J’étais à la fois excité et effrayé.

C’était mes deux sentiments tôt ce matin alors que Brent et moi on allait direction les studios de cinéma pour notre premier jour de tournage sur la nouvelle version de Spaceship. J’avais le cœur qui battait très fort et je parlais peu me contentant d’écouter la musique à la radio. C’était Brent qui conduisait. C’était largement mieux ainsi. Les émotions me submergeaient au point où je n’aurais pas dû tout été concentré sur la route.

Sans compter que, cette nuit, je n’avais quasi pas dormi justement parce que j’étais excité à l’idée de reprendre mon rôle de Five. Mais, malgré ça, j’avais les yeux bien ouvert alors qu’il n’était pas encore 4h du matin. C’est surtout pour Brent que tout ça devait être difficile lui qui n’a pas l’habitude de se lever si tôt. Il allait devoir s’y habituer. Le pauvre avait quand même six épisodes à tourner. Certes, pas tout les jours mais tout de même…

Quant à moi, c’est tous les jours que j’allais avoir la chance de repasser les porte de ce studio que j’avais tant aimé autrefois. Je savais que les décors avaient quelques peu changé depuis 1970… Suffisait de voir les derniers épisodes pour s’en rendre compte. C’était un peu plus moderne. J’avais hâte de faire de ces décors ma nouvelle seconde résidence. Parce que les studios finissent vite par devenir, pour un acteur de série, une seconde résidence.

-J’espère qu’on sera à la hauteur.

C’est ce que j’avais lancé à Brent alors qu’on était en train d’entrer dans les studios en vue de garer la voiture. C’était ma seule peur : de ne pas être à la hauteur. Je savais que Shran cherchait l’excellence et j’avais peur que le fait que ça fasse longtemps que je n’avais plus joué Five me fasse jouer faux et ça même si, dans le script, mon personnage avait un peu évolué depuis la dernière fois qu’on l’avait vu. Même si, au début, son petit groupe aura la malchance d’être sous la coupe du frère maléfique de Datalore. Tout ça allait être fun à jouer mais, aussi, un petit défi pour Brent qui devra jouer Datalore, Datalore sous emprise et Ram… Une vrai tour de force pour quelqu’un qui n’a pas de formation d’acteur.

Une fois arrivé, on sorti de la voiture. J’avais, autour du cou, le badge qui montrait qu’on avait autorisation de nous promener dans le studios. Si on l’avait pas, qu’on soit Brent Hughes et Hugh Crusher n’aurait rien changé pour la sécurité. Shran était toujours à cheval sur la sécurité. Normal, il est complètement parano. Et ça ne semblait pas s’arranger avec l’âge…

Une fois entré, ce fut Enora Lee qui vint nous accueillir avec un grand sourire. Elle nous fit la bise.

-Bonjour, tous les deux ! Pile à l’heure, c’est parfait !

Elle semblait de très bonne humeur. Ce qui m’étonnait c’est qu’on n’était pas mardi… Je ne m’attendais, du coup, pas à ce qu’elle soit là.

-Bonjour, Enora.

Je savais que notre première étape sera le maquillage. J’avais dû faire des moules pour ça mais je ne savais pas ce que donnait le résultat final.

-Vous pouvez passer au maquillage. Stephen est déjà passé. Il est en train de tyrannisé le personnel là. Je dois aller le presser pour qu’il aille mettre son costume. Vous allez adorer ce qu’on à prévu pour vous. On a passé beaucoup de temps à mettre au point le maquillage.

Je ne savais pas si Brent était passé faire des tests maquillage ou non. S’il avait, lui, la surprise ou non.

-D’accord. On y va !

Je souris à Brent prêt à passer au maquillage où on se dirigea.

-Pas trop stressé, Brent ? Moi, j’avoue que tout ça me stress un peu. C’est plus fort que moi. Pourtant, ce personnage, je le connais.

Pfff… Il était même pas encore 4 heures du matin ! C’était une heure pour aller se coucher, pas pour se lever ! Heureusement qu’il y avait la musique dans la voiture pour me tenir éveillé ! Parce que Hugh n’était pas très causant. Je le sentais tendu, mais pas une mauvaise tension. Je savais combien le personnage de Five lui tenait à cœur. Et le reprendre après autant d’année était un véritable challenge.

Pour moi aussi, tout ça allait être un challenge et je n’avais aucune envie de décevoir Shran. J’allais donc donner le meilleur de moi-même, même si ce n’était que pour six épisodes !

Quant aux années qui nous séparaient de notre dernier tournage… Je ne savais pas pour Hugh, mais pour moi, c’était comme si c’était hier ! Je me rappelais les moindres inflexions que j’avais donné à Datalore, le sourire malicieux de Ram, leurs têtes, avec et sans émotions. Les contractions utilisées par Ram mais jamais par Datalore. Shran m’avait déjà dit qu’on aurait dit deux personnages bien différents et ça avait été, pour moi, le plus beau compliment qu’il pouvait me faire.

Soudain, alors qu’on arrivait au studio, Hugh sortit de son mutisme pour me faire part, tout haut, de ses craintes.

Il espérait qu’on serait à la hauteur.

Je le regardai avec un sourire rassurant.

-Pourquoi on ne le serait pas ? On a mis pas mal de nous-mêmes dans ces personnages. Et je crois que ni toi, ni moi, n’avons véritablement changé depuis la série originale.

Je lui fis un clin d’œil.

-Tu vas voir, ça va le faire.

Je garai la voiture et on en sortit… Je regardai le ciel sombre de L.A. et une partie de moi ne pouvait s’empêcher de se demander ce que je foutais hors de mon lit à cette heure-ci. Notre précieux sésame nous donnant accès aux studios autour du cou, on y entra et ce fut une Enora Lee souriante et bien éveillée qui vint nous faire la bise.

-Salut, Enora…

Je me frottai les yeux.

-Comment vous faites pour être aussi en forme à cette heure-ci ?

C’était juste histoire de dire, parce que j’étais en forme aussi, en vrai, et mon grand sourire en témoignait. Je souffrais juste d’une sorte de jet-lag.

Enora nous invita à passer au maquillage, non sans nous indiquer que Shran était déjà sur le pont (probablement littéralement, le décor principal de la série étant le pont du vaisseau), en train de tyranniser son pauvre personnel. Cette réflexion me fit rigoler.

-Il se détendra peut-être un peu quand il nous verra ! Ou plutôt, quand il verra Five et Datalore.

Quant à adorer ce qu’ils nous avaient préparé, je n’en doutais pas. Je tapai doucement sur l’épaule de Hugh.

-Alors on y va ! J’ai hâte !

J’avais mis un vieux t-shirt noir parce que je savais maintenant d’expérience que j’allais avoir de la poudre dorée dessus et que ce serait impossible à ravoir même en le passant vingt fois à la machine à laver. De toute façon, une fois maquillé, je revêtirai l’uniforme réglementaire de la série.

On se dirigea vers la salle dédiée au maquillage et Hugh me fit part de son stress malgré qu’il connaissait son personnage.  

-C’est normal de stresser, je pense. Moi aussi, je suis un peu nerveux parce que je veux vraiment tout donner. Mais le simple fait de pouvoir jouer à nouveau Datalore me met tellement en joie que le stress, à côté, ne représente presque rien…

Les maquilleurs et maquilleuses nous accueillirent et nous invitèrent à nous assoir… Je tournai la tête vers Hugh.

-La partie maquillage, j’adore ça ! Voir le changement au fur et à mesure dans le miroir aide à se mettre dans le personnage, je trouve et… Oh là ! Mais c’est quoi ça ?

Je rigolai et attrapai une photo qui trônait sur la coiffeuse, juste devant moi. C’était une vielle photo de moi en Datalore, prise en dehors des moments où je jouais… Je m’adressai à mon maquilleur.

-Si vous arrivez à me rendre à nouveau comme ça, vous ferez un sacré miracle !

Je tendis la photo à Hugh…

-Regarde ça… J’aurais dû aller courir avec toi…

Spoiler:

J’avais fait par de mon appréhension tout haut alors qu’on arrivait aux studios. L’avantage d’être avec Brent, c’est qu’il avait toujours l’art de voir les choses du bon côté et d’appréhender les choses avec le sourire et avec optimisme. Il disait qu’on avait mis beaucoup de nous dans nos personnages et que, depuis toutes ses années, on avait pas forcément changé.

-C’est vrai… Mais il s’est passé tellement de trucs entre temps que j’ai l’impression que j’ai joué Five dans une autre vie.

Ce qui n’était pas totalement faux, en réalité. Mais, en soi, oui, je connaissais ce personnage par cœur. Il y avait une grand partie de moi en lui. Tout ce que j’avais à faire c’était de le retrouver. Et, pour ça, je savais que le maquillage allait aider presque plus que le scénario en lui-même.

