Deux jours s’étaient écoulés depuis ma conversation avec Samantha. Deux jours que je vivais avec ce petit bonheur enfouie au plus profond de moi et deux nuit que je ne dormais qu’à moitié me questionnant à savoir si j’avais bien fait de suivre mon cœur en demeurant fidèle à Daniele. À force de tourner et retourner la conversation que j’avais eue avec Samantha, je ne voyais pas ce que j’aurais pu répondre d’autre. Il y avait des limites à se laisser emporter par la frénésie du moment.

Je n’avais pas osé en parler avec Daniele, ne sachant pas si Samantha lui avait elle même tout raconté. Oh, je savais qu’elle lui avait fait part de ses intentions mais peut-être qu’elle faisait perdurer le mystère et que Daniele lui-même n’osait pas m’aborder sur le sujet, craignant que je ne lui dise que je m’apprêtais à le quitter. C’était un peu stupide de tourner ainsi autour du pot mais ça me faisait quand même du bien de garder tout ça pour moi encore un moment. C’était comme de me laisser une porte ouverte au cas où je changerais d’avis.

Cependant, j’avais tout de même envie de partager tout ceci avec quelqu’un et je ne voyais personne de mieux placé qu’Amon. Axel, bien qu’il m’avait prévenu de ne pas monter sur scène lors de la fête de Daniele, n’avait eu que de bons mots au sujet de ma prestation, il l’avait même louangé dans un article. Ceci dit, si je lui disais que Samantha m’avait proposé d’ambitieux projets et que l’espace de quelques secondes j’avais songé accepter, je pouvais déjà l’entendre me réciter son interminable liste de raisons pour refuser.

Axel n’aurait pas besoin de me les énumérer, de toute façon. Qui plus est, de toutes les raisons qu’il pourrait me donner, seule celle que j’avais donné à Samantha était assez importante pour que je décline.

J’avais donc passé un coup de fil chez L.A.People peu avant le lunch et demandais si Amon était bien à son bureau. La confirmation obtenu, je me dépêchais de passer chez le traiteur pour nous prendre un petit gueuleton à partager à son bureau. Un petit diner sympathique entre amant, question de décanter tout ce qui se passait pour l’un comme pour l’autre, dernièrement.

Je m’annonçais à la réception et prétendue qu’Amon attendait ma venue. Ce n’était pas le cas mais je préférais réserver la surprise à Amon et s’il devait être trop occupé pour me recevoir, je m’en irais tout simplement.

Je cognais à sa porte avant de l’ouvrir lentement en passant d’abord mon bras tenant le sac de nourriture puis j’entrais complètement.

- Surprise… Est-ce que tu as un peu de temps pour luncher avec moi ?

Ouf ! J’avais terminé mon édition spéciale sur l’inauguration du yacht de Danielel Ricci. J’étais assez content et j’espérais qu’Howard le serait aussi. J’avais tenu parole et avait fait passer son message à travers mes lignes. Je m’étais aussi amusé à enfoncer Reed en soulignant certaines choses.

C’était un gros boulot de fait. Et sincèrement, ce n’était pas vraiment écrire qui prenait du temps, mais choisir les bonnes photos parmi toutes celles prises par les papparazzi à la solde de L.A.People.

Bref, je pouvais me relaxer un peu, même si j’étais quand même au boulot. Il fallait écouter les rumeurs, lires d’autres magazines concurrents, écrire, trouver les bons mots. Mon boulot demandait pas mal d’imagination parce que souvent, il fallait inventer toute une histoire à partir d’une vague photo.

Mon ventre se mit à gargouiller bruyamment… je regardai l’heure sur ma montre… Il était presque midi et je n’avais rien prévu pour manger…

Alors ma concentration se mis à décroître, laissant parfois la place à un questionnement existentiel. J’allais manger quoi ? Chinois ? Commander une pizza ?

C’est alors que j’entendis frapper à la porte et levai des yeux surpris vers la porte… J’étais peut-être le « meilleur » journaliste de L.A. People, ça ne voulait pas dire que j’avais des amis parmi la rédaction, que du contraire.

Je regardai vers le terrarium dans lequel Loki dormait paresseusement enroulé sur lui-même.

-On a de la visite ?

Le serpent s’en foutait comme de sa première couche qu’il n’avait jamais eu et moi, je n’eus pas à me questionner longtemps sur l’identité de ma visiteuse.

