Je n’en avais presque pas dormis de la nuit.

Déjà, l’attitude de Ward, plus qu’exécrable m’avait grandement refroidi. Je trouvais aussi un peu intense son désir que je fasse carrière alors qu’il avait aussi dit que peu importait ce que je décidais, il me soutiendrait. Il n’en donnait pas l’impression, en tous les cas !

Puis le fait d’entrer chez MTI me nouait l’estomac. Je ne voulais pas croiser Don, je n’étais pas en état pour ce genre de rencontre et je ne voulais pas voir la satisfaction sur son visage si je lui disais que j’avais rendez-vous avec l’un de ses managers. Je savais que si j’en étais là, ce n’était pas parce qu’il aurait tiré les ficelles et que je me devais de passer par-dessus ça mais c’était encore trop gros pour que je puisse le faire.

C’est donc encore toute chamboulé par l’accueil plus que froid de Ward envers Shane et ma nuit presque blanche que je pris rendez-vous avec Timmy Evans. Heureusement pour moi ( ou pour Shane ) le manager de MTI pouvait me rencontrer ce matin. Il semblait avoir été heureux que je le contact, peut-être que je ne lui avais pas laissé l’impression que je le ferais, lors de notre conversation à New York. Je m’étais gardé de lui dire que je ne viendrais pas seule, je ne voulais pas débattre de ce sujet au téléphone.

En personne, c’était mieux.

Shane avait enfilé un pantalon sans trou et une chemise propre, il avait presque l’air d’un garçon de chœur, fringué comme ça. Moi, j’avais choisi une robe toute simple et j’avais laissé mes cheveux libres. Ainsi, je pourrais en enrouler une mèche autour de mon doigt si je me sentais trop nerveuse. J’appelais ensuite un taxi quand il fut temps de partir, ne poussant pas ma chance jusqu’à demander à Ward de nous prêter sa voiture ou de jouer notre chauffeur. Son attitude au matin n’avait pas été mieux que la veille.

Dans le taxi, Shane m’avait répété plusieurs fois qu’il pouvait se prendre une chambre très bas de gamme dans un motel tout aussi délabré mais je refusais cette proposition. Ward allait devoir marcher un peu sur son orgueil et comprendre que charité bien ordonné commençait pas soit même ! Il avait voulu prendre en main on avenir sans tenir compte de celle de Shane à qui appartenait la démo qu’il avait volé ? Il devait donc assumer un minimum de responsabilité dans le bien être de mon ami. Je réitérais que nous n’en serions pas là s’il avait demandé la permission avant de saisir l’opportunité de me lancer dans le monde du show business.

Chez MTI, une gentille dame à l’accueil nous dirigea vers le bon étage et prévenu la secrétaire de Timmy Evans de notre arrivée. Ensuite, cette secrétaire elle aussi très aimable nous demanda d’attendre dans un petit salon prévu à cet effet. On se serait presque cru dans une clinique de médecine familiale. Je croisais des jambes et je tapais du talon, faisant sautiller ma cuisse du dessus et j’enroulais une mèche de cheveux autour de mon doigt. Shane me demanda au moins quarante douze fois si j’étais nerveuse et je lui répondis au moins autant de fois que je ne l’étais pas.

Je mentais.

Puis la secrétaire se leva et s’approcha de nous pour nous inviter à la suivre. Monsieur Evans était prêt à nous recevoir. Elle nous laissa devant la porte qu’elle ouvrit et, quand nous fûmes à l’intérieur du bureau, elle referma la porte derrière nous. Shane s’approcha le premier pour serrer la main du manager qui, à moins que je ne me trompe, semblait surprit de me voir accompagnée.

Il allait vite comprendre.

- Bonjour Monsieur Evans. Merci d’avoir accepté de me rencontrer avec un délais aussi court. Les choses ont beaucoup évoluées de mon côté. Je vous présente Shane O’Brien, il a fait Grease avec moi et c’est lui qui a composé la chanson que vous avez reçue.    

Je n’avais point encore été voir Stone depuis que la nouvelle de son retour m’était parvenue. Lui et la chanteuse, Livia, avait fini par être retrouvé après plusieurs jours de recherches intenses de la part des autorités angolaises et américains. Si leur état physique était, au départ, préoccupant, ils ont, finalement, pu être rapatrié à Los Angeles après plusieurs jours d’hôpital.

