Savannah m’avait hurlé à l’oreille qu’elle allait aux toilettes… Il fallait bien qu’elle gueule pour se faire entendre au-dessus de la musique.

Avec Michael Willis, notre guitariste rythmique, on était attablés au Rainbow. Notre table était jonchée de bouteilles d’alcools forts et de la poudre blanche était éparpillée un peu partout, fantôme des lignes de cocaïne qu’on s’était fait avec Michael.  

Je ne prenais plus d’héroïne depuis le diagnostic de Savannah… J’avais trop peur du SIDA et des seringues. Mais à la place, je m’en fourrais plein les narines.

Complètement bourré et shooté, Michael sortit de je ne savais où l’exemplaire de L.A.People ! Non ! Deux exemplaires de L.A.People ! Les deux numéros qui, je le savais, descendaient Savannah, ma Savannah, ma muse, ma déesse, en flèche !

Il les brandit et gueula :

-C’est vrai ce qui est écris là-dedans ?!

Je m’allumai une clope et le foudroyai du regard.

-Ouais, elle a le SIDA et tu le sais très bien !

Il haussa les épaules, s’alluma à son tour une clope. Puis leva l’édition spéciale qui avait donné la parole à Ward Fleming. Je ne connaissais même pas Fleming et j’en avais strictement rien à foutre qu’il soit le cousin de Savannah.

-Elle a voulu coucher avec lui ou pas ?! Avec son cousin, je veux dire ?!

Je haussai les épaules.

-Toi, dans l’état où t’es maintenant, tu coucherais bien avec un éléphant rose !

Il éclata de rire et, du coin de l’œil, je vis Savannah tracer à travers la foule pour venir nous rejoindre. Je me levai de mon siège.

-Allez, range ça, ducon !

Je savais que, même si elle ne le montrait pas, les derniers articles de Sørensen n’avait pas plu à Savannah. Pas que ça l’anéantissait, elle était bien trop forte de caractère pour ça. Mais je savais qu’elle n’avait pas pu se retenir d’envoyer une lettre au journaliste. Je ne savais pas ce qu’elle avait mis dedans.

Mais quand on s’en fout vraiment, on laisse couler, on ne réplique pas.

J’attrapai un des L.A.People de Michael au moment où Savannah se rasseyait à notre table et le déchirai en deux.

-Voilà, Sørensen, on s’en fout.

Mais Michael, dans l’état où il était, ne voulait pas lâcher l’affaire.

-C’est sérieux que t’as voulu coucher avec ton cousin ?

@ Billy Lighter

Le docteur Lewis ne m’avait pas annoncé les nouvelles que je pensais recevoir. Malgré que je me sentais dans une forme splendide, il se trouvait que mon traitement ne rencontrait pas les effets escomptés. Selon les conseils du médecin, je devais être prudente et éviter les personnes malades, redoubler de vigilance autrement dit.

Je n’en avais pas parlé à Cash, je vivais dans le déni ! Tant que je n’aurais pas parlé avec Élizabeth Spencer, je ne voulais pas m’alarmer pour rien !  Elle était confiante avant son départ et rien de mon état ne laissait sous-entendre que m on traitement initiale ne fonctionnait pas, alors pourquoi je devrais m’en préoccuper ? Ceci dit, je prenais tout de même le nouveau traitement, donc beaucoup de pilule supplémentaire mais j’en prenais déjà tellement que je me disais que Cash ne remarquerait pas les nouveaux flacons.

Le Rainbow était rempli, comme toujours et nous y prenions du bon temps avec Michael. Les mecs s’étaient faits plusieurs ligne et ça me faisait vraiment envie. Je tenais bon, malgré tout, ne voulant pas perdre le nord en adoptant un comportement à risque. N’en demeurait pas moins que je salivais presque de voir ce qui subsistait de la cocaïne sur la table.

- JE VAIS PISSER !

Avec le bruit dans le bar, je n’avais pas eu le choix que de Crier à Cash en quittant ses cuisses, que j’allais aux toilettes.  Il avait ensuite fallu que je me frais un chemin jusqu’à la salle de toilettes des Dames. Devant la rangée d’évier, deux filles qui retouchaient leur maquillages arrêtèrent de se pomponner quand j’entrais et elles me suivirent du regard au travers du miroir jusqu’à ce que je referme la porte de ma cabine. Pendant que je pissais, je les entendais chuchoter à mon sujet.

