C’était Noël… Enfin, le réveillon de Noël... Dans l’après-midi… Ce soir, Ce serait grosse fiesta dans la villa de Don, avec des artistes, des managers, des acteurs… Bref, la jet-set en plein ! J’allais encore finir bourré dans un canapé à ne plus savoir ce qui se serait passé.

Mais ça, c’était pour ce soir… Avant ça, j’avais une mission. Une mission que je m’étais donnée moi-même dès que j’avais su que Don avait merdé.

Ça faisait deux ans maintenant que j’aidais Lucy financièrement ou en lui apportant, à elle et sa fille, Eleanor, de la nourriture, des vêtements et des jouets. Don ne voulait pas en entendre parler et je lui en voulais quand même un peu de ne pas assumer.

A la limite, si Lucy avait été une femme riche issue de la jet-set par exemple, j’aurais encore compris. Mais ce n’était pas le cas. Il avait littéralement abandonné cette femme, seule avec un bébé, alors qu’il avait largement les moyens d’au moins les aider.

De toute façon, son mariage allait péricliter… Alors quoi ? Je ne lui demandais pas d’épouser Lucy… juste de lui donner un coup de main. Mais j’avais déjà essayé et autant pisser dans un violon…

Alors, comme ma conscience m’empêchait de laisser cette jeune femme dans sa merde, je l’aidais. La première fois que je m’étais présenté à sa porte, deux ans plus tôt, elle m’avait presque fermé la porte au nez mais j’avais finalement réussi à l’apprivoiser. J’avais pu voir le bébé qui avait limite les traits plus Hughes que moi, avec ses yeux bleus et ses cheveux clairs.

Bref, la méfiance de Lucy s’était petit à petit changée en une sorte d’amitié, puis en confiance. Elle savait qu’elle pouvait m’appeler n’importe quand en cas de problème et je passais régulièrement chez elle. Bon, pas toutes les semaines non plus… mais au moins quoi ? Deux fois par mois ?

Du coup, je voyais Eleanor grandir… Et elle était certainement destinée à devenir une jolie jeune femme. Elle aimait faire des petits spectacles pour sa mère et parfois même pour moi.

Aujourd’hui, réveillon de Noël, donc. Et je me présentais avec les bras chargés de cadeaux…. Des vêtements et quelques jouets pour la petite et une enveloppe remplie d’argent liquide pour Lucy. J’avais fait un effort vestimentaire aussi, optant pour un jeans noir, une chemise bleue, un veston et une cravate grise… J’avais essayé de me coiffer aussi.

Je portai tous mes paquets sur un bras pour accéder à la sonnette puis quand la porte s’ouvrit…

Il n’y avait personne derrière.

Par-dessus mes paquets, je baissai le regard pour voir la petite Eleanor, 4 ans et presque toutes ses dents, et apparemment déguisée.

-Hey… bonjour Eleanor ! C’est tonton Brent…

Je lui souris.

-Tu es déguisée en quoi ? Maman est là ?

Hier, maman et moi avons fait des biscuits pour le Père Noël. Avec un gros rouleau à pâtisserie, nous avons roulé la pâte puis maman m’a donné des emporte-pièces en forme de bonhomme pour que je puisse découper des biscuits dans la pâte étalé sur la plaque à cuisiner. Je m’étais beaucoup amusé à faire mes nombreux bonhommes de pain d’épices et à ensuite les regarder cuire au travers de la fenêtre de la porte du four. J’étais patiente bien que très excitée car je savais que, lorsqu’ils seraient cuits, nous allions pouvoir les décorer avec le glaçage de différentes couleurs que maman avait préparé tout à l’heure. Elle n’avais eu besoin de mon aide pour cela, elle avait dit qu’elle ne voulais pas que j’ai les doigts tout tachés et colorés.

J’avais fait des bonhommes de toutes les couleurs et ils avaient tous un beaux sourires ! Il y en avait beaucoup ce qui, après coup, me fit sourciller.

- Maman ? Le Père Noël va tous les manger ?

S’il les mangeait tous, il aurait mal au ventre ensuite, non ?

Maman m’avais embrassé sur le front en disant que nous pourrions en manger nous aussi, mais demain car il était temps de me brosser les dents, de me laver les mains et me débarbouiller le visage avant de me mettre au lit car le Père Noël passerait cette nuit déposer mon cadeau sous le sapin.

Au matin, quand je m’étais levée, je trouvais sous le sapin un cadeau emballé dans un beau papier bleu et rouge et une belle boucle ornait le dessus du paquet.

- Oh ! Maman ! Maman ! Le Père Noël est passé !

Il n’y avait qu’un cadeau, cependant. Le gros monsieur rouge avait-il oublié ma maman ? Si c’était le cas, je partagerais mon cadeau avec ma maman ! De toute façon, je ne jouais qu’avec elle. Nous partagions tout, déjà !

Ma maman avait un large sourire sur son visage tout au long de la matinée et moi, j’avais enfilée une belle robe de déguisement. Je me promenais dans notre petite maison en chantant comme une diva d’opéra. Je prenais de grands airs dramatiques et je chantais en étirant mes notes, jusqu’à ce que l’on sonne à la porte.

- J’y vais, maman ! J’y vais ! Je peux le faire toute seule !

Ça n’arrivait pas tous les jours que l’on sonne chez nous et le jour de noël, encore moins! Peut-être que c’était le Père Noël qui venait porter le cadeau de maman ! Il pouvait l’avoir oublié dans son traineau, avec tous les cadeaux qu’il devait distribuer, cela se pouvait très bien !

- Bonjour…

Je fronçais un peu des sourcils en voyant que ce n’était pas le Père Noël qui se tenait la avec plusieurs cadeaux sur un bras. Je reconnaissais notre visiteur bien que je ne l’avais pas vu très souvent. Il venait de temps en temps, il était gentil mais du haut de mes quatre ans, j’étais quand même toute timide.

