’une enfant de la ville fasse son chemin à Broadway. Alors, je suis venu te voir. Je ne suis pas déçu. Tu as géré.

J’esquissai un petit sourire avant de regarder autour de nous. Pas de trace de Jordan et Nell comptait rejoindre ses collègues plus tard. Ça me mettait sur la voix que le flic n’était pas venu la voir. C’était étrange… Ils étaient ensemble aux dernières nouvelles alors la moindre des choses est que Jordan vienne la voir, non ? Même les flics ont le droit à des congés. Mais il semblerait que ça ne soit pas le cas.

Peut-être n’était-il plus ensemble… Après tout, j’avais eut l’impression qu’il y avait de l’eau dans le gaz entre eux quand Nell en avait un rien parlé lors de sa visite à Saint-Quentin.

-Jordan n’est pas venu ? Ma petite amie aurait le rôle-titre d’une pièce à Broadway, j’aurais pas hésité à venir la voir… Quoi que, s’il n’est pas là, il ne risque pas de me tomber dessus parce que je te parle.

S’il n’était pas là, peut-être qu’on pourra aller discuter un peu plus longtemps ailleurs. Après tout, j’avais fait pas mal de kilomètres jusqu’ici. Autant en profiter un maximum.

De toutes les personnes dont j’espérais voir pour ma grande première sur Broadway, Ward Fleming était le dernier que je pensais y être. La dernière fois que je l’avais vu, une vitre incassable épaisse comme un fond de bouteille nous séparait et nous avions parlé à l’aide d’un téléphone accroché au mur. Je pensais que Don Hughes serait venu. À vrai dire, j’aurais réellement cru qu’il aurait été au première loge étant donné la façon dont il avait semblé vouloir me faire sentir qu’il désirait nouer des liens avec moi. J’aurais aussi espéré voir Jordan. C’était un souhait complètement fou mais je l’avais tout de même eu en tête. L’eau avait coulé sous les ponts depuis notre rupture, pas beaucoup d’eau mais peut-être assez pour faire s’estomper ses mauvais sentiments.

Je figeais en voyant Ward. Non pas que je n’étais pas contente, en fait, je ne savais pas ce que je pensais de sa libération et encore moins de sa présence ici. C’était un peu comme s’il continuait à lui seul d’enterrer définitivement la relation avec Jordan. Ma complice de scène posa sa main sur mon épaule et je la rassurais et lui affirmais que j’irais les rejoindre plus tard. Je me doutais que la triste célébrité de Ward avait voyagé en dehors de Los Angeles et que c’était pour cela que mon amie s’en faisait. Je ne craignais pas Ward, je savais que je ne courrais aucun risque sauf peut-être celui de voir mourir le moindre petit espoir subsistant pour ma relation avec mon beau policier borné.

- Ma mère m’a dit ça oui. Je ne pensais pas qu’on parlerait autant de moi pour ce rôle.

Ward disait aussi que j’avais géré, que je ne l’avais pas déçu. Je baissais la tête et j’esquissais un sourire timide, ne sachant pas comment tenir ce compliment. Puis je relevais la tête pour lui sourire franchement. J’avais bossée dur pour être à la hauteur du rôle ! Je n’avais pas à être timide pour un compliment que je n’avais pas volé !

- Merci, c’est vraiment gentil.

Ward, loin d’être de la dernière pluie, remarqua que Jordan n’était pas là et il ne se priva pas pour dire qu’avoir été à sa place, il aurait été au premier rang sur tout le soir de première. Je baissais à nouveau le regard mais je ne souriais plus.

- Tu ne risque pas de le voir non plus… Il m’a largué.

Je tournais des talons pour faire quelques pas en la direction qu’avait prit mon amie, sachant que Ward m’emboiterait le pas. Nous n’allions pas rester contre le théâtre à discuter de ma vie privé. Je préférais le faire en marchant bien que je ne comptais pas m’étendre sur le sujet.

- Mais toi ? Tu es fraîchement sorti de prison et en tant qu’homme libre, ton premier choix a été de venir me voir à New York? Tu avais besoin de changer d’air, toi aussi ?

Ça avait été mon cas ! L’air de Los Angeles était devenu irrespirable depuis ma rupture, au point où je ne savais pas si j’y retournerais un jour.

Nell était au courant du tapage que son rôle avait provoqué à Los Angeles. Elle ne s’y attendait pas. J’haussai des épaules.

-C’est une pièce populaire à Boadway. Ce n’est pas rien.

Broadway était parfois le tremplin pour Hollywood. Si Nell n’a pas, après ça, des demandes pour d’autres pièces ou, mieux, pour un film alors c’est que les gens sont aveugles et sourds. Des gens bien plus médiocres réussisses à avoir des rôles dans des films ou des séries. Suffit de voir la sitcom de North et Perry… Des gens comme Ricci avait réussi à être guest-star juste parce qu’il est connu. Niveau talent c’est pas trop ça, pourtant. Un peu comme quand il s’est improvisé chanteur. Et je ne vous parle même pas de Savannah Prescott, ma chère cousine.

Nell avait bien plus sa place là-dedans que Ricci et Prescott.

Je lui fis des compliments sur son talent. Compliments qu’elle accepta. J’esquissai un petit sourire avant de demander où se trouvait Jordan Keller. C’était l’occasion de savoir où en était la relation entre Nell et ce sale flic. J’appris alors, à mon plus grand bonheur, que Nell avait été larguée par Keller. Dans ce sens-là. Pas dans l’autre. C’était Keller qui l’avait mis dehors. C’est ça que j’entendais dans la phrase de Nell.

J’emboitai le pas à Nell.

-Il t’a largué… Alors qu’il ne te méritait même pas. Il a du culot… Pourquoi il t’a largué ? Il ne trouvera jamais mieux.

Jordan avait un tas de défauts. C’était un impulsif. Chaque fois, j’arrivais facilement à le faire sortir de ses gongs. Tout du moins lorsqu’il était en dehors de son boulot. Il gérait quand il jouait les flics mais quand les choses devaient plus personnel, il sait beaucoup moins garder son sang-froid, le Keller… Mais je me demandais quand même bien ce qui l’avait poussé à plaqué Nell… Sa visite à Saint-Quentin ? Peut-être…

Je marchai aux côtés de Nell la laissant nous guider où elle voulait. Ce fut à elle de me poser des questions.

-Oui, j’avais besoin de changer d’air et de voir quelqu’un qui ne me jugera pas. Tout le monde connait mon visage, désormais. Ça n’aide pas vraiment… Puis, Sky a demandé le divorce. J’ai signé les papiers. Je cherche maintenant à obtenir la garde partagée d’Heaven. Mais ça ne va pas être simple. Sky s’est offert un avocat très cher avec je ne sais quel argent. Victor Hunter…

J’haussai des épaules.

-J’ai voulu faire à l’amiable… Elle n’a pas voulu. Tant pis. Je me battrais. C’est ma fille aussi.

Je jetai un regard vers Nell.

-Et je suis patron du Wild maintenant. L’ancien patron m’a cédé les rennes. Il voulait profiter de son argent pour vivre de ses rentes. Comme on se connait bien et qu’il me fait confiance, il m’a céder les rennes. Je lui paye une pension en contrepartie. Heureusement que j’ai eu cette opportunité. Personne n’aurait voulu m’engager, sinon…

Je voulais montrer à Nell que j’avais changé. Que je profitais de ma seconde chance. Si Sky m’avait largué, je pouvais peut-être récupéré ce qu’A.J. m’avait fait perdre il y a des années d’ici.

Quand j’avais pris l’avion pour m’en venir à New York, jamais je n’aurais cru qu’à Los Angeles, on parlerait de ma participation à ce musical autant et partout. Ward soulignait que ce n’était pas rien que de se produire sur une scène de Broadway et ça me fit timidement sourire.

- Alors, je suppose que je devrais en profiter.

Pas dans un but personnel mais si ma nouvelle popularité pouvait servir à intéresser des gens à la Mission St-John et même à United For Youth, ce serait déjà ça de gagné. !

On commença à marcher alors que Ward s’intéressait à Jordan ou plutôt au fait qu’il ne soit pas là pour m’applaudir pour ma grande première alors que lui s’y trouvait. Je baissais les yeux ne voulant pas lui dire que ma relation avec l’homme de ma vie avait prit fin à cause de lui. Non. En réalité, ma relation avec Jordan avait prit fin parce que je lui avait rendu visite en prison et que plutôt que d’en discuter calmement comme des adultes sensés et matures, Jordan m’avait violement jeté à la rue. Il allait avoir du mal à se regarder dans le miroir a l’avenir s’il continuait de taper sur la tête de Ward en l’accusant de choses qu’il faisait lui-même ! Donc, à la question de Ward, je répondis simplement que Jordan m’avait largué, sans donner d’explication.

Ward disait que Jordan ne me méritait pas et qu’il avait eu du culot de me larguer et qu’il ne trouverait jamais mieux que moi. Évidement, il voulait savoir pourquoi il m’avait largué ce à quoi je répondis en premier par un haussement d’épaule.

- Disons simplement que nous n’avions pas la même vision de ce que doit être un couple.

Voilà, ça devait suffire à nourrir les interrogations de Ward sinon, il allait devoir s’en contenter.

