Je ne détestais pas New York. C’était grand… Il y avait des trucs à faire… Mais le fait était que hormis soutenir Nell depuis sa fausse couche, je n’y faisais pas grand-chose. A L.A., j’avais mon petit pouvoir au Wild. J’avais des choses à faire. Ici, non. Je ne jouais que le petit ami parfait en attendant que Nell soit assez en forme pour que je rentrer à L.A. attendre la fin de son contrat avec la troupe qui l’avait engagé pour ces représentation à Broadway.

La patience n’avait jamais été mon fort. Surtout que, ici, il y avait aussi Pamela… Et Shane… Une cohabitation plutôt énervante. Shane empiétait sur ce territoire au point où j’avais mainte fois détruit sa petite tronche dans ma tête. Quant à Pamela, elle ne cessait de faire des réflexions qui me donnait réellement envie de l’étrangler avant de foutre son corps dans un charnier.

Bref, j’étais tendu et ça devait commencer à ce voir. J’en venais à rêver que je tuais nos colocataires encombrant et, pourtant, ça ne faisait pas si longtemps que j’étais ici. Pas longtemps du tout. Mais il fallait dire que mon dernier meurtre remontait à… Je ne m’en rappelais même plus mais c’était avant mon incarcération. Donc, ça remontait à des mois. Et si, jusqu’ici, je n’en avais pas ressenti le manque, désormais, il n’y avait pas une heure de la journée où je ne pensais pas à tuer.

Je ne pouvais pas. Pas ici… Et surtout pas Pamela et Shane.

Je le savais.

Pense à la récompense finale, Ward.

Il fallait que je pense à ça.

C’est à ça que je pensais en zappant frénétiquement sur la télévision. Shane et Pamela était partis et moi, j’attendais Nell qui était de sortie aussi. Pour le boulot je crois… J’avais été distrait quand elle m’avait dit où elle allait.

Bref, je zappais jusqu’à m’arrêter sur les informations. J’écoutais tour en me rongeant les ongles. Un signe de nervosité que je n’avais jamais eu. Concentres-toi sur les informations, Ward. Et c’est ce que je fis. Les informations, comme d’habitude, ne laissait pas de place au mauvaises nouvelles. Un père de famille qui tue sa femme et sa fille avant de se suicider, la politique, un cadavre retrouvé non loin de Los Angeles. Je levai un sourcil m’attardant sur cette information. Cadavre d’une femme… Encore non-identifiée. Je fis la moue me concentrant avant de remarquer que l’endroit où le corps avait été retrouvé ne se trouvait pas dans un endroit où j’avais enterré qui que ce soit. Sans compter que le cadavre semblait être là depuis un sacré bout de temps…

Rien à craindre….

Je me rongeais quand même les ongles… Pas pour ça. Parce que je voulais exploser Pamela.

Nell finit par entrer et quand elle finit dans le salon, je continuais de fixer les informations mais je dis tout de même d’une voix neutre.

-Shane a encore fait trainer ses affaires partout… Et je ne retrouve plus l’un de mes t-shirts… A coup sûr il me l’a pris.

C’était clair.

Comment décrire la cohabitation à quatre dans un appartement grand comme ma main ? Il n’y avait que Shane qui semblait nager parfaitement à l’aise dans notre bocal. Pamela se comportait de façon irréprochable envers Ward mais son choix de mot et la façon posé qu’elle avait de parler traduisait très bien ce qu’elle pensait de mon petit ami. Elle le regardait de manière condescendante mais affichait un sourire tendre qu’on ne pouvait lui reprocher. Puis moi, là-dedans, j’avais développé une migraine qui ne semblait pas vouloir me quitter de sitôt tant je marchais sur des œufs en voulant toujours dédramatiser le drame avant même qu’il n’y en ait un.

Heureusement que Shane et Ward s’entendaient bien, ou plutôt, heureusement que Shane aimait bien Ward ! Mon partenaire de scène était en admiration totale devant mon petit ami au point où il se pensait être meilleurs copains et parlait de se faire une sortie de mec un de ces quatre, que ce serait bien de ne pas entendre les femmes papoter de maquillage et des fesses de Michael J. Fox. Bon, j’avoue que j’avais passé un commentaire sur le jeans de Monsieur Fox et que Pamela en avait bavé d’envie mais sinon, nous n’étions pas en pamoison devant lui et je n’étais pas fan de maquillage alors sur ce point, la palme revenait à Pamela.

