-Foutues critiques à la con !

C’est ce que je lançai après avoir violemment éteint la radio à la fin des critiques cinéma alors que je conduisais vers le Canters Deli en quête d’un repas bien mérité après une journée aux studios. Je venais d’entendre « l’expert » en cinéma donné sur avis sur le pilote de la série de Maxwell qui était sorti sur les petits écrans pas plus tard qu’hier. Il n’avait que de bons foutus mots pour les acteurs mais, ce qui m’avait le plus choqué, c’était qu’il avait mis en avant que la qualités des effets spéciaux de la série Galactic Wars prouvait que Spaceship pouvait faire mieux que ces foutus décors en papier mâché.

Ce n’est pas du papier mâché ! Les choses sont bien plus complexe qu’il n’y parait !

A partir de là, il était rentré dans un comparaison douteuse entre ma série et celle de Maxwell. Il disait que Maxwell, lui au moins, était terre à terre et ne vivait pas dans le monde de bisounours de Shran. En gros, Maxwell représentait bien l’idéologique américaine patriotique alors que, moi, je n’étais qu’un foutu utopiste un peu communiste sur les bords.

C’est quoi cette critique ?

Je n’en sais rien mais elle eut le don de me faire franchement fulminer. Au point où j’avais éteint cette foutue radio. Si la radio n’avait rien de mieux à dire, elle n’avait qu’à se taire !

Putain, tout ça m’avait presque coupé l’appétit !

Vous savez ce que j’aurais dû faire ? M’arrêter de conduire. Parce que, théoriquement, je ne pouvais même pas être au volant de ma voiture. J’avais perdu mon permis en 1975 après un accident où j’étais en tort. Sauf que je n’avais jamais pu le récupérer étant donné ma condition d’épileptique et les médicaments que j’étais obligé de prendre. J’avais dû prendre un chauffeur après ça mais je n’avais jamais réussi à garder le même chauffeur plus de trois mois d’affilés car j’arrivais toujours à me disputer avec ! Alors, je m’étais résigné à prendre souvent le taxi et, de temps en temps, comme aujourd’hui, je prenais le risque de conduire moi-même. Surtout que j’adorais ma nouvelle bagnole qui n’était autre qu’une BMW AC Schnitzer de sport noire.

Je n’aurais pas dû. Parce que l’énervement que je venais de subir en écoutant cette bête émission à la con fut suffisante pour enclencher une crise que je ne vis pas venir. Rien de bien effrayant en fait. Mon cerveau déconnecta et mes yeux se mirent à cligner de façon répétitives pendant exactement 10 secondes. Ça m’arrivait de temps en temps et, souvent, ça passait inaperçu sauf si j’étais en train de discuter avec quelqu’un.

Sauf que là, j’étais au volant et quand mon cerveau reconnecta, j’avais mal à la tête, ma voiture était arrêtée parce que je venais de rentrer dans une autre bagnole à un foutu carrefour. Je fus désorienté quelques secondes avant de me rendre compte que je venais de faire un foutu accident.

-Putain !

C’est ce que je lâchai alors que je regardais mon visage dans le rétroviseur central. J’avais une marque sous l’œil gauche mais rien d’autre ce qui prouvait que le choc n’avait pas été si rude que ça.

A première vue en tout cas.

Je n’avais absolument rien senti !

Je tremblais un peu à cause de la crise et je secouai un rien la tête pour me remettre les idées en place.

-Putain, je vais me faire démolir…

Par les flics… Enfin, si les flics arrivent. Il y avait peut-être moyen de régler ça à l’amiable. Je voulais bien payer pour ma foutue paix !

Je sortis de ma voiture tout doucement en tremblant un peu et ma première pensée fut d’espérer que l’autre conducteur allait bien.

On patrouillait tranquillement sur Hollywood, Conrad et moi… Nous étions en fin de journée et le soleil commençait tout doucement à décliner, parant le ciel de magnifiques teintes oranges et jaunes… Je conduisais, mais ça ne m’empêchait pas d’admirer le paysage alors que la radio diffusait la dernière critique cinéma.

Une nouvelle série allait sortir… Galactic Wars… Je regardais déjà de temps en temps Spaceship avec Grant quand j’étais à la maison au moment où ça passait et je voyais mal comment on pouvait faire mieux.

-Tu as regardé, toi ?

Conrad secoua la tête.

-Non… J’aurais bien voulu, mais je me suis endormi devant la télé et j’ai rien vu, du coup… Et toi ?

Je secouai la tête à mon tour.

-Non… Je suis sorti manger un McDo avec Grant. Il était content… Enfin, aussi content que Grant puisse l’exprimer.

Résultat, on ne saurait pas dans l’immédiat si la série de Maxwell serait mieux que celle de Shran. Mais d’après ce que j’entendais, même si les deux séries se passaient dans l’espace, il y avait un monde entre les deux… Acerbe, le critique affirmait qu’au moins, Galactic Wars ne rendrait pas, contrairement à Spaceship les adolescents gays…

Je regardai l’autoradio en soupirant et en pouffant d’un rire sceptique en même temps.

-C’est n’importe quoi….

Soudain, Conrad s’écria.

-Attention !

Trois voitures devant nous, il venait de se produire un accrochage et j’avais pilé sur le frein dès le cri d’alarme de Conrad, nous projetant légèrement en avant… Mais on ne fonça pas dans la voiture devant nous, qui s’était arrêtée aussi.

