Eleanor Harris avait un talent certain. C’était indéniable. Je ne pouvais que le constater alors qu’elle était en représentation sur scène. Une représentation que j’étais venu voir avec Lizzie afin qu’elle puisse profiter autant de New York que de Grease en plus d’un petit voyage que nous pouvions apprécier à deux. Car, dernièrement, les nouvelles concernant Savannah n’étaient pas bonnes et ça minait ma petite amie autant que ça allait miner The Burning Fire.

C’est pour ça que de découvrir cette perle était une aubaine pour moi. Si j’avais à convaincre Harris de signer, j’aurais potentiellement une future nouvelle Lola entre les mains. Ce qui me rebutait légèrement venait de la conversation que j’avais eue au téléphone avec Harris. Elle était hésitante… Très hésitante. Comme si elle avait peur d’une carrière de cette envergure. Je pouvais le comprendre… Une carrière pareille n’était point donné à tout le monde et il fallait trouver le courage et la lucidité de s’en rendre compte avant de se lancer. Bien que si Harris était absolument certaine de ne pas pouvoir se lancer, j’aurais quand même voulu qu’elle me le dise au téléphone afin que je ne me déplace pas jusqu’à New York.

Mais elle avait simplement dit que c’était « compliqué » et elle avait déclara qu’elle y verrait plus clair en me voyant.

Bien !

Le fait que Lizzie soit avec moi rendrait plus doux un refuse de la part d’Harris… Car je n’aurais pas totalement eu l’impression de faire ce voyage pour rien.

La performance d’Harris était plus qu’à la hauteur de ce à quoi je m’attendais. C’est l’observation que j’avais faite à Lizzie à la sorte de la salle. Une Lizzie que j’avais, ensuite, laissée car je me devais d’aller voir Eleanor avec qui j’avais rendez-vous dans sa loge. Lizzie et moi devions nous retrouver après le rendez-vous pour aller dans un restaurant chic où je nous avais réservé une table. En attendant, elle avait tout le loisir de se promener et découvrir la ville qui semblait déjà prête à fêter Noël.

Je m’étais dirigé vers les loges à l’heure dite. Il avait simplement fallu que je me présente pour qu’on me laisser rentrer. Eleanor avait dû passer le mot pour notre rendez-vous.

On m’avait dirigé au bon endroit et j’avais toqué à la porte. Quand je reçus l’autorisation d’Eleanor, j’étais entré en souriant.

-Bonsoir, Mademoiselle Harris.

Je lui tendis la main pour qu’elle la serre.

-Votre représentation était très bien. J’ai beaucoup apprécié. J’imagine que vous avez beaucoup réfléchis à ce que je veux ais dit au téléphone, n’est-ce pas ?

Je n’en avais aucun doute.

J’eue l’impression pendant toute la représentation, que je n’étais pas à la hauteur. J’avais une boule dans l’estomac sachant que Timmy Evans, manager de chez MTI était dans la salle et m’observait, comme si je passais une audition. C’était en quelque sorte le cas puisqu’il allait juger de ma prestance sur scène. Avant même d’y être, j’étais intenable en coulisses et même, ma nervosité s’était fait ressentir dès mon réveil ce matin même.

Dans quoi j’allais potentiellement m’embarquer ?

C’était une question à laquelle je n’avais aucune réponse.

Timmy Evans, lui, peut-être que oui !

J’avais longuement discuté avec Shane et Pamela au sujet de la manœuvre de Ward et, étonnamment, mon amie était du côté de mon petit ami sur ce coup, tout comme Shane mais ça, c’était évident. Il voyait Ward dans sa soupe tant il l’avait en admiration et si le fait que ma voix ait pu porter l’attention d’un manager sérieux sur sa composition et ainsi lui ouvrir une vitrine possible en tant qu’auteur- compositeur, il était aux anges !

Pendant la représentation, chaque fois que je sortais de scène, je courrais vers la porte extérieur pour l’ouvrir et respirer un bol d’air frais. J’avais horriblement chaud, plus que d’habitude. C’était dû au stress, évidement. Il y avait tant de pensées dans ma tête qu’elle devait sans aucun doute être sur le point d’exploser.

Une partie de moi en voulait beaucoup à Ward pour son initiative. S’il tenait absolument à lancer ma carrière, il aurait pu choisir une autre maison de disque que celle de mon père. Le fait aussi qu’il ait fait ça dans mon dos en sachant très bien que je ne voulais pas, m’irritait encore, même après notre appel. Cependant, je comprenais très bien qu’il avait fait ça par amour, parce qu’il croyait en moi plus que moi-même et qu’il espérait que l’on pourrait se rapprocher géographiquement parlant. D’un autre côté, si j’amorce une carrière et qu’en prime j’obtiens du succès, je serai souvent partit ici et là au travers le monde, non ?