Aujourd’hui, nous avions une répétition hors scène, comme cela arrivait assez souvent pour permettre à tous le monde de s’ajuster. Il y avait toujours un ou une nouvelle pour remplacer quelqu’un comme ce fut le cas pour moi et cette pauvre Candy. Ce n’était pas parce que nous avions quatre représentation par semaine que nous étions exemptés de répétitions. Dommage car j’aurais bien passé la journée à me balader dans New York avec Ward. Je reprenais ma place dans la peau de Sandy dès demain soir donc Ward allait certainement rentrer d’un jour à l’autre.

Le Wild ne pouvait pas tourner éternellement sans son capitaine !

En sortant de la pratique, j’avais suivis Shane pour un petit projet sur lequel nous travaillions en secret, lui et moi. Mon ami avait beaucoup de talent, dont celui de compositeur et il avait travailler sur une magnifique chanson. Il m’avait humblement demandé de prêter ma voix pour éventuellement offrir sa chanson à qui en voudrait et se faire un paquet de sous. Sa chanson était vraiment bonne, je ne doutais pas qu’elle aurait beaucoup de succès et qu’il parviendrait à lancer sa carrière d’auteur-compositeur. Pour l’interprétation, il laissait le loisir à la maison de disque achetant les droits de la proposer à ses artistes.

Je trouvais ça excitant comme projet et j’étais enchantée de pouvoir l’aider à le concrétiser. On bossa trois heures là-dessus, sans voir le temps passer. Je me sentis coupable pour Ward qui devait tourner en rond comme un lion en cage, à l’appartement. J’embrassais Shane sur la joue et je le quittais après avoir décliné sa proposition d’aller rejoindre tous les autres qui étaient sorties, d’abord au restaurant puis, dans ce pub où nous allions tout le temps après une représentation. J’avais envie de rentrer, de mettre mon pyjama et de me blottir contre Ward et de profiter de nos derniers moments ensembles avant qu’il ne rentre.

Je le trouvais assit sur le divan, fixant le téléviseur sans expression et il me dit pour tout accueil que Shane avait encore laisser trainer ses trucs en plus de lui avoir probablement volé l’un de ses t-shirt. Ce dernier point me fit rire, un peu.

- Oh ! Je me disais que je connaissais le t-shirt qu’il porte en ce moment. Écoute, c’est ma faute. J’ai fait la lessive de tout le monde ce matin et je n’ai pas fait de pile alors, il a pioché dans le tas. Je le récupérerai, promis !

Quant à ses traineries, je pouvais difficilement lui en vouloir ! Il n’y avait pratiquement aucun placard ici et il devait squatter le divan. Pour l’intimité, on repassera.

- Mais dis-moi ? Tes réprimandes pour Shane sont mon accueil ?

Je lui fis une petite moue faussement triste avant de grimper sur le divan et de me blottir tout contre lui, assise sur ses cuisses pour capter toute son attention.

- Nous avons bien bossé à la répétition. J’ai mal partout, c’est dingue ! Et après, je suis sortie avec Shane.

Bon, ce projet était secret mais à Ward ? Je pouvais bien le lui dire, non ? J’avais envie de le lui dire.

Ne pas tuer…

Depuis que j’étais revenu ici, c’était difficile de me retenir de ne pas assassiner Pamela… Même Shane commençait à sérieusement me taper sur les nerfs. Sans compter que l’endroit était minuscule. Si je savais que ça n’aurait pas provoqué d’autres bégayements, j’aurais proposé à Nell de prendre une chambre d’hôtel.

Pour l’instant, je devais mordre sur ma chique avant de rentrer à Los Angeles me défouler un peu avant que Nell ne revienne définitivement dans la Cité des Anges.

Je fixai les infos sans vraiment porter attention a leur contenu avant que Nell ne finisse par rentrer. Je ne dis pas de « bonjour » ou autre chose du genre… La première chose que je dis fut que Shane foutait le bordel avec ses fringues et que, comble de tout, c’était un foutu cleptomane. Ok… On pouvait entendre mon impatience et mon agacement. Rien pour déstabilisé Nell qui prit ma réaction avec philosophie.

Je levai le regard vers elle après qu’elle ait ri confirmant que Shane avait bel et bien volé mon t-shirt. Il le portait, d’ailleurs, en ce moment. Je fis la moue fronçant légèrement les sourcils. Elle déclara que c’était sa faute. Nell était toujours comme ça. A prendre pour les autres.

