C’était le grand jour ! Celui qui allait marquer le début de ma contre-attaque contre Maxwell.

Brent et Hugh allaient tourner leurs premières scènes dans des rôles qu’ils maitrisaient déjà. Je m’étais plié en quatre pour leur donner un scénario rendant hommage à leur personnage. Je ne voulais ni décevoir Brent et Hugh, ni décevoir les fans qui attendaient leur retour avec impatience. Il suffisait d’aller aux conventions pour s’en rendre compte.

Le scénario est simple. L’équipage du vaisseau de Spaceship reçoit un appel de détresse d’un petit vaisseau à la dérive. Ce vaisseau n’est autre que celui de Five, le cyborg autrefois recueilli par l’équipage qui a décidé de suivre son propre chemin et d’aller en quête d’autres cyborg ayant coupés les liens avec l’esprit collectif contrôlant tous les cyborg afin de leur venir en aide. Pendant les années qui nous séparent de l’action actuelle, Five et son petit groupe, avaient trouvé refuge sur une planète, mais, un jour ils sont tombé sous la coupe de Ram, le frère maléfique de Datalore. Un Ram qui leur a promis monts et merveilles en échange de leur obéissances, des paroles que Five n’a pas crues contrairement à pas mal de ses compagnons.

Five a réussi à s’enfuir avec le peu de partisans qui lui restait mais son vaisseau est rapidement endommagé par ses ex-compagnons. C’est l’équipage de Spaceship qui leur viendra en aide. Five expliquera la situation et, vu la dangerosité de Ram, le capitaine décidera d’avoir recours à l’expertise de Datalore, assigné depuis plusieurs années à un autre vaisseau de la Fédération.

En chemin vers la planète et en vue d’arrêter les plans de Ram, l’équipage se rend compte qu’il est suivi par le vaisseau de T’Kor. Ce dernier enquêtait sur la destruction d’un vaisseau de la garde impériale non loin de la planète désormais occupée par Ram. Il blâmera, d’abord, le groupe de Five et demandera leur extradition avant que l’équipage ne le convainque que le responsable est Ram. C’est, donc, tous ensemble qu’ils décideront d’aller stopper Ram qui cherche à concevoir une armée de cyborg amélioré afin de se construire son propre empire.

Une fois sur la planète, Datalore, Five, T’Kor ainsi qu’une équipe composée de trois soldat de T’Kor s’en vont tâter le terrain. Seulement, les choses ne se passent pas comme prévu. Datalore, contaminé par des ondes émises par une puce spéciale mise au point par Ram, finit par le rejoindre alors que le reste de l’équipe d’intervention sera exécuté à l’exception de Five et T’Kor. Five sera emmené pour servir de cobaye aux expérimentations de Ram alors que T’Kor tentera de négocier leur libération depuis sa cellule. Mais il tombera sur un mur et remarquera que Datalore n’est plus du tout le même contaminé qu’il est par des émotions négatives. Sur le vaisseau, le capitaine, ayant perdu contact avec l’équipe d’intervention, enverra une autre équipe et lui-même en vue d’aller porter secours aux disparus. Pendant ce temps, T’Kor réussira à s’évader alors que Five s’attèlera à essayer de convaincre Datalore que Ram utilise ses émotions nouvelles pour avoir une emprise sur lui. Il finit par y parvenir avec l’aide de ses pouvoirs de cyborg. Et quand T’Kor, qui réussira à retrouver le capitaine et l’équipe de sauvetage, finit par se retrouver face à Ram et Datalore, ce dernier se retournera contre son frère alors que Five mettra le chaos entre ses ex-compagnons provoquant la discorde et entrainant la victoire de l’équipage.

Ce n’est pas tant l’action qui est intéressante mais les dialogues. Les interactions. Le développement de chaque personnage. C’est ça qui sera au centre de cette histoire-là.

J’étais fin prêt malgré une nuit complètement blanche. Je n’avais pas réussi à dormir. J’avais relu un milliard de fois le scénario et les dialogues.

-L’éclairage doit être parfait ! Je ne veux pas le moindre défaut ? Là, ce n’est pas assez éclairé. On va bientôt tourner les premières scène !

C’est ce que je vociférait aux techniciens chargé de l’éclairage. J’étais ici depuis 2h du matin ! J’étais déjà complètement maquillé et il était, désormais, 4h du matin.

-Laisse-les tranquille et va mettre ton costume, T’Kor. Brent et Hugh sont au maquillage.

C’était la voix d’Enora. Je me tournai vers elle en affichant une petite moue. Même si j’étais ravi de voir que Brent était à l’heure et réveillé. J’étais probablement le seul sur cette planète pour qui il se levait tôt. C’était une sorte de privilège.

-Brent est réveillé ?

Enora tentait de rester sérieuse mais esquissa un petit sourire à ma remarque.

-Oui. Mais je lui ai fait apporté du café. Ils ont l’air en forme tout les deux. Va t’habiller sinon tu vas être ne retard sur ton propre planning de fou. Et je ne veux pas finir la journée à 23h…

Aucun courage cette Enora Lee… Je grommelai mais j’avais peu d’arguments face à celui de mon propre planning alors je m’en allait enfiler mon costume de T’Kor avant de me mettre en place pour commencer à tourner pendant que Brent et Hugh achevaient d’être maquillés. J’espérais que le résultat de leur maquillage allait être à la hauteur de mes attentes !

Je me mis alors à tourner une scène. Celle entre T’Kor et le capitaine du vaisseau. Au moment où ce dernier me convainc que Five n’a rien n’à voir dans la destruction du vaisseau de la garde impériale. Une fois dans la boite, Enora s’approcha pour me tendre une bouteille d’eau.

Je fis la moue.

-J’ai pas le droit à un café, moi ? C’est juste pour Brento les privilège ?

Elle fit une petite moue avant de soupirer.

-Le café ce n’est pas bon pour toi… Tu étais tendu pendant la scène. J’espère que Brent et Hugh arriveront à te détendre…

Je bus une grosse gorgée d’eau avant de faire, moi aussi, la moue.

-T’Kor était tendu aussi… On vient de démolir le vaisseau d’un de ses amis !