Même dans les chiottes du Rainbow, je n’avais pas la paix !

Si Amon Sørensen était là, il jubilerait ! je lui souhaitais bien du bonheur en encaissant ses chèques de payes. Les filles étaient toujours devant le miroir quand je sortie de ma cabine et elles se tassèrent pour que je puisse me laver mes mains. Ça pouvait sembler polie mais ça se voyait plutôt que l’une comme l’autre, craignait que le SIDA me sorte par les pores de la peau et les contaminent.

- Tu permets ?

Je n’attendis pas que la plus grande des deux, une rouquines avec de belles boucles lâches, me donne sa permission pour que je prenne le tube de rouge à lèvres dans sa trousse à maquillage et j’allais tracer un gros X rouge sur la porte de la cabine que j’avais utilisé.

- Voilà ! Comme ça, aucun risque que vous risquiez d’utiliser cette toilette, même si ça ne s’attrape pas comme ça ! Hey non !

La rouquine eu un rire gêné alors que sa copine était bouche ouverte et, quand je voulu lui redonner son tube de rouge à lèvres, elle me fit signe que je pouvais le garder. Évidement, j’aurais été surprise du contraire. Je roulais des yeux et balançais le tube dans la poubelle de la salle de bain avant d’en sortir et de retourner vers Cash et Michael.

- J’ai manqué un truc ?

Ouais parce que Cash venait de déchirer un exemplaire de L.A.People en deux. Dommage, j’aurais pu l’autographier et le lancer dans la salle. Ça aurait été drôle et fait un bel effet, sans aucun doute !

- Bah, ouais ! C’est mon cousin, pas mon frère !

Je n’étais pas sérieuse, du moins pour le truc du frère parce que oui, j’avais déjà voulu marchander une dette de drogue contre une solide partie de jambes en l’air.

- Quand tu n’as pas un cenne en poche et que ton cousin menace de te péter les doigts pour faire passer le message qu’il ne fait pas crédit pour la drogue qu’il t’a fourni, tu fais avec ce que tu as.

Je haussais des épaules puisque pour moi, ce n’était qu’anecdotique plus qu’autre chose. Évidement, je me serais bien passé que ça fasse la une des journaux mais ça faisait oublier les déboires d’Howard et de ça, j’en étais satisfaite.

@ Billy Lighter

Quand Savannah revint à notre hauteur, je fusillai Michael du regard, même si ce regard était bien caché derrière mes boucles de cheveux noirs. Mais ça ne fit ni chaud, ni froid au guitariste qui, dans un état d’ébriété avancé, lança quand même sa question.

-Putain, fais chier, Michael !

Mais sans se décontenancer, la bassiste de The Burning Fire répliqua que c’était son cousin et non son frère. Je ne savais pas si c’était plus louable mais comme elle le dit directement après, quand t’es en manque et que t’as pas de thunes pour ta drogue, t’es prêt à faire n’importe quoi.

Réfléchir, dans ces moments-là, n’est plus de mise.

Je posai ma main sur la hanche de Savannah et l’attirai à moi pour qu’elle reprenne sa place sur mes cuisses. Je l’embrassai au passage, avant de me tourner à nouveau vers Michael.

-T’es vraiment un con, quand tu veux.

Je repris une gorgée de Jack Daniels.

Puis, je posai mon coude sur la table et énumérai quelques faits à cet enfoiré que pouvait être Michael.

-Numéro 1, Sørensen tient ses déclarations d’un homme qui ne devrait plus avoir le droit à la parole. Même si ce que Fleming a dit est vrai, ce n’est qu’une partie de la vérité !

Je vrillai Michael du regard, entourant Savannah d’un bras protecteur.

-Numéro 2, un des articles de Sørensen a déjà poussé quelqu’un au suicide. Alors c’est pas la peine d’en rajouter !

Puis, je grommelai.

-Billy serait là, il comprendrait, lui !

Parce que nous étions nous-mêmes souvent la cible de L.A. People. Michael ne pouvait pas comprendre parce qu’il n’était jamais visé personnellement, il était toujours pris dans le tas nommé « The Lightening ».

Je caressai le dos de Savannah et cherchai son regard.

-Je te sais assez forte pour encaisser ça. Mais je sais aussi qu’encaisser, ça fait mal.

Je lui souris.

-Peu importe ce que L.A. People peut dire. Moi, je t’aime et c’est tout ce qui compte.