-Il doit bien se rendre compte que ce n’est pas son t-shirt, non ?

Serait-il débile ? C’est possible. Bien qu’hormis son incapacité à ranger, Shane m’était bien moins agaçant que Pamela et ses remarques subtiles mais pas moins acerbes.

Nell se demanda si c’était son accueil mes réprimandes à Shane. Je fis un signe de la main pour m’excuser.

-Non.. C’était juste que ça devait sortir.

Avant que je ne décapite ledit Shane.

Nell grimpa sur le divan prenant place sur mes cuisses. Elle se blottis contre moi et je commençai à la caresser alors qu’elle déclara qu’ils avaient bien bossé à la répétition aujourd’hui mais que, après, elle était sortie avec Shane. Je levai un sourcil.

-Sortir ? Où ? Et tu m’as même pas invité…

Je fis une moue légèrement boudeuse.  

-Vous avez fait quoi ? Par que, moi, ma journée c’est résumée à tourner en rond et regarder la télé…

J’aurais pu sortir, c’est vrai… Mais je crois que si j’étais sorti, il y aurait eu une personne en moins à New York…

Ward était grognon, ça se voyait par sa gestuelle et ça s’entendait par son ton froid, mais loin de me laisser contaminer, j’allais m’installer sur ses cuisses en lui demandant si c’est tout ce qu’il pouvait faire et dire pour m’accueillir. J’avais défendu Shane qui avait involontairement volé l’un des t-shirt de Ward que j’avais lavé, avec tout le reste, et laissé à l’abandon dans le panier avec tous les vêtements à trier et plier.

- Si, il s’en ait rendu compte mais, mon ange, ce n’est qu’un t-shirt, il n’y a pas mort d’homme. Tu n’as qu’à lui dire que tu préfères ne pas partager tes vêtements. Il n’est pas idiot tu sais, il comprendra.  

Puis Shane, qui était en totale admiration devant mon petit ami, comprendrait facilement sans avoir besoin d’un dessin. Ainsi, le dossier serai réglé et la situation n’aurait pas de suite. La prochaine fois que Ward viendrait me rendre visite à New York, Shane aurait probablement trouvé un appartement, du moins, Pamela et moi l’espérions. Puis aussi, comme la présence de Ward ne plaisait pas du tout à ma colocataire, Ward et moi irions à l’hôtel pour contenter tout le monde, même si mon budget allait en souffrir.

Ward se défendit ensuite sur son manque d’enthousiasme face à mon retour en disant qu’il avait simplement eu besoin d’extérioriser ce qu’il pensait. Voilà ce qui me plaisait autant avec lui ! Il n’avait pas peur de parler de ce qui le dérangeait, sous risque de passer pour un débile ! Je lui caressais doucement la joue en lui offrant un sourire compatissant. Je pouvais comprendre que ce n’était pas plaisant de se faire emprunter des choses sans qu’on demande.

- Je te promets de laver, sécher et repasser ton t-shirt et même de le plier pour qu’il n’y ai pas de plis sur le devant. Il sera comme neuf !

Je frottais mon nez au sien puis je posais ma tête au creux de son épaule tout en allongeant mes jambes sur ses cuisses et le coussin du divan, y plantant mes talons. J’étais crevée et je rêvais d’un bon bain chaud mais ici, nous n’avions qu’une douche dont la force du jet laissait à désirer.

Ward me caressait le dos et le bras alors que je lui confiais avoir bien travaillée pendant la répétition puis, avec une pointe d’hésitation mais aussi d’excitation, je lui confiais être sortie avec Shane après.

- Je ne t’ai pas invité parce qu’on ne l’a dit à personne.

Je relevais la tête pour le regarder avec un sourire moqueur sur mes lèvres. Il n’avait pas besoin de se faire un tas de scénarios, je ne lui cacherais pas longtemps ce que mon ami et moi avions fait. Je pris tout de même un air compatissant quand il ajouta que sa journée seul ici avait été très peu divertissante. Je pouvais très bien le comprendre.

- Je suis désolée mon ange que tu n’aies rien pour t’occuper ici… Ce n’est pas évident de jouer le touriste pendant que je travail.

Je l’embrassais tout doucement et, quand le baiser se brisa, j’entrelaçais nos doigts d’une main.