Ce fut à mon tour de lui demander ce qui l’amenait à New York, si vite après la fin de son procès. Il avait dû ressentir l’appel du large, tout comme moi, ce qu’il confirma. Je n’en étais pas surprise mais quand il me parla de Sky, de leur divorce et de sa demande de garde partager à laquelle son ex-femme avait ripostée en engageant un avocat réputé, là encore je haussais des épaules en cherchant quoi dire.

- Bah… Tu… Sky… Tu veux vraiment la garde partagée d’Heaven ? Tu sais comme moi que… Un bébé… Ça pleure et ça mets de la bave partout et tu n’es pas…

Je cessais de marcher pour le regarder dans les yeux avant de lâcher :

- Tu ne veux pas vraiment sa garde. Je sais que tu le sais. Est-ce que ça vaut vraiment la peine de remuer tout ça ? Tu ne le fais pas simplement pour emmerder Sky ? Regarde-moi dans les yeux et jure-moi que tu ne le fais pas uniquement pour emmerder Sky.

J’étais certaine à deux cents pour cent qu’il ne faisait ça que pour cette raison et pour aucune autre.

On se remis à marcher alors qu’il me parlait de son réorientation de carrière. Il était maintenant le patron du Wild et il semblait s’y plaire. C’était tout un changement qui me fit même faire de grands yeux surpris.

- Entre ici.

Je lui indiquais de l’index la porte du pub où la troupe allait prendre un verre pour souligner cette première représentation. L’endroit était bondé et bruyant et on s’y repérait difficilement tant l’éclairage était tamisé mais on trouva rapidement la bande et on prit place, tout au bout de la table. Sur la table, il y avait déjà pleins de shot de vodka et de tequila. Moi qui ne buvais que très rarement pour ne pas dire jamais, c’était l’occasion de m’y mettre ! Kenickie se leva pour se pencher au-dessus de la table et tandis la main à Ward pour la serrer en disant :

- Wow quel honneur de te rencontrer ! Moi c’est Shane O’Brian ! Hey, les mecs, c’est Ward Fleming ! LE Ward Fleming !

Si Ward voulait passer inaperçue, c’était bien mal partie !

Jordan Keller avait plaqué Nell. C’était la grande nouvelle de la soirée. Celle qui ne fit que l’embellir encore plus. Keller avait plaqué la fille la plus courageuse de Los Angeles. Celle qui n’avait pas eu peur, en 1976, quand elle s’est retrouvé coincé entre un mur et moi alors même qu’elle connaissait ma réputation. Et qui, en plus, m’avait même invité à manger une pizza ce même soir. C’est cet évènement qui avait, à jamais, mis Nell dans mon viseur.

Et elle y était à nouveau aujourd’hui alors que je disais que Jordan ne la méritait pas. Mais elle ne voulait pas s’attarder sur les raisons de leur rupture préférant dire que elle et Keller n’avaient pas la même vision de ce qu’était un couple.

-Pour Jordan Keller, il n’y a que la vision de Jordan Keller qui compte.

Grant s’en plaignait. Mais j’avais pu moi-même constater à de nombreuses reprises que Jordan était borné et incapable de changer. Des défauts qui ont souvent permis que notre conversation tourne à mon avantage.

Nell me renvoya aussi quelques questions. Je lui parlai alors du mon divorce, du fait que je voulais la garde partagée d’Heaven mais que Sky ne l’entendait pas ainsi. Mais Nell semblait sceptique sur mes intention. Je plissai des yeux un rien contrarié par le fait qu’elle pensait bien que je ne voulais pas réellement Heaven et que je ne faisais ça que pour emmerder Sky.

Je m’étais arrêté de marcher pour regarder Nell dans les yeux. Et je dis d’un ton et avec un regard sincère :

-Je ne fais pas ça uniquement pour emmerder Sky.

Je n’avais pas dit « je ne fais pas ça pour emmerder Sky ». J’avais dit « je ne fais pas ça uniquement pour emmerder Sky ». Ainsi, je ne mentais absolument pas à Nell. Et, pour cause, je ne faisais pas ça QUE pour ça. Je le faisais aussi parce qu’Heaven était à MOI !

-Heaven est ma fille. Je ne veux pas qu’elle soit élevée uniquement par sa mère et par son foutu nouveau beau-père. Tu crois que Sky va lui dire quoi à Heaven ? Que je suis un monstre. Tu crois que j’ai envie de ça ? C’est ma fille aussi. J’ai le droit de la voir, tu ne penses pas ?

Je repris un air neutre et on se remit à marcher alors que j’expliquai être devenu patron du Wild. On s’arrêta alors devant un pub. Certainement l’endroit où Nell devait aller boire un verre avec ses collègues.

On entra.

Il faisait tamisé à l’intérieur. Cet effet était accentué par la fumée qui envahissait l’endroit car bon nombre de clients fumaient. Je suivis Nell jusqu’à la table où se trouvait toute la clique que j’avais vu en représentation ce soir. On s’installa en bout de table et Kenickie ne tarda pas à se pencher pour me serrer la main.

Je la serrai… Il me connaissait. LE Ward Fleming. Je n’étais pas encore habitué à ma petite notoriété. Bien qu’elle semblait bien plus grande que je ne l’aurais imaginé.

-Bonsoir… Je suis bien Ward Fleming… Je ne savais pas que mon nom avait voyagé si loin…

Apparemment, il était très emballé à l’idée de rencontré un type qui avait été connu pour avoir été accusé de proxénétisme, d’association de malfaiteur, de torture, de violence conjugale et j’en passe…

-Félicitation pour la pièce. Vous avez tous fait du beau travail.

J’esquissai un petit sourire en disant ça. Mon nom blanchi, je pouvais à nouveau jouer la carte du type tout à fait normal.

Je fixai Nell.

-Je t’offre à boire ? Moi, je vais prendre quelques shot de tequila… Je dois profiter de ma liberté, non ? Il n’y a pas de bar à la prison de Saint-Quentin.

Je suis sûr que Reed adorait la tequila… Il aime tout ce qui est latino, non ?

Ward était bien le dernier avec qui je désirais discuter de ma séparation d’autant plus qu’il était l’une des raisons pour lesquelles mon couple avait coulé au fond de l’océan des cœurs brisés. Je ne m’étendais donc pas sur les motifs qu’avait eu Jordan pour me larguer, de toute façon, Ward avait sa propre interprétation qu’il ne se gêna pas pour me partager.

- Il ne pourra que la partager avec lui-même dorénavant.

On continua de marcher alors que je dirigeais la conversation sur lui puisque je jugeais qu’on avait assez pour ne pas dire trop parlé de moi. Ma vie n’était rien de plus qu’un long fleuve tranquille si on oubliait mes déboires amoureux. Rien de bien intéressant alors que Ward venait d’être blanchi d’un procès duquel il risquait d’être condamné à mort.

Il travaillait maintenant au Wild et il voulait la garde partagé de sa fille ce qui me fit sourciller. De mon point de vue, il ne la voulait que pour emmerder son ex-femme. Il s’en défendit tout en me regardant dans les yeux comme pour me prouver qu’il ne mentait pas.  Un demi sourire se dessina sur mes lèvres quand il précisa qu’il ne le faisait pas que pour emmerder Sky. Il niait donc pas et mon sourire ne l’approuvait pas, au contraire. Je soupirais ensuite quand il ajouta qu’il était le père d’Heaven et qu’il avait le droit de vouloir participer à son éducation et la voir grandir.

- Oui, tu as le droit et c’est parfaitement compréhensible. Je voulais simplement m’assurer que… Tu sais… Que tu le voulais vraiment… Pour de vrai. Est-ce que tu vas aussi demander la garde de Grant ?

Parce que ce dernier était aussi son fils et qu’il avait déjà obtenu sa garde avant de la perdre quand Sky avait déposé une plainte pour violence conjugale contre lui. Jordan allait définitivement péter un câble si Grant se voyait à nouveau confié à Ward. Puis le petit n’était pas un objet qu’on pouvait déménager à sa guise selon un jugement ou un autre ! Je le plaignais, mon beau Grant.

On repris notre promenade jusqu’à ce qu’on arrive au pub, là où toute la troupe de Grease se réunissait pour célébrer la première. Je les repérais facilement dans la salle malgré le faible éclairage et on s’installa, Ward et moi, tout au bout de la table sur laquelle des shots d’alcool était dispersés ici et là, n’attendant que d’être vidés.

Shane surplomba la table pour serrer la main de Ward et se présenter avant de rafraichir la mémoire de mes amis sur l’identité de mon invité. Rizzo le fusilla du regard. Je ne la connaissais pas depuis longtemps mais j’avais compris qu’elle était méfiante et protectrice. Elle n’était pas la seule qui semblait inconfortable avec la présence de Ward mais ce dernier ayant été blanchi de toute accusation méritait de vivre sa seconde et ultime chance.

Loin de se laisser démonter par l’ambiance qui s’était légèrement refroidi, Ward serra la main de Shane avant de nous féliciter pour le travail fait sur scène ce soir. Rizzo se pencha vers moi pour me demander à l’oreille ce que je faisais avec un type comme Ward, comment une fille comme moi pouvait avoir un ami comme lui. Je la regardais dans les yeux de longues secondes ne sachant pas comment répondre à sa question puis je me retournais quand Wad me demanda s’il pouvait m’offrir à boire.