Brent avait réussi à me sortir un peu de mon appréhension avec ses mots même si le stress persistait. On finit par entrer dans le studio dédié à Spaceship où on fut accueilli par une Enora souriante. Je me rappelle qu’elle ne l’était pas toujours quand elle passait ici, alors qu’on tournait la série début 70. Elle avait l’art de se prendre la tête avec Shran. Mais là, elle semblait de particulièrement bonne humeur.

Elle nous salua alors que Brent se demandait comment on pouvait être aussi en forme à cette heure-ci. Enora rigola.

-L’habitude, je suppose. Mais ne t’en fais pas, un café et tu seras parti pour des heures de tournage.

Elle rigola un peu avant d’expliquer que Shran était déjà en partie prêt mais qu’il tyrannisait, aussi, déjà le personnel. Ça n’avait pas l’air d’entacher sa bonne humeur. Brent déclara que Shran finira par se détendre en nous voyant dans la peau de nos personnage.

-Je l’espère.

C’est ce que je dis en rigolant un peu alors qu’Enora hocha de la tête.

-Oh que oui. Il attends ça depuis des jours. Même si, là, il est déjà dans son rôle et comme son personnage est aussi pénible que lui, je dois le calmer un peu.

Elle nous envoya au maquillage et l’enthousiasme de Brent commença aussi à sérieusement se réveiller alors qu’il déclara avoir hâte. Je souris et on se dirigea vers l’endroit dédié au maquillage. Je ne pus m’empêcher de faire, à nouveau, part de mon stress. Brent avoua être nerveux aussi ce qui me rassura. Je n’étais pas le seul à flipper un peu. Mais la joie de Brent prenait le pas sur le stress. Je souris.

-Parfois, j’aimerais vraiment arriver à voir les choses comme toi. C’est un pouvoir que tu as de pouvoir toujours appréhender les choses du bon côté. Je suis aussi très heureux d’être ici mais je n’arrive pas vraiment à me débarrasser de mon stress.

Même si je sais, au fond, que dès que je serais totalement dans mon personnage, tout s’envolera. Mais, en attendant, je stressais et je n’y pouvais rien.

On s’installa sur un siège alors que Brent avoua adorer la partie maquillage. Je souris.

-C’est ce qui permet de se mettre le mieux en condition. Je ressens la même chose.

Brent porta alors son attention sur une photo. C’était une photo de lui. Une vieille photo de lui alors qu’il avait joué Datalore il y a 16 ans. Il déclara que si les maquilleurs arrivaient à le rendre comme !a c’était un miracle. Je rigolai jetant un œil à la photo alors que Brent disait qu’il aurait dû venir courir avec moi.

-Je ne crois pas que ça t’aurais plus.

Le sport, ce n’était pas le truc de Brent. Je rigolai.

-Ne t’en fais pas. Si Shran ne t’as pas mis au régime c’est qu’il a un truc pour que la différence ne se voit pas. Et puis, tu n’es pas si gros que ça, tu sais.

Son visage était légèrement plus arrondis et on voyait un peu plus son ventre. C’est souvent ce qui arrivait quand on atteignait la cinquantaine.

Une maquilleuse s’approcha de Brent en souriant.

-Ne vous en faites pas, Monsieur Hughes. Vous ressemblerez comme deux gouttes d’eau au Datalore de 1970.

Elle commença à s’affairer autour de lui et on fit pareil avec moi. Mais ça ne nous empêchait pas de discuter, Brent et moi.

-Je ne savais pas qu’Enora venait en dehors des mardis… Ça va être rock n’roll.

Je hochai la tête, les yeux rivés sur la route, quand Hugh affirma qu’il avait l’impression d’avoir été Five dans une toute autre vie. Je pouvais le comprendre, c’était pareil pour moi avec Datalore même si je n’avais rien vécu d’affreux, contrairement à mon ami et actuel colocataire.

-Mais tu as lu le scénario comme moi. Five aussi a vécu des choses depuis sa dernière apparition à l’écran. Tu as changé, mais lui aussi, donc ça restera parfaitement logique.

Une fois aux studios, on fut tous les deux accueillis par une Enora Lee radieuse au point que je me demandais comment elle faisait. J’étais bien sûr motivé pour jouer Datalore, mais je sentais bien, hein, qu’il était 4 heures du matin. On ne la faisait pas à mon chronomètre interne ! Parce que si Datalore en avait un, moi aussi !

Mais bon, elle nous promit du café alors je souris bien grand.

-S’il y a du café, tout va bien ! J’ai hâte en tout cas !

Shran était déjà là, lui aussi, mais hors de vue, en train de crier sûrement déjà sur tout le monde pour que tout soit fin prêt pour tout le monde. Je levai un sourcil…

-Mais il est là depuis quelle heure, ce fou ?

Parce que s’il n’avait plus que son costume à mettre, ça voulait dire qu’il était déjà maquillé ! Et croyez-moi, devenir tout bleu et se faire faire pousser des antennes, ça ne prenait pas dix minutes.

Mais je pensais bien que Shran, qu’Enora voulait calmer, se détendrait de lui-même en nous voyant arriver dans la peau de nos personnages ! Spaceship, c’était son bébé. Et si les personnages de Datalore et de Five avaient été en grande partie construits par nous-même, c’était quand même lui qui les mettait en scène avec ses scénarios.

Hugh, toujours un peu tendu, espérait que je disais vrai. Enora, elle, était d’accord et parti en quête de son ex-mari alors que je rigolais parce qu’elle avait raison : Shran et T’Kor, même combat. D’ailleurs, ce n’était pas pour rien que l’alien qu’il jouait faisait partie d’une organisation militaire. Il l’avait été en vrai, bien que pour une courte durée. C’était sa façon à lui de rendre hommage aux combattants à travers le monde ainsi qu’à son propre père.

Avec la bénédiction d’Enora, on se rendit au maquillage. Il était vraiment stressé et j’essayais de le faire relativiser. De lui faire se rendre compte que, peut-être, ce qu’il ressentait tenait plus de l’excitation que de la peur.

Je souris quand il affirma qu’il aimerait voir les choses comme moi. Pour lui, c’était un pouvoir.

-Oh ne t’en fait pas. Intérieurement, je ressens le stress, la peur et il y a des choses que j’appréhende, comme tout le monde. C’est juste que j’essaye toujours de tirer le meilleur de toutes les situations. Comme je le dis souvent à Shran : s’énerver ne sert à rien.

En générale, ça ne faisait pas avancer les choses… Pas plus que ça ne résolvait les problèmes.

-On peut souvent s’en tirer mieux avec un sourire.

Une fois assis à nos places au maquillage, après avoir salué chaleureusement tout le petit monde qui allait pouvoir procéder à nos transformations, j’avouai que c’était une des parties du travail d’acteur que je préférais le plus. Hugh était bien d’accord.
-Ça met en condition, mais on se fait chouchouter aussi et… oh ! Merci !

Deux grands cafés dans des gobelets en carton venaient de nous être apportés et posés devant nous. Puis, j’avais vu la photo posée devant moi, probablement pour que mon maquilleur ait un exemple sur lequel se baser. Une photo qui datait d’il y avait 16 ans.

Je la tendis à Hugh, sidéré par ce que j’avais été et ce que j’étais devenu ! Au point de dire que j’aurais dû aller courir avec Hugh. Mais il n’était pas sûr que ça m’aurait plus.

Je fis la moue.

-Probablement pas… Mais regarde ! 16 ans ! Seulement 16 ans nous séparent de cette photo !

Heureusement, je savais que j’étais toujours séduisant à ma façon… Sinon, là, je déprimerais. Hugh disait que si Shran ne m’avait pas mis au régime, c’était que ce n’était pas nécessaire.

-Tu as sûrement raison.

Une des maquilleuses, elle, était très optimiste. Je souris.

-Je vous fais confiance. Shran n’engage que les meilleurs, de toute façon. Et appelez-moi Brent… Ah et tutoyez-moi… On est dans la famille Spaceship après tout.

Le maquilleur fit basculer légèrement mon siège vers l’arrière alors que Hugh s’étonna qu’Enora soit là parce qu’on était pas mardi. Je savais qu’Enora surveillait Shran de près ces derniers temps à cause de ses crises rapprochées.

-Elle ne voulait peut-être pas rater notre entrée… Mais ouais, si Shran est aussi excité qu’elle le dit, ça va être épique !

Je sentis alors que le maquilleur me projetait de la bombe dans les cheveux… Mes cheveux qui redevinrent progressivement brun.