Je devais avouer que j’étais soulagé par cette nouvelle. Bien que la relation entre moi est Stone est plutôt conflictuelle, je respectais le chanteur qu’il était et, en aucun cas, je n’aurais souhaiter qu’il lui arrive malheur. Quoi que certains en pensent, d’ailleurs… Donc, certains de mes amis proches qui avait trouvés que mes recherches de remplaçants étaient bien trop hâtives. Il était, pourtant, de mon devoir d’aller de l’avant si jamais un malheur était arrivé.

Mais ce n’a pas été le cas et il faudrait, désormais, attendre que Stone se remettre. Entre cela et la maladie de Savannah Prescott, j’étais certain que le prochain album de The Burning Fire n’allait point sortir sous peu… Et tout ceci commençait sérieusement à m’inquiéter au point que j’avais commencer à arpenter les bars en recherches de nouvelles pépites étant donné que je n’avais, encore, eu aucune nouvelle de la part d’Eleanor Harris depuis notre dernière discussion. Une jeune chanteuse qui me semblait très indécise vis-à-vis de signer pour MTI étant donné son lien avec Don Hughes. Je pouvais comprendre ses réticences mais, à un moment donné, elle allait devoir faire un choix afin que je puisse oui ou non savoir si je pourrais compter sur elle ou non.

Et, il semblerait que je finisse par avoir une réponse à cette question car, à ma grande surprise, j’avais reçu un appel d’Eleanor qui souhaitait prendre rendez-vous afin que nous discutions. Je la croyais toujours à New York mais il semblerait qu’elle soit rentrée plus tôt que prévu. De mon avis, il s’agissait d’un très bon signe et c’est ainsi que j’avais donné rendez-vous avec la jeune artiste ce matin même.

J’avais repris mon travail en attendant le rendez-vous et c’est un peu avant l’heure du rendez-vous que ma secrétaire me prévint qu’Harris était là. J’avais demandé à ce qu’on la fasse entrer. Et c’est quelques instants plus tard que ma secrétaire revint accompagnée d’Eleanor et d’un homme… J’étais surpris. Je ne m’attendais point à ce qu’Eleanor vienne accompagnée. Elle ne m’avait point prévenu de cela ce qui me laissa quelque peu perplexe.

L’homme m’avait tendu la main et je la lui serrai poliment. Eleanor me salua ensuite présentant son ami comme étant Shane O’Brien. Ainsi, tout s’éclairait. C’était l’homme qui avait composé la musique sur la démo.

-Bonjour Eleanor.

Je me tournai vers Shane.

-Heureux de faire votre connaissance, Monsieur O’Brien. Installez-vous tous les deux.

Je leur avait montré la petite table basse entourée de siège qu’il y avait dans un coin de mon grand bureau. Je trouvais ça plus conviviale pour discuter.

Une fois tous installé, je me permis tout de même de dire :

-Je dois avouez être surpris de votre présence, Shane. Eleanor ne m’avait pas dit que vous l’accompagneriez.

J’aurais préféré, sincèrement, qu’elle me le dise. Je n’aurais pas été contre de rencontrer, en même temps qu’elle, le compositeur de la démo. Ceci étant dit, je poursuivis.

-Je ne m’attendais pas à être contacté sitôt. Pas avant le printemps. Mais je dois dire que je suis agréablement surpris par votre initiative. Avez-vous réfléchis à ma proposition, Miss Harris ?

Car nous étions là pour cela, c’était un évidence.

Shane me faisait rire alors que nous attendions qu’on nous donne l’autorisation d’entrer dans le bureau de Monsieur Evans. Il imitait les mimiques qu’avait eu Ward la veille et si hier je ne l’avais pas trouvé très drôle, de voir Shane prendre un regard qu’il voulait dur et fermé était hilarant. Évidement, je riais le plus discrètement possible, cachant mon visage dans ma main tout en déployant des efforts magistrales pour ne pas éclater de rire. Mais c’était tellement drôle et très près de la réalité.

Rire me permettait aussi de me détendre ce qui était plutôt avisé. J’étais stressée vis-à-vis de cette rencontre. Je l’avais si souvent mise de côté dans ma tête, sans succès, soyons honnête,  que ça me semblait un peu surréaliste d’être assise dans la salle d’attente de MTI. Je ne savais pas comment cela allait se passer, si Monsieur Evans allait bien accueillir mon envie de former un duo avec Shane. D’un autre côté, il serait un peu fou de passer à côté de cette proposition. Si la chanson était excellente, c’était majoritairement grâce au talent d’auteur-compositeur de Shane et il chantait également très bien.