- Je prendrais comme toi, je pense que j’en ai besoin.


- Ah, ouais ! San Quentin, carrément ! C’était comment ? Parait que l’eau est jaune et que la bouffe grouille de vers, c’est vrai ? demanda Shane presqu’avec admiration alors que moi je lui réservais un regard qui voulait tout dire.

- Shane! Ward n’a peut-être pas envie de parler de ça… ?

On apporta davantage de shot de tequila et de tranche de citron, comme si la table n’en regorgeait pas déjà suffisamment et j’en enfilais quatre un après l’autre en prenant quand même le temps de lécher le sel et mordre ensuite dans mon citron. Quatre petits shots inoffensifs qui firent grimper considérablement mon thermostat interne et aidèrent à me détendre.

Je compris très vite que Nell ne voulait pas s’attarder sur le sujet « Jordan Keller ». Sans doute qu’elle ne voulait pas me laisser trop le plaisir de jubiler grâce à leur rupture.

Quoi qu’il en soit, le couple Jordan-Nell était de l’histoire ancienne et, à vrai dire, j’en étais plus que satisfait. Surtout que Nell ne semblait pas vouloir m’éviter. Au contraire, elle était même encline à faire un bout de chemin avec moi et à discuter.

Je déclarai avoir divorcé de Sky et me battre, désormais, pour la garde d’Heaven. Une manœuvre qui rendit Nell sceptique. D’après elle, mes intentions étaient uniquement d’emmerder Sky. Or, les choses étaient bien plus complexe que ça ce que je ne manquais pas de lui dire. Heaven était à moi. Je me devais de réclamer ma part. Pas question que Sky en fasse une arme contre moi.

Nell disait que j’en avais le droit. J’hochai de la tête. Apparemment, Nell voulait simplement être sûr que je le voulais vraiment. Et elle ne tarda pas à demander pour Grant. Maintenant que j’étais sortis de prison, j’avais à nouveau accès aux informations et je savais qu’il était bel et bien retourné chez Keller, son tuteur légal.

Je ricanai.

-Si je le fais, je vais encore avoir Keller sur le dos. Tu sais qu’il est allé jusqu’à envoyer des gens pour espionner mes faits et gestes pour savoir ce que je foutais ?

Je faisais référence à Howard Stone qui, lui, n’avait pas osé témoigné contre moi.

-J’aimerais avoir une vie tranquille… Si je cherche à récupérer Grant, Keller va me faire vivre un enfer rien qu’avec son statut de flic. Non… Je sais où voir Grant. Je sais comment pouvoir discuter avec lui et m’assurer qu’il va bien. Quand il sera en âge de choisir où il veut aller alors je lancerais la procédure pour le récupérer.

En réalité, je m’en fichais complètement de Grant. Je le savais sous l’influence de Jimmy Reed qui était un allié et ça me suffisait.

J’avais d’autre chose à foutre que de torcher le cul à deux gosses. Heaven à mi-temps suffira largement et c’est pour une bonne cause.

On se remit à marcher jusqu’à arriver à un pub où, à l’intérieur, se trouvait le reste de la petite troupe qui avait été sur les planches de Broadway. J’eus l’impression que notre arrivée lança comme un froid sur le groupe. Sauf sur un. Shane. Qui m’avait facilement reconnu. Je serrai sa main confirmant mon identité avant de proposer à Nell de boire.

Elle en avait besoin qu’elle disait. Je la sentais très peu à l’aise. Alors que Shane, lui, n’était pas à court de questions sur la prison. J’haussai des épaules alors que Nell s’indigna un peu sur les questions de son collègue.

Je la fixai.

-T’en fais pas… Ça ne me dérange pas.

Je fixai Shane alors qu’on amena d’autre téquila et que Nell se chargea de, déjà, vider quelques shots.

-La bouffe n’est pas si mauvaise… L’eau n’est pas si jaune que ça… Mais bon, ce n’est pas un hôtel quatre étoiles, si tu fois ce que je veux dire. Et les voisins sont extrêmement désagréables.

Par « voisins » je voulais dire « codétenu ». A Saint-Quentin, j’étais l’homme à abattre de l’unité où j’étais. Simplement parce que mon père avait réussi à influencer pas mal de codétenus.

Je bus un shot de téquila… Et un autre… Nell les avait enchainé plus vite que moi mais semblait un rien plus détendue.

-Mais je suis libre maintenant. Libre de pouvoir venir voir une amie percer dans un métier exigeant.

Je souris à Nell.

-Qui sait si tu ne vas pas un jour tourner un film avec des stars comme les North ?

Je fixai Rizzo qui semblait encore bien méfiante. Je penchai légèrement la tête sur le côté.

-Rizzo… C’est quoi ton vrai prénom ?  

J’avais devant moi un homme nouveau.

Nouveau job, nouvelle situation matrimoniale et surtout, blanc comme neige au soleil puisqu’un juge en avait statué ainsi. Je n’allais pas remettre cela en question, loin de moi cette idée puisque je croyais mordicus que nous avions tous droit à une seconde chance, ce que Jordan m’avait cruellement refusé. Cependant, je doutais que Ward puisse réellement caresser ses ambitions de père et selon moi, il ne voulait la garde de sa fille que pour emmerder Sky. Ward ne nia qu’à moitié en disant qu’il ne désirait pas qu’emmerder Sky et sa réponse me fit rouler des yeux.


S’il voulait la gare de sa fille, demanderait-il aussi celle de Grant ? C’est ce que je lui demandais, alors que nous continuions de marcher dans les rues de New York. Ward n’avait pas l’intention de réclamer son fils et sa raison me fit sourciller au moins autant que ses explications.

- Jordan à envoyer des gens au Wild pour t’espionner ? M… Mais… Bah… Mais pourquoi ?

Si ce que disait Ward était vrai, cela voudrait dire que mon ex petit copain faisait une fixation maladive sur mon autre ex petit copain. Au p oint où je commençais à me questionner sur qui devait vraiment porter la casquette du vilain dans toute cette histoire. Le comportement de Jordan commençait à ressembler un peu à du harcèlement.

- Je trouve cela bien dommage que tu t’empêches de réclamer la garde de Grant à cause de Jordan. Grant et Heaven ne risquent plus de se voir très souvent, je doute que Jordan ne laisse Sky s’en approcher aussi.

Mais qui étais-je pour avoir une opinion sur le sujet ? Je ne faisait plus partie de la vie d’aucun, à mon plus grand regret alors je n’vais pas le droit de donner mon avis.

Après quelques minutes de marche, on entra dans le pub où toute la troupe se trouvait et, une fois assit au bout de la table, il ne fallu que quelques secondes pour que Shane fasse son numéro et serre la main de Ward. J’ignorais que mon collègue de scène avait une fascination pour les célèbre détenu des États-Unis! Il ne se cacha même pas pour poser pleins de questions à Ward sur la vie en prison, de quoi me rendre très mal à l’aise mais Ward me rassura en disant que cela ne le dérangeait pas du tout.

- D’accord mais… faut pas exagérer non plus !

Je saisi un shot de tequila que je vidais d’un trait, puis un autre. L’alcool sembla réchauffer le sang dans mes veine au m oins autant que ma gorge qui brulait mais je m’en fichais ! J’avais vraiment besoin de me détendre et à cet instant précis, je ne voyais que la tequila pour m’aider à y parvenir.

- Moi ? Dans un f…fi…film avec les North ?

Je ricanais timidement devant l’ambition que me prêtait Ward. Jamais de ma vie je ne m’avais cru capable de jouer dans la cours des grands. Un autre shot de tequila m’aida à faire passer ce rêve que je ne devais pas trop caresser, au risque d’en être déçue.

Rizzo se pencha alors pour me questionner sur mon lien avec Ward, quelque chose qui semblait bien la surprendre. Je pouvais la comprendre mais si elle le connaissait comme moi je le connaissais… Si les gens pouvaient le voir comme moi je le voyais !

- Pamela. Et toi ? Ward ? C’est un diminutif ? Howard ? Edward ? Et tu as fait tout ce chemin en sortant de prison pour voir Grease sur Broadway ? Faut le vouloir… Ou vouloir autre chose…

J’allais fondre sur la chaise devant autant d’effronterie. J’avais les yeux grands ouverts et je ne savais plus du tout quoi dire et, dans cette optique, je décidais que de vider trois autres shots de tequila était la chose la plus intelligente à faire.

J’avais donné des explications du pourquoi je n’allais pas réclamer la garde de Grant. C’était un mensonge. A vrai dire, je n’avais aucune envie de reprendre Grant. Ça n’avait plus réellement d’intérêt. Du reste, moi je voyais Keller, mieux je me portais donc mon mensonge avait, quelque part, une part de vérité.

Nell se demandait si Jordan avait envoyé des gens au Wild pour m’espionner. J’hochai négativement de la tête.

-Pas que je sache… Mais lorsque j’ai demandé, pour la première fois, la garde de Grant, il m’a fait espionner par des gens. Je le sais parce que l’un d’entre eux me l’a avoué.