L’accrochage n’avait pas l’air bien grave… Le flan de la voiture de notre côté avait percuté l’avant gauche de la voiture qui venait en face. Ce que je ne comprenais pas, c’était pourquoi la voiture devant nous avait dévié alors qu’on était en ligne droite. Comme si le conducteur avait fait un brusque coup de volant.

On sortit de notre voiture de patrouille au moment où le véhicule en tort, celui qui avait fait l’écart, sortait lui aussi de sa voiture et se dirigeait vers l’autre conducteur… Je regardai Conrad.

-Au moins, il va voir si l’autre va bien…

Conrad haussa les épaules.

-Ou il va lui mettre son poing dans la figure….

Mais non, c’était moi qui avais raison. Et on arrivait à leur hauteur juste à temps pour entendre l’homme demander à l’autre jeune conductrice si tout allait bien.

-Bonsoir… Pas de blessé ? Si personne n’a rien, ce serait bien de bouger vos voitures pour rétablir la circulation… On peut vous aider à remplir le constat, si vous voulez…

Je regardai l’homme un peu plus attentivement. Si j’avais l’habitude de voir le nom de Stephen Shran au générique de Spaceship, je n’avais aucune idée de ce à quoi il ressemblait. Surtout en étant pas bleu et sans antennes.

-Vous tremblez… ça va ?

Mon premier réflexe fut de sortir de la voiture… Je n’avais strictement aucun souvenir de l’accrochage. Je me rappelle de mon énervement alors que je conduisais en foutue ligne droite mais, après ça, plus rien jusqu’à-ce que je me retrouver encastré dans la voiture qui était face à moi. Vu le petit bleu que j’avais sous l’œil, je doutais que le choc ait été rude…

J’eus d’abord une pensée pour l’autre conducteur après m’être rendu compte que je n’avais rien. Ce qui me faisait le plus mal était ma tête mais ce n’était pas à cause du choc mais à cause de la crise. Ma seconde pensée alla au fait que j’avais plutôt intérêt à régler ça à l’amiable, quitte à payer un peu plus cher l’autre conducteur !

Une fois sortit de la voiture, je me dirigeai tant bien que ma jusqu’à l’autre conducteur qui sorti de sa voiture à ce moment-là. C’était une jeune femme qui regarda ses dégâts avec inquiétude.

-Vous allez bien ?

Elle se tourna vers moi et hocha de la tête. Elle n’avait pas l’air blessée. Sauf que je ne m’attendis pas à ce que des flics s’en mêle. Deux flics en uniforme qui était là au mauvais endroit au mauvaise moment. Putain, je n’ai vraiment pas de chance, hein ! S’il comprenne que je n’ai pas de permis, ça va mal aller pour moi.

Ils demandèrent s’il n’y avait pas de blessé.

-Non…

Non, vous pouvez partir, maintenant ! Merci ! Sauf qu’ils se proposèrent pour nous aider à remplir le constat. Ouais… Le constat…. Je n’avais aucune foutue idée de ce qu’il s’est passé et je savais bien que c’était moi qui était en tort. Il suffisait de voir la position des voitures pour se rendre compte que j’avais largement dévie de ma bande alors qu’on était en ligne droite. Maintenant, comment j’allais justifier ça ? Mystère ? L’inattention ? Putain, je n’avais absolument rien d’autre !

J’allais répondre avant que l’un des flics ne remarque mes tremblements. Je regardais mes mains avant de dire sur un ton légèrement agacé.

-Ça va… C’est le choc, c’est tout.

J’avais tellement mal au crâne que j’en tremblais. Je fixai les deux flics et tentait de garder mon calme en prenant un ton plus neutre.

-Ça ira pour remplir le constat… On pourra le faire seuls.

Mais la jeune femme n’était pas aussi sûr que moi sûrement parce qu’elle avait peur que je l’arnaque. Ainsi, elle s’adressa aux flics.

-Je veux bien que vous nous aidiez. Merci. Ainsi, je serais certaine que tout est bien rempli.

Je fis une moue avant de soupirer et de lancer d’un ton agacé :

-D’accord… Je vais déplacer ma voiture.

Je me remis à bord et la jeune femme fit de même. On déplaça les voitures qu’on mit sur le côté permettant à la circulation de reprendre son cours normal. Est-ce que j’avais l’air à ce point intimidant pour que la fille ne me fasse pas confiance ? Putain, je n’avais vraiment pas de chance !

Je sortis à nouveau de la voiture… J’avais pris un papier pour le constat… La fille avait fait de même.

-J’ai eu un moment d’inattention… C’est ma faute. Je suis prêt à rembourser tous les dégâts sans même passer par les assurances…

Bah ouais ! Il vaut mieux Stephen ! Tu n’as même plus d’assurance ! Tu n’as même pas le droit d’avoir cette bagnole !

L’Inspecteur Greenly demanda nos permis. La fille sortit le sien et le tendis aux policiers. Je soupirai et je sortis ma carte d’identité vu que je n’avais aucun permis. Pourquoi ? Parce que j’étais Stephen Shran et que, avec de la chance, ça comptera. Ouais. Je sais. C’est mal. Mais si ça peut sauver mon cul, je ne crache pas dessus !

L’accrochage auquel on venait d’assister en direct n’avait rien d’impressionnant. Personne ne roulait au-delà de la limite autorisée, à vue de nez… Et on était en agglomération, en plein milieu d’Hollywood alors la vitesse était vraiment limitée. Mais l’air de rien, même à 30 km/h, il y avait moyen de bien se faire mal, ne serait-ce qu’en percutant le volant avec la tête si le conducteur n’avait pas sa ceinture.