La secrétaire vînt nous trouver pour nous dire que Timmy Evans était prêt à nous recevoir. Je regardais Shane et lui offrit un petit sourire timide puis je soufflais avant de me lever et de me diriger vers la porte que nous ouvrait la secrétaire.

Le bureau était à l’image du décor général de la tour. Tout était esthétiquement parfait, comme si rien ne dépassait, rien n’était de travers. Je voyais ça comme si la folie ne pouvait côtoyer le génie. Ça donnait l’impression d’être très solennel. Pourtant, je pensais à Lola, à Shiri, à The Lightening pour ne nommer que ceux-là et ce qui me venait en tête n’avait rien de solennel.

Timmy Evans nous accueilli, serra nos mains et nous invita à s’assoir dans les fauteuils devant sa table de travail. Tout comme dans la salle d’attente, je tambourinais du talon, jambes croisées, dissimulant mal ma nervosité. Pourtant, je n’avais pas besoin d’être autant nerveuse ! J’avais attiré l’attention d’un de plus grands manager de Los Angeles ! La plus grosse étape était franchie. Le reste ne représentait donc que des formalités, non ?

Timmy ne cacha pas sa surprise avec la présence de Shane ce à quoi mon ami répondit d’un haussement d’épaule et d’un petit rire avant d’ajouter :

- Sacré Nell ! Une vraie petite cachotière ! À vrai dire, je ne l’avais moi-même pas prévenu de mon arrivée.

Donc, nous étions tous surprit !

Le manager recentra son attention sur moi, s’avouant surprit d’avoir de mes nouvelles avant le printemps, soit, avant la fin officielle de Grease. Peut-être n’était-il pas au courant des déboires qu’avait connue la production et des raisons qui faisaient en sortes qu’on ait tous été remerciée avant la fin de nos contrats. Ça n’avait plus vraiment d’importance, je faisais mon deuil de ce qui fut l’une des plus belle expérience de ma vie.

- Je ne pensais pas rentrer si tôt mais… Me voilà !

Quant à savoir si j’avais réfléchie à sa proposition…

- Elle à été omniprésente dans ma tête, bien malgré moi. Il est difficile de ne pas penser à une proposition comme celle-là. Mais quand je ne voulais pas y penser, on faisait en sorte de me le rappeler.

Coucou Ward, Shane, Pamela et compagnie !

- C’est pour ça que je suis ici, enfin, que nous sommes ici, Shane et moi. Je…

Je regardais Shane comme si je cherchais dans son regard la bonne formulation de mon idée. C’était pourtant simple, je n’avais pas besoin de tergiverser pour me lancer !

- Shane est un auteur-compositeur de talent, comme vous l’avez remarqué dans la démo que mon petit ami vous a envoyé. Et voilà le pourquoi de sa présence ici avec moi. Nous avons beaucoup discuté et il nous semblait plus normal de former un duo. Je me sentirais plus confortable en étant deux plutôt que moi. Juste moi, je veux dire.

- Pas que moi ça me dérange que Ward ait envoyé ma démo sans me le demander mais comme c’est mon travail qui met le talent de Nell en vedette, on s’est dit que ce serait chouette de travailler ensemble.

Je ne m’attendais point à ce qu’Eleanor vienne accompagnée. Je ne cachais point ma surprise. J’aurais, de ce fait, aimé être prévenu. Seulement, il semblerait que l’homme, nommé Shane O’Brien, se soit lui-même imposé à Eleanor. Il s’agissait du compositeur de la démo. Un homme qui aimait s’imposer, donc et sans prévenu qui plus est…

-Je vois…

J’avais dit cela d’un ton neutre alors que je repris témoignant de ma surprise d’avoir été contacté si tôt par Eleanor. A vrai dire, je ne m’attendais point à ce qu’elle donne signe de vie avant le printemps et la fin de son contrat avec la comédie musicale, Grease. Elle non plus ne pensait pas finir aussi tôt mais le fait est que c’était le cas. Elle ne me donna point plus de détails sur les raisons bien que, finalement, ça n’avait que peu d’importance.