-Wow… rien que ça, ça donne un coup de jeune… Mais il va falloir m’en rajouter, des cheveux, parce que j’en ai perdu quelques-uns en chemin…

Je tournai la tête vers Hugh…

-Et toi, tu as une idée de ce que ça va donner ? Shran a dit qu’il y aurait de grands changements physiques pour Five.

Il était vrai que le scénario avait pris en compte les années qui avait séparé Five de l’équipage vedette de Spaceship. Le personnage avait évolué tout comme moi. C’est ce que ne manqua pas de dire Brent en vue de me rassurer. Je souris et hochai de la tête car il avait raison.

Je savais que je pouvais y arriver. Il me suffisait de me laisser aller.

Ce fut Enora qui nous accueilli chaleureusement alors qu’on entra dans le temple des studios de Spaceship. Brent se demandait comment la productrice pouvait être autant en forme alors qu’il était un peu moins de 4h du matin. J’imaginai qu’Enora avait plus que l’habitude de ce genre d’horaire contrairement à Brent. Mais elle promit un café ce qui plu à Brent et me fit rire un peu.

Quant à Shran, il était déjà sur le pont à faire entendre sa voix. Comme quoi, en 16 ans, pas grand-chose avait changé. C’était ce que je pouvais constater. Et à Enora de dire que Shran était déjà maquillé… Ça me surpris un peu. Ça signifiait qu’il était là depuis un moment. C’est ce que Brent constata demandant depuis quand il était là. Enora soupira.

-Depuis hier… Il a dormi dans sa caravane. L’équipe de maquillage m’a dit qu’ils ont dû venir à 2h du matin… Shran veut tourner un scène pendant que vous serez au maquillage. Il ne veut pas perdre de temps mais il ne se rend pas compte que je vais devoir, encore, gérer des gens mécontents des horaires.

Je savais que c’est le genre de chose qui l’aurait mise de très mauvaise humeur autrefois mais, là, Enora semblait plutôt de bonne humeur alors m’est d’avis qu’avec le temps, elle était plutôt blasée.

Enora était certaine que Shran allait se calmer en nous voyant. C’était l’avis de Brent aussi. Finalement, on fut envoyé au maquillage et c’est sur le chemin que je fis part de mon appréhension et de mon stress, une fois de plus. Brent avoua ressentir aussi du stress et ça même dans d’autres situations mais il avait une façon différente d’appréhender les choses. Pour lui s’énerver ne servait à rien. Je souris.

-Ça c’est vrai.

Tout comme c’était vrai qu’on pouvait mieux s’en tirer avec un sourire. En gros, Brent et son calme légendaire était un humain comme les autres mais avait l’intelligence d’aborder les choses avec le sourire.

On prit place sur un siège alors que Brent et moi étions d’accord pour dire que le maquillage était la partie la plus importante pour se mettre dans son personnages. Ce fut là que des cafés nous furent apportés.

-Merci ! On en aura besoin.

Brent appréciait aussi le maquillage pour qu’on s’y faisait chouchouter. Je devais avouer que j’aimais ça aussi.

C’est là que Brent s’empara d’une photo de lui posée là pour servir de modèle. Il se demandait bien comment les maquilleur allait faire en sorte de le faire, à nouveau, ressembler à ça. Il ajouta qu’il aurait dû venir courir avec moi mais je doutais que ça lui aurait plus. Il n’en revenait pas d’avoir tant changé en 16 ans. Je rigolai.

-16 ans c’est presque 20 ans, Brent. Les gens changent en 20 ans. C’est surtout les cheveux blancs qui te changent, sinon, tu n’es pas si gros que ça.

J’ajoutai que s’il avait réellement eu besoin d’un régime, Shran le lui aurait imposé. Ce dont Brent en était sûr aussi. Il n’aurait pas hésité à être franc à ce niveau. S’il ne l’avait pas dit c’est que ça ne posait pas problème.

Quant au maquillage, Brent fut rassuré par la maquilleuse qui affirma qu’il n’avait pas à s’en faire. Qu’ils allaient faire en sorte qu’il ressemble au Datalore de 1970. Il n’en doutait pas complimentant l’équipe de maquillage avant de demander à ce qu’on le tutoie. La maquilleuse rigola un peu.

-D’accord, Brent.

Les maquilleurs commencèrent à s’affairer autour de nous. J’avais bus une grosse gorgée de café avant que le travaille ne commence. Je m’étonnai, alors, qu’Enora soit présente alors qu’on n’était pas mardi. Mais Brent supposait qu’elle avait simplement envie de nous voir. Je rigolai.

-Peut-être… Elle a peut-être peur que Shran nous martyrise, aussi.

Mais ça allait être épique, c’est certain. Et plus on discutait, plus le stress tendait à se faire moins entendre. Ça me dénouait un peu l’estomac.

De la bombe fut mise dans les cheveux de Brent les changeant progressivement de couleur alors qu’on commença à maquiller mon visage. Je rigolai quand Brent déclara que ça lui donnait un coup de jeune mais qu’il faudra tout de même lui rajouter des cheveux.

-On a tout prévu ! Mais il ne faudra pas en rajouter tant. Vous en avez encore pas mal. Enfin, tu en as encore pas mal.

Quant à mon propre maquillage, Brent se demandait bien si je savais à quoi ça allait ressembler.

-Déjà, on verra mes cheveux, ça j’en suis sûr. Et j’avoue que ce n’est pas plus mal ! Mais Shran ne m’a pas donné tous les détails.

Je rigolai un peu. On ne m’avait pas tout dit sur mon nouveau maquillage mais j’avais pu me faire une idée avec les moules.

-Je pense qu’on verra les implants de Five mais qu’il en aura beaucoup moins qu’avant. Ça sera quelque chose de plus léger. Mon personnage aura fait retiré tout son attirail de cyborg à l’exception de quelques implants. Ah et j’aurais une lentille aussi mais juste une pour faire échos à mon ancien œil bionique. Ça je le sais parce que Shran m’a fait testé ça aussi pour voir si je la supportait.


Ce n'était pas des plus agréable mais c'était supportable.

-Le costume sera plus léger aussi. Parce qu’avant, je crevais de chaud ! Je me demande comment j’ai fais pour passer tant de jours de tournage avec le costume de Five…

Je fermai les yeux alors qu’on appliquait les premières couches de maquillage. Mais je continuais à parler en même temps.

-Mais pour le résultat final, je ne sais pas bien ce que ça va donner. Ça sera la surprise.

J’avais hâte de voir ça.

-Toi, tu vas devoir passer d’un personnage à l’autre. Ça va être un sacré challenge !

Je soupirai en rigolant quand Enora déclara que Shran était là depuis hier et qu’il avait dormi dans sa caravane. Je la pointai du doigt.

-Tu PENSES qu’il a dormi… Moi, je pense qu’il a encore raturé le scénario pour changer un mot par ci, un mot par là et qu’on le saura au dernier moment.

C’était du Shran tout craché ça. Tant que ce n’était pas dans la boîte, tout était potentiellement améliorable. Quand on ne tournait pas plusieurs versions de la même scène.

Bref, hormis ça, Shran avait exigé son maquillage tôt parce qu’il voulait déjà tourner pendant qu’on se faisait maquiller Hugh et moi… Laissant la pauvre Enora prendre en pleine poire les griefs des techniciens et autres mécontents.

-Bonne chance avec ça, Enora…

Ceux qui pensaient que les producteurs avaient le beau rôle n’imaginaient pas le boulot que pouvait abattre une Enora Lee en une journée de tournage.

On se rendit donc au maquillage où on fut chaleureusement accueillis par les maquilleurs et maquilleuses… Hugh me faisait part de son stress, de ses craintes. Mais j’étais certain qu’une fois replongé dans le décor, il allait retrouver ses marques et Five renaîtrait de ses cendres tout naturellement.

J’avais un peu le même stress sauf que je l’exprimais autrement. Rien ne servait de s’énerver. Il fallait se lancer et s’il y avait des problèmes, les régler quand ils se présenteraient. Mais anticiper des choses qu’on ne peut de toute façon pas contrôler, c’était gaspiller de l’énergie à rien.

Et Hugh était bien d’accord avec ça.

On nous apporta des cafés et l’opération maquillage put commencer. Mais quand je vis la photo de moi 16 ans plus tôt sur la coiffeuse, je me rendis compte du véritable challenge que Shran attendait de ses maquilleurs.

Quant à moi, je n’en revenais pas d’avoir autant changé… Et ce fut au tour de Hugh de me rassurer. Il avait raison, ça faisait presque 20 ans. Mais je fis la moue.

-Shran a pas perdu un cheveu en 20 ans… Et toi, tu n’as fait qu’embellir en prenant de l’âge.

Les maquilleurs étaient eux aussi très optimistes… Je me réjouissais de voir !