Enora fit une moue qui se transforma en petit sourire. Elle savait qu’elle ne pouvait rien répliquer face à ça.

C’est à ce moment-là que Brent et Hugh arrivèrent habillé et maquillé. Je pouvais voir, en direct, le résultat et j’étais vraiment satisfait ! J’affichai un large sourire avant de m’approcher d’eau et de les saluer.

-Brento ! Hugh ! Content de vous voir ! Vous êtes parfait comme ça ! Je pourrais dire à l’équipe de maquillage qu’ils ont fait du bon travail ! Tu as au moins 30 ans de moins comme ça, Brento !

Je le charriais un peu même si… Ce n’était pas totalement faux, en vrai.

Enora appela Hugh et ce dernier la rejoignis me laissant seul avec Brent. Je le regardais encore de haut en bas. Il avait un peu plus de ventre qu’à l’époque mais c’était facile à cacher en gérant bien les prises d’image. J’avais de bons caméramen et de bons monteurs. Je n’avais pas de soucis à me faire à ce niveau. Mais comme j’en étais à charrier mon ami, j’en rajoutai une couche en faisant une moue pensive.

-J’aurais peut-être dû te mettre au régime, finalement…

Je pouffai ensuite de rire pour lui montrer que je rigolai avant de reprendre mon sérieux.

-Tu es habillé en Ram. On va commencé par la toute première scène entre T’Kor et Ram. Celle où il vient d’être mis en cellule et que Ram vient le voir. T’Kor vient de perdre trois hommes dans la scène précédente alors ça va être électrique ! Sauf si tu préfères commencer par une autre scène.

Brent était le seul à qui je laissais ce choix. Il n’était pas acteur de base et il était important de ne pas le mettre en danger en commençant par le mauvais bout. Je préférais commencer par ailleurs si ça le mettait en meilleures conditions.

Avec un peu d’aide, il ne m’avait quand même pas fallu une demi-heure pour mettre mes lentilles. Mais j’avais oublié qu’au début, ça pouvait être inconfortable. Je savais cependant que cet inconfort allait vite passer une fois mes yeux naturellement réhumidifiés.

Quand je me regardai dans le miroir, une fois le maquillage terminé, je n’en revenais vraiment pas. Les maquilleurs avaient réalisé un véritable tour de force ! Je regrettais presque de ne pas avoir eu le courage de pousser le vice jusqu’à faire un petit régime qui m’aurait encore plus rajeuni… Mais je n’étais pas assez fou pour ça.

Puis j’aimais trop manger et boire.

Bref, Hugh et moi nous étions naturellement tournés, d’abord vers des grands miroirs puis ensuite l’un vers l’autre. Les modifications du design du personnage de Five étaient impressionnantes ! Plus de gros casque, plus de tuyaux et de câbles qui lui sortaient de partout !

Non.

Il avait bien sûr des implants, mais beaucoup plus subtils. Et pour avoir lu le scénario, je savais que mon personnage de Ram y était pour quelque chose ! C’était ça qui était génial avec Shran : c’était un pro du recyclage. S’il pouvait user d’un personnage déjà existant pour raviver son scénario, il le faisait, pour le plus grand bonheur des fans, dont je faisais partie.

Par contre, quand vint le temps de passer mon costume, je m’étonnai qu’on ne me donne pas mon uniforme qui faisait de Datalore un membre de la Fédération.

Non… A la place, on m’habilla tout de noir, dans une combinaison avec de faux renforts qui me donnèrent directement des allures de dictateur.

-Oh… Ok ! Je commence avec une scène de Ram !

Dès que je lui avais parlé du frère maléfique de Datalore, lors de cette soirée costumée il y avait des années de ça, l’imagination de Shran avait commencé à carburer. Il avait adoré mon esquisse de concept d’opposer un androïde dépourvu d’émotion, à son frère qui lui avait été construit pour ressentir les choses comme un humain. Sauf qu’il les interprétait mal et comprenait mal ce que c’était d’être humain. Et cette vision tronquée des choses avait fait de lui un des vilains de l’histoire.

Une fois prêts, Hugh et moi nous dirigeâmes vers le plateau pour rejoindre Shran. Mais nous ne fûmes pas conduits sur le décor qui représentait la passerelle du vaisseau (où se déroulaient la plupart des intrigues)… Mais sur un décor où il y avait une cellule dans un endroit qui ne ressemblait pas au vaisseau, mais à une installation sur une planète. Heureusement, je connaissais le scénario par cœur, ce qui me permit de ne pas être perdu ! Que du contraire, je situais déjà la scène !

Shran nous accueilli avec enthousiasme ! Il était habillé et maquillé en T-Kor et il était toujours impressionnant en membre de la garde… Il était peut-être petit, mais T-Kor était le type à côté duquel on ne pouvait pas passer. S’il fallait prendre des décisions, il fallait passer par lui, dealer avec lui.

-Salut Shran !!!

J’écartai les bras, assez fier du résultat de mon maquillage et de mon costume.

-Ils ont fait un travail merveilleux ! Je n’aurais pas cru ça possible ! Mais 30 ans de moins, tu exagères !

Je souris à Hugh avant qu’il n’aille s’asseoir pour attendre son tour de tourner et reportai mon attention sur Shran.

-Tu as fait une véritable prouesse avec les modifications apportées à Five !

Il me regarda de haut en bas alors que je m’enthousiasmais et il fit la moue. J’allais lui demander si quelque chose n’allait pas mais il me devança en parlant de régime ! Je fis la moue… Puis éclatai de rire.

-Je vais rentrer mon ventre, promis.

En noir, ça ne se voyait pas trop… Il faudrait voir avec l’uniforme de la Fédération nouvelle version.

Il m’expliqua alors que j’étais habillé en Ram. Je souris.

-Je l’avais compris.

Puis, je l’écoutai attentivement. Il voulait commencer par la scène de la cellule, comme je l’avais deviné. Au début, cette façon de tourner qui n’était pas linéaire, pas chronologique, m’avait un peu perturbé. Mais désormais, j’avais un peu compris le truc.