- Shane travail sur un projet personnel depuis un petit moment et j’ai accepté de l’aidé à le terminer. Tu veux que je te montre ?

Je n’attendis même pas sa réponse pour quitter ses cuisses et aller fouiller dans mon sac pour en sortir une cassette que je brandissais fièrement. J’allais ensuite, en enjambant les différents tas de traineries du désordre omniprésent de Shane, placer la cassette dans le lecteur et j’appuyais sur play.



Quand la chanson se termina, je retournais prendre ma place sur les cuisses de Ward.

- Shane rêve de devenir auteur-compositeur, tu vois ? Et il en a le talent, non ? J’ai accepté de prêter ma voix pour mettre sur la démo qu’il enverra à différentes maisons de disques pour essayer de la vendre.

J’étais emballée par le résultat et surtout par le simple fait d’aider mon ami à concrétiser son rêve.

Nell avoua que Shane s’était bien rendu compte qu’il portait mon t-shirt. Je m’en doute… Il doit même être un peu trop grand pour lui, d’ailleurs. Mais Nell minimisait les choses disant qu’il n’y avait pas mort d’homme.

Pas encore…

Pour elle, je devrais simplement dire à Shane que je ne voulais pas partager mes vêtements. Je soupirais et répondis pas un très bref :

-Ok…

Bien que je délibérais toujours à savoir si Shane était idiot ou simplement un peu trop à l’aise avec les gens autour de lui. En tout cas, il ne se gênait pour rien.

Ma proximité avec Nell arrivait peu à peu à me rendre moins sur les nerfs. Elle déclara alors qu’elle comptait prendre soin de mon t-shirt dés que Shane me l’aura restitué. J’hochai de la tête affichant un léger sourire.

-Ok, chérie…

Elle frotta son nez au mien se blottissant encore plus contre moi. Je caressai ses jambes désormais étendues. Elle déclara avoir passé un peu de temps avec Shane après leur répétition… Je déclarai qu’elle aurait pu m’inviter mais elle disait qu’ils ne l’avaient dit à personne. Je levai un sourcil.

-Pourquoi ? Qu’est-ce que vous avez fait ?

Je n’étais pas jaloux. Je savais que Nell ne voyait pas forcément Shane comme un parti pour elle. Un ami, ça oui… Mais Nell n’est-elle pas amie avec tous les gens qu’elle croise ?

Elle m’offrit un sourire moqueur alors que moi, j’en vins à me plaindre de ma journée vide de sens. J’aurais tué Pamela, la journée aurait eu plus de sens. Pour moi, en tout cas. Elle s’excusa et j’hochai de la tête quand elle déclara que ce n’était pas évident de jouer les touristes quand elle travaille.

-Je sais, ma belle… Je ne t’en veux pas.

Elle m’embrassa et je lui rendis son baiser avant qu’elle ne me parle du projet de Shane. Elle avait aidé Shane à terminer ce projet.

-Oui. Montre-moi.

Je voulais voir ça. Elle quitta alors mes cuisses pour chercher dans son sac et en sortir une cassette. Je penchai légèrement la tête sur le côté commençant à voir où Nell voulait en venir.

Elle me fit alors écouter le contenu de la cassette. Une chanson dont la voix principale était celle de Nell. J’écoutais silencieusement ne laissant rien transparaitre sur mon visage. Ce genre de chanson pouvait parfaitement se trouver sur un disque. Livia faisait, de mon avis, des chansons bien moins bonnes… Et je ne parle même pas de ce que faisait feu Lola…

Et cette chanson me permis de mettre des pions en place dans l’échiquier que j’avais dans ma tête. Quand la chanson fut terminée, je laissais échapper un :

-Wow.

Appréciateur.

Mais c’est de Shane que Nell me parla par la suite. J’enlaçai, à nouveau, Nell qui avait repris sa place initiale.

-Shane compose mieux qu’il ne range ses affaires.

C’était un fait ! Et il ne pouvait, limite, pas faire pire vu qu’il ne range pas du tout.

-Mais je crois que sans ta voix, sa chanson n’aurait pas eu tant d’impact. Tu as du talent Nell… Shane va envoyer ça à quelles maisons de disques ? Tu es consciente que si ça peut lui ouvrir des portes à lui, ça peut t’en ouvrir aussi ? Tu es aussi doué qu’une Lola ou une Livia…

J’affichai un petit sourire. Si Nell réussissait à percer avec cette chanson, ça accélérerait ce que j’avais en tête. Entrer dans le monde de Reed par une porte ou une autre.