J’avais déjà perdu tragiquement Gaïana, petit reine de la rue, je ne voulais pas perdre Savannah, même si je savais que sa vie risquait d’être courte. Mais vu comme je carburais, peut-être que la mienne le serait aussi.

-Nous, quand on en veut à quelqu’un, on lui écrit une chanson. Et ton pote Stone, c’est ce qu’il fait aussi, t’as vu son dernier single avec Fireworks ?

Je lui fis un clin d’œil.

-Toi tu as envoyé une lettre à Sørensen, tu crois que c’est assez fort ?

@ Billy Lighter

L’ambiance semblait tendue à notre table sans que je comprenne ce qui avait bien pu se passer pendant le petit moment où j’étais partie pisser. Il ne fallu pas longtemps pour que je comprenne que même entre nous, Amon Sørensen s’invitait pour casser la fête. Michael posa la question qui semblait lui brûler les lèvres et cela lui valu un regard désapprobateur de la part de Cash. Je le trouvais tellement sexy quand il me défendait ainsi. Je répondis donc tu tac-o-tac à Michael, d’abord avec une ânerie, pour lui montrer que je n’étais pas choquée puis ensuite, avec franchise.

- Il est vraiment con et pas que quand il veut ! Heureusement qu’on l’aime comme ça… Ou alors c’est parce qu’il est vraiment doué à la guitare, j’suis pas certaine encore !

Je rigolais en me réinstallant sur les cuisses de Cash qui but un coup de Jack Daniels puis je lui pris la bouteille des mains pour faire pareil. J’en avais besoin, mine de rien. Je ne touchais plus à la drogue mais si je devais renoncer à boire un coup, je passerais pas au travers des années qui me restait !

Cash s’engagea alors dans l’énumération des raisons qui faisaient qu’Amon Sørensen n’était pas un journaliste des plus crédibles. Aller fouiller jusqu’à San Quentin pour trouver un sujet était déjà une preuve qu’il manquait de matière. Pourtant, personne avait besoin de creuser beaucoup, surtout à Los Angeles pour trouver un scandale. La seule chose qui me réjouissait là-dedans était que l’attention mise sur moi faisait oublier les déboires de Stone.

Ensuite, Cash continua en parlant de la fille qui s’était suicidé à cause d’un de ses articles et ça, ça remportait la palme des enfoirés journalistiques toute catégorie confondue !

- Ouais, j’ai entendu ça ! Faut le faire, quand même !

Je fis signe à la serveuse de ramener une tournée de shooter de tequila à la table alors que Cash disait que Billy comprendrait, lui. C’était un fait que Cash et Billy avaient l’habitudes d’être la cible de publications assassines. À force, ça finissait pas nous couler sur le dos comme sur le plumage d’un canard.

Cash me caressa le dos et je le regardais dans les yeux. J’avais très envie de l’entrainer dans un coin discret et de lui faire perdre la tête à ma manière. Ce genre de choses appartenaient au passé, malheureusement. Le cérémonial de protection engageait trop de manœuvre pour se permettre une baise rapide dans un coin.

Pour Cash, j’étais assez forte pour encaisser la mauvaise presse. Je l’étais, il n’avait pas tort. Il n’avait pas faux on plus en disant que même forte, ce genre d’attention égratignait.

- C’est tout ce qui compte.

J’embrassais langoureusement Cash pendant que la serveuse déposait les shots de tequila sur la table.  

Dans notre monde, la vengeance se faisait en chanson. The Lightening l’avait fait. Howard et David avait eux aussi sortit une chanson incendiaire pour dire haut et fort ce qu’ils pensaient.

- Je n’ai pas voulu me venger de Sørensen. Je ne lui en ai même pas voulu. J’voulais qu’il sache que ce qu’il pensait de moi, j’en avait rien à foutre mais que si mon comportement déjanté d’avant pouvait dissiper une jeune fille d’emprunter le même chemin, ça serait ça de gagner.

Sørensen avait pris mes mots pour faire autre chose mais là encore, je ne lui en voulais pas. Sa vie devait être d’une tristesse incroyable et d’un ennuie mortel pour jubiler du malheur des autres.

- S’il avait eu des couilles, il serait venu me voir pour en discuter. J’ai plus de couilles que lui parce que je continue d’avancer.

@ Billy Lighter

Je ricanai quand Savannah confirma que Michael pouvait être très con. Mais qu’on l’aimait quand même. C’était vrai. Et je savais que c’était la drogue qui parlait à travers la bouche de mon ami musicien. Mais ça ne m’empêcha pas de dire ce que je pensais à Michael.