- Je suis La Castafiore ! MAMAAAAAAAAAN ! C’EST TONTON BREEEEEEEEEEENT !

Je poussais sur la porte pour qu’elle s’ouvre complètement et laissais passer Brent qui fut accueilli pas maman qui lui fit la bise. Moi, je m’étirais pour rattraper la poignée de la porte et la refermé alors que notre invité surprise venait d’entrer.

- Est-ce que tu veux un biscuits de noël ? C’est moi toute seule qui les aies cuisinés !

- Presque toute seule, Nell. Tu veux un thé ou un café avec ton biscuit, Brent ?

Je ne pensais déjà plus à aller chercher le biscuit que je venais de proposer à Brent. Je n’avais d’yeux que pour les cadeaux, n’osant pas demander s’il y en avait pour moi là-dedans.

C’était Eleanor qui était venue m’ouvrir la porte d’entrée de la coquette petite maison. C’était un endroit très modeste, mais Lucy avait pour habitude de dire que ce n’était pas pour ça qu’il fallait la laisser tourner à rien, cette demeure. Du coup, on comprenait tout de suite que c’était une femme de goût qui habitait la maison.

Eleanor me dit très poliment bonjour, sur un ton un peu timide. Elle m’avait déjà vu plusieurs fois, mais je me présentai quand même parce que je n’étais pas sûr qu’une gamine de 4 ans puisse me reconnaître d’une fois à l’autre.

Elle affirma être la Castafiore avant de crier après sa mère. J’entrai quand la petite ouvrit la porte assez grand pour que je puisse passer avec tous mes paquets.

-La Castafiore, hein ? Alors tu vas être contente de ce que le père Noël m’a donné pour toi, je pense.

Lucy apparut et vint me faire la bise, que je lui rendis un peu maladroitement à cause de mes paquets.

-Salut, Lucy… Joyeux Noël… Comme je disais à Eleanor, le père Noël m’a laissé des cadeaux pour vous.

Je demandai où je pouvais poser ça et Lucy me guida vers le salon où un petit sapin trônait dans un coin de la pièce, décoré notamment avec des dessins d’enfants, probablement parce que les boules et les guirlandes de Noël coûtaient assez cher.

Dans le même temps, Eleanor me proposa des biscuits de Noël qu’elle avait confectionné presque toute seule.

-Je ne refuse jamais un biscuit… Et du café, si tu en as, Lucy, merci.

Je déposai mes cadeaux près dudit sapin et souris à Eleanor.

-Vous avez un très beau sapin ! C’est toi qui a fait tous ces dessins ?

Je pris un de mes paquets… Le plus lourd en fait… pendant que Lucy allait faire du café et chercher les biscuits.

Je voyais avec amusement que la petite n’avait d’yeux que pour les cadeaux alors autant tuer le suspens.

Je posai le lourd paquet devant elle.  Il contenait un véritable micro que j’avais piqué aux studios de MTI ainsi qu’un tout petit ampli que j’avais acheté chez Kurtz’s Records…

-C’est pour toi, madame La Castafiore. Tu peux l’ouvrir. N’hésite pas à déchirer le papier. C’est ça qui est marrant.

Je m’agenouillai avec elle au sol, la regardant découvrir son cadeau.

C’est tonton Brent qui est venu frapper à notre porte en ce jour de Noël. Je suis toujours heureuse de le voir même si au début, je suis un peu timide en sa présence. Il a une grosse voix, maman dit que non qu’il n’a qu’une voix d’homme tout simplement mais moi, je trouve quand même qu’il a une grosse voix.

Je lui avais ouvert la porte et lui avais confié être déguisée en Castafiore. J’adorais ce personnage de Tintin. Je ne savais pas lire les bulles dans les vignettes de l’histoire mais maman m’avait dit qui était cette dame qui me faisait rigoler.

- Mais comment tu sais, hein ? Comment tu sais ce que le père Noël a mis dans les paquets ?

Je me grattais la tête après avoir refermé la porte et que ma mère rectifiais mon affirmation.

- Presque toute seule, c’est juste !

Maman guida Brent jusqu’au sapin pour qu’il puisse y déposer les cadeaux qu’il tenait en ses bras. J’étais impressionnée par la brillance du papier et la grosseur des boucles. Les cadeaux, ce n’était pas que ce qui se trouvait dans les boîtes, mais la boîte et l’emballage comprit ! Puis je détachais mon regard des cadeaux pour regarder Brent qui lui, admirait mes dessins dans le sapin.

- Oui ! Tu vois celui-là ? C’est le préféré de maman ! C’est Jésus dans la crèche mais, je n’avais plus de crayon de la bonne couleur alors… bah c’est pas grave qu’il ait les cheveux bleu !

Maman disait que la couleur des cheveux n’avait aucune importance. Ce qui comptait était que je m’étais appliqué pour reste dans les lignes et que je n’avais presque pas coupé le dessin avec les ciseaux.

Maman m’avait apporté un verre de lait et un biscuit de noël et pour Brent, pour qu’il puisse tremper son biscuit, une tasse de café fumant. Je plissais du nez en voyant la fumée s’élever de la tasse. J’y avais gouté une fois et ça n’a pas du tout bon goût ! Peut-être qu’en y trempant un biscuit, c’est meilleur ?

- Oh ! Oh oui ? Je peux ? Ooooh ! Merci ! Merci !!

Brent disais que je pouvais ouvrir le cadeau qu’il avait pour moi mais je regardais maman d’abord, pour avoir son autorisation. Elle hocha de la tête et je retirais doucement la boucle ce qui fit un accro dans le papier. Ça me fit rigoler et me donna comme la dose de courage qu’il me manquait pour déchirer frénétiquement le reste de l’emballage.