Hugh se demandait ce qu’Enora faisait là aujourd’hui. Personnellement, j’aimais penser qu’elle était venue pour nous voir reprendre nos rôles. Mais Hugh pensait plutôt que c’était parce qu’elle avait peur que Shran nous martyrise.

-Il peut toujours essayer de me martyriser… Il va vite se casser les dents contre un mur. Et il le sait… Tu vas voir, il va se calmer au fur et à mesure qu’il va voir les choses avancer.

De ça, j’étais sûr. Parce qu’au fur et à mesure que Shran verrait les cuts sur écran, au fur et à mesure qu’il verrait la vision qu’il avait dans sa tête prendre forme, il allait être rassuré.

Moi ce qui m’inquiétais, c’était mes cheveux qu’on était en train de teindre à la bombe. Petit à petit, je commençais déjà à perdre des années au compteur, me rendant compte que, ok, j’avais les cheveux tout blancs, j’étais un peu arrondi, mais mon visage ne faisait quand même pas si vieux que ça.

Je me demandais alors si Hugh avait une idée de ce à quoi Five ressemblerait. Parce que si Datalore n’avait pas changé, j’avais compris en lisant le scénario que Five, lui, en avait vécu, un tas de trucs, qui l’avaient fort modifié physiquement. Hugh m’expliqua alors ce qu’il en était et je rigolai quand il commença par dire qu’on verrait ses cheveux. Dans la version originale, en effet, Five n’avait pas de cheveux.

-Aaah tu dois être content qu’on voie tes cheveux ! Je ne retrouvais pas ma brosse à dent l’autre jour dans l’armoire de la salle de bain parce qu’elle était cachée derrière tous tes produits pour cheveux…

Hugh avait toute une collection de produits, soins, gel… Il était acteur et devait prendre soin de lui mais là, c’était une obsession !

Il aurait toujours des implants cybernétiques mais un costume beaucoup plus léger.

-En gros, ton personnage sera un peu plus humain. C’est ce que j’ai cru comprendre en lisant le scénario… Je trouve que ce n’est pas plus mal, ça donnera une dimension en plus.

Je rigolai quand il déclara avoir chaud dans le costume de Five.

-Et le pire c’est qu’une fois en tenue, on ne peut plus rien toucher de peur d’abîmer le maquillage !

Hugh n’aurait pas pu se débarrasser ne fut-ce que du haut de son costume, par exemple. Une fois habillé et maquillé, c’était parti pour 12 à 18 heures d’affilée sans rien pouvoir toucher.

Je souris, fermant les yeux de plaisir alors qu’on me collait des cheveux là où j’en avais perdu un peu.

-On verra ce que ça donnera… J’ai hâte.

Hugh trouvait que c’était un challenge pour moi de passer d’un personnage à l’autre. De Datalore à Ram qui, s’ils étaient physiquement identiques, étaient aussi différent mentalement que le jour et la nuit.

-J’aime passer d’un à l’autre. En fait, ils sont tellement différents que c’est facile. J’avoue que j’aime vraiment jouer Ram parce qu’il me permet d’utiliser un panel d’expression plus grand. Alors qu’avec Datalore, c’est l’inverse, même si… tu l’auras sûrement remarqué, je fais de légers sourires même avec Datalore, mais je dois être vraiment subtil.

Brent était certain que Shran n’avait pas passé sa petite nuit à dormir mais à revoir les scripts. C’était bien le genre. Je savais que si Brent aimait bien dormir, Shran, lui, avait l’art de peu dormir car les idées se bousculaient trop dans sa tête.

-Je préfère me dire qu’il a dormi… C’est mieux pour ma conscience.

Même si elle savait que ce n’était pas le cas, apparemment. Mais Enora semblait résignée… Tout comme elle semblait blasée sur le fait qu’elle allait devoir gérer les plaintes des membres du personnels qui allaient se plaindre des horaires imposés par Stephen. Brent lui souhaita bonne chance avant qu’on ne passe au maquillage.

C’est là que, à travers une photo, Brent remarqua avoir changé en 16 ans. En même temps, 16 ans, ce n’était pas une petite période de temps. C’était un sacré paquet d’années. Moi-même j’avais changé en 16 ans. J’avais des cheveux blancs que je cachais à coup de coloration. J’avais des traits plus marqués… Je trouvais que j’avais quand même pris un coup de vieux ce qui s’expliquait par ma période où je ne faisais que de me shooter et d’errer à gauche et à droite. Je rassurai, donc, Brent disant que c’était normal d’avoir vieilli en autant de temps.

Mais il se compara à Shran qui n’avait, lui, pas spécialement changé ou à moi. Il disait que j’avais embelli ce qui me fit légèrement rougir.

-Tu trouves ? Je triche, en fait… Je fais des colo et j’utilise un maximum de produits… Parce que j’ai l’impression d’avoir pris cher.

Sans doute parce que je n’aimais pas me voir vieillir. Brent lui n’avait aucun artifice. Il était totalement naturel et ça lui donnait un certain charme. Quant à Shran…

-Pour Shran… J’avoue que c’est un mystère… Faudrait peut-être lui demander son secret. Mais on verra quand il passera la cinquantaine… Même si ses cheveux ne blanchissent pas, alors…

Et il ne les perds pas non plus. Du moins, pas encore. Je fis une petite moue. Peut-être qu’il triche aussi, qui sait ? Comme moi, il est acteur, après tout.

Je m’étais étonné qu’Enora Lee soit là en dehors d’un mardi. D’après Brent, ça serait peut-être pour nous voir à l’œuvre et nous accueillir. Moi, je pensais que c’était pour qu’elle évite à Shran de nous martyriser. Brent déclara alors que Shran aura bien du mal à le martyriser ce qui me fit rigoler.

-Je pense aussi… Et comme il a des scènes à tourner, ça va aider. Il est toujours plus calme quand il tourne.

Certainement parce qu’il pense avoir encore plus le contrôle de la situation dans ce cas-là.

La maquilleuse avait rassuré Brent sur ses cheveux. Ils avaient, apparemment, la situation bien en main et, petit à petit, Brent redevenait l’ancien Brent alors que ses cheveux blancs disparaissaient. Je lui fis part, alors, de ce que je savais sur mon propre maquillage. La bonne nouvelle c’est qu’on va pouvoir voir mes cheveux ! Avec le temps que je passe à les entretenir, ça m’aurait fait mal de les cacher sous un costume comme c’était le cas de l’ancien Five. Brent savait à quel point je tenais à mes cheveux et je me mordis un peu la lèvre quand il déclara avoir eu du mal, l’autre jour, à retrouver sa brosse à dent tellement j’avais des produits.

-Désolé pour ça… Je devrais faire un peu de rangement. Mais, oui, je suis assez content de ne pas devoir les cacher.

J’affirmai que j’allais avoir un costume plus léger et j’hochai de la tête quand Brent déclara que mon personnage serait plus humain. Il l’était déjà, en soi, mais, maintenant, ça se verra physiquement. Brent aimait cette évolution.

-Je trouve aussi. Five aura évoluer physique mais aussi dans sa tête. Il aura grandi en quelque sorte. J’aime bien ce que j’ai lu.

Et j’allais avoir moins chaud aussi ! Brent déclara que le pire c’est que, une fois enfilé, on ne pouvait plus se débarrasser de son costume de peur de foutre en l’air le maquillage.

-Je te le fais pas dire… Quand il faisait chaud c’était un enfer.

Mais c’était le prix à payer pour que ça rende bien. Il fallait parfois y mettre du sien même si ce n’est pas toujours simple.

Le maquilleurs continuaient de s’affairer et j’ouvris de temps en temps les yeux pour regarder l’évolution de mon visage. Brent aussi commençaient à doucement avoir plus de cheveux. C’était presque magique.

J’affirmai ignorer ce que ça donnera au final mais Brent avait hâte de voir le résultat final. Je souris.

Je m’intéressai alors au défi que devra relever Brent de jouer deux personnages différents. Datalore et son frère maléfique, Ram. Mais il avoua que les personnages étaient tellement différent que c’était plus simple que des personnages plus semblables. C’est un fait. Il avoua adorer jouer Ram.

-Oui, j’ai remarqué que Datalore souriait parfois. Mais ce n’est pas du tout pareil que le grand sourire de Ram.

Je rigolai un peu.

-Ram a plus de scène. Ça va être fun à voir. Et ça va faire pas mal de scène avec T’Kor. Je soupçonne Shran d’en avoir mis plein pour jouer un maximum avec toi. Vous n’en aviez pas la dernière fois.