-C’est parfait pour moi ! Commençons par ça. J’ai déjà mon texte en tête et je sais comment Ram va se comporter.

Je souris bien grand, comme le faisait Ram.

-Attends-toi à t’énerver vraiment, car je ne vais pas te ménager !

Ram avait l’art de sourire la plupart du temps, sauf quand il se rendait compte qu’il était coincé et que les gentils allaient finir par gagner. Et ce sourire, pour la première fois face à T-Kor allait très certainement mettre mon ami bleu hors de lui.

Je me mis donc en place. Je devais d’abord marcher pour entrer dans le champ de la caméra pour venir me planter devant T-Kor, dans la cellule où Shran venait de se placer. Des figurants Cyborgs dévoués à la cause de Ram me suivaient, pour la sécurité de leur dictateur.

Une fois devant Shran, je baissai la tête, souris et levai mes yeux jaunes vers lui en secouant la tête d’un air réprobateur.

-Commandeur T’Kor… De la garde impériale… Qui vous a permis à vous et vos vaisseaux de marcher sur mes plates-bandes ?

Brent et Hugh étaient parfait ! C’est exactement ce que j’avais en tête… Je devrais demander à Enora d’augmenter l’équipe de maquillage parce qu’ils ont fait du beau travail. Brento confirma le magnifique travail de mon équipe même s’il déclara que j’exagérais quand je disais que ça lui donnait 30 ans de moins. Je ricanai.

-Moi ? Exagérer ? Jamais !

Hugh s’écarta de nous pour aller s’asseoir plus loin alors que Brent saluait mes modifications faites au costume de Five et à son apparence. Ce changement avait, bien sûr, était intégré au scénario. C’est Ram qui a opéré ces modifications sur le cyborg. J’esquissai un petit sourire.

-Je voulais facilité la tâche de ce pauvre Hugh. Puis, scénaristiquement ça montre que le temps n’est pas figé. Qu’ils s’est passés des choses pendant toutes ces années et que Five, inévitablement, à changer à tous les niveaux.

Je regardai un peu mieux mon ami déclarant que j’aurais dû lui demander de faire régime. C’était pour le charrier, en fait. Je savais comment faire pour que ce détail ne se voit pas… Puis, je crois que ça aurait été peine perdue d’essayer de faire faire un régime à Brento. Mon but n’était pas de le rendre malheureux. Et je savais qu’il détestait autant le sport que de se priver de la bonne cuisine.

Il affirma qu’il rentrera son ventre.

-Non, ne t’en fais pas. J’ai des trucs pour que ça ne se voit pas. Le cinéma c’est de la magie, Brento.

Je préférais qu’il se concentre sur son jeu plutôt que sur son ventre.

J’affirmai alors qu’on allait commencer par des scènes avec Ram ce qu’il avait compris vu son costume. J’expliquai par quelle scène on allait commencé. Je savais que Brento devait connaitre son texte par cœur. Il était doué pour ça. Plus que je ne l’étais. Moi, il m’arrivait de changer mes propres répliques en cours de route ce qui, en soi, ne posait pas problème car je suis le réalisateur et que je fais, de toute façon, ce que je veux !

Brento était d’accord de commencer par là. Il savait déjà comment gérer la scène. J’hochai de la tête.

-Parfait ! Je n’en attendais pas moins de toi.

Et il sourit comme le faisait son personnage alors que je fis une moue digne de T’Kor quand il déclara qu’il n’allait pas me ménager.

-Oh mais je compte bien me défendre ! Tu ne perds rien pour attendre !

Je crois que si on était déjà en train de tourner mes antennes, à ce moment-là, seraient déjà bien pointée vers l’arrière.

Ça promettait !

On se mit alors en place. Enora, elle, s’installa dans mon siège de réalisateur. C’était elle qui prenait cette place quand j’étais en train de tourner. Elle n’était pas réalisatrice mais elle savait comment je travaillais et après toutes ses années c’était probablement la mieux placée pour savoir si quelque chose clochait.

Je me mis en place dans ma cellule. Il n’y avait rien qui me séparait de Ram… Du moins rien de visible car dans la série, il y a bien un champ de force qui m’empêche de m’évader. Je me mis rapidement en condition à considéré que j’étais sortit de mon rôle depuis que j’étais sorti de la salle de maquillage… Vu qu’Enora m’appelait T’Kor depuis tout à l’heure, j’en doutais.

Je faisais les cent pas dans la cellule alors que Ram s’amena avec deux cyborgs comme garde du corps. C’était pour le style car, en soi, Ram était plus fort physiquement que les ex-compagnon de Five. Je viens de perdre trois de mes hommes. De bons soldats. Des amis. Alors quand Ram posa son regard sur moi, son grand sourire aux lèvres avant qu’il ne baisse la tête levant les yeux vers moi. Je soutenais son regard. T’Kor ne baisse le regard devant personne. Ni la tête d’ailleurs !

Ram demanda ce que les vaisseaux de la garde impériale faisait sur SES plates-bandes.

-Tes plates-bandes ? Cette planète est sur un territoire administré et surveillé autant par mon empire que par la Fédération en partenariat. Il ne t’appartient pas, Ram. Tu n’avais aucun droit de détruire un vaisseau impérial. C’est considéré, par l’empire comme un acte de guerre de ta part. Mon but est de te capturer et te faire juger pour tes actes !

Je changeais ma voix quand je faisais T’Kor, la rendant plus grave. Un T’Kor énervé. Ça s’entendait.

-Où est Five ? Qu’est-ce que tu as fait à Datalore ? Quel est ton plan ? A considéré que tu en as un…

Je dis ça sur un ton légèrement provocateur. Ram était réputé pour faire ses plans au fur et à mesure et T’Kor, bien qu’il n’avait jamais été face à Ram, n’ignorait pas ce fait.

Autant Shran que moi étions ravis du résultat du maquillage ! Bon, ça ne me donnait quand même pas trente ans de moins, mais au moins vingt ! Et si Datalore n’avait pas changé, Five, lui, avait été presque entièrement modifié !