Ça a l’air de rien, comme ça, 30 km/h, mais on avait un outil de prévention routière qui simulait un choc à cette vitesse, non seulement pour montrer l’efficacité de la ceinture de sécurité, mais également pour montrer aux gens que 30 km/h, c’était déjà pas mal quand on percutait un objet fixe comme un arbre par exemple. Si un jour, vous avez l’occasion d’essayer, faites-le, ne serait-ce que pour prendre conscience de la chose.

On était donc sorti de notre véhicule pour aller nous inquiéter des deux conducteurs impliqués. L’homme qui était en tort avait juste un petit hématome sous l’œil, quant à la jeune femme, si elle semblait un peu stressée, elle n’avait pas l’air sous le choc ni blessée…

C’était déjà ça.

Je remarquai seulement en y regardant plus attentivement que le gars tremblait un peu et plissait les yeux comme si le soleil lui tapait en pleine tronche, ce qui n’était pas le cas car le soleil, à cette heure, déclinait derrière les immeubles d’Hollywood.

Il affirma que c’était à cause du choc. Je hochai la tête, compréhensif.

-Personne n’est blessé, ce ne sera que de la tôle et de la paperasse à faire. Ce n’est pas ce qu’il y a de plus marrant mais c’est un moindre mal.

Je lui souris, l’invitant à se détendre. Dans mon métier, j’avais appris que chacun réagissait différemment à chaque situation et que ce qui pouvait sembler anodin pour certains provoquait un grand stress pour d’autre. Ce qui était bizarre, c’était que j’étais capable de compréhension et de compassion quand j’avais mon uniforme, mais j’avais été incapable de le faire avec Nell, par exemple.

Peut-être parce que les gens dont je m’occupais sur le terrain n’étaient que des rencontres ponctuelles… Je ne vivais pas avec… Ouais, ça devait être ça… Sinon, mystère.

Bref… Je proposai aux deux civils de les aider avec le constat… C’était un des services qu’on devait rendre en tant que policier. L’homme affirma qu’ils pouvaient remplir cela seuls. Mais la jeune femme, qui ne devait pas avoir son permis depuis longtemps, elle, sembla rassurée par notre présence et notre offre de service.

Je souris.

-Très bien, on va faire ça. Comme ça, si ça vous arrive encore, vous saurez comment on fait.

Le gars n’insista pas et déplaça sa voiture, de même que la jeune femme. Quand ils revinrent vers nous, sur le bas-côté, en sécurité, je leur souris.

-Les deux voitures roulent encore, apparemment. C’est déjà ça.

Si les réparations se limitaient à de la carrosserie, ça ne leur reviendrait pas trop cher.

Le gars affirma alors qu’il était prêt à tut payer, reconnaissant sa faute due à l’inattention. Il ne voulait pas passer par les assurances, ce qui me parut suspect. Même s’il était en tort, son assurance pouvait intervenir, c’était pour ça qu’il la payait. Alors… pourquoi ?

Je compris quand le gars donna sa carte d’identité à Conrad au lieu de son permis de conduire. Je vis les yeux de mon collègue et ami s’arrondir avant qu’il ne me passe la carte.

-Stephen Shran ? Vous êtes LE Stephen Shran ? Le ralisateur de Spaceship ? T’Kor ?

C’était à moi de le regarder avec de grands yeux, essayant de le maquiller mentalement en bleu et de lui ajouter des antennes. Mais oui ! C’était bien lui !

-Vous n’avez pas votre permis sur vous ?

Les flics… Il faillaient, bien sûr, que les flics soient là. Je savais que si je n’arrivais pas à m’en débarrasser très vite, ça allait mal aller pour mon matricule. Je ne savais pas ce qu’on prenait pour conduite sans permis mais je savais que ça risquait de taxer… Ou pire… Mais je n’avais pas le temps pour le « pire ».

Ils nous avaient demandé si on allait bien et il ne fallut pas longtemps avec qu’un des deux hommes en uniforme ne remarque mes tremblements. J’expliquai que c’était à cause du choc et il tenta de me rassuré disant qu’il y a que de la tôle froissée. Mouais ! Que de la paperasse ! Et quelle paperasse si jamais les flics continuaient de s’en mêler, hein ! Je détestais ce genre de situation !

-Ouais… Pas marrant du tout.

C’est ce que je grommelai avec que moi et la jeune femme on ne déplace nos voitures sur le côté. Elles roulaient encore toutes les deux mais je devais avouer que, pour le moment, l’état de ma bagnole était le cadet de mes soucis. J’avais largement l’argent pour payer les frais de garage de ma voiture et de celle de la jeune femme. Je voulais même lui donner un petit bonus si jamais elle acceptait de ne pas faire fonctionner les assurances… Mais comme elle semblait vouloir que les flics s’en mêlent en nous aidant avec notre constat,  je supposais que je n’allais pas m’en sortir aussi facilement. Surtout qu’ils étaient ravi d’aider… Génial !

Quelle soirée de merde ! Entre la critique que je venais d’entendre, ça et le mal de tête que j’allais me trainer jusqu’à demain matin, j’étais servi !

L’Inspecteur Keller se réjouissait que les voitures roulaient toujours. La jeune femme semblait soulagée de ça elle aussi… Je fis la moue.

-Ouais…

Waw ! Super ! Tout le monde est content ! Tu parles !