Un long bras gracieux apparut dans l’embrasure de la porte et je reconnus les ongles parfaitement manucurés de Sonne ! Ce qui illumina mon visage d’un beau sourire.

Surtout qu’au bout de ce bras, il y avait des plats préparés par un traiteur.

Finalement, Sonne entra et demanda gentiment si j’avais le temps de dîner avec elle. Je me levai et allai l’inviter à entrer avant de refermer la porte derrière elle et de l’embrasser.

-Quelle bonne surprise ! Je meurs de faim et un repas apporté par toi, je ne pouvais pas rêver mieux !

J’allai vers mon bureau et lui tirai une chaise.

-Viens, installe-toi !

Une fois assis tous les deux, je la regardai dans les yeux.

-C’est une bonne idée de venir me voir ici. On devrait faire ça plus souvent… L.A. People n’est pas si loin de la tour BSC finalement. Et dans mon bureau on peut parler librement. Quoi de neuf, ma belle ?

Amon était heureux de me voir apparaitre au bout du lunch que je tenais à bout d’un bras tendu devant moi. Je voulais le surprendre avec un petit lunch en tête à tête à même son bureau, discuter de la proposition de Samantha et du dossier Stone dont je n’avais toujours pas trouvé le courage d’aborder avec mon patron.

Amon s’était levé pour m’accueillir et il m’embrassa après avoir refermé la porte de son bureau. Si notre liaison était désormais le secret le moins bien gardé en ville, ce n’était pas une raison pour l’étale devant tous les collègues d’Amon.

- Je ne savais pas ce dont tu aurais envie alors j’ai fait simple. Des sandwichs, une salade à partager et un dessert au chocolat.

J’avais aussi pris une bouteille de vin blanc, question d’agrémenter un peu la simplicité du menu acheté en toute hâte chez le traiteur le plus près du bureau. Je m’installais sur la chaise qu’Amon avait tiré pour moi et je posais mon sac de provision sur son bureau en faisant attention aux dossiers s’y trouvant. J’ouvris le sac en en sortis les victuailles ainsi que les couverts en cartons venant avec.

Un sourire large et fière se dessinait sur mon visage alors qu’Amon disait que c’était une bonne idée d’être venue le surprendre avec un petit pique-nique et même que nous devrions faire ce genre plus souvent puisque nos bureaux respectifs n’étaient pas si loin l’un de l’autre.

- En effet, nous pourrions le faire plus souvent. J’adorerais ça.

Je pris l’une des assiettes et y déposais son sandwich ainsi qu’un peu de salade et du fromage avant de m’en garnir une pour moi et de nous verser un peu de vin dans des verres en carton, tout ce qu’il y a de plus lamentable mais, d’un autre côté, ça ajoutait à la coquetterie du moment partie d’une improvisation la plus totale.

- C’est un peu parce que j’ai du neuf à te raconter, que je suis venue ici pour diner avec toi. J’avais envie de raconter ce qui m’arrive à quelqu’un.

La salade manquait un peu de vinaigrette mais elle était croquante sous la dent ce qui compensait pour le manque de saveur. Je piochais des bouchées avec ma fourchette sans jamais les porter à ma bouche. Je repensais à ma conversation avec Samantha et au petit velours au cœur qu’elle m’avait procuré.

- Samantha Ricci m’a invité à boire un café avec elle pour me proposer un contrat chez MTI. Elle n’a cessé de complimenter la performance que j’ai faite lors de la fête l’autre soir. Ça me semble tellement surréaliste ! Mais avant que tu ne dise quoi que ce soit, j’ai décliné la proposition.

Je regardais Amon tout en prenant finalement une vraie bouchée de mon repas puis je posais mon assiette sur le bureau devant. Je ne réalisais pas encore totalement tout ce dont j’avais refusé en déclinant la proposition de Samantha bien qu’au fond de moi, je ne pouvais imaginer laisser Daniele après tout ce qu’il avait fait pour moi et pas seulement sur le plan professionnel. Il m’avait servi de père à mon mariage, il avait eu l’honnêteté d’avoir une franche conversation avec moi en me trouvant en larmes ce matin-là en plus de me considérer comme une personne à part entière et non seulement une simple secrétaire. Je devais beaucoup à Daniele !

Sonne annonça qu’elle avait fait simple pour ce petit lunch improvisé. Mais ça ne me fis sourire que plus largement.