Cela s’expliquait par deux choses : Shran voulait soulager Hugh de son lourd costume de cyborg et ça prouverait que Five avait évolué pendant toutes ces années. Et Ram, mon personnage, le frère maléfique de Datalore, n’y était pas pour rien ! Cela amenait donc du scénario avec un recyclage que les fans allaient adorer !

Il n’y avait que mon ventre qui était un peu plus rond… Et mon visage aussi. Mais Shran garantissait que ça ne se verrait pas grâce à la magie du cinéma.

Je souris.

-Parfait ! J’ai hâte de voir le produit fini.

Il y avait des acteurs qui détestaient voir le résultat de leur travail. Il y en avait qui ne regardaient jamais leurs propres films. Je ne faisais pas partie de ceux-là… Peut-être parce que je n’étais pas vraiment un acteur et que tout ça me fascinait !  

Shran voulait commencer par la scène de la cellule. Un dialogue prometteur entre T’Kor et Ram. Directement, mes répliques me vinrent en tête, ainsi que les mouvements que j’avais imaginés. C’était l’avantage de Ram par rapport à Datalore : je pouvais user de toutes les expressions de mon visage… Tandis qu’avec Datalore, je devais la jouer beaucoup plus subtil. Car si l’androïde n’avait pas d’émotions à proprement parler, il avait sa propre façon de ressentir les choses et parfois, il avait des fantômes d’expressions sur le visage.

J’étais donc prêt et Shran n’en attendais pas moins que moi. Ce à quoi je lui répondis par un regard et un sourire provocateur. Il était peut-être T’Kor depuis 2 heures du matin… Mais Ram venait de se réveillé et était prêt à faire sortir tout le monde de ses gonds !

Et il réagit d’ailleurs d’une façon digne de son personnage !

On se mit en place et je fis mon entrée, escorté par deux cyborgs qui avaient été les compagnons de Five avant de me rejoindre dans l’espoir de pouvoir atteindre un niveau supérieur. J’avais réussi à modifier les implants du petit Five… Mais il avait eu de la chance, car la plupart des cyborgs sur lesquels j’avais tenté mes expériences n’étaient plus que des automates désarticulés et dépourvus d’âme.

Et en plus, je devais protéger la planète que je m’étais auto-appropriée des incursions de la Fédération et de la garde impériale à laquelle appartenait T’Kor ! D’où la destruction de leur vaisseau !

T’Kor cessa de faire les cent pas quand j’arrivai, mais s’arrêta net pour plonger son regard dans le mien. Il ne levait pas la tête, cependant. Juste les yeux… Je faisais 10 centimètres de plus que lui (sans les antennes), mais il ne donnait ainsi pas l’impression d’être le gringalet qu’il était pourtant.

T’Kor s’emballa alors au sujet de cette planète qui ne m’appartenait pas, au sujet du vaisseau impérial détruit par un rayon que j’avais fait partir directement de la planète et qu’ils n’avaient pas vus venir. Il voulait me capturer et me faire juger.

Je pouffai de rire.

-Me capturer ? Ce n’est pas moi qui suis derrière ce champ de force, T’Kor.

Sa voix était plus grave, ses mots tombaient comme des couperets. T’Kor avait une façon bien à lui de s’exprimer. Comme Ram qui semblait en permanence tout prendre à la rigolade.  

En dehors de tout ça, il y avait deux choses dont je devais faire totalement abstraction : le bourdonnement du mécanisme qui faisait bouger les antennes de T’Kor et les caméras qui prenaient différents points de vue de la scène… Et pourtant, ce que ces bzz bzz me donnaient envie de rire !

T’Kor voulait savoir où était Five et ce que j’avais fait de Datalore… Et l’un des gros défauts de Ram, c’était qu’il adorait s’écouter parler.

-Five doit être reprogrammé. Cet ingrat semble avoir déjà oublié qui l’a sauvé, lui et les semblables.

Je souris, machiavélique.

-Mon frère, lui, a compris… Ensemble, nous créeront une nouvelle race de cyborgs. Plus forts, plus passe-partout et surtout, déconnectés du Collectif !

Je regardai T-Kor dans les yeux.

-Je vais leur offrir la liberté ! Leur apprendre à vivre par eux-mêmes. Avec moi pour leader, nous allons conquérir la galaxie !

Je m’approchai un peu du champ de force, comme pour mettre la pression sur T’Kor.

-Mon rayon est actuellement braqué sur l’USS Explorer… Rendez-vous et vous en sortirez vivants pour pouvoir participer à notre plan d’expansion !

Si j’étais déjà dans mon personnage depuis 2h du matin, Brento venait de se fondre dans celui de Ram en quelques instants. Nous n’étions plus Brent et Shran, les meilleurs amis. On était Ram et T’Kor, deux ennemis. Et notre échange, avant même qu’on entre dans le décor montrait bien qu’on était plus que prêts !

On se mit en place et, comme d’habitude, je réussis à faire abstraction du reste. Des caméras. De l’équipe techniques. Des bruits que faisaient le mécanisme de mes antennes. Et même d’Enora Lee !

J’étais T’Kor. Je venais d’être fait capturé par Ram et ses sbires. Je venais de perdre trois de mes hommes. Datalore et Five étaient je ne savais où… La situation était grave mais Ram allait m’apprendre qu’elle était encore pire que je ne le pensais.

Il s’amena et la joute verbale commença alors qu’un champ de force nous séparait. Je soutenais son regard à ma façon bien à moi qui me permettait de ne pas paraitre soumis malgré mes dix bons centimètres de moins. T’Kor n’était pas du genre à se laisser faire. Même pas par un androïde aux capacités supérieures voulant se prendre pour un dictateur.

Ram avait son éternel sourire. Les seules fois où il le perdait c’était quand il était réellement agacé. C’était l’idée de Brent qui a réussi à mettre en avant son sourire ravageur et l’utiliser à une toute autre fonction que la séduction tout en marquant la différence significative entre les deux frères androïdes. Car si, physiquement, ils étaient totalement identiques dans les faits, ils sont totalement opposés.

Deux faces d’une même pièce. J’aimais cette dualité-là.