T’Kor n’était pas apparu dans les épisodes où Datalore et Ram apparaissaient. En réalité, T’Kor n’apparait souvent que dans une dizaine d’épisodes par saison voir parfois moins parce que Shran veut se concentrer sur la direction d’acteurs. Mais là, il avait mis le paquet vu que T’Kor allait aider l’équipage du vaisseau à déjouer le plan de Ram.

-Tu crois qu’on a une chance de ramener les audiences à Spaceship ? Parce que j’ai bien compris que c’était ça le but… Shran a insisté là-dessus… Si ça ne marche pas, on va se le faire dire.

C’était, en soi, une pression en plus…

Je souris d’un air compatissant pour Enora qui préférait se voiler la face et imaginer que Shran avait dormi pour avoir bonne conscience. C’était dingue cette relation qu’il y avait entre eux. Ils étaient complices, ils se voyaient quasiment tous les jours. Ils s’aimaient d’une façon très fusionnelle et pourtant, une véritable histoire d’amour entre eux était impossible.

Cela restait un mystère pour moi.

On laissa donc Enora et ses secrets pour nous rendre au maquillage où on fut très vite mis à l’aise.

Alors, le travail commença. Un travail de transformation qui avait toujours eu pour moi quelque chose de magique. Et encore ! Le maquillage de Datalore restait relativement basique : poudre dorée et lentilles (plus, aujourd’hui, coloration et rajouts de touffes de cheveux)… Mais j’avais eu l’occasion, dans les années 70, de voir Shran se faire maquiller en T’Kor et ça, c’était impressionnant ! Les antennes, surtout, qui bougeaient réellement car elles étaient téléguidées par un technicien hors champ.

Et en parlant des années 70, grâce (ou à cause de) une photo, je réalisai à quel point le travail allait être ardu pour les maquilleurs aujourd’hui. J’avais vieilli… Datalore n’était pas censé vieillir. Du coup, avec Hugh, on fit le point… Lui et Shran avaient plutôt bien vieilli… Voir pas du tout en ce qui concernait mon meilleur ami.

Hugh n’était pas d’accord avec moi… il disait tricher avec des colorations et avoir pris cher.

-Oui, mais ce n’est qu’une impression, Hugh. Tu as un peu changé, tu n’as plus tes traits juvéniles de l’époque de Love In L.A.… Mais ton visage a embelli d’une certaine façon et je te garantis qu’avec les quelques rides que tu as maintenant, tu vas avoir des rôles intéressants.

Je souris.

-Tu vas attirer les réalisateurs qui cherchent ce que l’on appelle des « gueules ». Fini les rôles de petit minet, pour toi. Je pense que c’est aussi ce que Christopher North a vu en toi pour Boundaries.

Restait à savoir comment Shran, avec tout le stress qu’il trimballait, sans parler de son épilepsie, faisait pour rester la copie conforme de ce qu’il était 20 ans plus tôt. Pas un cheveux blanc et pas un en moins.

Je fis la moue.

-Si on y regarde bien, ses rides autour de sa bouche sont un peu plus marquées et il est un peu plus musclé que quand il avait 20 ans… Mais je n’appelle pas ça vieillir.

Je rigolai.

-La vie est injuste.

Et je n’en avais rien à faire, finalement. J’assumais tout à fait d’avoir changé, d’avoir vieilli… J’aurais encore le temps de m’inquiéter quand les dames de ce monde ne me trouveraient plus aucun charme, ce qui n’était pas encore d’actualité.

Hugh se demandait pourquoi Enora était là alors qu’on était pas mardi. Il pouvait y avoir un tas de raisons et on y alla chacun de notre petite théorie. Et je fis rire Hugh en disant que Shran pouvait toujours essayer de me torturer… M’était avis que ce serait plutôt moi qui allait le faire tourner en bourrique parce que je ne pouvais pas m’empêcher de faire le con sur les tournages.

Hugh, lui, déclara que ça allait aller parce que Shran allait pouvoir travailler des deux côtés de la caméra.

Je hochai doucement la tête pour ne pas déranger le travail du maquilleur qui s’affairait autour de moi.

-Mais oui, il va être calme. Tout va bien se passer, Hugh. Après toutes ces années, tu ne vas pas me dire que tu as peur de Shran ?

Je souris en coin.

-Non… On va lui en mettre plein la vue et il n’en reviendra pas.

Puis qu’on était en train de ressembler de plus en plus à nos personnages, ce fut d’eux qu’on parla. Hugh était content parce que son nouveau design permettrait de voir ses cheveux qu’il entretenait avec soin. Je rigolai et lui fis signe que ce n’était pas grave pour l’histoire de la brosse à dent.

-Moi aussi, j’aime beaucoup ce que j’ai lu. Shran s’est surpassé. Il y a aussi, en ce qui concerne Datalore, pas mal de traits d’humour qui me plaisent beaucoup parce que certains se basent sur des choses qu’on a vécues, Shran et moi… Ce sont de beaux clins d’œil.

Hugh, lui, était content d’avoir un costume plus léger. Il ne fallait pas oublier qu’on tournait à L.A. et à L.A., il fait chaud !

-Oui, ce ne sera pas plus mal d’avoir un costume plus léger.

Sincèrement, j’avais hâte de voir.

Hugh me parla alors du challenge qu’il pensait que c’était de passer de Datalore à Ram. L’un sans émotion, l’autre incapable de les contrôler.

-Moi, ce que j’aime bien chez Five… C’est qu’il est cyborg et pourtant, c’est quelqu’un de très humain. Parfois plus humain et sensible que les humains eux-mêmes. Tes premières scènes, celles où l’équipage recueille Five, où il apprend le concept de l’amitié, m’ont fait monter les larmes aux yeux. Tu as géré.

Quant à Ram, il allait avoir plus de scènes et Hugh soupçonnait Shran de l’avoir fait exprès pour jouer un maximum avec moi !

-J’espère bien qu’il l’a fait exprès ! Depuis le temps que je rêve de confronter Ram et T’Kor !

Deux personnages encore une fois bien différents ! L’un, menteur et vicieux, l’autre, loyal, fidèle et avec un caractère de cochon.

Je me regardai dans le miroir… Le maquilleur était passé à la poudre et de plus en plus, mes yeux bleus semblaient faire cloche.

Hugh s’inquiéta alors soudain des audiences. Je ne bougeai pas la tête, mais fit tourner mes yeux vers lui.

-Ne t’inquiète pas pour ça. Je sais que c’est ce que Shran veut, en dehors du fait qu’il nous aurait probablement rappelés quand même pour le bien du scénario.

Je souris.

-Mais Spaceship est déjà culte… Et cette série n’aura besoin de personne pour le rester. Galactic Wars n’est pas forcément un mal. Je ne sais pas si tu as remarqué, mais personne ne sait parler de Galactic Wars sans évoquer Spaceship et inversement.

J’essayai de capter le regard de Hugh.

-Ceux qui, aujourd’hui, découvriront la science-fiction à travers Galactic Wars ne mettront pas longtemps à aller voir plus loin et à s’intéresser à Spaceship qui est plus vieux… Mais aussi plus recherché.

Brent trouvait que j’avais embelli avec l’âge mais j’affirmai tricher un peu avec divers produit. Il déclara que j’avais changé mais que mon visage s’était embelli d’une certaine façon et que ça me permettra d’obtenir des rôles différents de ceux que j’avais avant. Il ajouta que je ne pourrais plus spécialement jouer des rôles de petit minet ce qui me fit rigoler un peu. Il était clair que mes traits juvéniles de l’époque m’avait aidé à obtenir des rôles. Sans ça, pas sûr que j’aurais eu la carrière que j’ai eu. Et quand il parla de North, je pris un air pensif.

-Peut-être… Il cherchait aussi un latino et ça a aidé. Il sait aussi comment je travaille. Mais tu as peut-être raison. J’aurais la chance d’avoir d’autres rôles. Des choses différentes à jouer. Sans doute pas mal de challenge aussi. Le rôle que j’ai eu dans Boundaries était déjà un sacré challenge.

Parce que le personnage était très différent de ce que j’étais. Il était père de famille… C’était très loin d’être mon cas. Mais je m’étais investi à fond là-dedans prenant comme modèle mon père pour développer mon personnage.

Quant à Shran, le fait qu’il ne vieillisse pas était un mystère. Il fumait, il était constamment sous pression car il se la mettait lui-même et il était épileptique. Un gros cocktail qui devrait, normalement, le faire vieillir prématurément mais ce n’était pas le cas. Brent nota qu’il avait quand même vieilli… Il était, notamment, un peu plus musclé qu’avant ce qui, en soi, n’était pas un mal… Je rigolai.