Elle avoua que ma proposition avait accaparé son esprit. Visiblement, elle en avait fait part à son entourage qui avait fait en sorte qu’elle ne l’oublie point. Sans doute que certains, autour d’elle, l’avait poussé à accepter. Il faut dire que ce genre de proposition n’arrivait pas souvent dans une vie.

-Je me doute que ça a dû vous tarauder l’esprit. Ce n’est pas le genre de proposition qu’on reçoit tous les jours en tant qu’artiste amateur.

Elle affirma, donc, être ici pour ça… Elle et Shane, bien sûr… Je me tus la laissant continuer. Et c’est de Shane dont elle fit la promotion. Elle affirma qu’il était un auteur et compositeur de talent… J’avais écouté de nombreuses fois la démo d’Eleanor après l’avoir rentrée à New York et je n’étais pas aussi certain qu’elle quant au talent de son ami. C’est bien le timbre de voix d’Eleanor, sa technique et l’émotion qu’elle faisait passé qui m’avait convaincu de la contacté. En dehors de ça, la composition en elle-même n’avait rien de bien extraordinaire tout comme les paroles de la chanson… Ainsi, je voyais en Eleanor une perle et en Shane un compositeur moyen… Je me sentais, donc, bien ennuyer d’apprendre de la bouche d’Eleanor qu’elle et Shane se voyait comme un duo.

La jeune femme ne semblait pas se voir briller seule… Si ce n’était que ça, je pouvais lui trouver un compositeur… J’en connaissais qui avaient beaucoup de talents… Et O’Brien en rajouta disant que c’était son talent qui mettait la voix d’Eleanor en avant. Ainsi, il semblait sûr de lui.

-Je dois être franc… Je me suis passé la démo en boucle et je pense plutôt que sans la voix d’Eleanor, cette composition n’aurait en rien attiré mon attention. Sans vous offensé, bien sûr, Monsieur O’Brien… C’est son talent qui sublime tout cela.

En d’autre terme, j’étais persuadé qu’Eleanor pouvait encore faire mieux avec un autre compositeur. Quelque de plus talentueux qu’O’Brien. Cependant, je voulais tout de même bien écouter O’Brien me défendre son point de vue. Ainsi, je fixai l’homme afin de pouvoir mieux le jauger. Je ne devais pas fermer la porte sur lui trop vite même si la première impression qu’il m’avait laissé était plus que moyenne.

-Mais parlez-moi un peu de vous, Monsieur O’Brien. Vous travaillez dans la musique depuis longtemps ? Avez-vous d’autres compositions à me faire entendre ? Les avez-vous sur vous afin que je puisse me faire une meilleur idée de ce dont vous êtes capable ? Vous jouez vous-mêmes d’un instruments ou bien vous ne vous contenter que d’écrire les partitions ?

Shane et moi voulions former un duo.

C’était pour cette raison que nous étions tous les deux présents dans le bureau de Timmy Evans. J’étais prête à exposer l’idée mais il me fallait tout de même le courage de le faire surtout que, là, dans le bureau du manager, il me semblait bien plus sérieux que lors de notre rencontre à New York. Pour dire vrai, ça me donnait l’impression d’être en interrogatoire dans le bureau du principal de l’école.

Timmy n’avait pas espéré avoir de mes nouvelles avant le printemps soit, à la fin de mon contrat avec Broadway mais comme les choses ne s’étaient pas passées comme prévu, j’étais rentrée à Los Angeles. Je ne lui cachais pas que sa proposition avait été omniprésente dans mes pensées malgré mes efforts pour la tasser dans un coin de ma tête.  Quand ce n’était pas Ward qui revenait à la charge avec ça, je pouvais compter sur Pamela et Shane pour ramener le sujet sur le tapis.

Timmy disait comprendre et ça me fit sourire. Il était compréhensif, ça aidait à la discussion, forcément. Si je le sentais fermé, je me serais probablement recroquevillé sur ma chaise jusqu’à disparaitre, laissant Shane mener la barque pour nous deux.

J’entrais donc dans le vif du sujet, puisque nous étions ici pour cette raison et parce que je savais que Shane et moi ne pouvions pas retourner à la maison sans avoir quelque chose de tangible à offrir à Ward faute de quoi, il serait encore plus grognon. Ça me puait tellement au nez son attitude de ronchon alors qu’il avait lui-même placé toutes les cartes pour en arriver là.