Seulement, après m’avoir regardé avec des yeux de merlan frit, comme s’il avait même plus aucune idée de quoi je parlais, il se refit une ligne et la sniffa.

Je soupirai, et fis un signe d’abandon vers lui, pour me concentrer sur Savannah qui était bien plus choquée par le fait que Sørensen ait pu pousser quelqu’un au suicide que par tout ce qu’il avait pu dire sur elle. Elle s’exclama qu’il fallait le faire.  

Je pris un air sarcastique.

-Non, faut pas le faire, justement… Cette pauvre fille s’est jetée d’un pont. C’était la copine de Robin North. Et Amon a jamais été inquiété parce qu’il n’y avait aucun moyen d’avoir une preuve tangible que ce soit son article incendiaire qui l’ait poussé à commettre un tel acte.

Je sifflai comme un serpent en colère et près à mordre. A nous voir, on pouvait constater que j’en voulais bien plus à Sørensen que Samantha elle-même. Mais c’était parce que j’avais déjà vu les ravage de la presse people. Quand ça parlait de moi, ça me passait loin au-dessus de la tête, comme pour Savannah, mais par contre, Billy, lui, ça lui faisait du mal.

Puis après, on s’étonnait qu’on n’était pas des rapides pour sortir des albums… Encore fallait-il qu’on nous laisse créer tranquilles !

Mais je ne cachai pas à la bassiste que je la trouvais forte. Elle était une créature magnifique… Quelqu’un qui ressortait du lot grâce à sa force de caractère, sans jamais être arrogante. Elle était contente du compliment et m’embrassa. Un baiser que je lui rendis tandis qu’une serveuse nous ramenait des shots de téquila.

Quand nos lèvres se descellèrent, je la regardai avec des yeux rieurs… Je pris mon shot de téquila et l’engloutis.

Je lui expliquai que la meilleure façon de répliquer était en chanson, mais Savannah m’expliqua qu’elle n’en voulait pas à Sørensen. Que par la lettre qu’elle lui avait envoyée, elle voulait juste lui faire savoir qu’elle en avait rien à foutre.

Mouais, j’étais pas convaincu de ça.

-Quand on s’en fout vraiment, on laisse pisser, Savannah. D’ailleurs, Sørensen, lui, s’en fout, il n’a même pas répondu à ta lettre.

Je tendis le bras pour voler son shot à Michael et le bus aussi d’un trait.

Elle disait que si Sørensen avait eu des couilles, il serait venu lui parler à elle.

-Il s’en fout, d’avoir des couilles ou pas… Ce qui lui importe à lui, c’est que ça rapporte. Et c’est encore plus scandaleux d’interroger le pire criminel actuel de L.A. que toi… T’en fais pas, Sørensen aussi continue d’avancer et je suis sûr qu’il dort sur ses deux oreilles toutes les nuits. C’est pas son premier coup bas.  

@ Billy Lighter

Ce que m’avait fait Sørensen était anecdotique en comparaison avec cette fille qui s’était suicidé suite à un article qu’il avait écrit sur elle. J’avais dit ‘’Il faut le faire’’ dans le sens qu’il fallait être dépourvue de toute conscience sociale pour en venir à pondre des mots qui poussaient quelqu’un à commettre l’irréparable mais Cash, peut-être à cause de la musique et des lignes qu’il avait sniffé, sembla mal comprendre le sens de mon exclamation.

- Il ne s’inquiétera jamais de rien, tant que ça ne le touchera pas personnellement.

Comme je le lui avais mentionné dans ma lettre, je ne lui souhaitais pas de malheur puisque je savais que la vie elle-même se chargerait de lui remettre la monnaie de sa pièce. C’était une roue qui tournait perpétuellement alors il ne pouvait en être autrement. J’en étais la preuve vivante ! Pendant toutes ces années, j’avais craché en l’air sans me soucier qu’un jour ou l’autre, je ne pourrais plus brûler la chandelle par les deux bouts. Je me croyais invincible parce que jeune et en pleine ascension de gloire.

Cash, malgré tout, me trouvait forte. Avec ce que je traversais, je prenais le compliment tout entier ! Je l’embrassais pour l’en remercier, à ma façon. Un baiser que j’aurais volontiers transformer en une tout autre forme d’expression. Nous devions nous restreindre, nous contenir, du moins moi. Je n’empêcherais jamais Cash d’aimer le corps d’une femme dans un élan impulsif. Moi, je ne pouvais plus le faire, c’était mon fardeau, pas le sien.