Je pris alors les devants proposant de payer tous les frais car j’étais en tort et, surtout, je n’avais aucune envie d’avoir trop d’ennuis. Sauf que l’Inspecteur Greenly ne tarda pas à nous demander nos permis et je dû le résigner à utiliser la pire des bassesses : espérer utiliser ma célébrité pour m’en sortir.

J’avais pas d’autre choix, hein ! Vous seriez à ma place, vous auriez fait pareil !

Et je vis les yeux des deux flics s’écarquiller alors qu’ils étaient en train de comprendre que j’étais Stephen Shran. Ils regardaient Spaceship visiblement parce qu’ils savaient qui je jouais dans ma propre série.

-C’est bien moi… T’Kor… Capable de piloter un foutu vaisseau mais incapable d’en faire de même avec une bagnole…

Ouais… J’avais lancé ça comme pour détendre l’atmosphère mais j’étais, en réalité, loin d’avoir envie de faire de l’humour. J’étais tendu et j’avais tellement mal à la tête que garder les yeux ouverts devenait une véritable torture.

Et évidemment, Keller me demanda si je n’avais pas mon permis sur moi. Je lui dis que si c’était le cas, j’aurais sorti mon permis ? Je lui dis ? Non… Evitons de les énerver, hein ! Soit malin, Stephen ! Essaye, en tout cas.

Je soupirai. Je ne pouvais pas leur dire que j’avais oublié mon permis à la maison. Si je faisais ça, il me demanderont de me présenter au commissariat avec mon permis pour le prouver… Et ça ne ferait qu’empirer mon cas.

Vous voyez… Je peux être malin.

-Non… Je n’ai pas de permis… Je ne peux pas en avoir. Je sais, je ne peux pas conduire sans permis… Mais c’est putain de compliqué de vivre sans foutu permis, vous comprenez ? Je peux tout rembourser… Mais si vous intervenez, je vais être dans la merde… Je n’ai pas le temps d’être dans la merde…

Je n’avais jamais révélé ma condition au grand public. Seuls mes proches, mes amis et mes collègues le savaient. Enora m’avait mainte fois conseillé de partager ça avec les fans justement parce que ça pourrait faire en sorte que certains se sentent moins seul mais ma foutue fierté m’en avait empêché.

Je fermai d’un coup les yeux me massant les tempes. Je n’avais vraiment pas le temps d’être dans la merde. Je dois bosser sur ma série. D’autant plus depuis que celle de Maxwell est sortie.

-Je n’ai pas l’habitude de demander des foutues faveurs mais là, j’en ai besoin… Je déteste faire ça. Je promets d’engager un foutu chauffeur la prochaine fois… Même s’ils sont insupportables !

Je m’emballais un peu mais je finis par souffler sachant que m’emballer ne servait à rien. Je n’en voulais pas aux flics. J’en voulais à la situation.

Les voitures dégagées du passage, on pouvait bien passer vingt minutes une demi-heure pour les aider à remplir le constat. Ça permettrait apparemment à la jeune femme d’apprendre tout en étant rassurée.

Le premier réflexe de Conrad avait été, bien sûr, de demander les permis de chacun. Mais si la jeune femme nous donna la bonne carte, ce ne fut pas le cas de l’homme qui s’avéra n’être autre que Stephen Shran, le réalisateur de Spaceship !

Sans les antennes et le maquillage bleu, j’aurais été bien à mal de le reconnaître ! Mais c’était bien lui, ne y regardant de plus prêt. Les mêmes petits yeux râleurs, la même moue constamment à la bouche et un point de beauté au coin de la bouche.

C’était bien lui.

Quand je lui demandai, quand même, confirmation, il fit un trait d’humour qui amena un sourire sur mon visage. Comme quoi il était capable de piloter un vaisseau spatial, mais pas sa propre voiture.

-Un accident, ça arrive.

Personne n’était à l’abri d’un accident. Parfois, c’était dû à des trucs cons comme le soleil dans les yeux. Il n’y avait pas, ici, de raison de s’emballer puisqu’il n’y avait pas mort d’homme.

Mais du coup, je me demandais pouvoir il nous avait filé sa carte d’identité. Un instant, je me dis que c’était peut-être toujours le choc. Ou le stress. Il avait l’air stressé…

Il ne nous menti pas, cela dit, affirmant qu’il n’avait pas de permis et pas le droit d’en avoir.

Je fronçai les sourcils, essayant de comprendre alors que Shran déclarait déjà qu’il était prêt à payer pour tous les dégâts. Il ne voulait pas être dans la merde, ce que je pouvais comprendre.

-Ok, calmez-vous… un problème à la fois. Personne n’est mort, il n’y a pas de blessé, on ne va pas vous faire un deuxième trou de balle.

Rien ne servait de s’énerver si on pouvait essayer de tirer ça au clair. Conrad, lui, s’était éloigné un peu avec la fille pour remplir son côté du constat d’accident.

-Pourquoi dites-vous que vous ne pouvez pas avoir de permis ? Vous avez tué quelqu’un en voiture ? Vous avez fait des infractions graves ? Des problèmes avec l’alcool ?

Je pensais que si une seule des réponses à ces questions était positive, on l’aurait su via L.A.People. Ce qui rendait le mystère encore plus grand.

Il ferma les yeux et se frotta les tempes. Il demanda une faveur, de ne pas lui faire d’ennuis, promettant qu’il prendrait un chauffeur la prochaine fois. Mais ce n’était pas ce qui m’inquiétait là tout de suite.