-En même temps, moins musclé que ce qu’il était avant, c’est difficile. Je suis aussi grand que lui mais même à 20 ans j’étais plus musclé qu’il ne l’était. Bon… Je fais du sport et je sais que c’est loin d’être son cas mais quand même…

Shran et moi étions des petits gabarit. On avait la même taille. Mais il donnait l’impression d’être plus petit à cause de sa physionomie.

Brent trouvait que la vie était injuste.

-Je ne te le fais pas dire…

On parla, ensuite, de la présence d’Enora et du fait que Shran pouvait toujours essayer de torturer Brent que ça n’aura aucun effet. Moi, j’avais déclaré que Shran tendra à se calmer car il aura l’occasion d’être des deux côtés de la caméra. Brent était sûr que ça allait se passer et se demanda comment, après toute ces années, je pouvais encore avoir peur de Stephen. Je tentai de ne pas faire de moue pour ne pas perturber les maquilleurs.

-Peur ? Non. Mais je sais que c’est pas spécialement bon pour lui d’être sur les nerfs.

Brent était certain qu’on allait lui en mettre plein la vue. Je l’espérais. J’allais tout donner pour en tout cas.

On parla, ensuite, de la nouvelle apparence de Five. J’affirmai avoir aimé le scénario prévu par Shran et c’était le cas de Brent aussi. Il avoua même que certaines répliques de Datalore était basée sur des choses réellement vécue par Shran et Brent.

-Il a voulu rendre hommage à votre amitié, en gros. Je le reconnais bien là. Je sais qu’il n’a pas beaucoup d’amis mais qu’il sait prendre soin de ceux qu’il a.

Ce n’est pas la quantité qui compte comme on dit mais la qualité.

Mon costume allait être plus léger et c’était une chose bienvenue. J’allais crever moins de chaud ce qui me permettra de mieux vivre les longues heures de tournages.

J’en vins alors à parler de Datalore et de Ram. Brent fait deux personnages différents ce qui représentait un challenge en soi. Mais ça ne lui faisait pas peur. Il aimait ça justement. Lui affirma aimer Five et avoir eu les larmes aux yeux lors du tout premier épisode où j’apparaissais. Je souris, nostalgique.

-Merci. C’était probablement l’épisode que j’ai le mieux aimé tourner. Jouer des personnages vulnérable ce n’est pas si difficile pour moi… J’ai ça en moi.

Et je n’avais pas peur de le dire à Brent. Il le savait de toute façon. Je vivais avec lui. Il savait par quoi j’étais passé.

Le personnage de Ram allait avoir plus de scène notamment avec T’Kor. J’étais sûr que Shran l’avait fait exprès. La confrontation entre les deux sera épique et Brent en rêvait tout autant que Shran.

-J’a hâte de vous voir à l’œuvre.

Mon maquillage évoluait et après la poudre visant à rendre ma peau plus blanche, les maquilleurs commencèrent à dessiner ce qui ressemblait à une cicatrice.

Je finis alors par parler des audiences. Je savais que Shran nous avait ramené pour ça et qu’on se devait d’être à la hauteur. C’était, indéniablement, une pression en plus. Mais Brent voyait les choses autrement. Il disait que Shran aurait fini par nous appelé quand même, même sans la « menace » de Galactic Wars. Il disait aussi que Spaceship était déjà culte et que d’avoir une autre série de science-fiction pourra amener des gens qui aiment Galactic Wars vers Spaceship.

-C’est pas faux. C’est rare les gens qui ne s’intéressent qu’à une série. Le soucis pour eux c’est que les deux séries passent en même temps. Je sais de quoi je parle. Je regarde les deux séries… River va jouer dans Galactic Wars alors j’ai décidé de suivre la série même si c’est pas mon truc.

Et que Shran s’efforçait de garder sa plage horaire par fierté. Mais ça forçait les gens qui voulaient voir les deux à enregistrer ou choisir…

-Si seulement Shran pouvait voir les choses comme toi… Mais il est borné. Et vu son âge, on ne le changera plus. Quoi qu’il en soit, je vais donner mon maximum. Ce que j’aurais fait même sans cette histoire d’audience.

J’étais sûr et certain qu’avec maintenant quelques années de plus au compteur, Hugh allait pouvoir prétendre à des rôles autre que le petit playboy de service. Il avait déjà eu l’occasion de se prêter au jeu sur le dernier film de North qui était pour moi un excellent film. Hugh, lui, semblait un peu moins optimiste que moi, sans se fermer de porte. Il avait apparemment aimé le challenge qu’avait représenté Boundaries.

On parlait de notre physique, du coup… Un sujet qui, au maquillage, alors qu’on revêtait la peau de nos personnages, avait une certaine légitimité. Surtout qu’on reprenait nos rôles après 16 ans d’absence et qu’on avait changé.

Tous, sauf Shran qui ne me semblait pas avoir vieilli d’un poil. Ça faisait rire Hugh qui affirma que même lui, à 20 ans, était plus musclé que Shran au même âge.

-Il ne fait pas de sport ? Tu rigoles ? Tu l’as déjà vu sur un plateau, quand même ! Si je bougeais autant que lui sur un plateau de cinéma, à vociférer sur tout le monde, je perdrais 10 kilos en trois jours.

Et je rigolai moi aussi. Suivre Shran, c’était un sport en soi.

Bref, la vie était quand même injuste… J’avais l’air de pouvoir entrer en maison de retraite alors que Shran, lui, avait encore l’air d’avoir la trentaine !

Et Hugh était bien d’accord avec moi.

On parla ensuite d’Enora et de sa présence ici. Hugh avait l’air, dans ses propos, de redouter un peu Shran. Ce qui m’étonnait un peu parce qu’ils avaient beaucoup tourné ensemble. Ou alors, il s’en voulait encore pour le tournage de Dark Side…

Mais en fait non… Hugh s’en faisait pour la santé de Shran. Je tournai doucement ma tête vers le petit latino pour ne pas déranger mon maquilleur.

-Ah… Alors tu sais pour…

Je désignai ma tempe de mon index… Hugh savait peut-être mais peut-être pas les maquilleurs.

-Je n’étais pas sûr que tu le savais.

Même si en soi, ça compliquait les choses pour rien. Je n’avais jamais réellement compris pourquoi Shran voulait garder son épilepsie secrète… Sauf pour une question de fierté.

De là, on se reconcentra sur ce qu’il se passait dans nos miroirs respectifs. La transformation prenait forme, ce qui nous amena au scénario qu’on avait bien évidemment en tête tous les deux. J’avais une excellente mémoire, ce qui était un atout pour mémoriser mon texte. Hugh, lui, avait des années d’entraînement. J’avais reconnu, dans certaines répliques écrites par Shran, des choses qu’on s’était déjà dites, des traits d’humour lancés entre nous et c’était assez amusant.

Hugh y voyait un moyen de rendre hommage à notre amitié.

-On ne dirait pas comme ça, mais Shran est un grand sentimental.

Quant à moi, j’avouai avoir eu les larmes aux yeux lorsque j’avais vu pour la première fois l’épisode de l’entrée en scène de Five. Hugh e remercia. Il disait aimer jouer des personnages vulnérables parce qu’il avait ça en lui.

-C’est sûr que tu es certainement bien trop gentil pour ce monde. Mais ne change pas. Il n’y a pas assez de Hugh Crusher dans ce monde.

Shran et moi allions pouvoir tourner ensemble assez bien de scène. Il s’était mis, notamment, face à Ram. Ça promettait quelques belles joutes verbales.

Je souris.

-On va se marrer !

Puis Hugh s’inquiéta des audiences de Spaceship par rapport à Galactic Wars… Personnellement, ça ne me faisait par peur et ça ne m’inquiétait pas non plus. Je savais que les deux séries avaient leurs qualités et leurs défauts… Et Shran avait l’avantage qu’il avait eu l’idée le premier et que ses personnages avaient déjà pas mal évolué autant que son univers s’était étendu. Galactic Wars était seulement au début de tout ça et je doutais que Maxwell puisse faire aussi bien que Shran.

Hugh disait que le souci était que les deux séries passaient en même temps. Je voulus me frotter le menton par réflexe puis réalisai que je ne pouvais pas le faire à cause du maquillage et laissai retomber ma main.

-Je lui ai déjà dit que ce n’était pas grave de changer l’heure de diffusion. Qu’il y avait d’autres très bons créneaux horaires. Mais pour lui, ce serait comme un aveu de faiblesse.

Je fis la moue.

-L’autre problème, c’est que deux chaînes différentes ont acheté les droits… Alors évidemment, eux ça les arrange de se piquer les audiences l’un de l’autre en passant les deux séries en même temps.

Je souris…

-Et tu as mentionné River… Je ne savais pas qu’il était dans Galactic Wars… Tu l’as revu ?