Je fondais donc beaucoup d’espoir en ma rencontre avec Timmy Evans. En discutant avec lui, en lui posant toutes mes questions, en écoutant bien ses réponses, je serais capable de faire la part des choses et d’évaluer ce que je voulais. J’imaginais que je n’aurais pas à signer sur le champ, que j’aurais quand même le temps de réfléchir deux ou trois jours… semaines ?

C’est dans ma loge que le manager vînt me rejoindre. Il frappa à la porte et je lui permis d’entrer non sans me tordre les doigts de nervosité. Il était grand, plus grand que je ne le pensais et très bel homme. Il me tendit la main et je la lui serrais, enfin, disons plutôt que je glissais ma main dans la sienne et qu’il se chargea de faire le reste parce que j’étais molle comme une poupée de chiffon.

- Bonsoir Monsieur Evans. Je suis heureuse de faire votre connaissance.

C’était vrai, tout de même.

Je l’invitais à s’assoir, nous serions plus à l’aise pour bavarder assis que debout comme des piquets de clôtures.

Il complimenta ma prestation ce qui me rassura parce que je n’avais pas eu l’impression d’avoir offert la meilleure performance de ma vie ce soir. Sans perdre de temps, il entra dans le vif du sujet ce qui eu pour effet de faire bondir ma nervosité. Je cherchais mes mots, je cherchais quoi dire et surtout comment le dire.

- Beau…Beaucoup, oui. Je euh… Je n’ai fais que ça pour être honnête. C’est une belle offre, une chance qui ne passe pas souvent dans une vie.

Je souriais, rêveusement. Je ne pouvais pas nier que d’avoir reçu autant de compliment pour quelque chose que je ne faisais pas pour cela, me faisait un petit velours au cœur, c’était une fierté que je ne pouvais pas non plus nier.

- Don est mon père, vous voyez un peu la position dans laquelle je me trouve ? Personne ne le sait encore, ça sera officialisé dans sa biographie. Je me sens un peu coincée entre votre offre et un lien que je ne veux pas créer avec Don.

J’avais lâcher le morceau tout de go, sans que je le vois venir, sans que je ne le veuille vraiment, mais de le faire m’avait fait un bien fou !

Eleanor m’avait serré la main lorsque j’étais entré dans sa loge. Sa poignée de main était hésitante et molle. Elle semblait atrocement nerveuse. Peut-être avait-elle peur que j’ai trouvé sa représentation moyenne. Ce n’était point le cas et je n’avais point tardé à complimenter ce que j’avais vu ce soir. Eleanor resplendissait sur scène. Elle semblait en total contrôle. Tout le contraire de la fille hésitante que j’avais entendu au téléphone et qui se présentait devant moi, ce soir.

Je savais que la scène pouvait transcender les gens. Il semblait que ça soit le cas pour Eleanor Harris. Ce qui était de bonne augure pour une future carrière. Car elle ne semblait point avoir peur du public, que du contraire.

Je m’étais installé quand Eleanor m’en donna l’autorisation. Mes compliments la touchèrent mais ramenèrent ses bégayements. Cette jeune femme semblait tellement peu à l’aise hors de la scène… Il était assez impressionnant de voir la différence. Je ne pouvais, ainsi, nier qu’elle semblait affreusement manquer de confiance en elle. A moins que ça ne soit moi qui l’impressionne ainsi que ce que je représente. Ce n’était point à exclure.

Elle avoua n’avoir réfléchi qu’à cela depuis mon coup de fil.

-Je le comprends. Ce n’est pas une décision à prendre à la légère. Cette offre, si vous l’accepter, changera drastiquement votre vie.

Cependant, je ne m’attendais point, ce soir, à avoir de telle révélation. Ainsi, la jeune Eleanor déclara être la fille de Don Hughes. Je n’avais pu cacher ma surprise qui se marqua sur mon visage. La fille de Don Hughes ? Une fille cachée, donc ! Car la seule fille de Don Hughes dont j’ai connaissance est Carrie Hughes. Apparemment, Don souhaitait en faire part dans sa prochaine biographie mais, malgré tout, Eleanor ne semblait vouloir nouer aucun lien avec Don. Il était clair que j’étais loin d’avoir tout les détails de cette histoire.

-Et bien, je ne m’attendais pas à ce genre de révélation. J’ignorais totalement que Don avait une fille cachée.  Vous le savez depuis longtemps?

Ainsi, c’était ça qui était « compliqué ». Je réfléchis quelques instants à toutes les implications.