- Ooooh ! C’est un micro ? C’est un vrai micro vous croyez ?

Je vis maman regarder Brent avant qu’il ne me réponde mais je n’étais déjà plus attentive à ce qu’il se passait, je regardais l’autre truc du paquet, un espèce de radio sans bouton, en fait, je ne savais pas ce que c’était mais je ne savais pas le bouger toute seule.

- C’est lourd ça ? Qu’est-ce que c’est ? C’est pour enregistrer mes chansons ?

Je portais le micro à ma bouche, je tapais dessus avec le bout de mon index puis je fis un Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah digne de la grande cantatrice. Mais, il ne se produisit rien de plus que le son de ma voix voyageant dans la pièce.

- Dis, est-ce que tu veux me montrer comment il fonctionne?

Alors qu’Eleanor m’ouvrit la porte, elle posa une question plus que pertinente qui me laissa pantois. Oui, je n’avais pas vraiment l’habitude avec les enfants. J’avais 28 ans et l’aînée de mon frère, Carrie, n’avait que 10 ans de moins que moi. A 18 ans, ce n’était plus une gamine et elle était pour moi plus proche d’une sœur que d’une nièce.

Alors je ne m’étais pas attendu à ce qu’Eleanor pose une question d’une logique monstre…

-Heu… Bah… Il me l’a dit, ce qui a dans ton paquet. Mais je dois garder le secret pour que tu aies la surprise en l’ouvrant.

Ouf ! Sauvé… Enfin, j’espérais.

Eleanor et sa mère me proposèrent des gâteaux de Noël confectionné « presque toute seule » par la gamine, ce que j’acceptai avec un beau sourire. Elles me guidèrent jusqu’au salon où je pus déposer mes lourds paquets avant de m’extasier devant le sapin décoré avec des dessins faits par la petite.

Sa première timidité passée, Eleanor s’avérait être une hôte des plus agréable, me montrant le dessin préféré de sa mère. Un jésus aux cheveux bleus dans la crèche. Je rigolai avant de rassurer Eleanor.

-C’est un très beau dessin. Et tu sais quoi ? Je connais des artistes qui ont les cheveux bleus. Alors pourquoi pas Jésus ?

Je ne mentais pas… les années 60 commençaient à faire place à des looks plus colorés les uns que les autres. Pour certains artistes, c’était carrément leur marque de fabrique. Cette génération, ma génération, envoyait balader les tenues strictes et chiques des années 50.

Lucy revint vers nous avec des boissons et des biscuits. J’en pris un, un bonhomme dont je croquai la tête.

-Mmm… Merci… Ils sont excellent.

A genoux à terre avec Eleanor, je pris une gorgée de café avant de lui désigner son paquet. Le plus lourd et le plus gros. Elle n’avait pas encore ouvert son cadeau qu’elle disait déjà merci.

-Attend de voir ce qu’il y a dedans avant de remercier le père Noël.

Elle regarda sa mère pour avoir le feu vert avant de faire sa fête au papier cadeau brillant. Elle sembla surprise de découvrir son micro avec le petit ampli.

-Oui, c’est un vrai micro qui vient d’un vrai studio.

Je sourirais bien grand, ravi de voir la petite contente. Quant à l’ampli, qui était bien trop lourd pour elle.

-C’est un amplificateur, c’est pour que ta voix résonne plus fort. Et si tu chantes en le mettant devant toi, ça fera comme si tu avais les retours et tu pourras apprendre à mieux poser ta voix.

C’était peut-être un peu technique, tout ça, Brent.

Eleanor voulait que je lui montre comment ça marchait après avoir testé le micro sans grand succès.

Je pris la prise de l’ampli.

-D’abord, il faut brancher ça.

Je branchai l’ampli à une prise murale.

-Puis tu vois, le câble du micro, tu le branche dans l’ampli, comme ça. Maintenant, vas-y, chante !

Je souris et laissai Eleanor tester tout ça avant de demander à Lucy.

-Tu lui a trouvé une école ? Ça ira pour les frais d’inscription ?

J’ouvris grand les yeux et ma bouche fit un ‘’O’’ impressionné quand Brent me répondit qu’il connaissait le contenu des cadeaux parce que le Père Noël le lui avait dit. Wow ! Tonton Brent devait avoir été très sage toute sa vie pour être un ami personnel du Père Noël !

- Wooooow ! Tu en as de la chance !

Brent posa les paquets sous le sapin, de quoi me mettre plein d’étoiles dans les yeux. Je me délectais déjà dans l’attente de pouvoir découvrir ce que cachait le magnifique emballage. En attendant, je montrais à Brent mon Jésus au cheveux bleus que j’avais fait pour décorer notre sapin. Je savais que je n’avais pas fait les cheveux de la bonne couleur mais maman l’adorait et elle avait été très heureuse de l’accrocher sur une branche, bien en évidence. Brent, lui, disait qu’il connaissait des artistes avec des cheveux bleus alors pourquoi pas Jésus?  Je tirais sur une mèche de mes cheveux et je la regardais avant de hausser des épaules et de rire.

- Pourquoi pas Jésus !

Maman servit un café à Brent et un verre de lait pour moi. Ce soir, je pourrais avoir un chocolat chaud mais pas avant. Maman gardait les choses spéciales pour plus tard, parce qu’elle disait que nous n’avions pas énormément de sous mais juste assez pour nous gâter quand c’est le bon moment. Ce soir, ce serait le bon moment !

- Merci ! Oh maman ? Est-ce que nous pourrons en emballer pour que tonton Brent puisse en manger ce soir, quand ce sera le bon moment chez lui aussi ?

Maman avait rit et elle avait dit oui pour emballer des biscuits pour tonton Brent. Comme ça ce soir, quand il ouvrirait ses cadeaux, il pourrait penser à nous.