J’avais affirmé que le manque de muscles de Shran venait du fait qu’il ne faisait pas de sport mais Brent souligna que, quand il était sur un plateau, Shran ne cessait de bouger encore et encore. Je rigolai.

-C’est pas faux. C’est sans doute pour ça qu’il a de bonne jambes et de bonnes cordes vocales.

Ce qui expliquait, aussi, peut-être qu’il était si svelte, en fait. Quoi qu’il en soit, il n’avait pas pris beaucoup de rides en 20 ans, lui. Mais la vieillesse peut venir vous frapper tout d’un coup. Je ne l’espérais pas pour Shran, bien sûr. Je ne l’espérais pour personne. Mais le fait est que ça finit toujours par arriver qu’on le veuille ou non.

Brent avait l’impression que je redoutais Shran. Mais ce n’était pas le cas. Si je redoutais la nervosité de Stephen c’était parce que j’avais peur que ça n’entraine une crise d’épilepsie. C’est ce que j’insinuais et Brent se tourna légèrement vers moi se rendant compte que je savais pour la condition de Shran. Je savais que tout le personnel le savait. Et quand Brent fit un geste de son index vers sa tempe, j’hochai de la tête.

-Si, je le savais. En fait, tout le monde sur le plateau est au courant. Quand tu bosses avec Shran sur une série aussi longue que Spaceship où tu dois travailler 5 jours sur 7 pendant 10 mois, il est stipulé dans le contrat que tu ne peux pas révéler sa condition à qui que ce soit en dehors du plateau. Si tu le fais, tu risques des poursuites…

Je fis une petite moue.

-Je l’ai déjà vu plusieurs fois faire des petits crises qui n’entrainent aucune conséquence… Mais sur la saison 1, il a, un jour, fait une grosse crise. C’était impressionnant et ça foutait les jetons.

Je m’en rappelle encore, c’est dire. Ça m’a marqué. Après ça, on avait eu une semaine entière de congé pour que Shran se remette. Après ça, Enora avait serré la vis et avait forcé Shran à finir plus tôt pour avoir assez d’heures de sommeil.

On parla, ensuite, de nos rôles respectifs. Au fur et à mesure que le maquillage avançait, je commençais à me mettre dans la peau de Five nouvelle version. Quant à Brent, il aura la chance de faire deux rôles différents. Il aura, aussi, l’occasion d’avoir pas mal de scène avec Shran. Il disait que certaines répliques étaient des répliques qu’ils s’étaient dites entre eux dans la vraie vie. Pour moi, ça sonnait comme un hommage à leur amitié. Brent déclara alors que Shran était un peu sentimental. Je rigolai.

-C’est vrai, on ne dirait pas à première vue. Mais il suffit de lui parler un peu pour voir qu’il l’est.

Shran n’était pas difficile à décoder. C’était un livre ouvert. Il laissait transparaitre toutes ses émotions sans réellement de filtre.

Brent, lui, avait beaucoup aimé le premier épisode où apparaissait Five. C’était mon préféré aussi. Il faut dire que j’aimais jouer des personnages vulnérables parce que, quelque part, je l’étais aussi. Brent disait que j’étais trop gentil pour ce monde. Peut-être… Et ça ne m’a jamais servi pour être honnête. Même si Brent disait que je ne devais pas changer.

-Je ne crois pas pouvoir changer… Je suis trop vieux pour ça. Mais je dois avouer que ça ne m’a pas toujours servi d’être trop gentil.

Les gens avaient l’art d’un peu trop profiter de toi quand tu es trop gentil avec eux. Mais c’était plus fort que moi… Je ne pouvais pas faire autrement. Tout comme j’étais incapable de dire « non ».

Bref, les scènes écrites par Shran promettaient de bien donner et d’être amusantes à jouer. J’avais hâte et Brent aussi. Il était très enthousiaste et c’était beau à voir.

Ce fut, ensuite, qu’on parla des audiences. Mais Brent était bien moins inquiet que moi par rapport à ça. Il pensait même que Galactic Wars était une aubaine pour Spaceship. Il n’avait pas tort quelque part. Je comprenais ce point de vue. Mais je doutais que Shran le partage, hélas. Pour moi, le gros bémol, pour le public était que les deux séries passaient le même jour à la même heure ce qui empêchait les gens de regarder confortablement les deux. Brent avait bien parlé de ça à Shran mais Stephen voyait ça comme un aveux de faiblesse. Je soupirai.

-Ce n’est pas étonnant… Et quelque part, je le comprends. Il était là avant…

Dans la tête de Shran c’est surement la série de Maxwell qui devrait changer de créneaux horaire…

Brent se disait aussi que les deux chaines ayant acheté les droits avaient bien l’intention de piquer les audiences de l’autre. Une histoire de marketing, en gros… D’argent et de part de marché.

-Sans prendre en compte les envies du public… Je suis sûr qu’une majorité aimerait profiter des deux séries. Mais l’envie du public est sacrifié pour une question d’ego et de part de marché…

Je trouvais ça un peu désolant. Surtout que, moi, j’aimerais pouvoir regarder les deux étant donné que River n’allait pas tarder à apparaitre dans Galactic Wars ce que je ne manquai pas de dire à Brent.

Je me mordis un peu la lèvres aux questions de Brent.

-Oui… Je l’ai revu récemment. Je l’ai invité chez moi… Je pense qu’on est sur la même longueur d’onde lui et moi mais il ne veut rien précipiter.

C’est ce que j’avais compris, en tout cas. River n’est pas si facile à décoder. Il reste un mystère pour moi sur bien des points.

-Et, oui, il a été engagé par Maxwell pour un rôle récurrent. Un antagoniste. Il n’est pas encore apparu dans la série mais j’ai hâte de le voir.

Je souris d’un sourire un peu rêveur.

Avec Hugh, je rigolai un peu aux dépends de mon meilleur ami. Mais comprenez nous ! Pour quelqu’un qui n’avait jamais vu Shran sur un plateau, ça pouvait passer pour de la moquerie… Mais ça n’en était pas. Shran était parfois une véritable caricature de lui-même.

N’empêche que, si ça nous faisait rire, une part de nous s’inquiétait quand même pour le réalisateur. Et je compris en discutant avec Hugh qu’il était au courant pour l’épilepsie de Shran. Mieux encore ! Tout le monde ici était au courant, ce qui voulait dire qu’on pouvait en parler devant les maquilleurs. Tout le monde avait signé une sorte de clause promettant de la boucler à ce sujet.

-Ah… Il a carrément fait signer un papier à tout le monde…

Pas à moi, cependant…

-Je n’ai rien signé, mais il sait que je ne dirai rien, je pense.

Hugh me raconta qu’il avait déjà vu Shran faire des crises… Les petites crises sans conséquence où soudain, ses yeux se révulsaient et donnaient l’impression de clignoter. J’avais déjà vu ça, moi aussi. Mais Hugh se rappelait surtout une grosse crise qui avait mis Shran K.O. pendant une semaine.

-Je sais, je m’en rappelle… J’étais passé à son chevet tous les jours. Il a détesté ça. Pas que je vienne le voir, mais de ne pas être en état de tourner.

A vrai dire, je pensais bien que mes visites, à cette époque, avaient été pour lui sa seule échappatoire… Un moment pour rigoler un peu et lui faire oublier tout ce qu’il ne pouvait pas faire.

-Mais oui, ça fout les jetons quand son cerveau décide… comme de… s’éteindre ? Ou justement de carburer trop fort… ?

Shran était donc au centre de notre conversation. Mon ami qui nous avait donné l’occasion, une nouvelle fois, d’apparaitre dans sa série avec des répliques qui seraient mémorables et deviendraient peut-être cultes avec le temps. Lui seul pouvait écrire des personnages comme Five, même si, un peu comme pour Datalore, Hugh avait eu l’occasion de se l’approprier et d’y amener de sa propre personnalité.

Pour faire tout ça, il fallait une certaine sensibilité… Et cette sensibilité, Shran l’avait, même si ça ne se voyait pas au premier abord. Hugh était bien d’accord.

-Les thèmes abordés par Spaceship sont une belle preuve de cette sensibilité. Des sujets d’actualité, des grandes questions philosophiques. Mais surtout, Shran est assez sensible pour prôner, épisode après épisode, la tolérance et l’égalité pour tous.

C’était ce qui me plaisait vraiment, dans Spaceship et ce pour quoi j’étais si fier d’y avoir ma petite part.

Question sensibilité, Hugh en avait plus que son content ! Je ne voulais pas qu’il change… C’était une personne merveilleuse. De toute façon, il affirmait ne pas pouvoir changer. Même si être d’une gentillesse implacable ne l’avait pas toujours servi.

-Peut-être. Mais le problème, ce n’est pas toi. Ce qui ne tourne pas rond, c’est le monde.