-Sachez que si vous signez pour MTI, vous serez rarement en contact avec Don. Si vous ne souhaitez pas le voir, ce qui est votre droit, je ferais, de toute façon, office d’intermédiaire. C’est surtout moi qui ait des comptes à rendre avec Don.

Ceci étant dit, il y avait d’autres difficultés lié à ce lien.

-J’imagine que vous avez aussi peur qu’on y voit du népotisme ? Sachez que, cela, nous ne pourrons l’éviter. La jeune Olivia Cortez subit le même sort. La seule chose que vous pourrez faire pour contrer cela est de vous concentrer sur votre musique et votre talent. Ce que la presse pourra en dire ne sont que des spéculations de leur part visant à se faire de l’argent. Je ne savais pas que vous étiez la fille de Don, pourtant, j’ai repéré votre talent. La jeune Olivia s’en sort très bien. J’ai confiance qu’il en sera de même pour vous.

Elle était plus âgée et, donc, potentiellement plus mature que la jeune Cortez.

-Mais j’imagine que vous voyez aussi des points positifs à ma proposition ? Avez-vous déjà considéré une carrière de chanteuse avant ?

Devant moi, se tenait Timmy Evans, grand et élégant. Il était encore plus impressionnant en personne qu’il ne l’avait été au téléphone. Je me sentais sur le point de glisser dans les abîmes de la nervosité et ce n’était qu’une question de temps avant que mes bégaiements ne remontent à la surface et me fassent perdre tous mes moyens.

On se serra la main dans les forme, ou plutôt il le fit pour moi puisque à l’instant, je me trouvais molle comme une poupée de chiffon. J’avais tout donné sur scène en plus de gérer ma nervosité handicapante.

Timmy me demanda si j’avais repensé à notre coup de fil. Je confirmais que oui non sans lui avouer que ce n’était pas facile à oublier. Après tout, il s’agissait d’une offre qui ne passait pas souvent dans une vie. Le manager confirma que ce genre de décision n’était pas à prendre à la légère, c’était une offre qui allait drastiquement changer ma vie.

- On dirait une scène du Godfather ! La tête de cheval en moins.

Ça me fit rire mais je me repris rapidement avant de balancer mon secret, le fondement même de tout ce qui me faisait hésiter, voire refuser l’offre. Don Hughes étant mon père, je ne voulais pas être une seconde Olivia Cortez. Je ne souhaitais pas non plus que Don y voit là une tentative de ma part pour me rapprocher de lui. Je n’avais non plus aucune idée de ce que pensaient Carrie et Julian de ma présence dans leur famille.

La surprise de ma révélation apparu sur le visage de Timmy Evans. Comme tout le monde gravitant autour de Don de près ou de loin, il ignorait qu’il avait une fille cachée.

- Je le sais depuis toujours mais je n’ai jamais souhaité nouer de lien avec lui. Récemment, il nous a contacté, ma mère et moi parce qu’il est entrain de faire sa biographie et il semble qu’il ait ressenti le besoin d’être un vrai livre ouvert.

Timmy savait donc maintenant pourquoi j’avais dit que ma situation était compliquée, pourquoi tout cela me mettais extrêmement mal à l’aise, assez pour que je puisse refuser de saisir la chance de ma vie.

En bon homme d’affaire qu’il était, Timmy me fis rapidement un exposer de ce qui pouvait m’attendre si je disais oui. Je ne serais amenée à croiser Don, si je ne le souhaitais pas. Il traça aussi un parallèle avec le cheminement d’Olivia Cortez avec lequel on ne manquera pas de me comparer. Il y avait aussi une autre chose, quelque chose que j’avais compris il n’y avait que récemment en réfléchissant aux choses que j’avais vécues dernièrement.

- Il y a beaucoup de positif à votre proposition autrement, je ne vous aurais pas proposé de venir jusqu’ici pour vous expliquer pourquoi ça m’étais compliqué de vous donner une réponse au téléphone. Puis, je ne serais pas dans cette aventure si chanter ne m’intéressais pas un petit peu.

Je frottais mes cuisses avec les paumes de mes mains tout en renversant ma tête vers l’arrière, comme si je cherchais à rassembler mes idées.

- Je n’en ai pas l’air quand je me mets à bégayer comme ce fut le cas au téléphone. Dans ma vie privée, je perds beaucoup de mon assurance. Quand je fais du bénévolat à St-John’s, je suis comme un poisson dans l’eau, je suis prête à faire face à n’importe quel genre d’individus. Rien ne m’effraie.

Ça me fit sourire alors que je me remémorais ma rencontre avec Ward. Je ne m’étais pas laissée impressionner par lui !