-Je suis sûr que ce sera parfait, merci.

J’affirmai qu’on pourrait faire ça plus souvent. C’était sympa et ce n’était pas vraiment comme si on devait vraiment se cacher. Tout le monde savait, Axel y compris. Bon, ce n’était pas pour autant que j’allais rouler des pelles monumentales à Sonne en public mais disons qu’on ne devait pas vraiment non plus effacer nos traces derrière nous.

Elle était d’accord pour remettre ça…

On s’installa tranquillement et Sonne me passa un sandwich et de la salade avant de me verser un verre de vin qui me fit faire un « o » silencieux de surprise.

-Tu as vraiment pensé à tout !

Dans les gobelets en carton, je trouvais ça vraiment sympa. Et ça avait un petit côté romantique aussi. Le genre de truc qui me plaisait vraiment, plutôt que de se voir, de se sauter directement dessus puis de se dire « à la prochaine » pour remettre ça.  

Ça changeait un peu et ce n’était pas plus mal.

En plus, Sonne avait apparemment du neuf à me raconter. Quelque chose que, si je comprenais bien, elle avait gardé pour elle et j’étais l’heureux élu à qui elle allait en parler en premier. Pas à Axel, pas à Daniele, à moi.

-Je suis tout ouïe.

Je portai le gobelet de vin à mes lèvres, prêt pour les nouvelles.

Elle avait e fait été « convoquée » par Samantha Ricci pour un contrat suite à sa performance à l’inauguration du yacht.

J’ouvris la bouche de surprise mais avant que j’aie pu sortir un son, elle m’annonça avoir décliné l’offre.

-D’accord… C’est vrai que ta chanson m’a fort impressionné, moi aussi…

Je fis la moue, réfléchissant tout en profitant du goût du vin dans ma bouche.

-Mais je crois que tu as bien fait de décliner… Quand je vois la vie que les artistes ont parfois, je suis bien content de ne pas en faire partie. Qui plus est, être chanteuse à temps plein ne demande pas seulement de performer à la perfection de temps en temps sur une scène…

Je pris un morceau de sandwich avant d’ajouter.

-Il faut écrire, composer, apparaître à des galas… Avec quatre enfants, ce serait un exploit de réussir…

Mon objectif de surprendre Amon avec un petit lunch improvisé avait atteint sa cible, de quoi me réjouir en voyant le sourire sincère sur les lèvres de mon amant. Nous devions nous permettre ce genre de petit moment en tête à tête plus souvent, j’étais d’accord à sa suggestion. Se retrouver ensemble faisait un bien fou, autant que de se retrouver au lit ce qui était donc dire que nous comptions l’un pour l’autre bien plus que nous le pensions.

Je n’avais que de simples sandwichs et une salade dans mon sac mais Amon était convaincu d’avance que ce serait parfait. Après tout, l’idée était de combler notre estomac tout en bavardant. Je pus donc nous servir chacun une assiette et je versais du vin dans des gobelet en carton ce qui fit faire une moue des plus adorable à Amon.

- En effet, je crois que j’ai pensé à presque tout.

J’étais ravie qu’Amon puisse prendre le temps de luncher avec moi puisque j’avais bien envie de lui partager ma conversation avec Samantha. C’était pour moi, quelque chose d’inespéré et de complètement fou dont je n’aurais jamais songé, même pas en rêve. Je savais que je me débrouillais bien pour chanter mais de là à obtenir une proposition en bonne et due forme ?

Amon était tout ouïe pour ma nouvelle que je lui révélais sans m’enfarger dans les fleurs du tapis. Inutile de contourner le sujet, j’allais droit au but et du même souffle, je confiais même avoir décliné la proposition de Samantha Ricci, épouse de mon manager.

- C’est vrai ? Ma chanson t’a aussi impressionnée ? Je l’ai chanté pour toi, tu sais.

Il devait bien s’en douter mais comme nous ne nous étions pas reparlés après, cette soirée-là et que j’avais cru à un froid entre nous…

Pour Amon, j’avais bien fait de décliner la proposition. Parce que pour lui, la vie de chanteuse ne consistait pas qu’à performer sur scène mais il fallait aussi composer ses chansons, leur donner une âme, participer à des galas, des interviews, parcourir le monde pour offrir son talent et en vivre, quelque chose de difficilement réalisable avec quatre jeunes enfants. J’avais bien eue conscience de tout cela en discutant avec Samantha pourtant, c’était une tout autre raison qui m’avait fait refuser l’offre la plus alléchante que l’on ne m’avait jamais proposé de toute ma vie !