Si tout le monde était comme Hugh, on pourrait dire adieu aux guerres, à la famine et à tous ces fléaux qui mettaient notre planète à feu et à sang.

Quant à l’audience de Spaceship, je ne m’en faisais pas vraiment. Même si effectivement, comme le disait Hugh, c’était bien emmerdant que les séries de Shran et Maxwell passent en même temps sur deux chaînes différentes, forçant presque le public à choisir son camp. Mais Shran ne voulait pas plier en changeant son heure de diffusion. Hugh comprenait.

-Ou alors, prend ça dans l’autre sens. Plutôt que d’être un aveu de faiblesse, ça aurait été la preuve que Shran a confiance en sa création. Tellement confiance, qu’il n’aurait pas peur que les fans ne le suivent pas pour regarder Spaceship à une autre heure.

Je fronçai les sourcils, pas sûr de m’exprimer convenablement.

-Tu comprends ce que je veux dire ?

Hugh avait brièvement évoqué River qui jouait dans Galactic Wars, mais sans aller plus loin… Sans en dire plus. C’était sans compter sur ma curiosité ! Il affirma alors avoir revu River chez lui et penser qu’ils étaient sur la même longueur d’onde !

-Ahah ! Voilà qui est bien ! Ça me fait plaisir de l’entendre !

Il m’expliqua que River Moriarty aurait un rôle récurrent dans la série de Maxwell…

-Mmm… un méchant ! Ça ne m’étonne pas. Quand ça passera, on enregistrera Spaceship et je regarderai la prestation de River avec toi, si tu veux.

Le maquilleur passa devant moi.

-Voilà… Des cheveux comme il y a 20 ans et la peau dorée… Il faut encore que je fasse tes mains, Brent, mais avant…

Il me tendit une petite boîte.

-Il faut mettre tes lentilles. Elles ne sont plus peintes comme il y a 16 ans. C’est une autre technologie moins nocive pour les yeux.

Je pris la petite boîte et l’ouvris.

-J’adore l’effet que ça fait, les yeux jaunes… Mais je vais encore trimer pendant une demi-heure à essayer de les mettre. Je ne sais pas comment fait Shran qui en porte en permanence…

Hugh, lui aussi, avait reçu une petite boîte, mais avec une seule lentille bleue…

-Tu vas avoir les yeux vairons alors ? C’est clair que ça change de l’ancien implant oculaire.

J’avais expliqué à Brent que tout le monde, sur le tournage, savait pour la condition de Shran. Il aurait difficile de le cacher vu qu’on travaillait quasi tous les jours avec lui. Il allait jusqu’à faire signer une clause pour que l’information ne sorte pas du studio. Je ne savais pas pourquoi Shran tenait tant à ce que ça ne se sache pas… Sans doute par fierté, le connaissant. Brent lui ignorait que son ami faisait signer ce genre de clause.

-Oui. Et jusqu’ici, ça fonctionne.

Parce que l’information n’avait encore jamais été rendue public. Jusqu’ici, en tout cas. Si Shran arrivait à cacher ça jusqu’à la fin de sa vie c’était limite un miracle.

Brent affirma ne rien avoir signé mais Shran savait certainement que son ami ne vendra jamais la mèche. Je souris.

-Il se dit sûrement que si tu avais l’intention de le dire ça serait fait depuis des lustres.

Parce que Brent devait savoir ça depuis bien plus longtemps que moi. Shran n’avait pas vraiment besoin de lui faire signer cette clause. Je pense que Shran a une confiance aveugle en son ami ce qui est logique. Brent est quelqu’un de très fiable.

J’expliquai avoir été témoin, il y a longtemps, d’une des crises de Stephen. Brent se rappelait de ça et avoua avoir passé du temps à son chevet pendant sa semaine de convalescence. Je rigolai quand Brent affirma que Shran n’avait pas aimé avoir été mis sur le carreau comme ça.

-Ça ne m’étonne même pas.

Si ça n’aurait tenu qu’à lui, il serait revenu le lendemain. De ça, j’en était certain.

Brent avoua que ça foutait les jetons quand le cerveau de Shran décidait de ne plus coopéré. J’hochai de la tête. Je me rappelle que tout le monde avait été surpris tellement ça avait été soudain. Je me rappelle qu’Enora était désemparée. Elle non plus ne s’était pas attendue à ça.

Après, on parla de nos personnages respectifs et de la sensibilité du réalisateur. Brent déclara que cette sensibilité, on la voyait très bien dans Spaceship. C’est clair que la série prône des valeurs de vivre ensemble et de tolérance chère à Stephen. Il montre, par sa série, le monde dans lequel il souhaiterait vivre. C’est aussi une belle critique de la société d’aujourd’hui.

-C’est vrai. J’avoue avoir toujours rêvé de vivre dans ce monde-là.

Je rigolai un peu mais ce n’était pas faux. Bien que le monde de Spaceship n’est pas tout rose non plus. C’est ça qui est bien. C’est loin d’être une utopie comme certains le prétendent. Il y a des guerres, des mondes aux lois contestables… C’est pour ça que c’est plus une critique du monde qu’une utopie.

Et si Shran était sensible, je ne me défendais pas mal non plus à ce sujet. Brent affirma que j’étais trop gentil pour ce monde mais je déclarai que ça n’était pas toujours un bien. Brent conclu que le problème ce n’était pas moi. J’hochai de la tête. Il a peut-être raison.

Le sujet qu’on aborda ensuite était celui des audiences. C’était notre mission : faire de notre mieux pour remonter les audiences de la série face à Galactic Wars. Moi, je déplorais le fait que les deux séries passent en même temps même si je comprenais le point de vue de Shran. Brent, lui, voyait les choses tout autrement. Je l’écoutais et son point de vue ne manquait pas de bon sens. Si Shran avait confiance en son œuvre, il ne devrait même pas prêter attention à Galactic Wars et devrait changer de créneaux horaire tout en faisant confiance à ses fans. Je souris alors que Brent avait eu peur de mal se faire comprendre.

-Oui, je comprends ce que tu veux dire. Je pense que ça règlerait pas mal de problèmes mais je doute que Shran arrive à voir les choses comme ça.

Il a son ego… Il ne faut pas l’oublier.

J’avais parlé de River et j’avais fini par avouer à Brent que je l’avais revu et qu’il m’avait dit avoir décroché un rôle dans la série de Maxwell. Brent semblait enthousiaste ce qui me fit sourire et rougir un peu même si, avec tout le maquillage que j’avais, ça ne se voyait pas. Il affirma que ça ne l’étonnait pas que River ait le rôle d’un antagoniste. River m’avait, lui-même, dit qu’il préférait ce genre de rôle. Je comptais être au rendez-vous pour voir les épisodes où il apparaitra et Brent déclara vouloir les voir avec moi. Je souris.

-Ça me ferait plaisir ! Même s’il ne vaut mieux pas le dire à Shran.

Je rigolai un peu. Si on disait à Shran qu’on allait enregistré sa série pour regarder Galactic Wars, il allait littéralement nous assassiner pour haute trahison.

Le maquillage de Brent et lui mien avançait bien. J’avais, désormais, des implants collés autour de mon œil gauche pour rappeler l’implant oculaire de Five. J’avais le teint blanc et une cicatrice sur la figure. Ça donnait bien. Quant à Brent, il avait rajeuni tout d’un coup ! C’est surtout les cheveux qui donnaient se rendu.

Restait à mettre les lentilles. Brent en avait deux et moi une. Je n’avais encore jamais mis de lentille. Brent, lui, avait déjà pu en mettre la dernière fois qu’il a incarné Datalore. Il savait d’avance qu’il allait prendre un temps fou à les mettre.

-Moi aussi… Je n’en ai jamais mis de ma vie… Shran a l’habitude, c’est sans doute comme ça qu’il n’a aucun mal.

D’après ce que j’en savais, sans, il ne voyait strictement rien.

J’ouvris ma boite où se trouvait une lentille bleue. Brent conclu que j’allais avoir les yeux vairons.

-Ouais ! Je trouve que c’est une bonne idée. Ça rappelle bien l’ancien design tout en changeant totalement les choses.

Je m’attelai à mettre ma lentille. Ça me pris du temps et pas mal d’essais et erreurs jusqu’à ce que, enfin, je puisse constater le résultat final.

-Et voilà ! Ça donne bien !

J’étais vraiment satisfait et je me tournai vers Brent.

-Tu es parfait ! Le portrait craché de ce que tu étais il y a 16 ans.

Et je ne mentais pas. A part son visage un peu plus rond, tout était comme avant.

-Plus qu’à mettre le costume et on sera prêt !

J’avais hâte de commencer !