Le pitch du prochain film de mon frère, Christopher North, était assez simple. Mais efficace. C’était le genre de film qui, s’il était bien tourné et bien joué, pouvait lui faire remporter son premier Oscar.

Simple, donc : dans une école de l’Eastside, fréquentée en majorité par de jeunes immigrés, un professeur, mon personnage, allait faire tout ce qui était en son pouvoir pour contrer l’expulsion d’un de ses élèves.

Pour une fois, je n’allais pas jouer un méchant ou un personnage à l’éthique douteuse. Non, mon personnage allait être riche malgré sa gentillesse (jouer des gentils étaient souvent ennuyeux, mais celui-ci était vraiment bien écrit), et c’était ce qui était intéressant.

Restait à trouver la perle rare !

Parce que mon personnage du professeur Holmes ne serait rien sans l’enfant qui jouerait l’élève et lui donnerait la réplique. Il fallait un enfant qui puisse jouer des émotions intenses et qui fasse bien passer l’amitié qui grandirait entre les personnages au fil du film.

Christopher avait donc organisé un grand casting ! Et même si je vivais à Los Angeles, je pensais bien n’avoir jamais vu autant d’enfant latinos rassemblés au même endroit ! Parce que le personnage du petit Julio était latino, alors forcément…

Mon frère avait voulu que je participe au casting… Pour voir avec quel enfant le courant passerait le mieux. Il voulait trouver une parfaite symbiose…

J’étais content d’être là parce que c’était une étape très importante du film ! Si on se loupait là, ce serait tout le film qui en pâtirait.

C’était l’après-midi et il nous restait trois heures pour les castings d’aujourd’hui. Pourtant, je ne fatiguais pas ! Ce projet m’intéressait vraiment !

-Suivant !

Le petit qui venait de passer n’était pas mauvais mais Stopher m’avait glissé à l’oreille qu’il était un peu jeune.

Mais quand l’enfant suivant entra, j’ouvris de grands yeux ! Parce que j’avais déjà vu ce gosse et que je savais déjà qu’il passait très bien à la caméra, qu’il était à l’aise avec la caméra.

-Salut, Guillermo Quinn !

Christopher se tourna vers moi avec un air interrogateur.

-Tu ne regardes pas l’émission de Kournikova ? C’est le môme qui fait les chroniques…

Puis, mon regard revint sur Guillermo.

-Tu veux te lancer dans le cinéma ?

Les studios étaient grands. Très grands. Je faisais de très grands yeux quand on y arriva, Finan et moi. C’est Finan qui m’avait amené ici parce que Maman s’occupait de Yoric à la maison. Mais je m’attendais pas à ce que l’endroit soit aussi grand. J’avais le cœur qui battait très fort dans ma poitrine et j’avais un grand sourire aux lèvres.

-C’est super grand !

C’est ce que je lançai à Finan qui sourit avant de confirmé que c’était vraiment grand. C’était bien plus grands que les studios chez MTI. Et j’allais peut-être venir ici très souvent si jamais je réussissais à avoir le rôle !

Ouais ! Parce que j’avais décidé de venir à un casting ici. J’avais vu l’annonce dans le journal. Christopher North, qui est un grand réalisateur, voulait des latinos pour un film. Et moi, je voulais faire comme Jesse et apparaitre dans un film ou une série. Je voulais devenir super riche et super célèbre et rendre Jimmy Reed très jaloux. Alors, j’avais demandé à Finan et Maman si je pouvais faire le casting et ils ont acceptés. Je sais déjà faire de la télé parce que je travaille pour Vanya. Finan a dit que ça pourrait jouer à mon avantage.

Je sortis de la voiture et Finan disait qu’il allait aller faire un tour pendant que je faisais le casting. J’hochai de la tête, il me souhaita « bonne chance » et s’en alla. Moi, je m’avançai jusqu’à l’entrée où une dame me dirigea vers une salle où il y avait plein d’enfants. Je déglutis. Ils étaient beaucoup. Des plus jeunes que moi et des gens qui paraissaient plus vieux. Mes parents avaient dit qu’il y aurait sûrement beaucoup de monde étant donné que c’était un film d’un réalisateur connu.