- Sur scène, je suis Sandy, je suis un personnage, j’ai confiance, je me sens forte. Je sais où je dois être, je sais ce que je dois faire. Mais moi, Eleanor je perds mes moyens, je bégaies, je doute, je me replis sur moi-même. Je sors d’une relation amoureuse qui a complètement démoli mon estime et ma confiance. Avez-vous vraiment envie de travailler avec une fleur fanée comme moi ?

Eleanor avait fait le rapprochement entre la façon dont je présentais l’offre et le célèbre film Godfather. J’esquissai un très léger sourire. Elle ne manquait pas d’humour, j’imagine, la jeune Harris.

Et de surprises aussi. Car elle n’avait point tardé avant de me révéler la source de ses doutes. Don Hughes était son père et, bientôt, tous Los Angeles sera au courant de ce lien car mon patron était en train de rédiger sa biographie à travers la plume de la reine de l’horreur, Juliet Jones. Un choix déroutant mais dont Don était certain. Je comprenais un peu mieux pourquoi Eleanor était tant en proie au doute.

Elle avoua connaitre ce lien depuis la naissance. Sa mère ne lui avait point caché mais la jeune femme n’avait jamais eu l’envie ou le besoin de nouer un lien avec son père. Sans doute nourrissait-elle quelques ressentiments envers l’homme d’affaire car tout ceci semblait être une sorte d’abandon de la part de Don. Mais, dernièrement, la donne avait changé à cause de la biographie. Don semblait avoir eu envie de renouer avec sa fille ou, du moins, d’être totalement franc. Les remords devaient être la cause… Je savais que Don pouvait souvent être en proie au doute et aux trop longues réflexions.

Un peu comme sa fille, en fait…

-Vous estimez que si vous avez pu vivre sans lui tout ce temps, ce n’est pas aujourd’hui que vous avez besoin de lui. C’est un sentiment tout à fait compréhensible. Personne ne pourra vous blâmer de ne pas vouloir voir votre père qui vous a ignorer tout ce temps.

Peut-être que Don, lui, avait besoin de ce lien. Dans ce cas on voyait souvent le point de vue de l’enfant lésé mais les parents aussi, j’imagine, peuvent ressentir le besoin d’être entouré de tous leurs enfants surtout quand la vieillesse vient frapper à la porte. C’était le cas de Don bien qu’il n’était point encore si vieux que cela.

Toutefois, régler ceci n’était point mon job. Ce qui l’était c’était de rendre mon offre attrayante malgré cet obstacle. Ainsi, je fis une projection des difficultés que ça pourrait posé à Eleanor tout en trouvant, à chacune de ces difficultés, une piste de solution. Ainsi, il lui sera possible de ne jamais être en contact avec Don. La plupart des artistes le voient très rarement. Quant à ce que la presse pourra en dire et bien… S’ils ne mettent pas ça en avant, ils trouveront autre chose. C’est leur job. Dans tous les cas, elle devra faire avec. Qu’elle soit la fille de Don ou non.

Mais j’imaginais bien que si elle m’avait fait venir jusqu’ici, c’est qu’elle hésitait et que, donc, elle voyait tout de même du positif à tout ceci. Elle approuva clamant qu’elle ne m’aurait pas fait venir si jamais ça ne l’intéressait pas.

-Certes. Vous ne me semblez, en effet, pas être le genre de femme à faire déplacer les gens pour rien.

Elle me parla alors d’elle. De son manque d’assurance qui disparaissait une fois qu’elle était dans son élément. Soit sur scène, soit à Saint-John où elle faisait du bénévolat. Etre une autre personne lui donnait de la force mais lorsqu’elle redevenait la fragile Eleanor Harris, sa confiance s’effondrait. En cause, une relation amoureuse qui avait démoli sa confiance en elle. Un accident de la vie. Je l’avais écouté jusqu’au bout alors qu’elle se demandait si je voulais travailler avec une fleur fanée.

-Une fleur fanée n’aurait pas pu produire une performance pareille sur scène, Mademoiselle Harris.

C’était déjà une chose.

-Je suis navré pour votre relation amoureuse. Sachez que je vous comprends plus que vous ne pourriez l’imaginer.

J’avais subi la même chose lorsque j’étais adolescent. C’est ceci qui avait forgé, en partie, l’homme distant et froid que j’étais devenu par la suite. Quelque part, je ne le regrettais pas entièrement.