Howard Stone. Et il avait payé pour ça. Depuis, Stone faisait profil bas surtout que la vie n’avait pas tardé a lui faire payer d’exister en tuant sa femme.

Nell trouvait ça dommage. Dans le sens où Grant verra très peu souvent Heaven. Sincèrement, je m’en fichais un peu. Ils peuvent bien vivre l’un sans l’autre, non ? Moi, je l’avais bien fait. J’avais été forcé de le faire.

-Je ferais en sorte, si je récupère Heaven, qu’ils puissent se voir d’une façon ou d’une autre. Jordan ne peut pas m’empêcher d’approcher mon fils.

On finit par entrer dans un pub où se trouvait toute la petite troupe qui était en représentation ce soir. Rapidement, le dénommée Shane se montra intéressé par… Ma légende ? Quelque chose comme ça. Je devais avouer apprécier ce genre de fascination. Alors, je ne me refusai pas à répondre à ses questions notamment sur mon petit passage en prison.

Nell s’offusqua mais je la rassurai disant que ça ne m’ennuyait pas. Elle ne voulait quand même pas qu’il exagère. Elle le dit avant de s’envoyer des shot de tequila. Visiblement, elle avait besoin de décompressé. A cause de moi ou de la retombée d’adrénaline d’après spectacle ? Difficile à dire.

J’avais alors changé de conversation disant que, peut-être, un jour, Nell finira dans un films avec les North. Nell sembla troublée par ce que je venais de dire. Elle ricana timidement. Je la fixai esquissai un sourire mais prenant un ton sérieux.

-Et pourquoi pas ? Tu as du talent… Plus que bien d’autres acteurs.

Elle but encore comme pour faire passer mon compliment. Je vis alors Rizzo se pencher vers nous pour lui parler sans que je puisse réellement entendre ce qu’elle disait. Alors, je lui demandai quel était son vrai nom à la méfiante amie de Nell.

Elle déclara s’appeler Pamela avant de me demander si Ward était un surnom ou un diminutif… Mon nez se plissa quand elle évoqua l’idée que ça pouvait être un diminutif d’Howard.

Oui.

Mais non !

Elle fit alors des sous-entendu. Je la fixai la pénétrant de mon regard en esquissant un petit sourire.

-Edward. Mais personne ne m’appelle Edward sauf mon père. Or, j’aimerais bien ne plus avoir à faire à lui une bonne fois pour toute. Donc c’est Ward.

Nell enchainait tous les shots alors que je continuais à regarder Pamela.

-Nell est une amie. Quand j’ai appris qu’elle allait grimper sur scène, je n’ai pas hésiter à venir. Je voulais la soutenir et la revoir. Après mes mois en prison, tout ce que j’avais envie c’est de revoir les gens qui comptent pour moi. Nell en fait partie.

Je bus un shot avant de regarder à nouveau Pamela.

-Pourquoi ? Que croyais-tu que je voulais ?

Oui, que croyais-tu, Pamela ?

Je fixai Nell qui semblait ne plus trop savoir où se mettre.

-J’espère que ça ne t’as pas ennuyé que je vienne, Nell…

Je dis ça en penchant légèrement la tête sur le côté.

En discutant avec Ward sur ses intentions vis-à-vis de Grant, j’appris par la bande que mon ex petit-ami avait envoyé des gens l’espionner. Plus j’en apprenais sur Jordan, plus je tombais de haut, comme si la personne avait qui j’avais été en couple était complètement différente de celui qu’il était en réalité, celui dont il m’avait montré le vrai visage le jour où il m’avait mise à la porte.

- Je comprends que tu n’aies pas très envie de revivre tout ça. Je suppose que c’est plus sage de procéder comme tu as l’intention de le faire.

Supposer ne voulait pas dire que j’étais d’accord mais tout ceci ne me regardais plus désormais donc il me semblait inutile de donner davantage mon opinion sauf pour ajouter que c’était dommage pour un frère et une sœur de grandit sans se voir. Ward déclara alors que s’il récupérait la garde d’Heaven, il ferait en sorte qu’ils puissent être réunis.

- C’est une bonne chose.

Ce soir, je voulais faire la fête avec la troupe de Grease et non pas me prendre la tête avec des histoires appartenant au passé. On entra donc dans le pub où tous étaient réunis et à peine étions nous installé que Shane, alias Kenickie se fit remarquer en serrant la main de Ward en passant presque par-dessus la table. Mon ami semblait observer une étrange fascination pour Ward et ne se gênait pas pour lui poser toutes sortes de questions toutes plus malaisantes les unes que les autres ce qui ne sembla pas déranger plus que ça l’ex détenu.

J’enfilais des shots de tequila puisqu’ils étaient sur la table et que devant ce malaise qui grandissait en moi, cela me semblait être la chose à faire. Si j’arrivais au moins à déterminer ce qui me faisait me sentir comme ça ! Était-ce le fait que ce soit Ward qui soit venu ici me féliciter plutôt que Jordan ? L’adrénaline d’après première ? Le comportement de Kenickie et Rizzo vis-à-vis de Ward ? Un mélange de tout ça ?

Je m’esclaffais quand Ward supposa que je puisse rejoindre la cours des grands et jouer un jour dans un film avec des acteurs de la trempe de Hank North. Jamais de ma vie je n’avais songé à ce genre de chose.

- Tu… Mais… Tu me surestime. Tu l’as toujours fait.

Ward avait toujours cru en moi, bien plus que moi-même et ce consta me rendis émotive mais pas question de pleurer dans ce pub ! Plutôt que de laisser couler des larmes, je ravalais mes émotions débiles avec un shot de tequila pour aider à les faire passer.

La tension grimpa d’un cran quand Pamela provoqua délibérément Ward en l’interrogeant sur son nom qu’elle supposait être un diminutif. Je savais que Ward n’appréciait pas qu’on l’appel par son prénom complet.

- Edward… Junior? Ce qui expliquerait pourquoi vous ne le tolérez pas.

- Mais non ! Tu n’y es pas, Pam ! Son père c’est Thomas Fleming, le boucher de Los Angeles ! Faut te renseigner! Comment ça se fait que ton père n’a pas encore grillé sur la chaise électrique ?

-  Charmante famille !

J’aurais bien voulu figer le temps à cet instant précis, faire taire Pam et Shane une bonne fois pour toute ou alors, trouver un moyen de nous excuser pour quitter le pub et changer l’ambiance mais la tequila semblait avoir mit du plomb dans mes jambes et de la compote dans la tête.

Ward expliqua ensuite être ici pour moi, comme un bon ami venu en soutenir une autre et rien de plus. Je le regardais longtemps, cherchant quoi dire mais les mots ne me venaient pas. Tout ceci était à ce point surréaliste que j’avais l’impression de regarder la scène depuis une autre table dans le pub.

À la question de Ward pour Pamela sur les véritables raisons de sa présence ici, celle-ci se contenta de le dévisager puis elle se tourna vers Dina, celle qui incarnait Frenchy et elles se mirent à papoter ensemble de la situation pas très subtilement d’ailleurs.

- Je…  Non ? Euh… Pourquoi je serais ennuyée ?

Je secourais la tête comme pour rassembler mes pensées ensembles pour parvenir à prononce rune phrase complète et pas totalement vide de sens.

- Tu dois… C’est pas… Tu as essayé le citron avec la telquilâ  ? Euh… Tequila !

Je me levais pour mieux allonger le bras sur la table pour attraper le bol contenant les citrons, renversant dans l’effort le verre de bière de Shane et le sex on the beach de Frenchy.

- Pardon ! Oops ! Pardon… Mes bras sont lourds ! Est-ce que je suis saoule ?

- Tu as descendu l’équivalent d’une bouteille de Tequila en même pas dix minutes ! À fond que tu es saoule, ma vieille ! Ça sent le chant de la cuvette, bon courage Ward !

Nell avait fini par sembler en partie convaincue par mon argumentaire sur la garde de Grant. Ce qui nous mena au pub où fêtaient déjà les autres membres de la troupe de Grease version théâtre.

Là-bas, l’ambiance était à la beuverie et Shane ne tarda pas à montrer toute sa fascination pour moi. Tout ça mis très mal à l’aise Nell qui commença à descendre shots sur shots. Moi, j’appréciais être une genre de légende pour certaines personnes et ce Shane n’était pas avare en questions sur Saint-Quentin. Questions auxquelles je répondis.

Je ne tardai pas à faire l’éloge de Nell ce qui la rendait encore plus mal à l’aise, on dirait. Elle trouvait que je la surestimais. Ah oui ? Je ne pense pas. C’est elle qui est bien trop modestes. Elle l’a toujours été.

-Tu es trop modeste, Nell. Je ne te surestime pas.

En réalité, elle me semblait plus douée que certaines actrices confirmées. Elle pourrait jouer dans la cour des grands si elle le voulait réellement.

Ce fut, ensuite, à Pamela de s’adresser à moi bien que j’avais, quelque part, initié la conversation. Je sentais dans sa voix un ton provocateur quand elle parla de mon nom. Je déclarai m’appeler Edward, un nom que j’abhorrais.

Ward. C’était mon nom.

Mais quand Pamela poussa plus loin la provocation en m’appelant Edward Junior, je la fixai en penchant légèrement la tête sur le côté avec un regard qui voulait tout dire.