Mais je m’attendais pas à autant…

J’attendis regardant certains enfants trembler comme des feuilles. D’autres discutaient entre eux et d’autres, comme moi, restait assis à se demander ce qui allait arriver. Je n’avais jamais fait de casting. Je savais pas trop comment ça allait se passer. La seule chose qui me faisait peur était de devoir lire… Je savais lire mais pas encore aussi bien que les autres de mon âges. J’avais peur que ça me fasse pas avoir le rôle.

Et cette appréhension grandit quand on m’appela… Je me levai de ma chaise m’avançant vers la dame qui me souris, m’encouragea et me fit entrer dans la pièce où se trouvait Christopher North. Il n’était pas seul. Hank North, le célèbre acteur, était là aussi !

Je m’avançai et j’affichai un grand sourire quand Hank me reconnut.

-Bonjour !

Christopher semblait se demander pourquoi Hank me connaissait. Mon regard passa de l’un à l’autre et mon sourire s’agrandit quand Hank disait que j’étais le chroniqueur de Vanya. Christopher sourit.

-Ah ! Et bien, tant mieux, ça veut dire qu’il a déjà de l’expérience.

Hank me demanda si je voulais me lancer dans le cinéma. J’avais moins peur maintenant que je voyais qu’Hank me connaissait.

-Oui ! J’ai vu l’annonce dans le journal. Vous vouliez un latino et je suis un latino. Je parle même espagnol parfaitement ! Mon ami, Jesse, joue dans une sitcom et je trouvais ça cool alors je voudrais faire pareil et faire un film. J’aime bien faire de la télé et parler devant la caméra. Je fais ça souvent avec Vanya.

Christopher souriait toujours alors moi aussi. Je regardais les deux stars.

-J’ai jamais fait de casting… Je dois faire quoi ?

Quelle ne fut pas ma surprise de voir débarquer dans notre local le jeune Guillermo Quinn ! Avec Bailey, on ne ratait jamais une émission de Vanya Kournikova. C’était agréable à regarder parce que ça ne se prenait pas au sérieux et c’était bon enfant. Quand il y avait des critiques sur un film, un album ou autre, c’était toujours constructif, contrairement, par exemple, aux articles d’Axel Moriarty à chaque sortie d’album.

Bref, je l’avais reconnu tout de suite, ce jeune garçon. Et s’il avait donné l’impression d’être un peu tendu en s’avançant vers nous, il s’était vite détendu à la mention de son nom.

Christopher, lui, n’avait pas reconnu le gosse. Il ne regardait pas ou pas souvent l’émission dans laquelle le petit passait. Mais il était content de constater que Guillermo avait déjà une certaine expérience avec les caméras.

-Ouais, je suis sûr qu’il va gérer.

Mais j’étais curieux de savoir ce qui avait amené Guillermo jusqu’à nous. Ce qui l’intéressait dans le cinéma. On avait posé la même question aux autres enfants qui étaient passés jusqu’à maintenant mais là, je tenais vraiment à savoir.

Guillermo répondit donc à ma question avec un enthousiasme débordant. C’était beau à voir !

Je le regardai dans les yeux, amusé, quand il affirma que son ami Jesse avait déjà joué dans une sitcom. Et il n’y avait pas 50 Jesse qui jouaient dans des sitcoms. Il ne pouvait s’agir que du fils biologique de mon meilleur ami, Howard.

-Oh ! Tu connais Jesse Stark-Perry ? Le monde est petit.

Il y avait un truc qui me caractérisait particulièrement : je me faisais très vite une idée sur les gens. Et si mon premier feeling n’était pas toujours juste (ce qui ne m’empêchait pas de m’obstiner quand même surtout quand c’était négatif). Avec moi, il fallait que le courant passe directement sinon, soit je haïssais les gens à mort, soit je m’en désintéressais, tout simplement.