Je ventais les mérite de Shane, un auteur-compositeur de talent qui avait su sublimer mon propre talent avec le sien. C’était un tout, une boucle bouclée. L’un sans l’autre, nous ne serions pas assit ici aujourd’hui, ça me paraissait évident et par conséquent, nous voulions former un duo. Moi, ça m’arrangeais plutôt bien parce que je n’avais jamais voulu être seule sur scène c’était pour cette raison que de prendre part à des productions comme Grease me plaisait autant. Je n’étais pas seule sur scène.

Je m’attendais donc à une réponse favorable de Monsieur Evans qui, contre toute attente, affichait un air fermé pendant que Shane et moi parlions. J’en avais, du coup, des palpitations et presque le souffle court, comme si j’étais à bord de wagon de montagne russe sur le point de faire sa première descente vertigineuse vers le vide.

Timmy ne passa pas par quatre chemin pour dire que, après plusieurs écoute, c’était ma voix qui mettait en beauté la composition de Shane. Je fronçais des sourcils, un peu décontenancé par autant de franchise. Je restais sans voix ensuite car il continua en bombardant de questions Shane qui lui, ne semblait pas ébranlé le moins du monde.

- J’ai une dizaine de production du genre de Grease à mon actif alors ouais, j’crois que j’ai une certaine expérience et là, tout de suite je n’ai pas avec moi mes compositions mais donnez moi une guitare ou un piano et je vous en fait entendre. J’en ai dans tous les styles, vous savez, parce que je suis polyvalent et que la pression, je gère ! Donc, ouais, je joue de plusieurs instruments, bazingua !

Je posais ma main sur le bras de Shane que je sentais un tantinet irrité ou peut-être simplement était-il nerveux par la rencontre qui ne prenait pas tout à fait la direction que nous l’avions souhaité.

- Monsieur Evans, je voudrais que ce soit clair immédiatement. C’est Shane et moi ou rien du tout. Ce n’est pas un truc que je décide sur un coup de tête, nous en avons beaucoup discuté et de toute façon c’est ce que je veux. Il me semble que ça doit compter quand même un peu, non ?

Si je me réjouissais qu’Eleanor semblait avoir décidé de signer, je restais dubitatif quant à la présence non-prévue de Shane O’Brien à cet entretien. Certes, il était le compositeur de la démo mais s’il avait bel et bien attiré mon attention, je l’aurais contacté. Or, le seul défaut de la démo était sa composition. Sans la voix d’Eleanor, cette démo sera allée à la poubelle comme bien d’autres de celles qui tombent sur mon bureau.

Ainsi, j’avais été franc avec eux. Si Eleanor semblait voir Shane comme un grand compositeur qui mettait en valeur sa voix à elle, je n’étais pas du tout du même avis. J’avais, aussi, l’impression qu’elle mettait en avant son ami bien plus qu’elle-même. Comme si elle voulait s’effacer derrière lui. Or, c’est bien sa voix à elle et sa personne à elle que je comptais mettre en avant. J’avais dans l’idée de l’entourer de musiciens de sessions expérimentés et de compositeurs bien plus doués qu’O’Brien.

Mais loin de moi l’idée d’éliminer Shane avant de le connaitre mieux. Peut-être cette démo n’était point représentative de son talent, après tout ? Ainsi, je lui laissais une chance de me montrer ce qu’il pouvait faire mais, surtout, d’en apprendre plus sur son parcours.

Il se défendit. Il avoua avoir une dizaine de production à son actif. Parlait-il de production du style d’une comédie musicale ? Je ne cherche pas un comédien que je sache… Quoi qu’il en soit, je le laissais continuer et il expliqua ne pas avoir pris ses compositions avec elle. Ainsi, il était venu ici avec, visiblement, la certitude que la démo suffise alors même que je ne l’avais point contacté. N’était-ce pas un peu présomptueux, cela ? Je n’aimais point les gens présomptueux surtout quand ils n’avaient encore point réellement fait leurs preuves. Il disait que je pouvais lui donner un guitare et un piano et il pouvait me montrer. Cela aussi, il aurait dû penser à les prendre. Il affirma alors être polyvalent et savoir gérer la pression. En gros, il semblait sûr de lui.

Trop à mon goût. Et je devais avouer que son genre ne me plaisait guère.