-Vous êtes sûr que ça va ? Si vous avez fait un malaise en voiture, vous pouvez me le dire… Parce que si c’est le cas, il vaudrait mieux qu’on vous conduise à l’hôpital pour un check up. Et on est pas du genre à vendre nos infos à L.A.People…

Un accident ça arrive… Ouais. Au mauvais moment… Juste quand des flics se trouvaient dans le coin. A croire que j’avais pécher le mauvais numéro aujourd’hui. Mais il semblait avoir apprécié mon trait d’humour. N’empêche que, moi, je n’étais pas vraiment en état de rire de mes propres blagues. A vrai dire, je ne riais jamais de mes propres blagues parce qu’elles étaient souvent cyniques.

Bref… Je dû me résoudre à avouer ne pas avoir de permis… A quoi bon mentir ? Ils finiront pas s’en rendre compte et je savais que tout mensonge pourrait être retenu contre moi. Je décidai, donc, de jouer franc jeu et d’avouer ne pas avoir le droit de posséder un permis mais que, malgré tout, j’étais prêt à payer la totalité des dégâts… Comme je m’étais un rien emballé, l’Inspecteur Keller rétorqua qu’il n’y avait pas de blessés et que c’était le principal. Mouais… N’empêche que je savais très bien que ça allait quand même pas jouer en ma faveur cette histoire.

-Plus facile à dire qu’à faire… Vous n’êtes pas dans ma position, hein…

Calme-toi, Shran ! C’est ce que Brent te dirait de faire d’ailleurs… Et tu ne l’aurais pas écouté rien que par esprit de contradiction. Pas étonnant que j’ai quatre divorces à mon actif, en fait…

L’autre flics s’était éloigné avec la fille dans le but d’avoir sa version des faits pour remplir le constat. Quant à l’Inspecteur Keller, il commença, bien entendu, à me bombarder des questions et d’hypothèse sur le pourquoi un type de 47 ans n’a pas le droit de disposer d’un permis. Aucune de ses hypothèses n’entrait dans ma foutue situation et alors que je pesais le pour et le contre de lui dire la vérité, mon mal de crâne m’empêcha de répondre sur le champ ce qui alarma l’inspecteur de police qui, bien sûr, voulait m’envoyer à l’hosto avant d’affirmer qu’ils ne comptaient pas jouer les indic’ pour L.A.People. Une affirmation qui me fit ricaner.

-Ça vous pouvez toujours le dire, hein… Je ne saurais que vous avez dit la vérité que demain matin quand Amon Sørensen ou un autre de son acabit aura oui ou non écrit tout un tas de saloperie sur mon compte.

A ce niveau-là, je n’avais confiance en personne. C’était peut-être parano mais d’après quatre de mes ex-femmes sur quatre, j’étais parano.

Je soupirai… J’étais un bon scénariste mais je ne voyais aucune bonne histoire à raconter en dehors de la vérité… Rien que le flic ne pourrait vérifier et voir que j’avais, effectivement, menti… Donc, autant dire la vérité même si tout risquais de fuiter…

-L’hôpital est inutile. J’ai un traitement à la maison et tout ce qu’il me faut c’est une foutue nuit de sommeil. Si je n’ai plus le droit à un permis c’est parce que je suis épileptique et que mon traitement me rend inapte à la conduite. Et si j’ai dévié c’est parce que ce foutu critique cinéma m’a énervé et que mon cerveau déteste quand je m’énerve. J’ai déconnecté et ma voiture s’est retrouvé dans l’autre voiture. Je ne saurais même pas remplir le constat. Je n’ai rien vu de ce qu’il s’est passé.

Je fis une moue. Je détestais parler de ça. Surtout à un inconnu. Pourtant, Dieu sait que c’est sans doute cette condition qui a fait de moi un réalisateur et qui m’a empêcher de me faire flinguer au Vietnam…

Si Conrad s’était éloigné avec la jeune femme, je restai avec l’homme qui avait l’air sous le choc en même temps qu’à bout de nerf. Je ne comprenais pas vraiment sa réaction… Il était Stephen Shran, il était prêt à payer tous les dégâts limite cash. Alors où était le problème ?

Le problème était qu’il n’avait pas de permis. Pire, il n’était pas autorisé à en avoir un. Ce qui m’amena à me poser des questions. S’il avait un jour fait un grave accident qui aurait coûté la vie à des gens parce qu’il avait été dangereux ou négligent, je pensais bien qu’on le saurait.

L.A.People l’aurait dit. C’était le genre d’information qui faisait bander les gens comme Sørensen.

En parlant de L.A.People, je promis à Shran qu’on allait pas parler du petit incident d’aujourd’hui à la presse. Mais le réalisateur ne nous faisait pas confiance. Il s’imaginait déjà en première page du magazine, apparemment.

Je lui souris, me voulant rassurant.

-Nous sommes tous les deux assermentés et soumis au secret professionnel. Si ça peut vous rassurer.

Comme en signe de bonne foi, je lui tendis sa carte d’identité pour la lui rendre.

Et en y regardant de plus près, je me rendis compte qu’il n’avait pas l’air bien. Il montrait tous les signes d’un énorme mal de crâne.

Alors quand je lui demandai s’il avait fait un malaise qui aurait été à l’origine de l’accident et si on devait l’emmener à l’hôpital pour un check-up, il sembla se décider à me dire de quoi il en retournait.

Il ne voulait pas aller à l’hôpital. Il avait un traitement chez lui et c’était justement ce traitement qui était à l’origine du fait qu’il ne pouvait détenir un permis de conduire.

Apparemment, il avait entendu la même critique que nous à la radio et ça l’avait amené à l’énerver assez pour déclencher une crise.