Elle veut une tête en moins ? Parce que si c’est le cas, elle prend la bonne direction.

Heureusement, l’expert en tueurs en série la repris pour expliquer que mon père s’appelait Thomas. Il posa alors une autre question qui me fit hausser des épaules.

-Parce qu’il a eut un bon avocat dans les années 50. Et un peu de chance aussi. Mais il ne quittera jamais Saint-Quentin… Pas avec deux peines à perpétuité à purger.

Je tentai de faire fi des images dans ma tête de moi en train de démolir cette Pamela. Pour ça, je répondis calmement à ses questions sur ma relation avec Nell. J’expliquai qu’on était amis.

Je renvoyai la question à Pamela qui détourna le regard pour parler à Frenchy… Ce n’était pas discret et Nell s’exclama alors avant de me parler de téquila en butant sur les mots me prouvant qu’elle était dans un état d’ébriété avancé.

La fête était finie. Et elle le fut carrément quand Nell renversa des verres. Elle s’excusa demandant si elle était saoule.

Oh que, oui, ma belle, tu es saoule.

Shane confirma me souhaitant bonne chance.

-Il a raison, Nell… Tu es bien entamée… Je vais te ramener.

Je me levai en soutenant Nell avant de saluer de laisser trainer quelques dollars pour payer les verres et de sortir laissant Pamela à ses commérages.

Une fois dehors, je soutenais toujours Nell.

-On va dans ma chambre d’hôtel… C’est à deux pas d’ici.

Je ne lui laissai pas vraiment le choix. De toute façon, elle n’avait plus vraiment les idées claires.  On entra dans mon hôtel avant de finir dans ma chambre. Là, j’aidai Nell à s’asseoir sur le lit.

-Je t’amène de l’eau.

Je partis vers le petit frigo pour en ressortir une bouteille d’eau. Je la tendis à Nell.

-Ça ne fera pas des miracles mais ça t’évitera peut-être une migraine le lendemain.

Je m’assis à côté d’elle.

-Charmants tes amis… Hormis Shane, ils ne m’aiment pas beaucoup.

Moi, une grande actrice ? Ward venait de dire que j’en avais le talent si j’en avais envie alors que moi, je pensais qu’il surestimait mon talent. Je n’avais fait que des spectacles amateurs avant d’aller en Europe pour Les Misérables et de me retrouver ensuite à New York pour Grease. Rien pour étoffer un curriculum et m’ouvrir la porte des plus grands studios Hollywoodiens. Pourtant, Ward ne démordait pas et disait qu’il ne me surestimait pas, que c’étai plutôt moi qui était modeste.

Tous ces compliments me faisaient baisser les yeux et rougir des joues. Je ne savais plus comment réfléchir tant j’étais submergée par un lot d’émotions contradictoires.

Il y avait une bonne dose d’hostilité entre Ward et Pamela, engendrée par cette dernière qui avait décidé de juger Ward par sa réputation. Ceci dit, c’était aussi la réputation de mon ex petit ami fraîchement sortit des murs de San Antonio qui alimentait l’admiration de Shane à son endroit, comme quoi, tout était un point de vue d’ouverture d’esprit. Pour l’une, Ward était déjà condamné et pour l’autre, il devait être sanctifié.

Tout ceci donnait lieu à un échange légèrement tendu qui s’atténuait légèrement quand Shane la ramenait pour poser une question ou pour rectifier un fait. Il semblait s’y connaître en tous les cas, sur Ward et sa vie en générale. Assez pour que Pamela juge plus intéressant ou prudent de ne parler qu’avec Frenchy, une petite messe basse qui ne faisait aucune doute que Ward en était toujours le sujet principale.

Quant à moi, j’avais perdu le fils des shots de tequila que j’avais enfilé mais ils étaient nombreux, trop nombreux pour une première cuite en règle. Tellement que lorsque Ward me demanda si j’étais ennuyée par sa présence, ne sachant pas comment lui dire qu’au contraire j’étais très heureuse de le revoir, vivant mais que d’un autre côté j’étais triste que Jordan n’ait pas eu la même initiative, je me levais pour attraper les citrons, renversant des verres au passage.

J’étais saoule.

Je m’étais enivrée toute seule, comme une grande fille, sans même m’en rendre compte et maintenant, Ward déclarait la soirée terminée et proposa de me raccompagner. Pamela s’en objecta en disant qu’elle s’occuperait de moi mais je me retrouvais dehors du bar avec Ward pour me soutenir avant que je n’eu le temps de dire ou faire quoi que ce soit. Tout ce que je savais, c’était que j’avais un trop plein de tequila dans le ventre et qu’il menaçait de ressortir aussi vite qu’il n’avait été bu !

Marcher me fit du bien.

Ward avait une chambre à mi-chemin entre le théâtre et le pub où nous étions. Heureusement que ce n’était pas très loin autrement, il aurait dû me porter.

Tout était extrêmement flou dans ma tête.

J’étais assise sur le lit de Ward et il m’avait offert une bouteille d’eau en disant que ça m’éviterais peut-être la migraine demain, ce que je doutais et redoutais. Nous avions une représentation demain soir, je ne pouvais pas me permettre de ne pas être bien, surtout en ayant un si grand rôle.

- Pamela n’aime que Pamela. Les autres la suivent parce qu’elle a un fort caractère et Shane… C’est Shane, tu vois ?  Ward ? …

Je soufflais doucement en inspirant tout aussi doucement. C’était nécessaire vu la tempête qui faisait rage dans mon estomac. Je levais une main et la posais sur ton épaule pour qu’il cesse de tanguer.

- J’ai besoin de savoir !

Je le regardais dans les yeux, dans les six paires que je voyais devant moi. Je plissais les miens en me disant que ça m’aiderais à trouver la bonne paire à fixer. Il avait fait tout ce chemin en sortant de prison pour me voir sur scène. Ça ne faisait aucun sens. Il aurait eu tellement mieux à faire, comme de régler son divorce ou de rebâtir sa vie. Pourquoi être venu me voir moi ? Parce que j’étais moi-même allée le voir en prison ? Parce que nous étions liés comme il le prétendait ? Ou était-ce parce qu’après toutes ces années, il était encore amoureux de moi ?

- Il faut vraiment que je sache…. Tu dois me le dire, ok ?

Ma deuxième main se posa sur son autre épaule et je baissais la tête pour inspirer profondément et souffler encore, puis recommencer, encore.

- Elle est où la toilette ?  J’crois que je vais vomir… maintenant !

Nell était saoule… Elle avait vidé bien trop de shot de téquila que pour encore marcher droit. Depuis que je la connais, je ne l’avais jamais vu s’enfiler autant d’alcool. Mais il semblerait qu’il aurait été incapable de se détendre autrement.

Ma faute ? Celle de sa toute nouvelle notoriété ? Celle de ses collègues ? Un mélange de tout, j’imagine.

Quelque part, l’état d’ébriété de Nell me permit de m’en aller de ce pub. Je savais que si je restais plus longtemps ici, Pamela allait me donner d’autres raisons de la faire disparaitre de cet planète. Il faut dire que ça faisait un moment que je me battais contre mes pulsions. Je savais que je ne pourrais pas tenir éternellement…

Mais tuer Pamela ne serait en rien discret.

Alors, on s’en alla et je soutins Nell jusqu’à ma chambre d’hôtel qui n’était pas très loin. Elle ne marchait pas forcément droit et j’avais l’impression que si je la lâchais, elle allait s’étaler au sol.

Une fois dans ma chambre d’hôtel, j’installai Nell sur le lit avant d’aller lui chercher une bouteille d’eau qui, finalement, était la seule arme contre son état. Quant à moi, je vins m’asseoir à côté d’elle clamant que ses amis ne m’aimaient pas beaucoup. A l’exception de Shane et sa fascination pour le mal. Mais d’après Nell, Pamela ne s’aimait qu’elle-même et Shane… C’était Shane. J’haussai des épaules.

-Je vois… De toute façon, j’ai l’habitude. Puis, ce n’est pas comme si j’allais devoir les revoir.

Elle posa sa main sur mon épaule et déclara qu’elle avait besoin de savoir. Je plissai les yeux avant de la regarder.

-De savoir quoi ?

Elle plissa les yeux à son tour avant de me dire qu’il fallait absolument qu’elle sache.

-Je veux bien te le dire, oui… Si tu me pose ta question…

Oui, parce que, jusqu’ici, elle ne m’avait encore pas posé de questions… Elle posa son autre main sur mon autre épaule avant de… Demander où son les toilettes.

Je me reculai avant de la faire se lever pour éviter qu’elle ne vomisse dans mon lit. J’avais fait ça d’un coup ce qui, sans doute, avait un peu trop secouer Nell qui vomit sur le sol.

-Et merde…

C’est ce que je grommelai avant de l’amener jusqu’à la salle de bain pour qu’elle puisse vomir encore si jamais. Je m’assis à côté d’elle, à terre alors qu’elle avait la tête quasi dans la cuvette.

-Tu as beaucoup trop bu… Ce n’est pas ton genre… C’est à cause de moi ?