- Axel peine déjà de me voir travailler autant, alors je n’ose imaginer si je devais partir pendant des semaines, voire des mois pour chanter. Mais en toute vérité, j’ai refusé pour une autre raison, bien que celles-ci soient amplement suffisantes.

Je mangeais un bout de sandwich et je bus une gorgée de mon vin, soupirant en même temps en repensant à tout ce dont je passais à côté. Bien que je savais que j’avais prit la bonne décision, ce n’était pas pour autant plus facile que de dire adieu au monde auquel je rêvais d’appartenir.

- Je me sens redevable à Daniele. Il m’a donné une chance incroyable en me prenant comme secrétaire alors que je n’avais aucune formation. Je me suis dit que si je devais accepter une proposition comme celle que m’a faite Samantha, elle devait venir de Daniele et de personne d’autre. Tu comprends ? Je me suis dit que… La loyauté se devait d’être plus forte que la renommée.

J’appréciais vraiment l’attention de Sonne. Tout en sachant que je n’aurais jamais pu faire la même chose dans le sens inverse : débarquer chez BSC pour venir prendre le lunch avec elle. Je me serais fait jeter à peine passer la porte d’entrée, voire même avant… Après tout, j’étais le journaliste le plus détesté de Los Angeles… Même si tout le monde lisait mes articles comme un plaisir coupable.

Elle avait des nouvelles à m’annoncer et je l’écoutai attentivement tout en buvant mon gobelet de vin blanc.

Elle avait eu une proposition de Samantha Ricci après qu’elle se soit brièvement produite, dans ce que je savais être un certain état d’ébriété, sur la scène de cette plage de Sant Monica où on avait inauguré le yacht de son patron, Daniele.

J’avouai avoir été impressionné par sa performance et ça sembla l’étonner.

Elle disait l’avoir chantée pour moi.

-Ah ouais ? Ben en tout cas, je n’imaginais pas que tu avais une telle voix alors, bien sûr que j’ai été impressionné. C’était une belle chanson.

Mais elle avait décliné la proposition de la manager. Je trouvais ça raisonnable.

Ce n’est pas parce qu’on sait chanter qu’on est fait pour la vie d’artiste. Elle savait chanter, mais écrire ? Composer ? Rien n’était moins sûr… Même si elle pouvait toujours se contenter d’être interprète.

De toute façon, toutes ces questions ne se posaient pas puisqu’elle avait refusé… Et quelque part, ça me soulageait...

Elle déclara qu’Axel supportait déjà al qu’elle travaille beaucoup alors si ça devait s’avérer pire, ça n’allait pas aller.

-Et tu me vois soulagé aussi. Je n’aurais pas voulu écrire sur toi… Je ne dis que des saloperies, dans L.A.People.

Ce n’était cependant pas pour toutes ces raisons que Sonne avait refusé, mais par loyauté envers le manager italien pour qui elle travaillait.

Si proposition il devait y avoir, elle devait venir de lui.

-Il y a peu de chances que ça arrive, il est chez BSC.

Et aucune femme ne signait chez BSC à moins de partager l’ADN de Reed. Et encore…

-La loyauté est une belle valeur. Puis je sais que tu aimes ton job…

Je haussai les épaules tout en mordant dans mon sandwich.

-Je connais la vie des stars et, sincèrement, si on m’avait fait la même proposition qu’à toi, j’aurais refusé aussi.

La chanson que j’avais chanté le soir de la fête de Daniele Ricci pour l’inauguration de son yacht n’était pas de moi, évidement, mais je l’avais chanté pour Amon, parce que les paroles traduisaient bien mon amour et mon attachement pour lui. Il avoua avoir bien aimé à chanson qu’il qualifia de très belle après avoir dit qu’il n’imaginais pas que j’avais une telle voix.

- Je ne chante jamais ou très rarement. L’occasion ne se présente pas forcément souvent, il faut dire.

Chanter des berceuses à mes enfants pour les endormir ne demandait pas que je force ma voix comme ce fut le cas avec la chanson que j’avais choisis lors de la fête donné par mon patron, ce n’était pas du tout la même chose, un tout autre registre. Chanter des berceuses, toutes les mères savent le faire.