-Mais sachez aussi que c’est de ce genre de mauvaises expérience qu’il faut tirer les leçons et repartir de l’avant. La confiance en soi peut se reconstruire à coup de bonnes expériences. Vous avez réussi à obtenir un rôle principale dans une production de Broadway. Vous devriez être fier de cela et utiliser ça pour votre propre confiance. Je suis ici et je vous complimente sur votre travaille. Ceci aussi doit être quelque chose dont Eleanor Harris doit être fière.

Je la fixai droit dans les yeux.

-Certains se vantent trop… C’est mal vu. Sachez que trop de modestie est aussi mauvais que trop de vantardise. N’hésiter pas à vous réjouir de vos réussites et de les prendre pour vous.

Ceci étant dit, j’enchainai.

-Vous n’avez pas peur de la scène. C’est un très bon point. Ça me permet de me dire que malgré que vous ayez une confiance à reconstruire, je suis tout de même prêt à me lancer dans cette aventure. Mais vous devez vous aussi en être certaine. Vous aurez l’occasion de pouvoir vivre de ce que vous aimez faire. Mais vous devrez aussi avoir le mental pour tenir dans ce métier exigent. Je pourrais vous y aider, bien sûr. Je suis là pour ça.

Il ne me fallut pas longtemps pour dévoiler à Timmy Evans le pourquoi de mon hésitation, ce qui me faisait dire que la situation était compliquée alors qu’elle devait être facile comme ça l’est pour une loutre de glisser sur sa banquise. Don Hughes était mon père et je ne désirais pas qu’il voit, si je signais avec sa boîte, un signe de ma pars pour nouer la boucle d’un lien qu’il espérait et dont je lui avait signifié ne pas désirer.

- Exactement. Ma mère et moi avons toujours bien vécue sans son aide et du jour au lendemain, je viendrais en quelque sorte saboter le travail de ma mère. Je sais qu’elle sera la première heureuse de mon succès mais qu’en même temps, elle sera un peu écorchée par la proximité avec Don.

Timmy semblait bien comprendre ce que je ressentais et ajouta même que personne ne pourrait me le reprocher. Personne sauf Ward, apparemment puisque mon petit ami tenait visiblement à ce que je montre un peu d’ouverture d’esprit envers mon père. Cependant, son job étant de débusquer de nouveaux talents et de les signer, il devait me convaincre qu’il n’y avait que du positif à accepter sa proposition. C’est ce qu’il fit en me parlant de mon talent, en me couvrant de compliment.

Tout ceci était bien beau mais serais-je capable d’être moi-même sur scène ?

Je lui expliquais qu’en tenant un rôle dans une comédie musicale, tout comme lorsque je faisais du bénévolat, j’avais bénéficiais de cette espèce de carapace qui me protégeait. Il y avait une marge entre être un personnage et une bénévole confiante puis être moi, une petite fleur fanée d’une relation toxique.

Là encore, le manager avait un argument à me servir.

Il me fit sourire légèrement.

- J’ai cru qu’il était l’homme de ma vie… je le crois encore bien que j’ai compris qu’il n’était pas celui qu’il me fallait.

Ça demeurait tout de même douloureux.

Timmy croyait que je devais être fière de ce que j’avais pu accomplir avec Grease que c’était une façon d’aller de l’avant après un échec amoureux. Je ne pouvais pas nier que les milliers de kilomètres entre Los Angeles et New York avaient été un gros plus dans mon cheminement post rupture. De savoir Jordan loin de moi était une excellente façon de me remettre lentement sur pieds.

- Je ne peux pas nier que d’entendre tout ceci de vous me rends fière. Je n’aurais jamais cru attirer l’attention d’un manager. Je n’ai pas aidé Shane avec sa démo pour mon propre bénéfice.

Mais les faits étant ainsi, ce fut ma voix qui avait séduit le manager et qui avait fait en sorte qu’il était en face de moi ce soir.

Malgré ma réticence, malgré ma crainte d’être connue comme étant une seconde Olivia Cortez, malgré que j’avais complètement cafouillée au téléphone en bégayant plus qu’un pot de peinture se faisant brasser et malgré le fait que je ne me sentais pas assez forte pour endosser la célébrité, Timmy se disait prêt à se lancer dans l’aventure avec moi. Rien que le fait que malgré tous les bâtons que je lui mettais dans les roues il continuait d’être certain de son opinion, je décidais de lui faire confiance mais plus encore, de me faire confiance. C’est tout de même en fixant le sol, tête basse et mes mains posées sur mes cuisses que je lui répondis.

- Je… Je dois d’abord terminer mon contrat avec la production. Nous en avons jusqu’au printemps avant que je puisse demander d’être libérée sans pénalité. Mais je suppose que cela ne m’empêche pas de commencer à travailler avec vous.