Je me grattai la tête.

-Ah oui… Je vois… On a entendu la même critique que vous, à mon avis. Et je l’ai trouvée injuste et même frôlant le ridicule, par moment… Comment une série peut-elle rendre homosexuel, sincèrement ? Il y a vraiment des gens pour penser ça ?

Je me frottai les yeux, réfléchissant. Et en revenant à notre problème du jour.

-Pour le constat, il y a un cadre où vous pouvez préciser les circonstances de l’accident. Si vous mentionnez avoir eu un malaise, ce sera ok… Mais si vous voulez que votre assurance intervienne, il faudra leur envoyer un certificat médical certifiant que vous êtes épileptique…

Je le regardai dans les yeux, interrogateur.

-Vous n’avez pas de permis… Mais votre véhicule est assuré, au moins ? Même au nom de quelqu’un d’autre que vous, c’est bon. Parce que si ce n’est pas le cas, c’est là que ça va devenir embêtant pour nous deux. Parce que le défaut d’assurance est une grosse infraction…

L’Inspecteur Keller essayait de comprendre pourquoi je n’avais pas le droit d’avoir un permis et le fait qu’il dise qu’il n’allait rien dire à L.A.People ne faisait qu’attiser un peu plus ma paranoïa. Je ne faisais, en général, confiance qu’à Brent… Alors j’allais avoir beaucoup de mal à faire confiance à un inconnu.

Keller me rendit ma carte d’identité et je plissai des yeux quand il déclara qu’il était soumis au secret professionnel. Mais ça ne me rassurait pas. Rien ne pourrais me faire faire confiance à quelqu’un que je ne connaissais ni d’Eve, ni d’Adam. Je ricanai un peu d’un ricanement jaune.

-Bizarrement, ça ne me rassure pas. Le nombre de gens qui n’en ont rien à foutre des serments, il y en a beaucoup et je ne vous connais pas.

Pour moi, les serments étaient importants. Il y avait beaucoup de choses qui étaient importantes pour moi d’ailleurs. Une partie était régie par ma loyauté, une autre par mon foutu orgueil. J’avais des principes. Sans doute trop. Mes ex-femmes pensent que j’en ai trop.

Mon mal de crâne s’intensifia ce qui m’empêcha de répondre aux hypothèses et autres questions du policier… Je savais que si j’optais pour un mensonge, ça n’allait en rien améliorer mon problème de média. Surtout que je ne trouvais pas un mensonge plus reluisant que la vérité.

Je devais, donc, prendre le risque de dire la vérité à Keller.

Ce que je fis sans gaité de cœur parlant, au passage, de ce qui avait, sans aucun doute, déclencher la crise. Ça arrivait quand je m’énervais trop et il était clair que ce foutu critique m’avait franchement énervé. Une critique que Keller avait entendu lui aussi et je fus ravi de voir qu’il trouvait sincèrement débile de penser qu’une série pourrait rendre quelqu’un gay. Surtout que j’avais franchement pas mal de soucis avec cette façon de voir les choses. Déjà, depuis quand un film ou une série peu changer l’orientation sexuelle de quelqu’un, hein ? Et puis, pourquoi être gay est un problème, hein ? Combien de jeunes garçons ou de jeunes filles devront être renvoyé du domicile familiale, combien de suicide, combien d’histoire à la Hugh Crusher faudrait-il pour que les gens se rendent compte que d’imposer leur vision aux autres peut détruire les autres ? Beaucoup trop ! Et ça me révolte.

Je fixai Keller en faisant la moue. Une moue qui exprimait toute ma colère et mon amertume face à ça.

-Ouais, il y a des gens pour penser ça. Beaucoup de gens. De toutes les foutues classes sociales. Comme quoi, la connerie se fiche de l’argent. Elle est partout. Ce critique n’a rien compris au message de Spaceship parce que c’est un foutu connard d’arriéré.

Il y avait autant d’abrutis dans l’Eastside que dans la jet-set. Tout autant de gens qui ont peur de la différence. Tout autant de gens qui seront plus que satisfait de la série de Maxwell.

Ça me donne envie de vomir.

Du coup, quand Keller me parla d’assurances, de certificat médiale et de grosse infraction, je ne pus m’empêcher de lancer un :

-Raaaaaaaah, c’est pas vrai ?!

Rageur.

Je n’avais pas d’assurance. Pas de permis, pas d’assurance. Et je n’ai pas voulu quémander ça à un de mes amis. Déjà parce que peu d’entre eux auraient acceptés et, aussi, parce que je déteste demander des services ! Surtout ce genre de service. Je me massai à nouveau les tempes grommelant des insultes. Pas envers Keller mais envers moi et la situation.

-Non ! Je n’ai pas d’assurance… C’est bien pour ça que je voulais faire tout sans passer par les assurances. Mais je n’ai pas de chance. Je me suis crashé juste devant des flics… Génial !

Je soufflai un bon coup. La fatigue commençait à sérieusement me gagner. C’était toujours comme ça après des crises même mineures.

-Allez-y… Qu’est-ce que je vais devoir cracher comme thunes ? Putain, tant que je dois pas faire de la taule, ça me va. Je n’ai pas le temps d’aller en taule.

Si je devais faire de la taule pour un défaut d’assurance, je vous jure que je compte me défendre parce que ça n’aurait strictement aucun sens de faire de la taule pour ça ! Je n’ai tué personne, ni blessé personne, après tout.