J’avais donc décliné l’offre de Samantha non sans observer une certaine forme de regret. Je passais à côté d’une chance en or mais ma loyauté envers Daniele était bien pus forte que tous les gains que j’aurais pu faire en sauter sur l’occasion.

Amon me fit sourire en disant qu’il n’aurait pas aimé écrire sur moi puisqu’il n’écrivait que des saloperies dans ses pages.

- J’avoue que je l’aurais très mal vécue. L’envers de la médaille n’est pas fait pour moi.

Et Dieu sait à quel point il est abyssal, le revers de la médaille dans ce monde. Si j’avais l’étoffe et les goûts d’une diva, je n’en avais pas la force pour me forger une carapace imperméable aux ragots et autres fourberies que ce style de vie apportait.

- Peu de chance ? Aucune chance pour dire vrai. Daniele, même s’il le voulait, le pourrait jamais me faire une offre.

D’un côté, ce n’était pas plus mal car comme le soulignait Amon, j’aimais mon job. J’étais bien traités, j’avais le meilleurs patrons, des conditions de travail de rêve, un job dont un tas de fille voudrait sans hésiter. Un job de rêve.

- En effet, j’aime vraiment mon travail. Il m’apporte probablement plus que ce qu’une vie comme chanteuse m’apporterait. Puis en travaillant pour Daniele, je ne suis pas loin de la jet-set qui me fait tant rêver.

Tout comme Amon, je mordis dans mon sandwich. Il affirma qu’avoir eu ce genre de proposition il l’aurait lui aussi décliné. J’hochais de la tête, heureuse de voir que je n’étais pas la seule qui pouvait décliner l’opportunité d’une vie.

- Et de ton côté? Tu as reparlé avec Howard ? Je n’ai pas encore eu d’opportunité d’ouvrir la discussion avec Daniele. Il faut dire que j’ai préféré aussi le laisser décanter sa fête en entier.

Avec le temps, j’avais compris qu’il y avait toujours un moment opportun pour ouvrir certains sujet avec Daniele et que les jours suivant un grands évènements n’étaient généralement pas les meilleurs. Alors, avec la fête qu’il venait de donner, l’intrusion d’Howard Stone, celle de Ian V. Hunter et la mystérieuse disparition d’Olivia qui n’a même pas daigné monter sur scène pour offrir une petite prestation, j’avais jugé plus prudent d’attendre un peu.

Sonne disait ne chanter en réalité que très peu, par manque d’occasion principalement. Je souris.

-Rien ne t’empêche de fredonner quand tu es chez moi… J’aimerais encore t’entendre.

Parce que devenir une véritable chanteuse, ou même une interprète demandait, selon moi, beaucoup trop d’exigences. Il fallait être constant tout le temps ! Taper dans le mille pour savoir ce que les fans voulaient ! Même une légende comme Sniper s’était un peu planté avec son dernier album parce qu’il ne ressemblait pas aux autres. Heureusement pour lui, son statut de légende le protégeait un peu et il pouvait se permettre de faire ce qu’il voulait.

Puis il y avait les ragots, les coups de putes… Et moi… Moi, le journaliste.

Sonna avoua qu’elle n’avait pas le blindage pour affronter ça.

-Ce n’est pas plus mal… Je ne voudrais pas te voir te transformer en un Billy Lighter reclus pour éviter les gens et leurs critiques.

La seule proposition qu’elle aurait acceptée aurait du venir de Daniele Ricci, mais ça n’arriverait que dans nos rêves les plus fous.

Je pris une bouchée de ce délicieux sandwich qu’elle m’avait apporté. Puis je lui exposai tout ce qu’elle avait construit et qui était vraiment très bien. Elle pouvait goûter à la jet-set sans que ça la touche vraiment… Le seul truc chiant, en fait, c’était peut-être quand Axel lui disait ce qu’elle devait faire ou pas pour se tenir en société.

Je ne l’avais jamais vu ou entendu faire, mais je l’imaginais bien.

Puis il elle me demanda si j’avais reparlé à Howard, passant à tout à fait autre chose.

Je pris le dernier L.A.People sur mon bureau, celui qui était en vente dans les librairies depuis ce matin et le lui tendis.

-Tiens, je ne sais pas si tu l’as déjà lu.