Un frisson me parcourra alors le dos, comme si j’étais soudainement excitée et revigorée par ce que je venais de dire. Comme si je réalisais que je n’avais pas besoin d’une béquille de fierté pour avancer. Que moi aussi j’avais le droit de briller de temps en temps.

C’est en partie par respect pour le travail de sa mère qu’Eleanor ne souhaitait en rien demander la moindre aide  ou nouer le moindre lien avec Don Hughes. Je pouvais comprendre cette loyauté envers celle qui l’avait élevé. Je ressentais cette même loyauté envers mes propres parents adoptifs. Surtout depuis que j’avais rencontré ma mère biologique qui avait été une véritable déception.

-Je peux le comprendre. Mais si vous expliquer tout le déroulement des évènements, je suis certain que votre mère comprendra.

Se priver d’une carrière simplement à cause de ce genre de sentiments étaient assez dommage. Surtout que Harris n’était en rien obligé de nouer le moindre lien avec Don même ne étant dans sa maison de disques. Il s’agissait de faire la part des choses entre vie professionnelle et vie privée.

J’essayais de montrer le positif de ma proposition et la jeune Eleanor, elle, m’expliqua les quelques facettes de sa personnalité et à quel point être une personne différente sur scène la libérait alors qu’elle était si peu confiante dans la vie de tous les jours à cause d’une relation amoureuse qui avait brisé sa confiance en elle. Elle avait, à l’époque, été persuadée que cet homme était l’homme de sa vie.

-Il faut du temps pour se remettre de ce genre de chose.

J’essayais de remonter sa confiance en elle en essayant de lui faire prendre conscience qu’elle devait être fier de ce qu’elle avait accompli. Elle était une chanteuse de talent quoi qu’elle en pense. Elle me semblait se faire consumer par sa propre modestie. S’effacer pour les autres n’est pas une bonne attitude à adopter. Preuve étant, elle disait ne pas avoir aider Shane pour son propre bénéfice.

-Peut-être devriez vous commencer à faire des choses pour votre propre bénéfice, non ? Vous le méritez-vous aussi. Ce talent vous ne le devez qu’à vous.

Mais il me fallait savoir si elle était prête à se lancer dans l’aventure. Je pourrais l’encourager mais je ne pourrais point, constamment, lui tenir la main. Je devais, donc, avoir la garantie qu’elle se lancera corps et âme en se battant pour elle. Car la vie de chanteuse n’est point faites que de bonnes choses. Comme dans tout métier, il y a des difficultés qu’elle devra surmonter. Je ne lui avais point caché cela.

Elle affirma devoir d’abord finir son contrat avec la production de Grease. Je le comprenais totalement.

-Non, ça n’empêchera pas que nous signons déjà les contrats et que nous commencions le travail. Sauf si vous préférer passer ce temps à encore réfléchir à la proposition tout en commençant le travail de votre côté et quand vous en aurez terminé avec Grease, vous pourrez prendre votre décision finale. Les deux solutions peuvent se faire. Mais si vous choisissez la seconde, j'aimerais que vous signiez un contrat d'exclusivité qui vous empêchera de signer pour une autre maison de disques entre temps.

Je voulais bien être patient. Le printemps arrivera encore assez vite.

-Est-ce que vous comptez composer vous-même ? Ou bien vous voulez former une sorte de duo chanteuse-compositeur avec Shane ? S’il est à l’origine de la composition il a aussi un certain talent qui pourrait être utile à MTI.

Timmy croyait que ma mère pourrait me comprendre si je lui expliquais comment les choses s’étaient déroulées. Effectivement, ma mère comprendrait facilement, avec ou sans explication de ma part. Elle serait certainement heureuse de ce qui m’arrivait. C’était moi, cela ne faisait aucun doute, qui réfléchissait trop.

- Vous avez sans doute raison.

Timmy avait le verbe et la manière de changer ma vision des choses, de me laisser croire que, tout compte fait, j’avais moi aussi le droit de briller, de tirer un peu la couverture vers moi, de temps en temps. Il n’était pas faux de dire que, bien que j’avais participé à la démo de Shane dans le but de l’aider lui, le fait que moi fut remarqué n’enlevait rien à son travail.

Donc, tout ce qui m’empêchait de faire le grand saut n’était nul autre que moi-même.

Je me rappelais que j’étais cependant sous contrat avec la production de Grease et que je ne pouvais pas prendre d’autres engagement professionnels pendant cette période. J’allais devoir attendre le printemps, que mon contrat se termine, pour ne pas le renouveler et ainsi, signer avec Timmy Evans. Il me proposa donc deux façons de procéder. Soit je signais tout de suite avec lui pour commencer le travail sans compromettre ma place à Broadway, soit il m’attendait jusqu’au printemps à condition que je signe un contrat d’exclusivité.