Avec Guillermo, je sentais que le feeling était là. Surtout que j’avais déjà eu l’occasion de m’en faire une idée avec ses chroniques. C’était un petit gars intelligent, plein de talents et de qualités.

Il ne savait pas en quoi consistait un casting parce que ça, c’était sa première fois.

Je me levai de ma chaise et allai près de lui.

-Tu sais ce que c’est de l’improvisation ? Ton personnage est un jeune latino qui vient d’un quartier comme l’Eastside. Un peu rebelle, un peu paumé, mais que le gouvernement veut renvoyer au Mexique.

Je lui souris.

-Alors tu fais comme si tu étais ce garçon. Et moi, je suis un professeur qui veut t’aider à rester aux USA…

Je regardai Christopher, la caméra, puis Guillermo.

-Tu es prêt ?

Quand il me donna le signal, je lançai ce qui allait être le début d’une brève interaction pendant que Stopher filmait.

Je posai ma main sur l’épaule de Guillermo, mon visage exprimant une profonde compassion.

-J’ai appris pour l’avis d’expulsion, Danielo… Je suis désolé… Y a-t-il quelque chose qu’on peut faire ?

Avant d’entré j’avais été stressé. Presque autant que quand je m’étais retrouvé face à Ward quand il avait découvert que j’espionnais les New Soldados pour les Los Diablos. C’était bizarre parce que, ici, j’allais pas mourir… Alors pourquoi j’avais tant de stress ?

Je n’en savais rien mais les souris d’Hank et Christopher firent un peu s’envoler le stress.

Je souris quand Hank North déclara qu’il était sûr que j’allais gérer. Il avait vu les émissions de Vanya alors il savait déjà ce que je savais faire. Vanya disait que les gens aimaient mes chroniques et que j’étais doué. C’est tout ça qui m’avait dit que je pourrais devenir acteur un jour et devenir plus riche que Jimmy Reed.

J’avais parlé de pourquoi je m’étais présenter à ce casting. J’avais parlé de mon ami Jesse qui avait déjà eu l’occasion de participer à une sitcom. Il était chanteur et pouvait faire ça. Alors moi en tant que chroniqueur, je peux le faire aussi, non ?

Ouais ! Je le pouvais !

Hank s’étonna que je connaisse Jesse. Je souris.

-C’est un de mes meilleurs amis. On se connait depuis longtemps et, aujourd’hui, on est dans la même école. On vient de l’Eastside tous les deux. On a tous les deux été adoptés parce que nos parents sont morts quand on était plus petit.

Mais, moi, je n’avais aucune idée de comment on faisait un casting alors je posais simplement la question. Moi, je n’étais pas timide. Contrairement à Alvaro. Alvaro fera jamais acteur. Il préfère lire des livres et étudier. Tout ce que je déteste !

Je plissai les yeux quand Hank parla d’improvisation. Il m’expliqua qui était mon personnage. Je souris parce qu’il me décrivait un peu alors ça devrait pas être trop dur à faire. Sauf que je viens pas du Mexique et que je suis né aux Etats-Unis alors je suis Américain et personne veut m’expluser. Enfin… Heu… Je crois… Je suis Colombien aussi… Je suis les deux, en fait. Mais il n’a jamais été question d’expulsion pour moi. Mais je connais d’autres gens, dans l’Eastside, qui se sont fait renvoyer chez eux et que je n’ai jamais revu. A l’époque, ça m’avait rendu triste.

-Oh ! Oui, je vois. Je crois que je peux facilement jouer ça.

Il faudra que je fasse l’accent Mexicain ? Parce que c’est pas le même que le mien en espagnol. Je vais devoir imiter Alonso…

Hank expliqua qu’il allait jouer un professeur qui veut m’aider à rester aux Etats-Unis. Je souris.

-D’accord. J’ai compris.

J’hochai de la tête quand il demanda si j’étais prêt. Je fixai la caméra que Christopher utilisait. Mais quand Hank commença, c’est lui que je finis par regarder. Il était dans son rôle. Il faisait le professeur.