Je la laissai prendre le magazine avant de continuer.

-Je n’ai pas reparlé à Howard, mais, comme prévu, j’ai dit la vérité, pour une fois… J’ai aussi retranscrit sa réaction à chaud juste après son concert.

Je haussai les épaules.

-J’ai chargé Jimmy Reed à mort… C’était ce qu’il voulait… J’espère que ça permettra à Howard de se calmer un peu au moins un temps…

Je regardai Sonne dans les yeux.

-Si tu ne veux pas demander à Daniele de jauger Reed, ce n’est pas grave… Parce que j’y ai réfléchi et je ne voudrais pas que la colère de Reed t’éclabousse…

Je confiais à Amon que les occasions de chanter ne se présentaient pas si souvent que ça ou alors, je ne les voyais pas, donc, je ne les saisissais pas. Il me fit sourire et même que je senties mes joues devenir un peu rouge quand il répondit qu’il aimerait bien que je chante quand je me trouvais chez lui.

- Je chanterai pour toi, avec plaisir.

Pour devenir chanteuse, il fallait plus qu’une belle voix. Il fallait de la discipline ce qui me ferait défaut avec quatre enfants à charge. Il fallait parcourir le monde pour se faire connaître ce qui serait également difficilement réalisable avec mes marmots encore trop jeunes. Il aurait fallu que je commence ma carrière avant de les mettre au monde ainsi, mes fans m’auraient pardonné que je me tienne à l’écart le temps de les faire grandir un peu. Ou alors, je devrais attendre qu’ils aient quelques années de plus, une dizaine d’années. Là encore, il me manquerait la carapace imperceptible, celle que les journalistes de la trempe de mon amant ne sauraient percer pour m’atteindre. Je n’étais pas prête à affronter ce genre de langues de vipères. Je n’étais pas prête, non plus, à me transformer en Billy Lighter comme le disait Amon, à titre d’exemple.

- Je sais que j’ai prit la bonne décision… mais… Je crois que je ne pourrai m’empêcher pour les prochains jours du moins, d’admirer avec regret le beau côté de la médaille que je laisse passer.

Ce qui était tout à fait normal, à mon humble avis. Qui ne rêverait pas de recevoir une proposition aussi alléchante et de pouvoir par le fait même, réaliser ses rêves les plus fous en touchant les hauts sommets de la célébrité ? Dans quelques jours, je serais à nouveau confortablement juchée sur mes talons haut en déambulant dans les corridors de BSC, un sourire parfait sur mes lèvres rouges vermeilles, heureuse et fière d’être la secrétaire du plus grand manager en Amérique du Nord.

Assez parlé de moi, je voulais savoir s’il avait eu des nouvelles de son ami, Howard Stone. De mon côté, je n’avais pas vu une opportunité de lancer le sujet avec mon patron. Je préférais attendre le moment le plus opportun malgré que je savais que la situation était assez préoccupante pour Amon. Je l’avais bien ressenti, lors de la fête de Daniele.

Amon laissa son sandwich de côté, le temps de me donner un exemplaire tut chaud du dernier L.A.People et, quand je l’eu en mains, je tournais les pages pour trouver l’article concerné pendant qu’Amon m’expliquait sa manœuvre. Je trouvais la page et je pris le temps de lire l’article.

- C’est très bien, très juste. Tu as dit, ou plutôt tu as écrit ce qui devait être. La vérité, rien de moins. Reed va répliquer en passant probablement par la plume d’Axel.

Je roulais des yeux en refermant le magazine et en le posant sur le bureau d’Amon.

- J’y ai réfléchi moi aussi et j’ai imaginé plusieurs façons d’amener le sujet sans que ça semble intéressé. Je vais essayer, je t’ai dit que je le ferais et je tiendrai parole. Et, si la colère de Reed m’éclabousse alors…

Je baissais un peu les yeux, je pris une gorgée de vin puis un petit sourire moqueur se dessina sur mes lèvres.

- Si la colère de Reed m’éclabousse, j’irai faire carrière chez MTI !

Je levais mon verre pour trinquer avec Amon.

Reed pourrait bien me faire perdre mon travail. Même en étant son meilleur ami, Daniele ne pourrait pas renverser un ordre de Reed même en plaisant combien je lui suis précieuse. Me retrouver chez MTI comme chanteuse ou comme secrétaire ne me plaisait pas plus que ça mais pour Amon, je ferais n’importe quoi.