J’eu ensuite l’autorisation d’ouvrir mon paquet et j’en vu impressionné. J’avais un micro, comme les vraie chanteuse, comme celles que je voyais sur les photos dans les revues à la laverie au coin de la rue. C’est là-bas aussi que je pouvais les regarder à la télévision quand quelqu’un la laissait sur le bon poste.

- Ooooooooh ! Je pourrai chanter comme une vraie chanteuse ! Merci !!!!

Par contre, l’espèce de caisse qui venait avec me laissait perplexe. Qu’est-ce que je devais faire avec une boîte aussi lourde et si peu joli ? Je ne comprenais pas mais Brent vînt à ma rescousse en m’expliquant, enfin plus à maman qu’à moi parce que moi j’étais en admiration devant mon micro et, une fois les fils branchés ça et là, quand je parlais dans le micro, ma voix fut amplifiée et résonna dans la pièce.

- Oooh ! TROP GÉNIAL !!

Voilà ! Ils venaient de me perdre pour un bon moment, mon bon moment à moi !

- Elle est douée… Alors trouver une école c’est facile mais pour tout te dire, parce que tu poses la question, non, ça n’ira pas. Même à l’école public, les frais pour payer tous ses manuels et… rien qu’une nouvelle paire de chaussures tranche mon budget de moitié. J’ai demandé des heures de plus à mon patron mais il ne peut pas m’en offrir davantage pour l’instant. Il m’a proposé de parler de moi à son frère qui a une affaire de femmes de chambres, dans les hôtels.

Mon micro était trop parfait ! En chantant dedans, j’avais vraiment l’impression d’être une grande chanteuse. Je pouvais me le faire croire, en tous les cas !

- Mais si je fais ça, je ne pourrai plus aller à St-John’s et je ferai quoi avec Nell ? Mon second salaire paiera la baby-sitter. Je me sens piégée.

J’entendis maman parler de St-John’s et je m’arrêtais net.

- Est-ce que c’est ce soir maman que nous allons à la mission pour le souper de noël des gens ?

Je pourrais mettre ma belle robe quand nous irions offrir des sandwichs et des bols de soupe aux gens qui n’avaient pas pu faire des biscuits de Noël.

J’éclatai de rire quand Eleanor s’exclama que j’en avais de la chance d’avoir parlé au Père Noël.

-Je ne te le fais pas dire.

Une fois au salon, la petite me montra son chef-d’œuvre illustrant un Jésus aux cheveux bleus colorié et découpé avec soin… Si Eleanor disait ne pas avoir eu de crayon de la bonne couleur, moi, je lui affirmai que les cheveux bleus, ça existait ! J’étais bien placé pour le savoir.

Eleanor regarda une mèche de ses propres cheveux l’air pensive et je lui chuchotai.

-Si un jour tu décides de te teindre les cheveux en bleu, ne dis pas à maman que c’est de ma faute.

Je rigolai et Lucy arriva avec les biscuits, qui étaient vraiment délicieux, et les boissons. Je ne voulais pas profiter de trop de leur hospitalité, mais en même temps, je savais que Lucy avait sa fierté et que refuser aurait peut-être été mal pris. Parce que ça aurait été mettre leur situation précaire en avant.

Eleanor, polie à souhait, remercia sa mère pour le verre de lait et proposa de m’emballer quelques biscuits.

-Ce serait vraiment gentil de votre part. Je penserai à vous en les mangeant devant mon sapin… Enfin, le sapin de mon frère…

Parce que je n’avais pas décoré mon appartement. Je vivais seul et la plupart du temps, j’étais partout sauf chez moi pour un photoshoot par-ci, un concert par là, une signature de contrat à gauche et… toutes mes sorties personnelle à droite.

Mais dans tout ça, je n’oubliais jamais Lucy et Eleanor.

Eleanor qui reçut l’autorisation d’ouvrir son gros cadeau. Si elle identifia le micro directement, l’ampli la laissa plus perplexe, mais elle était déjà on ne pouvait plus heureuse et ça me faisait chaud au cœur.

-C’est au Père Noël qu’il faut dire merci. Je n’y suis pour rien.

C’était les roadies de MTI qui allaient se sentir mal en constatant qu’un micro avait disparu des studios, quand ils feraient l’inventaire du matériel… Mais bon… tant pis. Ils trouveraient bien un moyen de faire passer ça crème.

J’expliquai donc à Eleanor comment utiliser son ampli en faisant tous les branchements qui étaient assez simple, sous l’œil attentif de Lucy. Et bientôt, la voix de la petite Eleanor fut amplifiée fois 10 ! Je me tournai vers sa mère en rigolant.

-Tu diras à tes voisins que je m’excuse.

Même si en réalité, Eleanor avait déjà un réel talent. Parce que même si j’étais un piètre musicien, j’étais un bon manager et j’avais l’oreille musicale. Or, Eleanor, même si elle avait encore une voix caractéristique d’enfant (encore heureux ! A 4 ans !), elle savait poser sa voix et atteignait des notes plus justes que certains musiciens qui se prétendaient semi-professionnels.

Je souris en l’écoutant mais ne manquai pas de poser une question d’ordre plus pratique à Lucy. L’école allait devoir commencer pour Eleanor. Mais tout ça coûtait de l’argent. Et Lucy, qui savait jusqu’où elle pouvait pousser ses limites, m’avoua que ça allait être compliqué avec les frais.

Je souris à Lucy et posai une main sur son genou, puisque j’étais revenu m’asseoir à côté d’elle sur le divan.

-Je comprends… Fais-moi une liste de matériel, je m’en occuperai. Ce sera déjà ça. Je t’aiderai aussi en liquide.  

J’en avais largement les moyens, étant célibataire, sans enfant et avec un job de rêve. Je pouvais au moins faire ça pour ma nièce.