Si tu te faisais expulser, Guillermo, tu te sentirais comment ? Triste et fâché. Très fâché.

Je baissai donc les yeux mes mains sur mes cuisses serré en poing pour montré que j’étais fâché, déçu et triste. Je levai le regard sur Hank. Un regard rempli de tristesse et de colère.

-Je n’ai pas envie de partir, professeur. J’ai mes amis ici… Mes parents me disent que tout ira bien mais je vois bien qu’ils sont tristes… Je n’ai pas envie de retourner là-bas ! Je ne connais rien de là-bas !

Je m’étais emballé un peu sur les deux dernières phrases. J’avais mon cœur qui battait plus vite comme si je vivais la scène.

-Qu’est-ce que vous pouvez faire pour m’aider ? J’aimerais ne pas partir ! Pourquoi est-ce qu’ils nous renvoient chez nous ? On a rien fait ! Mes parents travaillent dur et…

Mes yeux se remplirent de larmes. Des larmes de rage et d’incompréhension. Moi, je savais pleurer sur commande. Quand on est un Pequeñas Manos, il faut savoir attendrir les flics.

J’avais été agréablement surpris de voir entrer Guillermo Quinn. Je savais déjà qu’il passait bien à la caméra et qu’il savait carrément oublier qu’elle était là, ce qui était important pour un acteur. La plupart des gens avaient tendance à fixer la caméra ou à y jeter des coups d’œil, ce qu’il ne fallait pas faire sauf si c’était nécessaire pour le visuel du film comme des gros plans intenses, par exemple.

Souvent, les enfants étaient meilleurs à ce jeu-là que les adultes, d’ailleurs.

Nous entamâmes la conversation avec le jeune homme qui affirma connaître Jesse Stark-Perry. Au-delà de ça, d’ailleurs car ils étaient meilleurs amis et se connaissaient depuis longtemps. Ils avaient été adoptés tous les deux, ce que je savais concernant Jesse… Même si… Le père de Jesse était toujours bel et bien en vie.

Enfin pour l’instant…

-Alors tu n’auras pas beaucoup de mal à jouer le rôle qu’on réserve à un enfant latino pour le film.

Je souris.

-Et si tu gères, tu auras probablement l’occasion de raconter ta propre histoire en interview.

Il n’avait pas l’air de vouloir cacher son histoire. Et c’était le genre de destin hors normes que les gens adoraient.

Restait à voir si Guillermo était la bonne pioche pour le film !

Je lui racontai, en gros, l’histoire qu’on voulait mettre sur pellicule et il disait pouvoir arriver à jouer son rôle sans trop de difficultés. Je le mis en condition pour une petite scène improvisée et me lançai tout naturellement. Ça faisait des années que j’étais dans le métier et même enfant, j’étais l’acteur préféré de mon frère.

Mais je ne m’attendais pas à ce que Guillermo, qui avait insinué n’avoir jamais fait d’acting de sa vie, gère à ce point. Non seulement, il suivit naturellement une règle d’improvisation importante en m’appelant « professeur » ce qui, pour un public était important car il savait maintenant dire qui étaient nos personnages. J’étais le professeur et lui à fortiori, l’élève.

Mieux encore, il se mit à pleurer sur commande !

-ok et coupé !

Je me tournai vers Christopher pour le voir éteindre la caméra et nous sourire.

Je souris à mon tour à Guillermo…

-Impressionnant ! Tu t’es plongé dans le personnage en quelques secondes et en ne sachant pratiquement rien de lui. Tu te l’es approprié.

Puis Christopher demanda :

-Serais-tu près à te lancer dans un tournage de trois mois ? Cela signifierait manquer un peu l’école et tu devrais te rattraper en travaillant sur tes cours aux studios entre deux prises. Ce sera difficile, je te préviens déjà… Mais sinon…

J’achevai la phrase de mon frère.

-Tu as le job, petit.