Je souris largement quand Sonne annonça qu’elle allait, à l’avenir, chanter pour moi. Je ne lui demandais pas de grandes performances mais je devais avouer que sa prestation sur la scène de Ricci m’avait époustouflé et je me demandais comment je n’avais pas découvert plus tôt ce talent chez mon amante.

Mais de savoir que j’allais l’entendre encore me rendait heureux.

Elle avait cependant décliné la proposition de Samantha Ricci, choisissant une voie plus raisonnable pour son avenir. Mais ça ne l’empêcherais pas, dans un sens, de regretter un peu le strass et les paillettes qu’elle voyait tous les jours dans les couloirs de BSC…

-Je comprends… Moi aussi des fois je les envie, ces stars… Mais sincèrement, si on m’avait fait la même proposition qu’à toi, j’aurais décliné aussi.

Je fis la moue.

-J’ai déjà assez de ma sale réputation… Ma petite notoriété n’est certainement pas la meilleure.

Mais je ne regrettais rien, j’avais choisi cette vie. Ce que je voulais surtout que Sonne comprenne, c’était que ne comptait pas seulement le fait qu’elle était mère de quatre enfants qui pouvait la bloquer pour se jeter à corps perdu dans une carrière musicale… Mais la dureté de ce monde qui, vu de l’extérieur, paraissait idyllique.

Je n’avais pas besoin de lui faire un dessin, cela dit, elle était largement assez intelligente pour s’en rendre compte elle-même.

Et en parlant de ce monde de la jet-set à la con, elle me demanda si j’avais agi pour ce qui était d’Howard… Je l’avais fait, avec les armes que j’avais. L.A.People pouvait être un bon porte-voix quoi que reconnu pour diffuser un ramassis de conneries. Je le tendais à Sonne qui lut en silence…

Et bizarrement, mon cœur s’emballa un peu… Parce qu’être juger par les gens en générale, c’était pas grave, mais par quelqu’un de vraiment proche, c’était différent.

Quand elle eut fini de lire, ses premiers mots furent positifs et je me détendis un peu, ce qui me permit de me remettre à manger.

-Merci, c’est gentil… En fait, c’est plutôt moi qui contre-attaque Axel… Son article est paru avant le mien… Reed a anticipé.

C’était assez amusant de constater que Sonne ne lisait pas les écrits de son mari. Bien qu’elle ne lisait probablement pas les miens non plus et sincèrement, ce n’était vraiment pas grave. Ma plume n’en valait vraiment pas le coup… Sauf peut-être pour cette fois où je disais au moins une partie de la vérité.

Quant à Sonne, elle comptait bien tenir parole en tentant de faire en sorte que Daniele tempère Reed si ce dernier comptait faire quelque chose qui nuirait à Howard. Je tendis la main et la posai sur la sienne en la regardant dans les yeux.

-Sonne, surtout si tu penses qu’il y a même une infime chance que tu en pâtisses, ne le fait pas. Ce ne sera pas une parole bafouée.

J’eus un petit rire jaune quand elle plaisanta en disant qu’elle pourrait aller travailler chez MTI.

-Fais attention, sérieusement. Je ne peux pas te dire pourquoi ni à quel point, mais Reed est réellement dangereux.

Je pouvais bien m’improviser chanteuse lors de prochain tête-à-tête avec mon amant. Chanter pour lui me ferais plaisir et en toute honnêteté, je ne pouvais rêver d’un meilleur publique. Je caressais encore le rêve de partir en weekend amoureux quelque part avec lui ou encore, j’espérais qu’Olivia Cortez annule son séjour en Afrique pour plutôt partir en tournée ce qui m’amènerait à devoir m’envoler moi aussi, de temps en temps et pourquoi pas avec Amon.

La proposition de Samantha demeurerait donc un doux souvenir que je raconterai dans plusieurs années à mes enfants. Ils verront que leur maman avait assez de talent pour être considérée comme une véritable chanteuse. J’espérais aussi qu’il ne verrait pas là un manque d’ambition de ma part mais qu’ils comprendront que par amour pour eux, je préférais rester auprès de ma famille… et de mon patron !

- Je t’imagine avec une guitare, sur scène. L’image est sexy…

Amon n’aurait pas non plus souhaité embrasser une vie sous les projecteurs probablement parce qu’il était mieux placé que n’importe qui d’autre pour savoir que l’envers de la médaille n’était vraiment rose et combien souffrant cela pouvait être.