-Ces paroles… Elles nous vont bien, tu ne trouves pas ?

Je dis ça en caressant ses cuisses remontant parfois sous son t-shirt.

Que quelqu’un prenne nos choses sans demander, c’était frustrant je pouvais comprendre mais il ne s’agissait que d’un t-shirt, je ne voyais pas l’utilité de faire la tête pour un vêtement. Je promis donc à Ward de récupérer son t-shirt et de le traiter avec beaucoup de soin avant de le lui rendre après lui avoir suggéré de simplement expliquer à Shane de ne plus faire ça.

En ce qui me concernait, tout ceci était anecdotique et ne méritait pas qu’on en discute davantage. J’avais plutôt envie de partager un secret avec Ward, en qui j’avais totalement confiance.  Je piquais délibérément sa curiosité en lui avouant être sortie seule avec Shane après la répétition. Je fus cependant désolée de l’entendre se plaindre de sa journée à ne rien faire et à m’attendre à la maison.

- Si tu veux, on va prendre une douche et nous sortons, la journée est encore jeune, nous avons le temps de changer d’air.

Cela était une maigre compensation mais l’intention était là, tout comme ma bonne volonté de lui changer les idées et de passer un bon moment avec lui avant qu’il ne reparte pour Los Angeles.

Mais avant tout, excitée et heureuse, je quittais ses cuisses le temps d’aller chercher la cassette sur laquelle nous avions enregistrés, Shane et moi, une chanson dont il avait composé la mélodie et le paroles. Mon ami était vraiment très doué et, selon moi, il ne faisait aucun doute qu’après avoir reçu sa démo, toutes les maisons de disques voudraient de lui comme auteur et compositeur.

Je plaçais la cassette dans le lecteur et appuyais sur play pour faire entendre le résultat de notre travail. Nous y avions passé plusieurs heures, Shane et moi ! Toujours en secret, toujours entre deux répétitions et représentations. J’affichais un large sourire tout au long de l’écoute, ne détachant jamais mon regard du visage de Ward sur lequel j’essayais, nerveusement de décrypter ses pensées. Quand l’enregistrement se termina, il souffla un Wow convainquant.

- Pour de vrai ?

Évidement, je ne doutais pas de la qualité de la chanson mais mon avis pouvait être biaisé par mon implication. Cependant, je savais Ward assez difficile à satisfaire au niveau de la musique, comme pour un tas d’autres choses d’ailleurs. J’éclatais de rire à la remarque de Ward sur Shane.

- Jen e peux effectivement pas dire le contraire !

Ward pensait que sans ma voix, la chanson n’aurait pas le même impact. Je fronçais un peu des sourcils, incertaine que ce soit vrai. Les paroles étaient justes, parfaites et la mélodie trouvait sa force au moment opportun. Ce fut surtout quand il ajouta que si cette chanson ouvrait des portes à Shane, elle pouvait en faire autant pour moi. Je haussais des épaules, n’y voyant pas l’intérêt.

Je n’étais d’accord que sur le fait que les paroles semblaient soir été écrites pour nous. Elle traduisait parfaitement bien notre histoire, comment les choses s’étaient mises en place tout doucement sans que l’on ne les voient venir.

- Tu sais, moi je ne suis p…pa…pas faite pour être d…d…de…Mmmh ! Je ne suis pas faite pour être devant les projecteurs… Je préfère rester dans l’ombre et écouter cette chanson en sécurité dans tes bras, qu’elle soit chantée par Livia ou une autre chanteuse.

Je n’avais pas aidé Shane avec sa démo pour en tirer avantage, cette idée, en plus de me mettre mal à l’aise, me semblait hypocrite et opportuniste.

Nell voulait se rattraper du temps que j’avais passé seul ici à m’emmerder comme un rat mort à ruminer des meurtres que je ne pourrais pas faire sans retourner tout droit à Saint-Quentin… Enfin… Plus à Rikers Island vu qu’on était à New York. Ce qui était mieux que Saint-Quentin vu qu’il n’y a aucun Thomas Fleming à Rikers Island. Bref, Nell voulait qu’on se fasse une sortie après une douche. J’hochai de la tête.