Je n’aurais jamais pensé rencontrer un jour Stephen Shran… Et encore moins dans ce genre de circonstances. J’aimais vraiment ce qu’il avait créé, mais malheureusement, je devais aussi faire mon job, ce qui signifiait que je ne pouvais pas lui poser mille et une questions sur Spaceship… Ni même lui demander un autographe pour Grant.

Non, à la place, je devais lui demander de justifier pourquoi il n’avait pas de permis. Et je sentais bien que ça le mettait mal à l’aise, même si je promis que ni moi, ni Conrad n’allions aller raconter n’importe quoi à n’importe qui.

Je découvrais en Shran quelqu’un de méfiant. En même temps, je pouvais comprendre. Parfois, être une star à L.A., ce n’était pas facile.

-Je peux comprendre. Vous n’avez que notre parole… Malheureusement pour vous, il faudra compter dessus.

Malgré tout, il me raconta son histoire. Il ne pouvait pas conduire à cause de son traitement contre l’épilepsie. C’était donc ça qu’il cherchait à cacher du grand public ? Peut-être. Ce n’était jamais agréable d’exposer son dossier médical sur tous les toits.

Et en fait, l’élément déclencheur du malaise qui avait conduit à l’accident était précisément la critique cinéma qu’on avait écoutée également dans la voiture, Conrad et moi.

Une critique qui avait frisé le ridicule, comme je l’affirmai à Shran…

Shran qui me sembla révolté contre cette même idée que les gens ne comprenaient pas encore les messages diffusés par Spaceship… Selon Shran, il n’y avait pas de limite à la connerie et j’étais bien d’accord avec lui.

Je lui souris.

-C’est clair qu’on est encore bien loin de la planète Terre idéale telle que vous la décrivez dans la série.

Je soupirai.

-On ne sera jamais prêts pour la rencontre avec d’autres formes de vie, j’ai l’impression. Si on ne sait déjà pas se piffer entre nous, qu’est-ce que ce serait avec des aliens ?

Des guerres… Il y aurait des guerres. Parce que l’humain ne sait faire que ça et j’étais bien placé pour le savoir.

Mais bon, il fallait que j’en revienne à des inquiétudes plus triviales… Comme de savoir si Shran était assuré. Sans permis, obtenir une assurance pour une voiture n’était pas possible… Mais Shran pouvait très bien être assuré au nom de quelqu’un d’autre… ça se faisait, quand un fils avait une voiture assurée au nom de son père, par exemple…

Mais au vu de la réaction directe du réalisateur, je n’eus pas besoin d’un dessin pour comprendre qu’il n’était pas assuré. Il pesta contre le fait d’avoir fait son accrochage devant les flics. Mais moi, ce qui m’inquiétait surtout, c’était de le voir s’énerver… Je n’avais pas envie qu’il me fasse une crise d’épilepsie… Je connaissais les gestes à faire, mais je trouvais toujours ça délicat… Parce que si je me ratais…

Shran espérait ne pas faire de la taule.

-Ecoutez… Commencez par respirer… Rien ne sert de s’énerver. Au vu de la situation, vous ne ferez pas de prison pour ça. Par contre, oui, il y aura une grosse amende que le juge du tribunal de la route déterminera.

Je regardai vers Conrad qui, alerté par les exclamations de Shran, s’était tourné vers nous. Mais je lui fis signe que tout allait bien. Puis, j’en revins à Stephen.

-On va devoir saisir la voiture. Je n’aurais de toute façon pas pu vous laisser repartir en conduisant. Pas sans permis et encore moins en connaissant votre condition…

Je le regardai dans les yeux.

-Vous comprenez ? Je ne le fais pas de gaieté de cœur. C’est une question de sécurité. Ce n’est pas pour rien que vous n’êtes pas censé conduire…

Le flic comprenait que je n’ai pas confiance en lui. Au moins, il ne s’offensait pas pour ça. Je n’avais que sa parole pour vérifier ses dires et c’était bien trop peu pour moi. Mais il ne pouvait rien me fournir d’autre alors je devais m’en remettre à attendre demain voir si L.A.People a eu vent de l’histoire…

Et quitte à avoir une histoire autant dire la vérité qui sera, de toute façon, meilleure qu’un quelconque mensonge qui me ferait passer pour un bad-boy dans le mauvais sens du terme. J’avais déjà une réputation de râleur difficile à vivre, c’était déjà bien suffisant. Parlant de réputation, et comme j’avais opté pour dire la vérité à Keller, j’avais expliqué que c’était un critique qui avait déclenché ma crise. D’ailleurs, quand j’en parlais, ça s’entendait que tout ça m’avait fortement énervé. Pas tant parce que ce type descendait Starship mais parce qu’il l’avait descendu pour de mauvaises raisons. Ce type m’avait prouvé qu’on était pas prêt de vivre dans le futur utopiste que j’avais créé.

Et c’est ce que balança Keller. Qu’on était loin de la Terre idéale. Qu’on était pas prêt à rencontrer des aliens sans les voir automatiquement comme des menaces. Je soupirai. Je savais qu’il avait raison. Mais je pensais qu’à travers ma série, les gens pourraient voir que, peu importe les différences, les gens, en réalité, ne sont pas tellement différent. Sur Terre, beaucoup de gens aspirent aux mêmes choses peu importe les origines. Et ça me tuent que des gens soient aveugles à ça parce qu’ils ont peur de l’inconnue. C’est ça aussi que montre Spaceship. Que l’inconnue, parfois, mène à des choses peu agréable mais que, la plupart du temps, elle recèle de merveilles qui valaient le coup de faire fi de sa peur. Je grommelai.