J’avais expliqué que j’étais le meilleur ami de Jesse et qu’on se connaissait depuis longtemps. On avait même vécu ensemble pendant un moment. On était tous les deux orphelins et on avait tout les deux retrouvé des parents. Tant que je ne disais pas d’où je venais vraiment, je pouvais quand même dire la vérité sur le reste.

Hank disait que, du coup, je n’aurais pas trop de mal à joué le rôle réservé à un enfant latino. Je souris.

-Non parce que je suis un enfant latino.

Il disait que si je gérais, je pourrais raconter ma propre histoire en interview. Mon histoire ? Je pense pas que je pourrais tout raconter. Mais je pourrais raconté une partie comme je l’ai fais ici. Je pourrais dire que mon père est mort en prison et que je l’ai jamais connu et que ma mère est morte quelques années après. Je pourrais dire que je suis devenu orphelin et que Tiff et Finan m’ont adopté parce que Finan connaissait ma mère.

C’est presque vrai… Presque…

-D’accord ! Je la raconterais !

Mais avant, il fallait que je convainque Hank et Christopher North de me prendre pour le rôle. Je n’avais jamais fait de casting alors je demandais des explications sur ce que je devais faire. Hank m’expliqua un peu. On allait jouer tout de suite. Il m’expliqua son rôle et le mien. Je croyais pas que ça serait trop difficile.

Et il se lança alors je le fis aussi. Je me mis dans le rôle et je me mis à pleurer. Je ne voulais pas être expulser et ne plus voir mes amis. Je savais ce que ça faisait d’être séparé de ses amis alors c’était plus facile de jouer.

Je croyais que je faisais bien ça mais quand Christopher North coupa d’un coup, je me disais que je n’étais pas si bon que ça. Je me tournai vers le frère d’Hank avec un regard plein d’appréhension et d’interrogation.

-Coupé ?

Pourquoi ?

J’ai mal fait ?

Non. Parce que ce que j’entendais d’Hank me prouvait que c’était tout le contraire. J’affichai un sourire avant de me tourner vers Hank.

-C’est vrai ? Vous trouvez que c’était bien ? Je savais pas si je devais pleurer… Mais je crois que si je devais partir dans un autre pays que je connais pas sans mes amis, je serais triste et fâché.

J’aurais envie de faire mal à celui qui me renvoie.

Christopher me parla alors du tournage qui durera trois mois et de l’école. Il disait que si je prenais part au film, j’allais devoir rattraper l’école sur le tournage. Je fis la moue. C’était obligé ?

Sans doute… Maman Tiff et Finan ne voudront pas que j’arrête l’école…

Et Hank termina la phrase de Christopher. Il disait que j’avais le job. Je levai les bras en l’air lâchant un :

-YOUHOU !

J’étais trop heureux. J’avais réussi ! J’avais battu tous les autres que j’avais vu dehors ! Quand ils apprendront ça à l’école, je serais une star !

-Je suis prêt à ça ! J’ai de plus ou moins bonnes notes. Je crois que je peux tout gérer ! Je promets ! Je veux biens rater l’école, ça me dérange pas.

Pas du tout, en fait !

-Qui d’autres joueras dans le film ? Est-ce qu’il y aura d’autres enfants ? Est-ce que je serais célèbre et plus riche que Jimmy Reed, après ?

Je pensais bien qu’on avait réussi à mettre Guillermo plus à l’aise en lui expliquant comment ça allait se passer, quel serait son éventuel rôle et aussi, en lui disant qu’un jour, il pourrait raconter son histoire s’il le désirait.

Mais avant toute chose, il fallait qu’on voie si le jeune homme avait un talent. Je savais qu’il en avait parce que je l’avais déjà vu à l’écran. Mais il y avait une différence entre donner son avis sur des films ou des chansons et jouer quelqu’un qui n’était pas soi. Même si le rôle pour lequel il était casté ressemblait beaucoup à ce qu’il était.

Il était donc passé de stressé à enthousiaste et on avait pu jouer un peu. Ce fut vraiment court ! Parfois, Christopher nous faisait jouer en impro pendant dix minutes voire un quart d’heure… Mais là… Guillermo était rentré dedans direct ! Et il savait pleurer sur commande ! C’était incroyable.