Lucy avait l’occasion de faire des heures de travail en plus mais ça impliquerait d’autres frais comme la babysitter, l’essence…

-Ne te tracasse pas…

Je lui souris pour lui redonner confiance. Eleanor, elle pour qui Saint John’s n’était pas tombé dans l’oreille d’une sourde, se demanda quand elles iraient à la mission pour aider les gens dans le besoin. Je regardai Lucy dans les yeux.

-Je ne sais pas comment tu fais en étant dans ta situation pour penser encore à d’autres et leur donner de ton temps.

Puis, à Eleanor.

-Ta chanson était très belle. Tu chantes vraiment bien. Tu pourrais chanter, à Saint John’s, non ? Pour mettre un peu l’ambiance pour les gens ?

Qu’est-ce qu’il en avait de la chance, tonton Brent, d’avoir pu parler au Père Noël ! Moi, j’avais voulu rester debout toute la nuit pour le voir passer à la maison mais maman m’avait expliqué que si que personne ne pouvait le voir, que cela faisait parti de la magie de noël. Alors, pour avoir eu la chance de lui parler en personne, il fallait vraiment que tonton Brent soit très vraiment très, très sage ou alors…

Je plissais des yeux en le regardant de la tête aux pieds puis je secouais la tête.

Non, tonton Brent ne pouvait être le père Noël. Il n’avait pas de gros ventre, de longue barbe blanche et de vêtements rouges. Il n’avait du père Noël que les bras chargés de cadeaux et sa grosse voix.

Je rigolais dans ma main alors que Brent m’expliquait que Jésus pouvait bien avoir les cheveux bleus puisqu’il avait lui-même vu des gens avec cette couleur mais que si, un jour, il me prenait envie de me les teindre, je ne devais pas dire à maman que l’idée venait de lui.

- Promis, je ne le dirai pas à maman !

Et je tendis mon petit doigt à Brent pour qu’il le serre avec le sien afin de faire serment que jamais ne trahirais notre secret.

J’eue l’autorisation d’ouvrir mon gros cadeau et cela m’emplissait de joie. J’étais tout excitée et heureuse de découvrir ce que j’allais recevoir. Mon plaisir en fut qu’amplifié en découvrant le micro, un vrai comme les chanteuses à la télévision et dans les pages glacées des magazines ainsi qu’une grosse boîte carrée impressionnante de par sa pesanteur. Quel bonheur de découvrir qu’une fois quelques fils branchés ici et là, ma voix portait au travers notre demeure !

J’étais trop préoccupée par mon nouveau vrai faux jouet que pour porter attention à la conversation entre ma maman et mon tonton.

- Ce n’est quand même pas à toi d’assumer pour… Enfin… Il faut croire que le pommier avait aussi ses bons fruits. Je te ferai la liste mais je te rembourserai d’une façon ou d’une autre.

Maman avait les yeux tout brillant alors que je me plaçais devant elle en chantant puis je tournoyais sur moi quand elle regarda Brent et lui parlait de son travail. J’avais entendu le mot baby-sitter et je secouais la tête. Je ne voulais pas de baby-sitter ! J’adorais aller avec maman à son travail, je pourrais l’aider, si elle faisait du ménage, le soir. Je savais passer la serpillère et nettoyer les vitres !

- Nous irons ce soir, ma puce. Tu pourras mettre ta belle robe de princesse, c’est même une très bonne idée.

Je ricanais avant de reprendre mon chant en restant plantée devant ma maman et Brent.

- Aider les autres est la plus belle et grande richesse qui soit. Et puis donner du temps n’est jamais perdu. C’est la plus belle des choses que je puisse enseigner à ma fille.

Brent trouvait que je chantais très bien et ça me fis ricaner dans ma main, encore avant que je ne pose mon micro sur le sol et que je ne reprenne mes cheveux en main pour jouer avec.

- Oh dis, maman ? Je pourrai apporter mon micro et mon ampi ? Et Brent aussi tu viendras, pour brancher les fil de mon ampi ?

- Un ampLi ma chérie et si Brent veut venir… Tu es le bienvenu, tu sais. Nous n’avons jamais assez de bras, surtout le soir de noël.


- Oh dis oui tonton Brent, viens avec nous !

Je scellai ma promesse avec Eleanor d’une poignée de petit doigt. Elle était vraiment marrante, cette petite. Et aussi très polie, bref, elle méritait bien le gros cadeau que le Père Noël avait apporté pour elle.

Et quel ne fut pas mon bonheur de voir la tête qu’elle fit quand elle comprit que la grosse boîte bizarre amplifiait sa voix ! Elle se mit à chanter, étrangement juste et avec une voix qui, si c’était celle d’un enfant, promettait de devenir très belle avec les années.

Je ne pouvais lui souhaiter que ça. On était à L.A., tout était possible, surtout pour les artistes.

Or, je sentais au plus profond de mes tripes qu’Eleanor était une artiste née.

Mais avant tout ça, sa mère avait un problème beaucoup plus terre à terre à gérer : il fallait qu’Eleanor aille à l’école, et c’était très loin d’être gratuit. Je dis alors à Lucy de me faire une liste, que je lui trouverais tout ce qu’il lui fallait.

Lucy commença une phrase avant de tacler un peu Don… Je ricanai.

-Don est pas mauvais… Mais pour le coup, je pense que c’est mérité.

J’en voulais à Don aussi de ne pas au moins aider à distance. Je pouvais à la limite faire office d’intermédiaire, s’il ne pouvait pas regarder Lucy en face, mais mon frère était clairement dans le déni. Il n’acceptait pas le fait qu’il avait merdé et qu’il devait assumer ! Surtout que ça n’avait quand même pas sauvé son mariage, au final.

Je souris à Lucy.