Dans mon estomac, la tequila flottait et menaçait de remonter aussi rapidement que je ne l’avais ingurgité. Quelle idée stupide avais-je eu ! Ils font comment les gens qui boivent l’équivalent de la Méditerranée en alcool tous les jours ? Ceux que j’aide à la mission qui boivent leur paie, semaine après semaine ?

Assise sur le lit de Ward qui venait de me tendre une bouteille d’eau pour m’éviter la migraine demain, j’essayais de comprendre pourquoi il était venu me retrouver. Pourquoi il prenait encore soin de moi. Pourquoi lui et non Jordan ? Pourquoi le méchant de l’histoire prenait soin de moi et le gentil m’avait blessé comme personne avant lui ne l’avait fait ?

Il fallait que Ward réponde à ma question. Il devait me dire s’il faisait tout ça parce qu’il était encore amoureux de moi et ce, malgré toutes ces années, tout ce qui avait pu couler sous les ponts depuis. Sinon, pourquoi le ferait-il ? Parce que nous sommes liés, comme il le prétendait ? Ça n’existait pas ce genre de chose, que dans les films !

Je n’arrivais pas à formuler ma question, les mots ne sortaient pas, où plutôt qu’à moitié pour finalement laisser passer une autre question qui venait de prendre toute l’importance du moment. J’allais vomir, je le sentais ! Ward me bouscula pour me faire me lever mais ce fut un mouvement trop brusque qui fit s’agiter les flots instables de tequila qui remontèrent et finirent sur le plancher de sa chambre d’hôtel.

- Oh… Oops !

Puis je me retrouvais avant même que j’eu le temps de m’en rendre compte, sur le sol de la salle de bain, appuyé contre la cuvette, l’enlaçant d’un bras et mon front posé dessus. Ward était tout près de moi. Je ne le voyais pas mais je l’entendais me demander si j’avais trop bu à cause de lui. Tout doucement, je fis non de la tête même si je n’en étais pas si certaine. Puis, je haussais des épaules et je murmurais que je n’en savais rien avant de laisser passer la seconde vague.

- Plus jamais je vais boire ! C’est trop nuuuuuuuuulle  !

En fait, ce n’était pas boire qui était trop nulle mais ce qui venait avec. Ma gorge brûlait et le goût amer de ma déception emplissait ma bouche. Je tandis mon bras libre pour réclamer la bouteille d’eau que Ward m’avait offert tout juste un peu plus tôt et quand je l’eu, j’en bus une longue gorgée avant de replacer ma tête contre mon bras qui enlaçait toujours la cuvette comme si elle était ma nouvelle meilleure amie.

- Pourquoi il m’a largué ? Pourquoi il n’a pas essayé de se battre pour nous, pour moi ?  Hein ? J’étais là moi, auprès de lui, quand tu as récupéré Grant. Il pleurait, il voulait que je sois la mère de ses enfants. Quand moi j’ai eu besoin de lui… Il a dit que mes émotions étaient débiles et il m’a jeté à la rue en me hurlant dessus parce que j’étais allée te voir en prison. Pourquoi les hommes, vous avez toujours besoin de nous écraser, les femmes, pour vous sentir supérieur ? J’en ai marre d’être gentille, de ressentir des émotions débiles, d’être la douce et gentille Nell. Je vais les anéantir les hommes et leur émotions débiles, ok ? ! J’en ai vraiment marre… la vie est nulle !

Je venais de vomir un flot de mots et de déceptions dans la cuvette en pleurant, recroquevillée sur le carrelage froid d’une chambre d’hôtel avec Ward à côté de moi pour m’entendre gémir ma vie de la plus pathétique des façons. La vie était vraiment trop nulle en ce moment !

Nell devait vomir et c’est sur le sol de ma chambre d’hôtel qu’elle le fit. Je commençais à regretter de l’avoir emmené ici… J’aurais peut-être dû la raccompagner à sa propre chambre d’hôtel. Parce qu’elle était vraiment loin. Peut-être un peu trop que pour réellement savoir ce qu’elle faisait.

C’était un avantage… Et un inconvénient aussi.

Je réussis à l’emmener jusqu’à la salle de bain où elle s’accrocha à la cuvette des toilettes comme si sa vie en dépendait. Je m’étais assis parterre un peu plus loin et je la regardais tenter de reprendre contenance alors que son estomac devait la faire souffrir le martyr.

Je demandai si elle s’était saoulée de la sorte à cause de moi. Parce que ce n’était pas son genre. Je ne l’avais jamais vu s’enfiler autant de verres les uns à la suite des autres. Elle me semblait comme au fond du trou incapable de gérer tout ce qu’elle avait dans la tête.

Mais elle fit « non » de la tête. Ce n’était pas moi. Je plissai des yeux avant de grimacer quand elle vomit à nouveau.

Elle clama qu’elle n’allait plus jamais boire. Que c’était trop nul. Je la fixai d’un air neutre.

-C’est toujours ce qu’on dit dans ce cas-là.

Est-ce qu’elle réitèrera l’expérience ? Nell n’était pas une grande buveuse… Alors je me doutais bien que ce genre d’expérience pouvait effectivement la refroidir. Pas comme des gens comme Stone qui vivait constamment en état de gueule de bois.

Elle voulait la bouteille d’eau et je la lui tendis. Elle en bus une longue gorgée. Elle venait de grimper sur scène et d’en mettre plein la vue à tout le monde. Maintenant elle était à moitié morte à vomir ses tripes.

Elle se demanda alors pourquoi il l’avait largué. Elle parlait de Jordan sans doute. Et elle me servit sur un plateau les raisons qui avait poussé Keller à la foutre dehors. Moi. J’étais la raison. Je sentis un frisson. Pas un frisson négatif. Non. Tout le contraire. Savoir que j’étais à l’origine de la rupture entre Nell et Jordan me donnait un sérieux sentiment du travail accompli. L’avantage avec Keller c’est qu’il savait faire en sorte que Nell se rapproche de moi tellement il était brute de décoffrage. Je l’avais déjà bien vu lorsqu’il avait tenté une médiation avec la psy de Grant.

Et de Jordan, Nell passa sa haine sur les hommes en général. Et sur elle, aussi, quelque part. Elle en avait marre d’être gentille. Elle voulait démolir les hommes. Elle clama, ensuite, que la vie était nulle.

Elle vivait mal sa rupture. C’était évident. Et le fait qu’elle ait obtenu un rôle à Broadway ne semblait pas vraiment pouvoir pallier ça.

-Quand on a vraiment aimé quelqu’un, c’est compliqué de se remettre d’avoir été traité ainsi. Je sais ce que tu ressens.

Je l’avais vécu avec Sky. Elle m’avait trahi.

Je m’approchai de Nell pour frotter doucement son dos parce qu’elle pleurait.

-Il ne te méritait pas. Il t’a largué parce que Jordan Keller est un connard fini qui ne pense qu’à lui. Il n’est pas à ta hauteur alors il se sent l’obligation de t’écraser. Il doit déjà être passé à autre chose le connaissant.

Je continuai de caresser son dos.

-Tu as une belle carrière à Broadway. Montre-lui en persévérant que tu sais avancer sans lui.

Qu’il lui montre qu’il n’est rien. Qu’il n’avait fait que la bloquée pendant tout ce temps.

-Et moi… Je ne t’écraserais jamais. Est-ce que je t’ai déjà écrasé ?

Quel pathétique spectacle je venais d’offrir à Ward qui m’avait installée au sol de sa salle de bain, probablement par peur que je ne lui fasse un rappel, encore sur son plancher. Je me sentais terriblement moche, un peu comme si j’arrivais au bout de ma vie tant mes tripes et ma gorge étaient en feu. Plus jamais je ne boirais d’alcool, plus jamais !

- À toi aussi, c’est arrivé ? , lui demandais-je sans sortir ma tête de la cuvette.

J’avais du mal à l’imaginer entrain de vomir ses tripes après une cuite. Puis un grand gaillard comme lui, ça devait en prendre beaucoup plus qu’à moi pour le faire tomber à genoux. En tous les cas, moi, je savais que jamais pus je ne boirais ! Jamais de ma vie je ne m’étais saoulée, je pouvais très bien la poursuivre sans récidiver.

D’un geste du bras, je réclamais la bouteille d’eau qu’il m’avait apporté tout juste avant ma grande représentation et j’en bu une longue gorgée avant de finir par déballer tout ce que j’avais sur le cœur. Je n’en avais pas eu l’intention ! Les mots sortaient de ma bouche sans que je ne puisse les retenir. C’était comme avec l’alcool que je venais de vomir. Tout sortait ans que j’ai le contrôle sur quoi que ce soit, quand je disais que c’était pathétique, comme spectacle !

Ward caressa doucement mon dos tout en confiant qu’il était difficile de se remettre d’une rupture quand on avait réellement aimé l’autre. Je fermais les yeux et laissais couler une larme sur ma joue tout en soupirant. Je sentais que je ne m’en remettrais jamais. Je l’écoutais d’une oreille, l’autre étai envahie d’un bourdonnement désagréable, celui de mon estomac encore incommodé par l’alcool et l’effort de le rendre.

- Ça m’aurait fait moins mal s’il m’avait dit m’avoir trompé. J’aurais pu me battre contre une autre femme, tu vois ? Mais comment rivaliser avec sa mentalité d’homme des cavernes ?