Je n’avais pas écrit une chanson à Sørensen pour lui répliquer. Je lui avait écrit une lettre pour lui dire essentiellement, que je n’en avais rien à foutre de ce qu’il pensait de moi parce que je connaissais ma valeur et ma force et que si ce qu’il avait rapporter dans son magazine de merde permettait à une jeune fille de ne pas emprunter le même genre de trajet, ça aura au moins servit à ça. Pour Cash, si je n’en avais rien à foutre, vraiment, j’aurais laissé couler.

C’était quoi la véritable différence entre une lettre et une chanson ? Une réplique est une réplique qu’elle soit envoyé par la poste ou endisquée.

- Peut-être que ça m’a touché plus que je ne veux l’admettre. Ça ne m’a tout de même pas empêché de dormir la nuit et de vivre ma vie le jour.

Les gens pouvaient me regarder de la façon dont ils le voulaient, je n’avais jamais cherché à plaire à qui que ce soit et je ne le ferais jamais !

Si Sørensen avait eu des couilles, il serait venu me voir pour avoir ma version. Je n’aurais rien nié, à quoi bon de toute façon ? Je l’avais fait, je l’assumais ! Ça aurait été une belle occasion pour lui de montrer au monde que, même s’il s’était déplacé à San Quentin pour interviewer un psychopathe, il ne lui accordait pas plus de crédit que ça.  

- J’m’en fais pas, j’lui ai écrit ce que j’avais envie de lui dire et je vis très bien avec ça comme il vit bien avec la merde qu’il écrit. Chacun son truc. De toute façon, je ne passerai pas les années qu’il me reste a entretenir de la rage inutile. J’en reviens à la base : Peace And Love !

Michael s’était fait voler son shot de vodka par Cash puis moi, j’en cueilli les dernière effluves sur les lèvres de mon ténébreux shaman.

@ Billy Lighter

Savannah sur mes genoux, on en était forcément venus à parler de Sørensen à cause de cet enfoiré de Michael. Cela dit, je connaissais notre guitariste rythmique… je savais qu’il n’avait pas voulu être méchant ni indiscret avec Savannah… Mais disons qu’il n’était pas dans son état normal… Moi non plus, d’ailleurs, même si apparemment, je gardais plus de clairvoyance que lui. Avant le diagnostic de Savannah, j’étais un grand consommateur d’héroïne et mon corps avait développé, à la longue, une grande résistance aux drogues.

Puis j’en avais pas sniffé autant que Michael.

Savannah disait que Sørensen ne s’inquiéterait jamais de rien sauf si ça le touchait personnellement. Je hochai la tête, puis fis la moue.

-Bof… Evelyn Fallen, la demi-sœur de Billy qui était journaliste avait bien publié un article sur des antécédents douteux de Sørensen… Mais au final, c’est elle qui a disparu de la circulation, pas lui…

Je soupirai.

-Je me demande jusqu’où va son pouvoir… Les médias sont forts et ils font ce qu’ils veulent de nous. On ne peut montrer qui on est vraiment, et se défendre, que grâce à notre musique.

J’expliquai ensuite à Savannah que si elle avait quand même réagi par lettre à l’article de Sørensen, c’était que ça l’avait touchée un peu quand même. D’ailleurs, ça aurait été le cas aussi si elle avait écrit une chanson… Mais disons que… personnellement, je valorisais plus l’expression en musique que toute autre forme de défense… C’était comme quand Billy faisait des longs discours entre nos chansons. Ça me les cassait… Tout ce qu’il avait à faire, c’était chanter et les gens, les vrais fans, comprendraient.

Savannah finit par avouer, du coup, que ça l’avait peut-être touchée plus qu’elle ne le pensait… Je lui caressai le dos et lui souris.

-Ça me rassure… si ça t’a fait au moins chier, c’est que tu es toujours humaine…

Mieux que ça, elle était une muse et une artiste à part entière… Et les artistes sont intrinsèquement plus sensibles que la moyenne… Si Sørensen avait sorti, sur moi, un article semblable à celui qu’il avait fait sur Savannah, ça m’aurait clairement fait chier.