-On dirait, Monsieur O’Brien, que vous vous êtes présenté ici de votre plein gré avec la certitude que j’allais vous engager… Vous auriez pu apporter un guitare afin de me montrer vos talent ou bien une autre de vos compositions. Cela m’aurait montré que vous n’aviez pas pensé que l’affaire était déjà dans le sac. Or, si elle l’avait été, je vous aurais aussi contacté quand Eleanor m’avait parlé de vous à New York… Après qu’elle m’ait parlé de vous, j’ai réécouté cette démo et n’ayant pas été convaincu, je ne vous ai pas appelé.

Je tenais à être franc. Je n’aimais pas les gens présomptueux. J’aurais voulu que Shane prenne les choses moins à la légère que cela.

Cependant, Eleanor déclara qu’elle ne signera point de contrat sans Shane. Elle affirma que c’est ce qu’elle voulait et que ça devait, sans doute, compter. Encore une fois, j’allais être franc.

-Quand je signe un artiste, un duo ou un groupe, Eleanor, je dois en voir l’ensemble. Si l’ensemble me plait alors, je fais signer tout le monde. Je vous aime en tant que chanteuse mais je ne suis pas convaincu par le duo que vous former avec Shane. Et votre ami n’est venu avec aucune composition pour me faire penser le contraire. J’aime Eleanor Harris la chanteuse mais je ne suis pas prêt à faire signer le duo Harris-O’Brien.

Surtout que j’avais l’impression qu’Eleanor en profitera pour se cacher derrière Shane ce qui risquait de largement porter préjudice aux productions qu’ils feront. En gros, je ne sentais point ce duo.

-Si vous voulez une anecdotes. Sachez que, quand j’ai découvert The Burning Fire, je les ai trouvé bon mais leur batteur manquait cruellement de talent. J’ai été franc avec eux… Je leur ais dit que je voulais bien les faire signer mais qu’ils devaient changer de batteur. Après réflexion, ils ont finit par accepter et Howard Stone à rejoins je groupe. La suite de l’histoire, vous la connaissez et le groupe n’a jamais regretté d’avoir suivi mon exigence. Je l’avais faite car je savais que c’était le seule moyen pour que The Burning Fire réussisse. Nous sommes dans le même cas de figure, ici, Miss Harris. Je peux vous trouver de très bons compositeurs et vous entourer de musiciens. Vous ne serez pas seule.

Et je ne comptais point changer d’avis.

-J’en suis navré, Monsieur O’Brien. Je préfère être franc. Ce n’est pas contre vous.

Plus la conversation avançait, plus ma déception grandissait. Je n’avais pas besoin que Monsieur Evans me peigne une belle et grande fresque pour que je comprenne qu’il ne partageait pas mon point de vue sur le talent de Shane. Je ne comprenais pas ce qu’il lui fallait pour qu’il voit que mon ami avait réellement du talent et que c’était sa composition qui avait fait tout le travail. Je n’avais rien fait de plus que de prêter ma voix.

Puis Timmy s’intéressa à Shane et son parcours. Il avait une bonne expérience de la scène, non pas comme chanteurs, certes mais il cumulait les comédies musicales ce qui à mon avis, était similaire, voire supérieur puisque d’acter tout en chantant, ce n’était pas donné à tout le monde.  Il fallait savoir être alerte, toujours être bien placé, au bon endroit pour que toute la chorégraphie puisse s’enchainer. C’était beaucoup de travail et très pensant.

Shane avait aussi beaucoup de compositions. Il m’avait fait l’honneur d’en lire plusieurs et je ne saurais dire laquelle était la meilleure tant j’étais fan de son travail !  Seulement, il n’avait rien apporté avec lui, non plus qu’il avait sa guitare et encore moins un piano, ça se trimballe mal d’ailleurs un piano, dans son sac à dos.

J’étais triste pour Shane qui subissait le rejet du manager, sans management. Une chose était certaine c’est que je savais maintenant que je ne signerais jamais avec un homme qui faisait preuve d’autant d’étroitesse d’esprit.

- C’est moi qui voulait absolument qu’il vienne ! Et puis vous m’avez jugé que par la démo que vous avez reçue, vous ne m’avez pas demandé de vous chanter d’autres chansons, à moins que ce que vous avez vu sur scène vous ait suffit, en ce cas, vous devriez avoir la même appréciation du talent de Shane.

- Je ne pensais pas que l’affaire était dans le sac. J’ai cru que vous aviez appréciez l’ensemble de la démo mais on s’est trompé.