- Je veux bien signer un contrat d’exclusivité tout de suite. Mais, supposons que d’ici à ce que mon engagement à Broadway se termine, je changeais d’idée ? Il se passera quoi ?

Je ne voulais pas me retrouver enchaînée et incapable de me libérer !

- Et si on me proposait une autre comédie musical ? Je ne pourrai pas l’accepter sans passer par vous ?

Ma vie allait bien changer !

J’échangerais une liberté contre une autre… c’était un peu étrange !

Timmy voulu ensuite savoir si je comptais composer moi-même ce qui me fis le regarder comme s’il venait de me poser une question piège. Je n’avais jamais composée des chansons. Tout ce que j’avais écrit dans ma vie consistait en mon journal intime et rien de plus. Mais là encore, Timmy avait possiblement la solution tout indiquée.

- Je pourrais vous le présenter. Je suis presque certaine qu’il accepterait une proposition intéressante s’il s’en présentai une à lui. Et…Il est un très bon ami alors l’idée de travailler avec lui serait parfaite.

Shane n’avait pas d’attache, il vivait de l’air du temps. Timmy Evans n’aurait aucun problème à le convaincre de signer avec lui. Shane n’avait cesser de me demander, encore et encore, si je parlerais de lui au manager. C’était donc chose faite.

- Merci d’être venue me rencontrer. J’ai encore le vertige mais je me sens plus confiante maintenant.

Eleanor devait d’abord terminé son contact avec la production de Grease avant de pleinement se lancer dans l’aventure. J’étais prêt à attendre le printemps si elle le désirait mais je voulais surveiller mes arrières en proposant à la jeune femme un contrat d’exclusivité. Ainsi, elle ne pourra pas aller voir ailleurs entre maintenant et la fin de la production de Grease. Bien entendu, la jeune femme avait des questions concernant cette exclusivité. Certes, ce contrat allait un moment la retenir captive de MTI mais, comme j’avais été le premier à venir vers elle, il est normal que je veuille faire en sorte que ça soit chez nous que Harris signe.

-Si vous changer d’avis et que vous ne voulez plus être chanteuse sachez que ce contrat cours sur deux ans. Ainsi pendant deux ans vous ne pourrez signer pour une autre maison de disques. Passez ces deux ans vous serez libre comme l’air et pourrez signer où bon vous semble.

Elle se demandait aussi si elle pourrait, éventuellement, signer pour une autre comédie musicale… Je plissais les yeux. Je ne savais point si elle posait cette question pour comprendre les limites du contrat où si c’était encore son indécision qui parlait. A un moment Harris devra faire des choix clair et non constamment s’asseoir entre deux chaises.

-Le contrat d’exclusivité ne concerne que les maisons de disques. Il vous empêche seulement de ne pas signer pour une autre maison de disques que MTI pendant les deux prochaines années… Mais sachez que si vous signer à nouveau pour une comédie musicale, vous ne pourrez jamais proprement démarrer votre carrière. A un moment il faudra faire un choix entre les deux inévitablement. Si vous voulez percer en tant que chanteuse, il faudra, à un moment, vous y mettre à temps plein.

Ceci étant dit j’en vins à un autre chapitre, celui de la composition. Je voulais savoir si Eleanor se sentait prête à composer ses propres chansons ou si elle voulait passer par un compositeur. J’évoquai son ami, Shane qui était à l’origine de la démo qui m’avait été envoyée. Eleanor disait qu’elle voulait bien me présenter Shane et semblait plus encline à travailler avec lui plutôt que de composer elle-même.

-Bien ! J’irais lui parler à lui aussi. Nous pourrons vous mettre en collaboration. Je verrais ce qu’il a à me dire et quelles sont ses motivations.

Eleanor m’avait remercié. Visiblement cette entrevue semblait l’avoir mise en confiance. Pour cause, je n’avais presque pas entendu ses bégaiements. Cela changeait de ce que j’avais entendu au téléphone bien qu’il était clair que la confiance d’Harris sera toute à construire. J’espérais ne pas avoir parié sur une petit oiseau trop fragile. Nous verrons ce que ça donnera.

Je m’étais levé.

-Merci à vous pour votre temps. Je vous ferais parvenir le contrat d’exclusivité. Sachez que si vous passez à Los Angeles, je pourrais vous réserver des plages horaires pour que vous puissiez profiter de nos studios afin, d’éventuellement, pouvoir déjà commencer votre travail.

Je lui tendis la main pour qu’elle la serre.

-A bientôt, Mademoiselle Harris.