La situation étant critique, je ne le prenais pas à la légère et si Ram se croyait sur sa planète dans son secteur de l’espace, je remis les points sur les « i » notant que ce territoire ne lui appartenait pas. Qu’il sera jugé pour la destruction du vaisseau de la garde impériale qui appartenait à un de mes amis. T’Kor paraissait dur de l’extérieur, parfois intransigeant mais il avait un sens moral et certaine sensibilité.

Ainsi je ne tardai pas à signifier à Ram que mon but était de le ramener sur ma planète pour l’y faire juger. La Fédération voudra sans doute faire de même mais ce n’était pas mon problème actuel.

Ram, rigolard, clamant que c’était moi qui, pour l’instant, était derrière le champ de force de quoi me faire froncer les sourcils et afficher ma légendaire moue alors que mon regard toisait toujours l’androïde.

J’étais bien dedans au point où j’espérais que Brent allait y rester aussi. Il n’était pas acteur de base et je savais qu’il pouvait se faire plus facilement distraire par tout ce qu’il y avait autour. Mais pour le moment, il gérait.

Ma première considération était le sort de mes comparses, Datalore et Five. Je connaissais bien Five et je connaissais Datalore de réputation. Je savais que ce dernier avait l’estime du capitaine de l’USS Explorer et ça suffisait à me convaincre qu’il valait le coup d’essayer de le tirer d’affaire.

L’avantage de Ram ? Il adore s’écouter parler. Le capitaine me l’avait dit et je pouvais le constater alors qu’il expliqua le sort funeste qu’il réservait à Five. Quant à Datalore… Il disait que ce dernier l’avait rejoint dans ses plans digne du plus grand mégalomane.

-Il parait que tu es un menteur invétéré. Je constate que c’est le cas. Datalore ne t’aurais jamais rejoint. Qu’est-ce que tu lui as fait ?

Je ne croyais pas que Datalore avait rejeter ses principes pour rejoindre son frère. Datalore était peut-être dépourvu d’émotion mais il avait un grand sens moral contrairement à Ram.

Ram continua à parler alors qu’il clamait qu’il allait offrir la liberté aux cyborgs. Je ricanai d’un ricanement jaune soutenant toujours son regard jaune.

-La liberté ? Sous ta coupe ? Ils devront se soumettre à tes quatre volontés. Ils ont troqué une dictatrice pour un dictateur. C’est tout.

Car les cyborg était dirigé, quand ils étaient connecté, à une reine. C’est elle qui dirige la ruche. Une reine qui cherche à faire de chaque individu un cyborg connecté.

Ma tension pouvait se voir dans mon regard mais aussi dans mon attitude. J’étais complètement tendu mes antenne braquée sur Ram.

C’est là que les menaces tombèrent. Ram, avec son rayon destructeur, comptait détruire l’USS Explorer si on ne se soumettait pas.

Un mot de travers et je finissais responsable de la mort d’un peu plus de mille personne, l’USS Explorer était le navire le plus grand de la flotte de la Fédération. Un navire fait pour l’exploration et non la guerre même s’il peut se défendre.

Contrairement à mon propre vaisseau, lui aussi en orbite, qui lui est un vaisseau de guerre plus petit et plus maniable.

-Si tu détruits l’USS Explorer, Ram, ça sera tous les vaisseaux de la Fédération et de la garde impériale qui viendront te déloger d’ici et ton rayon ne pourra pas les frapper tous en même temps.

Ram n’était pas un tacticien de guerre. Moi, si.

-Si tu fais ça, tu signeras ta propre destruction.

Je savais que je ne devais pas le pousser à bout même si, de mon côté, j’étais à bout. Il m’arrivait de faire des choses stupides quand j’étais à bout mais pas quand je savais que je risquais la vie de milliers de personnes en pétant un câble.

-Tu n’as aucune chance de mener à bien ton plan. Toute la Galaxie te barrera la route… Tu n’as pas assez de partisans. Vois les choses en face, Ram… Tu n’y arriveras jamais !

J’étais Ram. Shran était T’Kor… Et plus la scène avançait, moins j’entendais les antennes de Shran, moins je voyais les caméras dans mon champ de vision périphérique. Nous n’étions plus que nous deux, si on oubliait aussi les cyborgs qui m’accompagnaient uniquement pour faire pression sur T’Kor.

Pour l’instant, j’avais l’avantage sur l’Empire et sur la Fédération. Je les tenais au bout d’un rayon mortel capable de détruire n’importe quel vaisseau qui viendrait m’importuner (je l’avais déjà prouvé en détruisant un vaisseau impérial, ce qui mettait T’Kor hors de lui pour mon plus grand bonheur) dans ma lutte pour gagner le pouvoir total et exclusif sur des cyborgs renégats.

T’Kor voulait savoir où étaient ses amis survivants, à savoir Five, ce petit traître, et Datalore, mon propre frère. L’un était en train d’être préparé pour des expériences potentiellement mortelles visant à améliorer les cyborgs… L’autre m’avait rejoint…

Ce dernier point, T’Kor n’y croyait pas, me traitant de menteur.

Je feignis d’être choqué…

-Moi ? Un menteur ?

Je retrouvai mon sourire.

-Si, Datalore m’a rejoint. Il m’a suffi de lui donner ce à quoi il aspire depuis son activation…

Je vrillai T’Kor du regard, souriant encore plus grand.

-Des émotions, des sensations… Et sans moi, il perdra cela.

Ce qui voulait dire que Datalore ne chercherait pas à me nuire… D’autant que…

-J’ai désactivé son programme éthique.

Datalore ne pouvait donc plus faire la différence entre le bien et le mal. Il ne pouvait plus se fier qu’à moi, surtout s’il voulait ressentir quelque chose plutôt que redevenir le pathétique automate au service de la Fédération qu’il était ! Cela faisait près de trente ans que Datalore faisait partie de la Fédération et il n’était encore que Lieutenant Commandeur ! Alors qu’il avait les capacités pour diriger un vaisseau à lui tout seul !

Quel gâchis !

J’expliquai à T’Kor à quoi rimait tout cela, lui parlant de la liberté pour les cyborgs qui avaient été déconnectés du Collectif. Mais pour T’Kor, c’était troquer un dictateur pour un autre.