Notre conversation se dirigea sur Howard Stone. Le nouveau papa et prématuré veuf en était pas à une frasque près mais plus il s’enfonçait dans sa vendetta contre Reed, plus sa chandelle brûlait rapidement et par les deux bouts, qui plus est !

Amon avait pondu un article sur le sujet, il me le fit lire et je ne pus que trouver que le ton choisi était juste et approprié.

- Je ne l’ai pas lu, en toute honnêteté. Cette histoire… Ou plutôt les agissements de Reed me donnent de l’urticaire et même écrit par Axel, je ne suis pas intéressée.

Reed m’avait toujours fait une désagréable impression. Je me souvenais de ses paroles lors de mon mariage, de son regard de vautour. Je ne comprenais aucunement la fascination qu’avait mon mari pour cet homme qui ne m’inspirait pas du tout confiance.

Je comptais bien tenir parole auprès d’Amon et d’avoir cette discussion avec Daniele afin de tempérer les ardeur de Reed envers Howard. Je pourrais amener le sujet en lisant le L.A.People et en supposant que le batteur le plus populaire de notre génération était sous le coup de son deuil et qu’il n’était pas utile de frappe run homme déjà au sol. Il y avait plusieurs manières de faire passer un message. Daniele était un homme bon, réfléchi et avec beaucoup d’humanité, je le savais ! Il allait m’écouter, pour moi, ça ne faisait aucun doute.

Amon avait tout de même peur que la colère de Reed m’éclabousse au point où il me fit en quelque sorte une mise en garde tout en prenant ma main dans la sienne.

- À ce point-là ?

Je le fixais quelques secondes comme si je voulais scruter le fond de sa pensée au travers son magnifique regard.

- Je n’insisterai pas si je sens que le sujet est tabou. Je passerai un commentaire sur ton article et je verrai comment Daniele réagit.

Je n’avais plus très faim, après ça. En fait, j’avais plutôt envie de me blottir dans les bras d’Amon pour les quelques minutes qu’il restait à mon heure de lunch. C’est ce que je fis en me levant et venant m’installer sur ses cuisses.

Je rigolais doucement en m’imaginant rester ainsi pour le reste de la journée.

- Tu crois que ça le ferais, que je retourne au bureau accrochée à toi ?

Je rigolai en m’imaginant avec une guitare comme le faisait Sonne. Elle trouvait l’image sexy, moi, je la trouvais ridicule. Je n’avais foutrement aucun talent.

-Je en sais ni chanter, ni jouer d’un instrument, ce serait une horreur.

En plus, la vie d’artiste ne me disait vraiment rien, comme je l’expliquai à mon amante.

La conversation tourna ensuite autour d’Howard que je voulais protéger… Beaucoup de Reed et un peu de lui-même. J’avais fait lire mon article à Sonne en espérant que ça suffirait à Howard pour le moment. Il allait bientôt partir en Afrique, ça lui changerait peut-être les idées.

Sonne n’avait pas lu l’article d’Axel parce que ce que faisait Reed ne l’intéressait pas. Elle le détestait, comme beaucoup de femmes, ce qui était normal… Je ne pensais pas non plus que Reed cherchait à se faire aimer de quiconque.

-Je comprends… Moi, je l’ai lu… Ton mari a joué le jeu de Reed et Ricci…

Sonne voulait bien y aller de sa générosité pour aider Howard elle aussi… Enfin, c’était surtout pour me faire plaisir mais je ne voulais pas que sa carrière en pâtisse…

Ou pire !

Elle me demanda si Reed était dangereux à ce point-là.

-Je crois que ni toi, ni moi n’imaginons à quel point, en fait. Le seul qui semble connaître toute l’histoire, c’est Howard et il a peur de tout dire.

Je la mis donc en garde contre Reed. Elle sembla comprendre et n’allait pas trop s’en mêler, juste passer un commentaire l’air de rien.

-Ok.

Sonne se leva et vint s’asseoir sur mes genoux. Je l’enlaçai alors qu’elle rigolait et déposai un baiser sur sa joue.

Je levai un sourcil quand elle demanda si ça le ferait si elle retournait à son bureau accrochée à moi.

-Je ne pense pas… Mais je suis pour qu’on remette ça un autre jour.