-Prends ton temps pour le remboursement, il n’y a rien qui presse.

Je haussai les épaules.

-Et de toute façon, ça me fait plaisir.

Quand Eleanor arriva au bout de sa deuxième chanson en tournoyant sur elle-même, j’applaudis bien fort.

-C’était super, Eleanor !

Notre conversation amena Eleanor à se demander quand elles iraient distribuer des repas à la mission Saint John’s. Lucy lui répondis qu’elles iraient ce soir et moi, je me demandais comment, en étant soi-même dans le besoin, on trouvait encore le courage de donner du temps aux autres. Mais bon… J’étais un peu né avec une cuillère en argent dans la bouche, aussi.

En fait, Lucy m’expliqua que tout ça n’était qu’une question de valeurs… Et de transmission de ces valeurs.

-Je vois…

Je me grattai la tête, me sentant un peu honteux de tout ce que j’avais sans jamais avoir pensé à donner aux autres. Je ne me rendais pas compte que ce que je faisais pour Lucy et Eleanor, c’était un peu ça parce que j’avais l’impression de le faire plus pour Don que pour elles.

Eleanor sembla trouver mon idée d’emporter son nouveau micro et son ampli avec elle à la mission très intéressante. Sa mère, non sans la corriger sur la prononciation approuva l’idée et elles me proposèrent toutes les deux de les accompagner à la mission pour la distribution des repas qui aurait lieu le soir même.

-Heu…

Je les regardai toutes les deux, et, voyant dans leurs yeux que c’était très important pour elles, écartai les bras comme pour embrasser l’idée tout entière.

-Ok, je viens avec vous ! Après tout, la fête de mon frère va quand même durer jusqu’au petit matin alors ce n’est pas grave si j’arrive plus tard que prévu.

Je regardai l’horloge murale du salon de Lucy… Il y avait encore environs deux heures avant l’heure du souper et donc de la distribution des repas.

-Hey mais on a pas fini avec les cadeaux !

Je pris un paquet un peu mou contenant des vêtements pour Lucy et pour Eleanor. C’étaient des vêtements de qualité et faits pour durer.

De fil en aiguille, en parlant de tout et de rien et en admirant Eleanor chanter plusieurs chansons, le temps passa et il fut bientôt l’heure de partir pour la mission. Eleanor avait enfilé sa robe de princesse et je m’étais amusé à tresser ses cheveux, quelque chose que j’avais appris à faire au début de mon adolescence sur les cheveux de ma nièce Carrie.

-Voilà, tu es prête pour ton premier concert !

Je la soulevai du sol et la lançai en l’air avant de la passer à sa mère.

-Je vais mettre l’ampli dans ma voiture.

Le trajet jusqu’à la mission fut vite fait et je débarquai dans un monde qui m’était totalement inconnu… Je tenais Eleanor par la main et voir la misère du monde sur les visages des gens présents me faisait un peu culpabiliser.

-Va falloir que vous m’expliquiez quoi faire et comment le faire. Parce qu’on est pas du tout dans ma zone de confort, là.

Avec le cadeau du père noël que m’apportait en main propre tonton Brent, je pouvais chanter toutes les chansons de noël que je voulais ! Comme j’en connaissais plusieurs, je n’étais pas près de m’ennuyer et tant pis pour les voisins auprès de qui, Brent demandait à ma mère de l’excuser. Je ne comprenais pas pourquoi, tout le monde aime la musique, non ?

Je virevoltais dans le salon en chantant alors que maman et tonton Brent discutaient de choses d’adultes. Ça devait en être parce que maman avait un air bien sérieux et qu’elle avait tendance à parler plus bas et un peu en se penchant vers Brent. Alors moi, je continuais de chanter, c’était plus marrant que de les écouter et d’attendre.

- S’il avait au moins prit le temps de m’écouter quand je le lui ai annoncé. Il n’aurait pas eu besoin de creuser un canyon entre nous pour éviter que ça se sache…

Silent Night était de loin la chanson que je préférais ! Maman la chantait à la chorale et quand toutes les voix s’élevaient dans la chapelle de St-John’s, c’était tellement beau. Alors, je la chantais en butant sur certaines paroles mais c’est que parfois les mots sont un peu trop gros pour ma petite bouche !

- Merci, tonton Brent ! Un jour, je chanterai dans la chorale avec maman !

Mais pas tout de suite, j’étais encore trop petite qu’ils disaient tous. Pourtant, c’était à moi que le père noël avait offert un vrai micro et un vrai ampli !

- Je ne voulais pas te froisser. Je sais que tu es un homme de valeurs et que tu as le cœur à la bonne place, Brent. Aider son prochain prend différentes formes, je crois que tu viens justement d’en faire preuve.

Parfois, je m’imaginais que tonton Brent était l’amoureux de ma maman. Parce qu’il venait de temps en temps à la maison, parce qu’ils parlaient souvent pendant que je jouais ou dessinais et parce que maman souriait toujours plus après qu’il était passé à la maison. Et moi, je n’avais pas de papa. En fait si, j’en avais un mais il était trop occupé à travaillé dans son gros bureau et à prendre soin de ses autres enfants que pour venir me voir.

Alors j’eu l’idée que Brent vienne avec nous à St-John’s pour le repas de noël. Il sembla hésiter avant d’accepter en disant que ce n’était pas grave d’être en retard. Maman souriait beaucoup plus puis se cacha un petit peu le visage avec ses mains parce que Brent avait un cadeau pour elle aussi. Et encore pour moi aussi !

- Oooooooooooooooh ! C’est beau ! Merci tonton Brent !

Après tout, il avait fait la commission pour le père noël, ce n’était pas rien !

- Merci, vraiment, beaucoup ! Je ne sais pas ce que je ferais si tu n’étais pas là.