Timmy Evans était prêt à m’attendre, le temps que mon contrat avec Grease se termine, ce qui nous menait au printemps. En contre partit, je devais signer un contrat d’engagement envers la maison de disque de mon père m’empêchant d’aller voir ailleurs pendant deux ans.

- Ça me semble correct comme entente.

De toute façon, avant son appel, je n’avais jamais eu l’intention de signer avec aucune maison de disque. Ce que me proposait Timmy était juste et je ne me sentais pas prise ai piège bien que je sentais tout de même que je perdais un peu de ma liberté en tentant d’en acquérir plus.

Je demandais si, de signer avec lui allait m’empêcher de signer à nouveau avec une autre comédie musicale. J’adorais faire ça, tenir un rôle et en quelque sorte, raconter une histoire. Selon Timmy, si je signais pour une autre production, je risquais de ne jamais vraiment pouvoir voir ma carrière démarrer et que je devrais faire un choix sur ce que je voulais.

- Mais… si… Disons que…

J’avais du mal à formuler mon idée. Tout ceci était si nouveau et abstrait pour moi que j’avais bien de la difficulté à réfléchir correctement.

- Si une carrière dans l’univers de la comédie musical était plus à ma portée ? Si j’étais meilleure pour cela que pour enregistrer des albums ? Est-ce que vous seriez quand même mon agent ?

C’était peut-être parce qu’il était le premier à manifester de l’intérêt pour moi mais quelque part au fond de moi, je sentais que je pouvais avoir pleinement confiance en lui et même, j’avais envie de travailler avec lui, pour n’importe quel projet.

Si seulement il n’était pas un manager de la maison de disque de mon père !

Pour ce qui était de mes chansons, je ne pensais pas être en mesure de les composer, cependant, une collaboration avec Shane pourrait être intéressante voire, sécurisante. Avec lui, ce serait plus facile. J’étais certaine en plus qu’il sauterait sur l’occasion, c’est ce qu’il voulait, être reconnu comme un auteur-compositeur !

J’avais remercié Timmy Evans d’avoir prit le temps de venir me rencontrer, il avait fait de même tout en se levant et en m’assurant que je recevrais sous peu le contrat d’exclusivité et me demanda de le tenir informé si je passais à Los Angeles pour que je puisse entrer en studio et commencer à travailler.

- Je le ferai, je vous le promets.

Timmy quitta ensuite ma loge après que nous avions eue échangée une poignée de main, plus ferme que celle que nous avions eu au début de notre rencontre. Je pensais rêver, sans être tout à fait certaine encore si c’était un beau rêve, n’en demeurait pas moins que ça en était un !

Eleanor sembla rassurée sur le contrat d’exclusivité. Ainsi, cette affaire était réglée. Elle acceptera de le signer et je pourrais tranquillement attendre sa décision finale et la fin de son contrat avec la comédie musicale avec laquelle elle était présentement occupée.

Il ne lui était, par contre, point défendu de signer pour une autre comédie musicale. Mais je la mis en garde disant que de faire ça signifiait ne pas pouvoir être pleinement impliquée dans sa carrière de chanteuse. Je mis en avant qu’elle devra faire un choix. Du moins au début de sa carrière. Si jamais elle venait à percer elle aura plus de liberté quant aux différents projets qu’elle pourra faire. Mais au début, elle devra être à 100% impliqué dans la confections d’album et dans les concerts que je lui programmerait. Mais faire des choix semblait être quelque chose de compliqué pour la jeune femme qui ne semblait pas vouloir se fermer de portes. Sauf que pour aller quelque part, il fallait bien choisir une destination à un moment donné.

Mais elle mit en avant le fait qu’une carrière dans la comédie musicale était possiblement plus à sa portée. Je ne pouvais pas répondre à cette question mais je vis bien que tout ça n’était pas le point… Le point était de m’engager comme agent… J’étais, certes, flatté par sa proposition car ça voulait dire qu’elle me faisait confiance… Mais…

-Et bien ça reviendra à faire un travail en dehors de mon travail pour MTI… Ce n’est pas une décision à prendre à la légère… Si vous en venez à cette décision, sachez qu’il faudra que j’y réfléchisse…

A vrai dire, je pourrais très bien le faire… Mais je préférais qu’elle signe chez MTI, tout simplement. Ainsi, je lui laissais une certaine incertitude sur cet avenir de comédienne à Broadway.

On évoqua, ensuite, la collaboration avec Shane. Ainsi ma prochaine tâche sera d’aller voir le jeune compositeur.

Après quoi, je pris congé certain que j’avais rendu l’offre assez attrayante pour qu’Eleanor se lance. Je la saluai très poliment avant de sortir de la loge.