Shane me tapota la cuisse et me servit un petit sourire qui cachait mal sa déception. Je n’eu pas la force de lui retourner le même genre de sourire. Cependant, je ne mentais pas à Timmy Evans en lui disant que je n’étais pas intéressée de signer sans Shane. Mon ami resserra un peu sa poigne sur ma jambe et m’envoya un regard qui voulait tout dire. Il ne voulait pas que je passe à côté de cette chance à cause de lui. Qu’il en pense ce qu’il voulait, mon idée était faite et personne ne me ferait changer d’avis.

- Et bien, vous me voyez navrée Monsieur Evans. Je ne signerai pas sans Shane, je dois donc décliner votre offre.

J’étais désappointée mais en même temps, je n’avais rien souhaité de ce qui aurait pu se produire. On me l’avait imposé alors je me disais que le refus de Timmy Evans n’était qu’une preuve de plus que cette vie là n’était pas pour moi et que j’avais eu raison d’être réticente.

Timmy avait une anecdote pour nous, celle de la création de The Burning Fire.  J’étais triste de l’entendre, cette anecdote. Elle me faisait plus l’effet de l’histoire du jour où Timmy Evans avait détruit le rêve d’une personne, plutôt que celle du jour où il avait découvert Howard Stone. Il termina son histoire en réitérant que chez MTI je serais bien entourée mais je secouais négativement la tête.

- Ce sera inutile, je vous remercie pour la proposition et je suis désolée de vous avoir fait perdre votre temps.

Timmy s’adressa ensuite à Shane en se disant désolé mais que la franchise était ce qu’il préférait.

- Sans rancune M’sieur Evans. Je comprends ça, faut pas s’en faire.

Mon ami se leva le premier puis je l’imitais. Il tendit sa main au manager et le remercia d’avoir au moins prit le temps de discuter avec lui. Quant à moi, j’étais profondément triste du rejet que Shane essuyait d’un simple revers de la main.  

Je devais avouer que l’attitude présomptueuse d’O’Brien ne me plaisait que très peu. Cependant, Eleanor vint à sa rescousse déclarant que c’était elle qui avait voulu absolument qu’il vienne. Si c’était le cas alors elle aurait dû passer un coup de fil afin de me prévenir… Mon regard s’était reposée sur elle alors qu’elle ajouta que, à elle, je ne lui avais point demandé d’autres preuves de son talent. Elle se demandait, ainsi, pourquoi Shane ne pouvait point subir le même traitement. N’avais-je point été claire.

-Parce qu’il y a une différence. Vous, Miss Harris, c’est moi qui ait fait le premier pas vers vous après l’écoute de cette démo. Ici, c’est Shane qui fait le premier pas vers moi. Je ne l’avais pas sollicité n’étant pas convaincu par sa composition… Ainsi, c’était à lui d’essayer de me convaincre. Mais il est venu les mains dans les poches.

La différence me paraissait parfaitement claire. Harris m’avait convaincue par son chant sur la démo. J’étais venu vers elle. Shane ne m’avait point convaincu. C’est lui qui est venu vers moi. C’était à lui de me convaincre.

Le jeune homme se défendit clamant qu’il ne pensait pas que l’affaire était dans le sac. Il avait pensé, à tort, que j’avais apprécié l’ensemble de la démo.

-Excusez-moi si je vous ais fait penser le contraire, Monsieur O’Brien.

Je pouvais voir que la jeune femme était déçue mais je n’avais pas envie de céder alors qu’ils cherchaient à, quelque part, me forcer la main. Car dire que c’était le signer tous les deux ou ne pas les signer du tout était une façon de me forcer la main. Or, je ne sentais pas du tout ce duo.

Je mis en avant des explications et des arguments, mais le choix d’Eleanor était fait et elle s’empressa de décliner. Je trouvais cela bien dommage mais je ne croyais pas en ce duo. Je ne pouvais pas signer pour un projet auquel je ne croyais pas.

Dans une dernière tentative d’ouvrir les yeux à Harris, je racontais les débuts de The Burning Fire. Mais ça ne la convainquis pas.

-J’en suis navré, Mademoiselle Harris. Sachez que vous ne m’avez pas fait perdre mon temps et que si vous changer d’avis, ma porte vous sera ouverte.

Je m’étais, aussi, excusé au jeune Shane qui semblait ne point m’en tenir rancune. Il était peut-être présomptueux mais au moins avait-il la décence d’accepter mon choix.

Je lui serrai la main et les laissais partir, déçu de l’issue de cette entrevue.