Pourtant, la réplique que je lui avais donnée était vraiment bateau.

Quand Christopher annonça « coupez », je vis un éclair de détresse passer sur le visage de Guillermo. Mais moi, je savais déjà d’instinct que c’était dans la poche. On ne pouvait pas laisser passer un tel talent brut.

Quand Guillermo compris à son tour qu’il avait vraiment bien joué, il se détendit un peu et expliqua son propre ressentit et ce qu’il pensait que son personnage devait ressentir.

-Tu as très bien fait passer ce mélange d’émotions. Triste et fâché, comme tu dis. C’est très rare pour un acteur de se mettre en condition aussi vite. C’est pour ça qu’on a eu vite compris que tu étais fait pour ce rôle.

Et ce ne fut que là qu’il eut un cri de victoire. Qu’il comprit qu’il avait peut-être le débouché de sa vie.

Je ris de le voir aussi heureux et posai ma main sur son épaule, laissant Christopher lui parler de choses plus techniques comme la durée du tournage et le fait qu’il devrait travailler à ses cours en même temps que de tourner le film.

Il affirma être prêt. Il était complètement excité et j’étais sûr que chez les Quinn, ce soir, ça allait être la fête.

Je rigolai quand il affirma que ça ne le dérangeait pas de rater l’école.

-Tu m’étonnes. Mais il faudra travailler dur ! Tant pour l’acting parce que tu vas devoir apprendre beaucoup de lignes, que pour ne pas décrocher de l’école.

Je m’accroupis pour être à sa hauteur.

-Ce ne sera peut-être pas facile tous les jours, mais c’est une chance unique. Faut pas la laisser passer.

Il posa alors des questions. Il était vraiment emballé pour le projet.

-Il y aura moi comme adulte mais en effet, en grande partie, le reste du casting sera composé d’enfants de plus ou moins ton âge. Beaucoup de scènes se passeront en classe puisque le film racontera l’alliance de toute une classe pour s’opposer à une expulsion.

Je lui souris.

-On va s’amuser, tu verras. Ce sera l’intention principale : s’amuser. Si on ne perd pas ça de vue, ce sera une expérience géniale, tu verras.

Je rigolai.

-Quant à être plus riche que Jimmy Reed… Probablement pas, mais ce sera un début. Si on fait tout bien… Puis ce film pourra peut-être faire que d’autres réalisateurs te proposeront des rôles.

Je ne lui parlai pas de la course à l’Oscar qu’on espérait faire, pour ne pas lui mettre la pression.

Je n’en revenais pas ! J’avais réussi ! Hank et Christopher avait aimé ce que j’avais fait. J’avais eu peur, un moment, que c’était pas le cas mais je m’étais trompé. J’étais content ! Très content ! Maman Tiff et Finan vont pas en revenir !

J’expliquai comment j’avais fait les choses. Comment je me serais senti à la place du garçon. Hank était impressionné que je me sois mis dans le rôle très vite. Je n’avais pas beaucoup réfléchi, en fait. Je souriais tout le temps parce que j’étais heureux.

-C’est pas si dur. J’ai déjà eu des situations où j’étais comme ça. J’ai pas trop dû réfléchir.

Oui. Quand j’étais chez les Los Diablos c’était arrivé que je sois triste et fâché. Surtout la période où j’ai dû vivre avec Carlos. Je sais pas pourquoi Alonso m’avait mis là alors que les autres Pequeñas Manos vivaient avec des Los Diablos moins emmerdant que Carlos.

Christopher avait parlé du tournage et, aussi, de l’école que j’allais manquer. Je m’en fichais de manquer l’école. Et je ne me rendais pas vraiment compte du travail qui allait me tomber sur la tête. J’étais trop pressé de devenir une star pour ça. Hank disait pourtant qu’il faudra travailler dur. Je souris.

-J’ai réussi à rattraper l’école déjà une fois. Je peux le faire encore.