Je relevais la tête que pour poser mon front contre mon bras et pouvoir tourner le regard vers lui qui continuait à me valoriser en parlant de ma carrière qui pouvait être ma plus belle vengeance contre Jordan. En brillant sur Broadway, je pourrais lui montrer que maintenant, sans lui, je brille.

- Tu as raison… je pense… peut-être…

Tout en douceur, je me redressais pour m’assoir d’abord sur le sol de la salle de bain, puis pour me reculer lentement contre le mur, à peine deux longueurs de fesses plus loin et me blottir contre Ward qui assura que jamais il ne m’écraserait.

Jamais il ne l’avait fait.

- Jamais. Tu n’as jamais fait ça.

Ni rien d’autre de blessant ou qui aurait pu me diminuer.

Mon estomac était noué et douloureux mais je ne pensais plus que je serais encore malade, du moins, je l’espérais ! C’était déjà bien assez gênant comme situation.

- Pourquoi tu es…

Je frottais mon front et mes yeux puis je ramenais mes mains dans mes cheveux pour m’en dégager le visage et essayer de me redonner un petit look moins chat de gouttière bien que je me doutais que j’aurais encore une mine affreuse et que même après une bonne nuit de sommeil, je serais toujours autant cernée.

- Pourquoi tu es venu ici ? Je me suis toujours demandé si tu était encore amoureux de moi.

Nell se demanda si je m’étais déjà pris ce genre de cuite. Comme si ma légende était à se point forgée que personne ne pouvait se permettre de m’imaginer dans une position pareille. J’hochai de la tête.

-Oui. J’avais 14 ans la première fois. Et ça m’est encore arrivé après.

Je n’en dis pas plus. En réalité, ça faisait longtemps que ça ne m’étais plus arrivé. Pas au point de vomir à ce point en tout cas. Je me rappelle avoir été, une fois, tellement plein que c’est Leia O’Reily qui m’avait ramené chez moi. C’était de vague souvenir à moitié effacé par mon état de ce jour-là.

Bref, des cuites, j’en avais déjà pris. L’alcool ne me rendait pas plus gentil… Il me rendait simplement plus provocateur.

Je donnai une bouteille d’eau à Nell quand elle la réclama. Elle se mit alors à déballer un tas de choses… Ça tournait essentiellement autour de sa rupture avec Jordan. Pas besoin de me faire un dessin pour que je comprenne qu’elle le vivait très mal. Elle s’était fait jetée et s’en voulait d’être à ce point gentille.

Jordan avait merdé. Nell lui en voulait. Il l’avait mise au fond du trou.

Elle était à ma merci. C’est ce que je ressentis tout comme je ressentis, aussi, une grande satisfaction vis-à-vis de leur rupture qui était, en partie, de mon fait.

Je vins caresser le dos de Nell. Elle laissa couler une larme avant de dire qu’elle aurait préféré que Jordan la trompe. Ainsi, elle aurait eu quelqu’un d’autre à blâmer que Jordan.

-Tu ne peux pas rivaliser avec l’esprit étroit et borné de Jordan Keller. Il aime écraser tout ce qui n’entre pas dans ce qu’il conçoit de « juste » et « bien ». Il t’a jeté. Il ne mérite pas tes larmes.

Enfoncer Keller était comme un hobby pour moi. Et je devais avouer que le policier avait l’art de me donner un tas de munitions pour ça.

Il était son pire ennemi. Moi, je ne faisais que lui balancer dessus les cailloux qu’il semait lui-même.

J’expliquai à Nell qu’elle devait continuer sa carrière pour que Keller voit qu’elle savait parfaitement vivre sans lui. Elle disait que j’avais raison bien qu’elle ajouta des mots qui témoignait de son hésitation.

Elle se redressa alors avant de se blotti contre moi. Je passai mon bras autour de ses épaules avant de dire que je ne l’avais jamais écrasé, moi.

Elle confirma.

-Oui. Jamais.

Elle avança alors une question mais se frotta un peu le visage et les cheveux pour paraitre légèrement plus présentable. Je l’écoutai attentivement.

Et la question tomba.

-Tu es venue me voir en prison. Tu as toujours cru en moi. Tu m’as toujours soutenu. Tu as toujours essayé de me comprendre… Comment est-ce que je ne pourrais pas être encore amoureux de toi ?

La brèche était ouverte. Je n’avais plus qu’à m’y engouffrer.

-Je suis venu… Je ne sais pas… Pour te voir… Tu sais, je n’ai plus beaucoup de soutien. Je n’ai jamais eu vraiment d’amis. Alors quand j’ai appris pour Broadway, je n’ai pas vraiment réfléchi. Je suis venu.

Je soupirai.

-J’ai un tas de rupture à mon actif et un divorce. A chaque fois, j’ai pensé que c’était la bonne. Mais… La rupture qui m’a le plus touché c’était la nôtre. Parce que j’avais l’impression que tu me comprenais. Que tu savais qui j’étais au fond… Le vrai Ward Fleming. Pas celui que tout le monde pense que je suis.

Il m’était bien difficile d’imaginer Ward la tête dans une cuvette à chialer sur la vie et ses coups bas. Un type de son genre devait pouvoir encaisser des litres avant de tomber à genoux comme je venais de le faire. Cependant, il m’avoua que oui, à quatorze ans et même quelques fois après, il avait fait la même expérience. Ça me fit légèrement sourire, pas parce que je me réjouissais qu’il ait pu vivre ça mais parce que ça le rendait un petit peu moins invincible, un petit peu plus comme tout le monde. Il ne montrait pas souvent ses petites failles.

- Quatorze ans, tu avais l’excuse de l’âge. Moi… Moi… J’ai juste… J’ai juste fait n’importe quoi.

Il me semblait que j’excellais dernièrement dans l’art de faire n’importe quoi. Le goût amer de mon vomit qui me brûlait le fond de la gorge me le rappelait à chaque mot que je prononçais. Ça ne m’empêcha pas, une fois une longue gorgée d’eau avalée, de débiter un flot de mots en vrac, des confidences qui n’allaient certainement pas tomber dans l’oreille d’un sourd. Ward ne devait pas entendre ça. Il ne devait pas savoir tout ça ! Mais ce fut plus fort que moi. Portée par l’impression de courage de mon était d’ébriété, je lâchais ce morceau devenu beaucoup trop gros pour moi ce qui encouragea Ward à enfoncer un peu plus Jordan en se comparant.

Le pire dans tout cela ?

Ward avait raison !

Jamais de tout le temps qu’avait duré notre relation il ne m’avais écrasé ou réprimé. Jamais il n’avait eu de comportement se rapprochant de la violence sous quelle forme que ce soit. Jamais il n’avait cherché à m’humilier ou m’intimider que ce soit en geste ou en parole pour faire valoir sa supériorité. De savoir et comprendre tout ça me faisait autant de mal que de bien.

Si Jordan m’avait trompé, j’aurais pu tout faire pour rivaliser avec cette fille. J’aurais pu tout faire pour le reconquérir mais quand je devais rivaliser avec sa mentalité archaïque et patriarcal inspiré du siècle dernier, je me sentais complètement démunie et sans ressource.

- S’il me voyait pleurer, il dirait probablement que je suis débile alors… Tu… Tu as raison. Il ne mérite pas mes larmes.

Ward croyait que je devais poursuivre ma carrière pour prouver à Jordan que je savais me tenir debout, même sans lui. J’en avais la capacité alors pourquoi je ne le faisais pas ? Parce que malgré que je venais de plaider que j’en avais marre d’être la gentille et douce Nell et que je voulais moi aussi être en mesure de me défendre et écraser ceux qui me faisaient du mal, je n’en étais tout simplement pas capable.

Ward passa son bras autour de mes épaules et moi, j’appuyais ma tête lourde et bourdonnante contre son torse. J’avais vraiment besoin de savoir pourquoi il était venu me retrouver ici. Je le connaissais assez bien pour savoir que de sortir de Los Angeles n’était pas sa tasse de thé et qu’en général, il ne faisait jamais rien pour rien. Notre rupture remontait à plusieurs années déjà et pourtant, j’étais toujours resté avec l’impression qu’il était toujours amoureux de moi ce qu’il me confirma sans s’en cacher avant de m’expliquer tout ce qui faisait que, malgré tout ce temps, il éprouvait encore des sentiments pour moi.

Je restais muette.

J’avais la réponse à ma question mais je ne savais pas quoi en faire. De mon côté, je ne croyais pas ressentir le même genre de sentiments pour lui et ma rupture avec Jordan était beaucoup trop récente pour être en mesure de la mettre de côté et essayer d’aller de l’avant. Je n’étais pas ainsi, je ne pouvais pas m’étourdir dans les bras d’un homme pour en oublier un autre.

- Qu’allons-nous faire ?

Je me sentais seule ici, même entourée de Pamela et Shane. Ils n’étaient pas ce que je pouvais appeler des amis, du moins pas encore. Ward était ici avec toute une vie à rebâtir. Il pouvait se permettre de rester un temps ? Deux âmes blessées comme les nôtres devaient se soutenir.

Nell se demandait si je m’étais déjà pris une cuite pareille. Je n’avais pas nié en avoir déjà vécu. La première à 14 ans. C’était aussi l’année de mon premier meurtre. Celui de la fille du bras droit de Ricardo, mon beau-père.