Je secouai la tête négativement, faisant la moue à mon tour.

-Parce que vous trouvez que la Fédération à fait mieux pour Five ? Oh mais j’imagine que oui, vous êtes tellement sûr que votre cause est juste que vous vous permettez de faire la morale aux autres ! Que tout le monde suive le dogme de la Fédération ! C’est le seul vrai !

Je regardai T’Kor, moqueur.

-Vous n’êtes pas meilleurs que je ne le suis. Combien de fois avez-vous perturbé des civilisations entières pour qu’elles se conforment à votre façon de vivre ? Combien de fois avez-vous transgressé votre sacro-sainte directive première ?

Là, dans le scénario, Shran faisait l’autocritique de la Fédération via Ram. Et je trouvais que c’était assez bien amené.

Je terminai sur une menace. J’avais l’USS Explorer en joue et au moindre faux-pas de la part de quiconque, j’allais faire sauter tout le monde dans l’espace. Mais T’Kor ne se laissa pas démonter. Pour lui, j’étais perdant d’avance ! Détruire l’USS Explorer ne mènerait qu’à ma propre destruction car il y aurait une véritable vendetta contre moi de la part du reste de la Galaxie. Parce que sur l’USS Explorer, il y avait des humains, mais aussi d’autres représentants des planètes faisant partie de la Fédération.

Selon T’Kor, je n’avais pas assez de partisans.

-Oh mais j’ai mes cyborgs… Si la Fédération les détruit, cela s’apparentera à un génocide…

Je souris.

-Vois-tu, tous les cyborgs ne sont pas comme Five…

Je haussai les sourcils.

-Et bientôt, même Five ne sera plus comme Five.

Ram affirmait que son frère l’avait rejoint chose que je ne pouvais pas croire. Ram était un menteur. Il l’avait toujours été. Et bien que je ne l’avais encore jamais vu en face, je me méfiais de tout ce qu’il disait. Or, je doutais que Datalore l’ait rejoint de son plein gré. Je connaissais la réputation de l’androïde. C’était un officier exemplaire de la Fédération. Il avait l’estime de gens que j’estimais.

Ram fit mine d’être choqué par mon affirmation qui insista sur le fait que Datalore l’avait rejoint en échange de ce qu’il désirais le plus. Je levai un sourcil. Je n’avais pas côtoyé Datalore et j’ignorais que sa plus grande aspiration était de devenir plus humain. D’avoir, comme eux, des émotions et des sensations que sa condition d’androïde ne lui permettait pas d’avoir.

Ainsi quand Ram laissa sa phrase en suspendant, je levai un sourcil avant qu’il n’explique qu’il avait donné à Datalore la capacité de ressentir… Que sans Ram, il risquait de perdre ça. Son sourire de vainqueur m’agaçait et je serrai les dents quand l’androïde ajouta qu’il avait, aussi, désactivé le programme éthique de son frère ce qui expliquait le fait que Datalore n’ait pas été choqué par la mort de trois de mes hommes. Il n’en avait pas eu l’air en tout cas.

-Tu lui as donné des émotions qu’il n’est peut-être pas capable de gérer tout en désactivant son programme éthique ?! Autant dire qu'il est ta marionnette! En aucune cas tu ne lui as laissé le choix!

Je dis ça en m’exclamant énervé par ce que je venais d’entendre. Ram dans ces conditions avait tout contrôle sur son frère.

C’est aussi par des promesses qu’il avait réussi à s’attirer l’allégeance de quelques cyborgs déconnectés. Des promesses de liberté… Sauf que Ram n’avait rien d’un leader bienveillant. Son but était, très clairement, de dominer cette galaxie. D’en être le dictateur. Les cyborgs ne seront pas plus libre qu’ils ne l’étaient dans le Collectif. Ils seront juste l’instrument d’un autre mégalomane.

C’est là que Ram entra dans une critique de la Fédération. De ce que celle-ci avait fait avec Five. Du fait que la Fédération avait tellement foi en ses valeurs qu’elle les pensaient plus justes que celle des autres. De toutes les fois où ils ont brisés leur propre règles déstabilisant des civilisations entière pour un motif ou un autre. Mon but, à travers le discours de Ram, était de faire l’autocritique des « gentils » de l’histoire. La Fédération avait aussi ses défauts même si chaque transgression de la directive première, cette loi de non-intervention dans une civilisation qui ignore l’existence d’autres races intergalactiques, pose, en réalité, chaque fois un débat au sein de l’équipage. C’est là que je montre que Spaceship n’est pas moralisateur… Il n’y a pas une décision meilleure qu’une autre. Il y a juste un choix à faire et celui qui le fait le fait pour des motifs qu’il pense en phase avec ses valeurs. Il n’y a pas de bonne réponse à certains dilemme éthique. Juste un choix à faire.

Même si, parfois, des erreurs étaient commises par des capitaines de la Fédération pour des questions d’ambitions, de vengeance, de mauvais jugement. Pas là, je voulais montrer que rien n’était parfait nulle part. Que certaines choses étaient inhérentes au genre humain.

-La Fédération n’est pas parfaite. Je suis le premier à en faire la critique. Mais elle recherche la paix et la coopération entre civilisations parfois très différentes. Tu ne peux pas en dire autant, Ram. Tout ce que tu veux, c’est le pouvoir, quoi qu’il en coute. Tu es même prêt à sacrifier tout tes cyborgs pour ça.

Je dis ça en jetant en œil aux deux cyborgs essayant de faire germer en eux la graine du doute. J’étais toujours tendu et je toisai toujours Ram qui avait une expression moqueuse.

Ram enchaina sur des menaces. Une menace concrète qui, si je faisais la moindre erreur, me rendra responsable de la mort de plus de mille personnes. J’étais un militaire. Je savais garder mon sang froid quand la situation l’exigeait même si tout mon corps n’avait qu’une seule envie : démolir Ram. T’Kor était comme moi quand il était énervé… Au bord d’un gouffre à essayer de lutter pour ne pas tomber dedans et se laisser emporter par ses émotions. C’était sans doute ça qui ne plaisait pas à mon cerveau la plupart du temps. On se fatigue à lutter sans cesse ainsi contre ses propres instincts.