-Je sais… C’est pour ça que j’ai fait en sorte que ma série se passe bien loin dans le future… Et que je ne cesse de dire, dedans, que l’être humain était, autrefois, des êtres violents égocentriques incapable de s’entendre entre eux.

J’étais peut-être juste assez stupide pour penser que, un jour, ça changera.

Keller en revint rapidement à des choses terre à terre… Et quand il me parla d’assurance, je compris que j’allais devoir taxer. Je n’en avais pas et ça semblait être le pire crime qui soit. Vous pouvez tuer quelqu’un mais il ne faut pas faire de mal aux thunes… C’était aussi quelque chose qui me prouvait qu’on était vraiment pas dans ma série.

Ça n’énerva et j’expliquai, contrarié, à Keller que je n’avais pas d’assurance. Lui me demanda de respiré au point que j’avais l’impression qu’il venait d’être possédé par mon ex-femme, Enora. Je me massai les tempes alors qu’il affirma que j’avais peu de chance de faire de la prison ce qui était déjà une bonne chose. Me restera à payer mais, sincèrement, de ça, je n’en avais rien n’à faire.

-Une grosse amende… La seule chose qui m’ennuie c’est que je vais devoir perdre du temps à aller voir le juge… L’amende, je m’en fiche, en réalité.

Je n’étais pas sans sous… J’avais de quoi payer une foutue amande. C’est le temps qui, pour moi, était précieux.

-Et c’est difficile de ne pas s’énerver…

Je dis ça sur un ton toujours contrarié. Et je fis une moue quand il affirma qu’il allait saisir ma voiture. J’aimais cette foutue bagnole et j’allais devoir souscrire à une assurance pour la récupérer ! Bordel de merde ! Je soupirai à la fois énervé et désespéré.

-Putain… J’aime cette bagnole…

Keller se demanda si je comprenais. Il disait s’inquiéter pour ma sécurité. Il ne le faisait pas de gaité de cœur. C’est ce qu’il disait. Je savais qu’il faisait son job mais ça n’empêchait que j’étais contrarié quand même.

-Ouais… Je me doute… Je vais devoir appeler un taxi et tout le bordel. J’ai même pas bouffé avec tout ça mais maintenant, je ne saurais plus…

J’avais trop mal à la tête que pour avaler quoi que ce soit.

-Comme je ne sais pas remplir le constat, j’imagine que vous n’avez plus besoin de moi. Ou je dois remplir un truc ? Je vous avoue que j’aimerais rentrer chez moi, là toute suite… Et oublier toutes ces conneries.

Je comptais rentrer chez moi chercher mes médocs et aller directement dormir dans ma caravane aux studios. Ainsi, je serais sur place demain à 4h !

C’était la critique que nous avions entendue à la radio qui avait énervé Shran et avait déclenché un malaise chez lui… Ce qui avait finalement mené à ce petit accrochage. Je ne résistai pas à parler un peu de Spaceship avec son créateur. Je me sentais un peu privilégié et, en même temps, j’aurais préféré le rencontrer dans de toutes autres circonstances.

Quand Shran affirma que sa série se passait exprès bien loin dans le futur et qu’il n’hésitait pas à dire que, dans le passé, les humains étaient violents et égocentriques, je hochai la tête, un peu désespéré…

Mais ce furent des mots optimistes qui sortirent de ma bouche.

-Peut-être que vous avez raison… Qu’un jour, la Terre sera en paix.

J’eus un petit sourire en coin.

-Il n’y aurait plus besoin de flics comme moi… Mais si je pouvais choisir de voyager dans un vaisseau spatial à la place, pourquoi pas ?

On en revint à notre problème : le petit accrochage, le fait qu’il n’avait pas de permis et, malheureusement, pas d’assurance non plus.

Shran avait peur de se retrouver en taule pour ça, mais je le rassurai tout de suite. Si on commençait à mettre des gens en prison pour défaut d’assurance, on avait pas fini et ça n’allait pas arranger le problème de la surpopulation carcérale.

Non, il aurait une grosse amende à payer, qui serait déterminée par un juge spécialisé en infractions de roulage.

Ce qui faisait surtout chier le réalisateur, c’était de perdre son temps à courir à gauche et à droite pour arranger ses bidons. Je lui disais de ne pas s’emballer, mais il disait que c’était difficile.

-Je comprends… Mais bon… Vous deviez savoir que vous preniez le risque de vous faire prendre…

Ou alors il ne connaissait pas la loi… Sauf que dans la loi, il était dit que nul de devait ignorer la loi. Donc…

Je lui expliquai qu’on allait devoir saisir son véhicule. Et ça non plus, ça ne lui plut pas.

-On va vous appeler un taxi via la radio. Votre véhicule sera dépanné jusqu’au commissariat où vous pourrez venir le récupérer une fois l’amende payée… Avec quelqu’un qui a le permis et une assurance en ordre, évidemment.

J’étais désolé pour lui… Parce que dans le fond, il n’était dans le pétrin que parce qu’il était malade. Pas parce qu’il avait fait des conneries en voiture ou autre. Je comprenais que ça devait être râlant de ne pas pouvoir se déplacer à sa guise, sans dépendre d’autres personnes, ne fut-ce que d’un chauffeur de taxi.

-Et non, nous n’avons plus besoin de vous… Vous serez convoqué chez qui de droit dans quelques jours.

J’eus un pauvre sourire.

-Je suis désolé… Mais, s’il vous plait, à l’avenir… ne prenez plus le volant…