-C’est une bonne idée.

Mais avant, elle m’avait parlé de son projet secret qu’elle avait fait avec Shane. Elle s’était levée pour aller chercher une cassette dans son sac et me la faire écouter. Quand elle avait parlé d’un projet, je ne m’attendais pas à ça. Une chanson où la voix principale n’était autre que celle de Nell. Le reste était, apparemment, du fait de Shane. Mais je me fichais un peu de Shane. Ce qui était intéressant, c’était ce que proposait Nell. Pour moi, c’était ça l’intérêt, en tout cas.

La chanson était très bonne. Du moins tout aussi bonne que ce que faisait Livia. Et Livia avait conquit le monde. Avec un coup de pouce, c’est certain… Naïf sont ceux qui pensent que le fait qu’elle soit la fille de Reed n’ait pas joué pour quelque chose. Moi, je n’y croyais pas. Rien que sa place chez BSC était de ce fait. Sinon, elle n’aurait jamais pu signer là.

J’avais réagi d’un seul « wow » ce qui semblait réjouir Nell.

-Oui. Pour vrai.

Mais c’est Shane que Nell mit en avant pour cette réussite. Shane et rien que Shane. Ce n’était plus de la modestie à ce niveau mais un manque de confiance en soi. Je fis une réflexion sur Shane qui fit rire Nell. J’esquissai un petit sourire en coin reprenant mes caresses.

Je mis en avant sa voix. Sans ça, la chanson ne serait pas aussi bien. Mais vu son froncement de sourcils, elle ne semblait pas d’accord avec ça… Et pour la cause elle se remit à bégayer. Elle disait ne pas être faite pour être devant les projecteurs. Elle voulait rester dans l’ombre… Laisser Livia faire le boulot.

Non.

Si tu fais ça, Nell… Je te tue…

Je chassais cette pensée laissant échapper un long soupire.

-Nell… Je ne pense pas qu’une autre chanteuse pourrait chanter ça mieux que toi… Cette chanson, tu la vis. Livia ne saurait pas donner l’émotion que tu donnes. Et très sincèrement, tu mérites d’être sous le feu des projecteurs. Tu mérites d’avoir une carrière dans ce que tu aimes et à la hauteur de ton talent. C’est ce que je pense.

J’haussai des épaules.

-Mais c’est toi qui voit… Shane pourra trouver une autre chanteuse si sa chanson attire l’attention, après tout.

Je l’embrassai brièvement. Si Nell renonçait à tenter sa chance, j’avais bien une idée derrière la tête. Une idée qui enverra, peut-être, Nell devant le feu des projecteurs.

-En tout cas… Pour moi, tu es bien meilleure que Livia.

La journée avait bien dû être longue pour Ward, confiné dans un appartement grand comme le creux de ma main. Je lui proposais de sortir pour compenser, pour changer le mal de place, comme on dit et Ward accepta. Avant, je voulais cependant lui faire entendre le résultat de beaucoup d’heures volées ici et là en compagnie de Shane. Le résultat était maintenant sur une bande, enroulée précautionneusement dans sa cassette.

J’étais heureuse que la chanson plaise à Ward, le premier à connaitre et entendre le talent de Shane. Mon ami avait composé la mélodie, trouvé les paroles et mixé le tout en plus de chanter avec moi. Je ne doutais pas du tout qu’il parviendrait facilement à vendre sa démo à une maison de disque New Yorkaise et ainsi, démarrer une carrière d’auteur-compositeur.

- Si tu savais comme je suis contente qu’elle te plaise !

J’y avais mis du cœur moi aussi sur ce projet ! Puis sachant que Ward n’était pas facile de contenter, de l’entendre dire qu’il avait aimé représentait beaucoup pour moi.

Ward trouvait que la chanson nous ressemblait et il n’avait pas tort.

En effet, la chanson traduisait bien notre histoire, comme elle avait débuté, comment elle évoluait. Ça me fis rougir mais certainement pas autant que lorsqu’il avait dit que ma voix mettait en valeur la chanson, qu’elle ne rendrait jamais aussi bien chanté par une autre. De ça, j’en doutais fort ! J’étais loin d’avoir l’expérience d’une Livia ou d’une Lola pour ne nommer qu’elles.