Savannah conclut en disant qu’elle allait plus se tracasser plus que ça pour le journaliste. Elle avait dit ce qu’elle avait à dire et allait maintenant tourner la page, si ce n’était déjà fait…

-C’est vrai que ce serait dommage de passer ton temps pour des combats inutiles…

On s’embrassa et c’est là que je me rendis compte que Michael n’avait plus parlé depuis un moment. Mais quand j’entendis un bruit bizarre comme un truc qui tombe parmi les verres d’alcool, je rejetai Savannah de mes genoux pour me lever. Michael venait de tomber la tête la première sur la table, inconscient.

-Merde !

Je me précipitai sur lui et le redressai mais quand se tête bascula vers l’arrière, il se mit à vomir à coups de petits spasmes ! Je fis pivoter sa tête pour ne pas qu’il s’étouffe dans son vomi.

-Michael ! Un médecin ! Vite ! L’ambulance ! N’importe quoi !

@ Billy Lighter

Sørensen avait fait couler de l’encre en rapportant les paroles de mon psychopathe de cousin et, en plus de lui donner inutilement de l’attention, il avait dirigé les projecteurs sur moi. Toute ma vie, j’avais été du genre à aimer provoquer. En me coiffant différemment, en me maquillant outrageusement, en portant des vêtements exubérant. Plus tard, avec ma musique et mon groupe, nous n’avions pas donné notre place niveau scandale ! Ça faisait partit de moi, de ma personnalité.

J’avais bien beau dire que je n’en avais rien à foutre de Sørensen, ce qui était tout de même plus près de la vérité que du mensonge, il n’en demeurait pas moins que je trouve dommage et frustrant qu’il passe par Fleming pour me mettre sur le dessus de son magazine. S’il était venue me parler pour avoir ma version, je lui aurais confirmé l’histoire et il aurait eu au passage, le petit bout d’explication que ne lui avait pas fourni Ward.

- Son pouvoir va lui. Les journalistes peuvent décider qui les gens vont aimer et qui ils vont détester. Suffit de savoir jouer avec les photos, de prendre la bonne photo pour eux, la mauvaise pour nous.

Je ramenais les boucles de Cash sur sa tête d’une main tout en l’embrassant.

- Et comme tu le dis si bien, il n’en tient qu’à nous de nous défendre grâce à notre musique. Tant qu’on en fera, on se fera entendre !

Howard Stone et David McAvoy venaient de le faire avec une chanson qui ne laissait pas beaucoup de place à l’imagination quand on avait suivi de près ou de loin, la saga Stone-Reed.

Pour le reste, je ne pouvais pas mentir en disant que ça m’avait tout de même fait chier que de lire l’article de Sørensen. J’avais ressentit le besoin de lui répondre par une lettre et il aurait pu la publier. Il ne l’avait pas fait pour pouvoir continuer de m’enfoncer. À force de cracher dans les airs, il finirait par se faire éclabousser. Quelqu’un de moins tolérant que moi prendrait un flingue et le lui pointerait en pleine tronche.

Ça allait arriver !

C’était inscrit dans le ciel !

De mon côté, j’allais vivre ce qu’il me restait à vivre en gardant la tête haute, en faisant ce que je savais faire de mieux : de la musique. Ça, même Sørensen ne pourrait m’empêcher de le faire que ça lui plaise ou non !

En moins de temps qu’il ne faut pour que je le comprenne, je me retrouvais le cul sur la banquette de cuire froide et collante d’un verre probablement renversé plus tôt dans la soirée et Cash, bondit près de Michael dont le front venait de rencontrer la table. Cash redressa le torse de ce pauvre guitariste dont la tête se renversa vers l’arrière puis il se mit à vomir tout en tremblant.

J’attrapais le bras d’une serveuse qui en échappa son cabaret et, d’une même voix que Cash réclamait une assistance médicale, il y avait urgence ! Je fus bousculer par un homme qui, retroussant ses manches, se disait médecin et prit en charge Michael qui ne semblait toujours pas avoir reprit conscience. C’était surréaliste que de voir que dans notre petit coin du bar, nous étions en panique et inquiets du sort de notre ami alors que tout près, des gens continuaient de rire, de boire et de danser sans se douter de ce qui se passait à quelques mètres d’eux. Ce n’est que lorsque les ambulanciers entrèrent dans le Rainbow et que les lumières s’allumèrent qu’il sembla que les gens comprenaient que quelque chose n’allait pas.

- Pars avec lui, je te rejoindrai à l’hôpital.

@ Billy Lighter