Maman essuya une petite larme. Elle faisait ça parfois, quand elle était très heureuse et je ne comprenais pas pourquoi. Moi, je pleurais quand je me faisais mal ou quand je ne me sentais pas bien. Mais pas quand j’étais heureuse.

Ensuite, Brent me coiffa et m’assura que j’étais prête pour mon premier concert. Il souleva l’ampli pour l’apporter à St-John’s et on se mit en route dans sa voiture. Elle sentait bon le cuir, comme si elle était neuve, en tous les cas, elle brillait de partout et maman s’amusa avec le pare-soleil en me regardant au travers son miroir pour me faire des mimiques rigolotes. Ça me faisait rigoler vraiment fort.

Maman, elle faisait toujours des choses comme ça. C’était trop chouette !

Je tirais Brent par la main en sortant de la voiture, trop heureuse d’être enfin prête à distribuer des repas aux gens qui n’avaient rien sur leur table. C’est très triste de ne pas pouvoir manger quand on a faim.

- Tu vas d’abord enfiler un tablier et mettre un bonnet pour cacher tes cheveux. Voilà… Comme ça ! Mais c’est que ça te va très bien ! N’est-ce pas, Nell ?

- Oh, oui ! Ça te fait une drôle de tête !

Je grimpais sur un tabouret qui tournait alors, je le fit pivoter pour tourner sur moi-même plusieurs fois.

- YOUPPIIIIIIII ! YOUUUUUUPPPIIIIIII !

Mais mon plaisir ne dura pas longtemps parce que déjà, des gens étaient à la porte à l’extérieur et que d’autres bénévoles plaçaient les plateau de nourriture sur les réchaud pour commencer la distribution. Elle donna aussi à Brent la louche pour la soupe et lui fit un clin d’œil avant d’aller vers les sandwichs.

- Je vais t’aider, t’en fait pas ! Moi, je vais donner les petits pains. Tu peux leur dire Bon appétit

En ce soir de noël, la distribution fut très longue. Vraiment très longue. Il y eu le vieux Tony et sa femme Bernadette et aussi, il y eu la famille Tucker et j’allais jouer avec leur fille Amber, elle avait mon âge et elle était très gentille. On rigolait toutes les deux. Maman vînt me porter un bol de soupe pour que je puisse manger avec mon amie et sa famille. De temps en temps, je regardais vers Brent et je lui faisait des signes de la main tout en mangeant mon petit pain rond.

Quand il y eu moins de monde en train de faire la fil car ils étaient tous à table j’allais chercher mon micro et je tirais ensuite sur la chemise de Brent.

- Est-ce que je peux chanter, maintenant, tonton Brent ?

J’étais content de voir que j’avais tapé dans le mille avec le cadeau d’Eleanor. Elle chantait et tournait sur elle-même en faisant des gestes théâtraux. Cependant, là tout de suite, c’était sur sa mère que j’étais concentré, penché légèrement l’un vers l’autre qu’on était pour pouvoir s’entendre par-dessus les chansons de Noël de la gamine.

Je soupirai quand Lucy affirma que Don aurait pu s’y prendre autrement… J’étais bien d’accord là-dessus.

-Voyons le bon côté des choses… S’il avait fait les choses convenablement, je ne vous aurais jamais connues...

Bon, c’était une bien maigre consolation, mais pour moi, Eleanor et Lucy était très importantes.

Je souris à Eleanor qui, de but en blanc, annonça qu’elle voulait chanter à la chorale avec sa mère.

-Je suis sûr que tu iras bien plus loin que ça avec un talent pareil.

Je passai ma main dans ses cheveux, tout en continuant à parler avec Lucy. Elle avait peur de m’avoir froissé en parlant de ses valeurs. Mais ce n’était pas du tout le cas. C’était juste que… quelque part, j’aurais voulu faire plus. Même si Lucy affirmait que ce que je faisais ici et maintenant était effectivement aider son prochain.

J’eus un sourire un peu hésitant.

-Je sais… Mais je sais aussi que je pourrais faire plus. Mais il faudrait que je trahisse le secret de mon frère pour ça.

Et je n’y tenais pas. S’il y avait quelqu’un envers qui j’étais loyal, c’était bien Don.

Sur ce, j’offris le reste de mes cadeaux, principalement des vêtements, aux deux filles et eus droit à toute leur reconnaissance. Je vis Lucy écraser une larme au bord de son œil et lui pris la main… Je fus ensuite invité à me rendre avec elles à la mission Saint John’s pour distribuer des repas… J’étais attendu à la fête de Don mais…

Et puis merde ! Ça allait quand même durer jusqu’au petit matin et à part peut-être Don, personne ne s’apercevrait de mon retard. Pour la bonne cause, je pouvais bien faire ça !

J’embarquai donc tout ce beau monde dans ma voiture et m’amusai de voir Lucy jouer avec sa fille via le miroir du pare-soleil pendant tout le trajet.

Mais une fois à la mission, j’étais moins sûr de moi… Je ne savais pas comment faire. Mais heureusement, j’avais deux super guides. Lucy me donna un tablier que j’enfilai avant de mettre le bonnet pour ne pas que mes cheveux tombent dans la nourriture. Lucy l’ajusta en disant que ça m’allait bien pendant qu’Eleanor tournait sur un tabouret.

Je rigolai.

-Tu vas avoir le tournis.

Elle disait que le bonnet me faisait une drôle de tête. J’interrogeai Lucy du regard et elle me fit un clin d’œil. J’eus alors un sourire béat en me disant que ça ne m’allait pas si mal.

Ensuite vint le temps de la distribution des repas. Je servais la soupe et Eleanor donnait les petits pains. Je suivais son conseil et disais « Bon appétit » à tout le monde. Et c’était… juste… Perturbant.