Je choisis, donc, de répondre à sa menace en lui montrant les conséquences s’il venait à l’exécuter. Sans compter que sa volonté d’expansion risquait bien d’être un échec vu son faible nombre de partisans. Le soucis de Ram c’était qu’il voyait rarement à long terme ce qui provoquait, souvent, l’échec de ses plans.

Il déclara que si la Fédération détruisait les cyborgs, ça reviendrait à un génocide cette phrase renvoyant directement à l’un des tout premier épisode de la série où l’équipage de l’USS Explorer avait été tenté par l’idée d’utiliser Five afin de provoquer la destruction de l’entièreté du Collectif sur base du motif qu’ils étaient en guerre et qu'il était impossible d'arrêter le Collectif d'une autre manière.

Mes lèvres se pincèrent… Mes sourcils se froncèrent encore plus rendant mes yeux encore plus petits qu’ils ne le sont à la base. Ram affirma que tous les cyborgs n’étaient pas comme Five et que, bientôt, Five ne sera plus comme Five.

Je suis un bon diplomate mais entendre que Five, que j’appréciais, n’allait plus être le même combiné au fait que j’étais totalement inutile derrière se champ de force me fit faire la chose la plus stupide qui soit. J’envoyai mon poing sur la barrière qui me séparait de Ram. Inévitablement je ne tardai pas à ressentir une vive douleur dans tout mon corps quand mon point n’atteignis pas la face de Ram mais le champ de force. Je reculai de deux pas après avoir crié de douleur me tenant de bras. Je secouai la tête relevant le regard sur Ram.

-Tes cyborgs finiront pas comprendre que tu n’es pas un bon leader, Ram. Et quand ils s’en rendront compte, ça sera moi qui sourirait.

Je serrai les dents me rapprochant à nouveau du champ de force alors que la douleur rendrait mon souffle un rien plus court.

-Et Five ne se laissera pas faire ! Il a de la ressources... Quant à moi... Je ne veux pas me soumettre tant que je n'aurais pas vu Datalore!

Je ne comptais pas me soumettre du tout. Mais je devais laisser le doute afin que Ram n'utilise pas son rayon de la mort.

Il était clair que négocier avec Ram était perdu d’avance. Il n’allait pas changer ses plans. Il était trop sûr de lui. C’est ça qui le perdra. Mais j'avais peut-être une change avec Datalore.

Oui. J’avais donné des émotions à Datalore grâce à une puce sophistiquée. La même que le docteur qui m’avait créé m’avait donnée lorsqu’il m’avait construit. La même puce qui avait amené ce même docteur à me désactiver pour construire ensuite Datalore, sans émotion et beaucoup plus docile.

Maintenant, Datalore et moi étions à égalité… T’Kor vociférait que je n’avais donc pas laissé le choix à mon frère. Il disait qu’il était ma marionnette.

-Pas plus qu’il n’était celle de la Fédération pour laquelle il n’était rien de plus qu’un robot ! Datalore sait maintenant ce que c’est que la haine et la colère !

Les deux émotions que moi-même, Ram, connaissait le mieux… Vous allez me dire que ce ne sont pas des émotions agréables à faire ressentir à mon frère. Peut-être pas, mais elles étaient puissantes, ces émotions. Et Datalore n’aspirait qu’à ressentir quelque chose, n’importe quoi.

Et puis, il y avait la façon dont T’Kor parlait de la Fédération ! Aaah la sainte Fédération ! Mais ils n’étaient pas tout blanc non plus… Ils n’étaient pas parfaits à faire toujours la morale aux formes de vies qu’ils rencontraient. A vouloir les faire se plier à des façons de vivre, des traditions, qui ne correspondait en rien à ce que ces aliens connaissaient.

Parce qu’ils étaient toujours persuadés d’avoir raison. Et j’étais ravi de pouvoir jeter ça à la face bleue de T’Kor.

Il était d’accord pour dire que la Fédération n’était pas parfaite. Qu’il en faisait lui-même la critique. Sauf que pour lui, les intentions de la Fédération, malgré ses erreurs, étaient bonnes, ce qui n’était pas le cas des miennes. Il me disait prêt à sacrifier tous mes cyborgs pour le pouvoir…

Je souris en coin.

-Qu’est-ce qui te fait dire ça ? C’est la première fois qu’on se rencontre. Tu ne connais de moi que le point de vue de la Fédération.

Et peut-être celui de mon frère. Bien que Datalore étant dépourvu d’émotions, il n’aura pu m’évaluer que grâce à son programme éthique et faire de moi une description certes négative, mais dénuée de toute inimité.

Je restais calme, souriant et cynique.

T’Kor, lui, commençait à monter sérieusement dans les tours. Et quand je lui dis que son ami Five ne serait plus le même quand j’en aurais fini avec lui, il atteignit sa limite et se jeta sur le champ de force. Shran avait tellement bien joué le truc, alors qu’en réalité, rien ne le séparait de moi… Il avait juste fait semblant d’être rejeté par le champ de force (les effets spéciaux seraient rajoutés par après)… Son mouvement avait été tellement crédible que j’avais failli sursauter. Heureusement, j’étais arrivé à me contenir.

Et pour donner le change, j’éclatai de rire devant cette tentative impulsive et désespéré de l’alien aux antennes.

Il me lança alors que mes cyborgs allaient un jour ouvrir les yeux et que dès lors, mon règne sur cette planète que je m’étais appropriée prendrait fin et que ce serait à son tour de rire. Je le regardai, amusé.

-Si tu ne te grilles pas les antennes sur ce champ de force avant.

T’Kor avait tellement l’habitude de gagner, avec l’aide de l’USS Explorer, qu’il se jurait que Five ne se laisserait pas faire.

Ah… Et il voulait voir Datalore aussi.

-Très bien. Tu verras Datalore. Tu verras comme il est épanoui.