Ce que je voulais, moi, c’était de demeurer dans l’ombre. Le maximum que je pouvais avoir de lumière était sur scène avec un tas d’autres artistes comme moi. Une troupe, un groupe faisant soir après soir la même chose. Pas un seul pas de côté, pas une seule note trop haute. Quand ce serait terminé, je redeviendrais Nell, simplement Nell, la bénévole de St-John et ça m’allait très bien.

Ward défendit son opinion en répliquant qu’il ne voyait pas une autre chanteuse pouvant chanter mieux que moi cette chanson, que Livia ne saurait jamais donner la même émotion et que je méritais moi aussi de briller sous les projecteurs.

Dire que je n’étais pas touchée de voir qu’il croyait autant en moi serait mentir. Avec le recul, je me demandais si Jordan aurait été capable de m’encourager à ce point ? Non… Il m’aurait plutôt découragée pour me garder à l’abri des dangers et aux commandes de la cuisinière et de la serpillère.

- T…Tu sais… J…Je s…suis touchée q…que tu crois en moi à ce…ce…ce point mais, Ward… Ce n’est pas ce que je veux. Et puis Shane veut faire carrière ici à New York, il va envoyer cette semaine la démo aux maisons de disques d’ici pour la leur vendre. L’une d’elle en voudra et la proposera à un duo de ses artistes. S….Si… Supo…po….Supposons qu’on l’envoie à Los Angeles, ça me forcerais à tra…trava… Pfff…. Ça me forcerais à travailler pour Don Hughes… C’est non. Ce n’est même pas envi… envisaaaa…. Envisageable.

Il y avait une autre chose aussi qui me mettais complètement mal à l’aise avec cette chanson ou plutôt avec l’idée de me l’approprier, c’était bien le fait que je l’avais fait pour donner un coup de pouce à Shane et non pas pour en tirer avantage. Pour moi, ça ne se faisait pas.

- Puis c’est le projet de Shane, tu comprends ? Je l’ai fait pour l’aider lui et non p…p…pas pour me fe…fe…faire briller moi.

C’était ainsi et je vivais très bien avec ça.

Je me levais et allais retirer la cassette du lecteur pour la remettre dans mon sac. Shane avait sa propre copie mais nous ne voulions pas qu’elle soit entendue avant qu’il ne l’ai envoyé et ce que je venais de faire me faisait réaliser que j’aurais bien dû respecter notre entente. Je revins ensuite près de Ward et je l’embrassais dans ses cheveux.

- Je vais vite prendre une douche et ensuite, nous sortons, d’accord ?

En ce qui me concernais, le dossier de la démo de Shane était un sujet clos.

Nell avait une petite perle entre ses mains. Elle avait passé le cap d’enregistrer une chanson avec sa voix dessus. Même si c’était à l’initiative de Shane, le résultat était là. Ne restait à Nell que de montrer ça à des maisons de disques et, peut-être qu’une carrière pourrait s’ouvrir à elle.

Sauf que Nell restait Nell. Déjà, elle rendait tous les mérites à Shane. Comme si c’était Shane qui avait chanté. Or, sans chanteuse, la composition de Shane n’aurait rien donné. Mais Nell se défendit sur ce fait en disant qu’une chanteuse bien plus expérimenté ferait bien mieux l’affaire pour mettre en valeur le travail de son ami. En gros, elle se dévalorisait cherchant à tout prix à rester dans l’ombre. D’autres auraient sauté sur l’occasion pour avoir une chance de devenir une star mais il semblerait que Nell ait envie de rester Nell.

Sauf que, bientôt, elle ne sera plus dans l’ombre. Elle était la fille de Don Hughes et quand la biographie de ce dernier sortira, elle sera sous le feu des projecteurs alors que bien des magazines people spéculeront sur elle et sur l’héritage de l’empire du patron de MTI.

J’encourageai Nell à prendre conscience de ses capacités sauf que ça ne provoqua que plus de bégayements. Je plissai même des yeux pour essayer de comprendre Nell à travers ses mots hachés. Quand je l’ai rencontré il y a quelques années, elle n’était pas comme ça. C’est peut-être Jordan qui a fait de Nell un petit agneau craintif.

Elle m’agaçait.

Elle disait que tout ça n’était pas ce qu’elle voulait. Que Shane voulait de toute façon faire carrière à New York. Et alors ? Elle pouvait faire carrière sans Shane, non ? Elle était certaine que si la production de Shane venait à être acceptée, elle sera proposée à un duo d’artistes. De plus, elle ne voulait pas travailler avec Don Hughes. Je soupirai.