De un, je n’imaginais pas qu’il y avait autant de gens dans le besoin à Los Angeles. Tant de gens qui ne pouvaient ni avoir un repas correct même le jour de Noël… mais qui étaient aussi seuls, sans famille avec qui fêter. A un moment, en observant tout ça, j’eus une boule dans la gorge.

De deux, c’était incroyable la gratitude que ces gens avaient sur le visage parce qu’on leur donnait simplement une bonne soupe et un petit pain. Dans la jet-set, la gratitude n’était pas quelque chose de courant.

Je me penchai vers Lucy à côté de moi. Eleanor était partie plus loin, jouer avec une autre fillette. Je lui fis un signe de la main en lui souriant.

-Tu crois que je pourrai faire don de… de tout ce qu’il restera du Noël chez mon frère, à la mission ? Parce que je sais que les gens vont boire bien plus que manger alors que le buffet sera fait de produits de luxe. Et rien que de penser que ça pourrait être jeté, ça me fait mal au cœur.

Sans que je l’aie vue venir, je sentis quelque chose tirer sur ma chemise. C’était en fait Eleanor qui voulait chanter.

-Bien sûr ! Attends, on va faire ça comme si tu étais une vraie star !

On alla près de son ampli et je fis les branchements en montrant encore une fois à Eleanor comme on faisait pour qu’elle puisse le faire seule quand je ne serais pas là.

-Tu me passes le micro deux secondes ?

Elle me le donna et je me plantai à côté du beau sapin installé dans la salle.

-Hum… Votre attention s’il vous plait. Je me présente, Brent Hughes de chez MTI. Ce soir, en avant-première, j’aimerais vous présenter une toute nouvelle artiste. Une jeune fille originaire de L.A. ! Veuillez applaudir Eleanor Harris qui va nous interpréter sa chanson de Noël préférée !

Sur quoi, je rendis son micro à la fillette en lui faisant un clin d’œil.

C’était trop chouette de pouvoir chanter dans un vrai de vrai micro, comme les vraies de vraies chanteuses ! Je me sentais comme sur une scène avec l’ampli qui amplifiait ma voix ! Oh, je venais de comprendre pourquoi ça se nommait comme ça ! J’avais tout le loisir de jouer à chanter autant que je voulais pendant que maman et tonton Brent discutaient entre eux.

- C’est une façon de voir les choses qui me plais bien. Nous avons beaucoup de chance de t’avoir auprès de nous.

Peut-être qu’à force de chanter dans le micro, je pourrais espérer pouvoir chanter dans la chorale de la mission, avec maman et les autres bénévoles. Maman m’offrit un beaucoup grand sourire quand je soumis l’idée et tonton Brent, lui, croyait que j’irais très loin avec mon talent pareil. Pareil à quoi ? Je ne le savais pas !

- C’est où, très loin ?

Ça non plus je ne le savais pas mais ça m’étais égal pour tout de suite, je voulais continuer de m’amuser de m’amuser. Après tout, c’était noël !

- Ça ne serait pas charitable que de trahir ton frère. Je crois au karma et à la divine justice.

Brent avait encore des cadeaux de la part du Père Noël pour nous, je n’en revenais pas ! Nous avions vraiment beaucoup de chance d’être autant gâtées, ma mère et moi. Je découvris dans mon autre paquet, de beaux habits, tout comme maman. Je rigolais de bonheur en plaçant les vêtements devant moi pour voir s’ils m’allaient bien, sans les porter réellement.

- Nous en avons de la chance, hein, maman ?

- Oui, beaucoup Eleanor. Tu seras très belle là-dedans.

Ensuite, nous avions fait le trajet vers St-John’s dans la belle voiture de Brent. Il avait des sièges en cuir et maman me faisait des singeries dans le miroir. Elle était toujours drôle comme ça, ma maman. Je rigolais bien à lui rendre ses mimiques sous l’œil amusé de tonton Brent qui conduisait.

J’entrais dans la grande salle de la mission en courant pour grimper sur un tabouret qui tournait. J’adorais ce tabouret. Je le faisais toujours pivoter très vite, le plus vite que je pouvais parce qu’ensuite j’avais la tête qui tournait et c’est ça qui était très drôle.

- Oui mais c’est pour ç qu’il faut qu’il tourne. Pour avoir le tournis. Tu devrais essayer, tonton Brent !

Maman lui fit enfiler un tablier et un filet à cheveux. Je trouvais que cela lui allait très bien même si ça lui faisait une drôle de tête. J’allais faire équipe avec Brent. Il allait remplir et donner les petits bols de soupe et moi, je donnerais les petits pains ronds. Tout ce qu’il devait dire était []i]bon appétit[/i] et joyeux noël s’il en avait envie et comme il se débrouillait très bien, je l’abandonnais pour aller rejoindre Amber Tucker. Sa famille venait régulièrement manger à la mission et Amber et moi, adorions jouer ensemble.

Maman et Brent, eux, continuaient de distribuer de la nourriture aux gens faisant la file.

- Cela serait un très beau geste et apprécié. Nous ne croulons pas sous les dons ici. Beaucoup de bénévoles achètes aux mêmes au supermarché pour assurer une bonne distribution de la nourriture.

J’allais retrouver Brent, après avoir partagé un bol de souper avec Amber et je lui demandais s’il était temps pour moi de chanter ma chanson. Il acquiesça et installa l’ampli avant de me présenter, comme si j’étais une vraie de vrai chanteuse. Wow, j’avais sans aucun doute plein d’étoiles dans les yeux et, quand Brent me redonna mon micro, sans timidité, je me lançais. Je regardais la salle, les gens qui mangeaient en me regardant et maman qui s’était rapprochée de Brent et qui prit son bras avec le sien.

Nous avions vraiment beaucoup, beaucoup, beaucoup de chance de l’avoir avec nous !