Hank disait que ça allait pas être facile tout les jours. Peut-être. Mais je pensais que ça pouvait pas être pire que de risquer de se faire avoir par les flics dans les rues de l’Eastside.

-Je vais pas la laisser passer. Je vais faire ce film.

Je dis ça en souriant à Hank qui s’était mis à ma hauteur. J’allais devenir célèbre comme Jesse. Lui et moi, on sera riiiiiiiiiche !

J’avais des questions sur les gens qui feront le tournage avec moi. Il y aura des adultes mais, aussi, beaucoup d’enfants. Je souris.

-Je suis pressé de les rencontrer. Je vais me faire plein d’autres amis.

Grant Fleming sera jaloux ! Jesse et moi on sera des stars et pas lui ! Même si Jesse est obligé d’être gentil avec lui maintenant. C’est pas mon cas !

Hank disait qu’on allait s’amuser. Je souris en hochant de la tête avant qu’il ne me fasse afficher une moue quand il déclara que je ne serais sans doute pas aussi riche que Jimmy Reed. Pas après ce film en tout cas. Mais il disait que d’autres réalisateurs me proposeront peut-être d’autres rôles à celui-là.

-Oh j’espère ! Je veux plus que faire ça maintenant ! Et, un jour, Jimmy Reed sera moins riche que moi. Il sera jaloux !

Je rigolai avant de regarder Christopher puis Hank.

-Je dois faire autre chose ? Je dois signer des trucs ?

Alors qu’il pleurait il y avait encore trente secondes, Guillermo était maintenant tout sourire ! Il avait de quoi être fier, il fallait dire ! J’avais rarement vu des castings aussi rapidement pliés. Mais Guillermo avait un talent certain. Et il confirmait que c’était facile pour lui de se mettre dans le rôle qu’on lui avait proposé. Apparemment, il avait déjà connu des situations où l’émotion était forte…

-Espérons qu’à l’avenir, tu n’auras plus qu’à jouer ces émotions.

Je ne savais pas ce qu’il avait vécu mais il nous en avait donné un petit aperçu tout à l’heure. Ce gamin n’avait pas eu la vie facile, comme beaucoup d’enfants de l’Eastside.

Cela ressemblait au début de l’histoire d’un destin glorieux. Sincèrement, je ne lui souhaitais que ça.

Mais on le mit en garde : pas question de faire passer l’école au second plan. Il allait falloir travailler dur. Tant lui que moi, d’ailleurs. Ce n’était pas parce que j’avais des années d’expérience que ça rendait les choses faciles. Chaque film était différent et ça dépendait aussi des acteurs auxquels on donnait la réplique.

Je sentais cependant qu’avec Guillermo, j’aurais un très bon feeling.

Il disait que pour l’école, ça irait.

-On y veillera, de toute façon. Comme vous serez plusieurs enfants sur le tournage, vous ferez vos devoirs ensemble.

Il était ravi de la chance qu’il avait et était déterminé à ne pas la laisser passer. Son sourire était contagieux et j’avais rarement été aussi détendu à un casting. Il fallait dire que jouer avec des gosses, c’était complètement différent que quand c’était des adultes. Les adultes n’avaient pas toujours cet enthousiasme naturel qu’avaient les enfants.

Ça allait être génial.

Guillermo était prêt à se faire de nouveaux amis et tout. Je me redressai et me tournai vers Christopher.

-Je sens que ça va être bien. Je suis sûr qu’on peut le faire, Stopher.

On pourrait aller loin avec ce film. Très loin.

Guillermo voulait devenir riche et célèbre et qui étais-je pour briser ses rêves ? Je ne le fis donc pas, mais tempérai quelque peu ses ardeurs. Tout ne se ferait pas en un seul film.

Mais Guillermo avait aussi un côté pragmatique.

-Quand tes parents viendront te chercher, on vous fera signer tout ce qu’il faut… Maintenant, si tu veux, tu peux rester, on va caster tes camarades de classe.

Je l’invitai à venir s’installer à côté de Christopher…

On allait aller loin. J’en étais sûr.