-Et si ça ne se passe pas comme ça ? Si la maison de disques qui décide d’investir dans le projet de Shane tu veux toi… Tu feras quoi, Nell ?

Tu iras te réfugier dans un trou ?

-Et ce n’est pas Don qui s’occupera de ta carrière chez MTI mais bien un des managers de la boite.

J’haussai des épaules alors qu’elle déclara que tout ça était le projet de Shane. Elle ne voulait pas briller à se détriment. Ou grâce à lui. Je me retins de faire une réflexion mais je me contentais d’hocher de la tête. J’avais un plan, de toute façon.

-Je comprends…

Elle remit la cassette dans son sac. Il me suffira de faire une copie quand j’aurais le voie libre.

Elle vint m’embrasser ensuite proposant qu’on sorte après sa douche. Je souris.

-D’accord…

Voilà mon occasion.

Elle alla prendre sa douche. Je fis rapidement une copie de la cassette. Je la remis à la bonne place.

Une fois à Los Angeles, je l’enverrais à MTI. Et si jamais Nell est repérée, elle sera sur le fait accompli.  

Petite, alors même que je ne marchais pas encore, ma mère m’amenait avec elle à St-John’s pour faire du bénévolat. À cet âge, ma contribution se limitait à un doux babillage mais en grandissant, j’étais devenue active et très impliquée tant et si bien que, malgré que ma vie comptait d’autres champs d’intérêts, je ne me voyais pas faire autre chose que d’aider mon prochain. J’avais ça en moi, j’étais faite ainsi !

Travailler avec Shane sur sa démo, l’aider à la mettre en voix et en musique, avait été une belle expérience, une activité agréable à faire avec un ami et, si d’aventure sa chanson devait être acheté par une maison de disque et que dans quelques mois nous l’entendions à la radio chanté par une nouvelle Lola, je serais honorée de me dire que j’avais participé à ce projet.

Voilà où était ma récompense.

Ce qui me comblais vraiment !

Pour Ward, je passais à côté de quelque chose ! Il disait qu’aucune autre ne pouvait chanter aussi bien une chanson qui nous reflétait aussi bien. En effet, on aurait pu croire que Shane s’était inspiré de Ward et moi pour composer son œuvre. De mon point de vue, je me disais que c’était une raison de plus et suffisante pour l’entendre à la radio et sourire rêveusement tout en appréciant le talent vocale d’une autre que moi.

Puis, il y avait aussi le fait que Shane voulait la vendre ici à New York, à une maison de disque du coin puisque c’était ici qu’il vivait. Moi, quand Grease se terminerait, je retournerais à Los Angeles mener ma petite vite tranquille. Je me disais, peut-être à tort, que je ne pouvais pas être signé par une maison de disque new yorkaise en vivant dans un autre état. Tort ou non, ça n’avait aucune importance, je ne voulais pas devenir chanteuse !

- Si la m…maison de disque me ve…veut moi ? Je lui dirai que je suis honorée mais que je décline, tout simplement.

Pourquoi débattre autant autour de cette question ? Ward ne comprenait-il pas que je n’avais pas besoin de ça pour être heureuse ? Que je n’avais jamais eu besoin de gloire et de notoriété pour mener ma bosse ? Ce que je faisais me rendait déjà heureuse, je n’avais pas besoin de plu et je n’en voulais pas davantage.

Je ne voulais surtout pas non plus que, supposons que j’avais une absence mentale et que j’acceptais la chanson pour moi, signer avec MTI car je ne voulais pas faire une Olivia Cortez de moi.

- Ce sera tout de même sa maison de disque, Ward. Alors c’est non et ça ne sera toujours rien d’autre que non.

Il m’énervait avec son insistance ! On aurait dit qu’il y tenait comme si ça pouvait lui apporter quelque chose. Sauf être le petit ami de la fille qui chante, je ne voyais pas vraiment quel bénéfice il pouvait en tirer.

Je mis fin à la conversation en rangeant la casette avant d’aller prendre une douche.

J’étais déçue…

Je n’aurais pas dû rompre le secret me liant à Shane pour le partager à Ward. Maintenant, mon petit bonheur dû à l’accomplissement de ce projet goûtait amer. Mieux valait pour moi de l’oublier et de mettre ça au fond de mon sac, tout comme la cassette !