Nell déclara que j’avais l’excuse de l’âge… Et, comme j’étais perdu dans mes pensées, repensant à mon premier meurtre, j’eus un instant de flottement où je me demandais si elle parlait de la cuite ou du meurtre.

Mais c’est bien de la cuite qu’elle parlait. J’haussai des épaules.

-Tu avais simplement besoin de décompresser…

Elle s’en voulait d’avoir tant bu. Mais c’était surtout sa rupture avec Jordan Keller qui la pesait. Elle en parla en long et en large blâmant l’attitude du sale flic et blâmant, aussi, son attitude à elle. Elle s’en voulait d’être si gentille. A mesure qu’elle parlait, je voyais une brèche se dessiner. Une brèche dans laquelle je voulais m’engouffrer.

Je mis en avant que Jordan ne la méritait pas. Qu’elle devait lui prouver qu’elle peut avancer sans lui avant d’ajouter que, moi, je ne l’avais jamais écrasé chose qu’elle confirma. Je voyais la brèche s’agrandir alors que les arguments contre Keller s’accumulaient alors que ceux en ma faveur augmentaient. L’état de Nell favorisait ça, c’est vrai…

Nell déclara que si Jordan la voyait pleurer, en ce moment, il la trouverait débile. Keller aimait se donner le bon rôle mais, visiblement, c’était un enfoiré comme un autre. Un enfoiré d’hypocrite étant donné qu’il ne cessait de dire que j’étais, moi, quelque d’infréquentable.

-Non. Il ne les mérites pas. Tu n’es pas débile.

Elle n’est pas débile. Et elle est à moi. Je sentais qu’elle l’était de plus en plus à mesure que la conversation avançait. J’avais déjà entendu de la bouche de certains que je contaminais tout ce que je touchais.

Je me plaisais à croire que c’était vrai.

J’avais passé mon bras autour de ses épaules et elle reposa sa tête sur mon torse. Une proximité qui me fit légèrement frissonner. Et après sa question, je répondis que je ne pouvais pas faire autrement que d’être toujours amoureux d’elle.

Était-ce vrai ?

Oui. Elle avait rallumé la flamme en venant me voir en prison. Le fait qu’elle ait fait tout le chemin et ait brisé son couple au passage rien que pour moi… C’était ça qui m’avait amené ici ce soir.

Il y eut, ensuite, un blanc. Avant qu’une question vaste ne sorte de la bouche de Nell.

Qu’allons-nous faire ?

Tout dépendait d’elle, non ?

Je caressai doucement son bras.

-La toute suite ? Tu vas sûrement bientôt t’endormir pour cuver. Ça te fera du bien… Tu peux rester ici pour dormir. Tu l’as bien mérité après tout ça.

Et ensuite ?

-Après…

Je laissai un blanc.

-Si tu veux que je reste un temps, je peux. J’ai l’argent… Le Wild peut tourner un temps sans moi. La seule chose qui peut me renvoyer à L.A. est le procès pour la garde d’Heaven…

Je continuai de caresser son bras doucement. La patience… C’est ce que j’avais appris en prison. Je devais être patient ce soir…

-Si tu ne veux pas je rentrerais demain…

Je laissais la balle dans son camp. Pourquoi ? Sûrement parce que, au fond, j’aimais me faire désirer.

Jamais de ma vie je ne m’étais saoulée et jamais plus de ma vie je ne retenterais l’expérience. Je me sentais comme une loque avec en prime maux de tête, de gorge et d’estomac. C’était le deal du siècle que je venais de me prendre, pour une première fois ! En même temps, je n’avais pas vu les verres s’enfiler. Oh! Je ne blâmais personne, j’étais la seule responsable de ma consommation excessive mais il ne s’agissait que de tous petits verres ! Rien de bien vilain ? Bah apparemment, même dans les petits verres se trouves de grands chagrins.

Ward justifiait mon état en disant que j’avais eu besoin de décompresser, oui, il avait raison mais j’aurais pu trouver un autre moyen. Je sentais que j’allais subir les contre coups de ma cuite encore longtemps. Puis il y avait encore cette flaque de vomit sur le sol de la chambre de Ward, pour me narguer et me montrer à quel point je n’ai pas su gérer.

La conversation tanguait comme mon estomac. Je finis par parler de Jordan et de notre rupture, des vraies raisons de celle-ci et du mal que j’avais à l’encaisser. J’étais toujours et pour mon plus grand malheur, profondément amoureuse de Jordan qui n’en avait plus rien à faire de moi, de nous. J’étais pour lui un caillou dans sa chaussure et il m’avait jeté, tout simplement.

Pour Ward, je n’étais pas débile et Jordan ne méritait rien de moi, ni mon chagrin et encore moins mon amour. Évidement, c’était facile pour lui de le dire puisqu’il venait aussi de m’avouer être encore amoureux de moi. Mon cerveau autant que mon cœur, avait bien du mal à décortiquer cette information. Je ne voulais pas jouer avec ses sentiments, je souffrais encore trop de ma rupture pour tenter l’expérience à nouveau. Je ne me sentais pas à la hauteur de Ward, ni même à la hauteur d’être tout simplement moi.

Mais il était là, au moment où j’en avais le plus besoin. Il était là pour me soutenir et me tenir les cheveux pendant que je vomissais ma tequila dans la cuvette. Il disait que j’étais la seule à être venue le voir en prison, la seule à le soutenir et à croire en lui. Il était le seul à en faire tout autant pour moi en ce moment.

Jordan n’était pas là.

Alors qu’allions nous faire ?

C’était une question sans réponse puisque Ward n’en avait pas lui non plus, du moins, aucune de bien concrète. Il disait que dans l’immédiat, j’irais dormir pour continuer de cuver, que je pouvais même dormir ici. C’est ce que je voulais. Je ne voulais pas dormir seule e je ne me sentais pas la force de marcher jusqu’à mon hôtel.

- Je veux bien dormir ici.  

Et pour la suite ?

Ward disait pouvoir rester quelques temps, qu’il en avait les moyens, que le Wild pouvait bien se passer de lui pour un moment. Ça me fit sourire, un peu, puis je fis oui de la tête.

- J’aimerais bien que tu restes, oui. Si tu crois que tu pourras encaisser Pamela et ses remarques sans la noyer dans la cuvette. Promis ?

Ward resterait toujours Ward, je savais qu’un mot de trop et Pamela risquait de le payer cher. Je ne voulais pas gérer une querelle entre deux de mes amis. Ensuite, je me penchais par en avant et je pris appuie sur la cuvette avant de tirer mes jambes sous mon corps mou, pour poser mes genoux au sol et trouver une certaine stabilité afin de me relever. J’avais mal partout et je savais d’avance que j’en paierais cher le prix demain soir sur la scène. Valait mieux que j’aille dormir tout de suite pour tenter de récupérer un maximum de force.

- Demain, quand j’aurais terminé d’être une loque, je te paierai un diner quelque par pour me faire pardonner.

Qu’est-ce qu’on allait faire ?

C’était la question de Nell alors que j’avais habilement coupé quelques liens qui la reliait encore à Jordan. Ce n’était pas la première fois que j’essayais méthodiquement de détruire une relation. Je l’avais fait avec Livia quand je la retenais captive. Et si elle était revenue dans les bras de Hughes c’est uniquement parce je lui avais fait comprendre que je l’avais bernée. Que je n’avais aucun sentiment pour elle. Que je n’avais fait que la manipuler pour atteindre son père.

Son père qui, désormais, était mon allié. Comme quoi la vie est pleine de surprises, n’est-ce pas ?

J’avais lancé à Nell que, pour l’instant, le mieux pour elle était qu’elle se repose pour cuver tout l’alcool qu’elle avait bu. Son réveil sera difficile mais, après, elle aura les idées claires.

Elle accepta de dormir ici. J’hochai de la tête. J’avais avancé d’une case dans ma reconquête.

Et après ?

Après je lui laissais le choix. Soit je restes à ses côtés, soit je retourne à L.A.. J’avais compris depuis longtemps que s’imposer rendait les femmes frileuses. Et, comme je le disais, en prison, j’avais appris la patience et ça m’avait bien servi.

Elle approuva alors de la tête. Elle voulait bien que je reste. Elle se demandait simplement que j’allais pouvoir encaisser Pamela sans la noyer dans les toilettes. Elle voulait que je le lui promette. Et avec ça, j’avais l’impression que, au fond, Nell savait… Et l’acceptait.

-Promis.

Promis, je ne la noierais pas dans les toilettes… Maintenant, tout autre moyen était bon, non ?

-J’ai encaisser mon père pendant trois mois. Je crois que je peux encaisser Pamela.

Et, au pire, je n’étais pas en manque de réplique, n’est-ce pas ? De toute façon, Pamela n’était personne.

Nell se releva tant bien que mal. Je me relevai à mon tour alors qu’elle me proposa un diner le lendemain. J’hochai de la tête.

-Va pour le diner.

Je la laissai, ensuite, aller rejoindre le lit… Quant à moi, j’avais du nettoyage à faire… Comme d’habitude. Demain, j’allais continuer de rendre Nell à nouveau mienne.