Je tournai les talons et mes cyborgs m’emboîtèrent le pas. Enora Lee cria « Coupez ! » dès que je fus sorti du champ des caméras. Et ce fut comme de sortir d’un rêve étrange. J’étais de nouveau Brent, pour un court laps de temps.

Je me tournai vers les figurants et leurs souris.

-Merci à tous. Je crois qu’on a géré…

Puis j’avisai Shran qui sortait de la cellule, franchissant un champ de force qui n’avait jamais existé. J’allai le rejoindre.

-Alors ? C’était bon ? Moi je me suis vraiment amusé ! J’étais crédible ?

Je me regardai…

-Il faut que je change de costume si on veut faire la scène avec Datalore. J’ai combien de temps ?

D’après Ram, Datalore avait été esclave de la Fédération. Que, désormais, il connaissait désormais la colère et la haine. Je plissai des yeux alors que Ram semblait fier que son frère connaisse deux sentiments destructeurs.

-D’après ce que j’en sais, Datalore n’est pas esclave de la Fédération. Bien des gens aimeraient un jour devenir lieutenant commandeur d’un vaisseau de la Fédération !

Notamment pas mal de petits cadets qui étaient encore en train d’apprendre les ficelles du métier d’explorateur interstellaire. Dans tous les cas, Datalore n’était pas une marionnette de la Fédération et n’était pas considéré comme un robot. De ça, j’en étais certain !

Ram émit des critiques sur la Fédération. Il n’avait pas tort sur certains points mais il noircissait tout de même le tableau. La Fédération avait ses torts que je ne niais pas mais il était clair que Ram n’avait aucune bonnes intentions, lui, contrairement à la Fédération qui avait des valeurs qu’avait commencé à intégré l’Empire qui en partageait déjà certaines. Ram, lui, n’avait que des projets de conquêtes quitte à sacrifier ses petits cyborgs. Ram rétorqua que je ne le connaissais pas toujours avec son sourire. Un sourire que je commençais à détester !

-Je fais confiance au jugement du Capitaine Stevens… Et je viens de parler avec toi. Crois-moi c’est suffisant pour voir à qui j’ai affaire !

On pouvait sentir une grande tension dans ma voix. L’attitude de Ram et ses plans ainsi que le fait que je sois impuissant derrière le champ de force renforçait ma colère. Une colère qui finit par éclater quand Ram parla de ce qu’il réservait à Five. Je frappais contre le champ de force ce qui me valut, directement, d’être repoussé en arrière alors que mon corps venait de se faire juter suffisamment pour que je sois très brièvement désorienté. Ram éclata de rire devant ma vaine tentative de le frapper.

Je finis par me reprendre déclarant qu’un jour les cyborgs allaient ouvrir les yeux et ça signerait la fin du petit plan de Ram. Il fit allusion à mon geste désespéré comme toute réponse ce qui me fit le vriller du regard.

J’avais bien compris que je ne tirerais rien de cet apprentis tyran. Je clamai alors que Five ne se laissera pas faire avant d’exiger de voir Datalore.

Il accepta. C’était l’avantage de Ram. Il était parfois bien trop sûr de lui !

Il tourna les talons alors que je le regardais s’éloigner avant toujours autant d’intensité dans le regard alors qu’Enora annonça la fin de la scène.

Je me détendis un peu… Mais pas trop. Il n’était jamais simple pour moi de sortir d’une scène… Quant à sortir du personnage. Il est fort probable que je vais jouer les T’Kor jusqu’à-ce que je rejoigne ma caravane ce soir.

Je vis le sourire d’Enora. Elle semblait satisfaite de ce qu’elle avait vu. J’entendis Brento remercier les figurants alors que, enfin, je daignai sortir de la cellule pour rejoindre mon meilleur ami qui, l’espace d’un instant, avait parfaitement joué les ennemis détestable.

Il voulait un retour mais comme j’étais toujours T’Kor, je le foudroyai toujours du regard. C’était plus fort que moi.

-J’ai toujours envie de te casser la figure. Je pense que c’est une preuve suffisante pour dire que tu as plus que géré.

Je finis, tout de même par esquisser un petit sourire.

-Et, ouais, tu était crédible. Les fans aimeront détester Ram.

Il se demanda alors combien de temps il avait pour changer de costume. Je voulais enchainer avec la scène avec Datalore pour rester dans le même état d’esprit. Ça sera à Brento de faire la prouesse de changer un peu sa façon de jouer pour incarner l’autre androïde.

-Le temps qu’il faut pour te changer, tiens !

J’avais dit ça sur un ton un peu rude sans doute parce que j’étais encore dans la peau d’un T’Kor sous tension. Et que T’Kor n’aimait pas vraiment les questions stupides. Enora intervint alors en s’approchant un peu de nous.

-Tu as été parfait, Brent. Tu as le temps pour te changer. On a fait la scène en une prise. Tu peux reprendre un petit café aussi. Ne te stress pas.

Je me retournai vers Enora en faisant la moue laissant Brento réagir et aller se changer et prendre son foutu café. Une fois qu’il fut parti, elle me tendit ma bouteille d’eau.

-Je sais que Ram vient de te malmener mais il faut laisser les acteurs souffler entre les scènes, T’Kor… Brent a géré, il a le droit à un café. On est en avance sur le planning.

Je pris la bouteille d’eau et en bus une grosse gorgée avant de regarder Enora.

-On pourrait avoir encore plus d’avance… Puis s’il boit trop de café, il va devoir faire une pause pour aller pisser !

Elle rigola un peu avant que l’équipe de maquillage ne vienne retoucher un peu mon maquillage. Quand ce fut fait, Enora me somma de m’asseoir un peu en attendant le retour de Brento. Je grommelai mais m’exécutai quand même en allant me rasseoir… Dans le décor sur ma banquette de la cellule ! C’est là que T’Kor attendait Datalore, de toute façon.

Brento finit par revenir après ce qui me sembla être une éternité. J’entendais, vu qu’ils n’étaient pas très loin, Enora échanger avec lui.

-T’Kor est prêt. Si tu l’es aussi, on peut enchainer avec l’autre scène.

Et c’est ce qu’on fit. On enchaîna. Et je me levai quand Datalore entra dans la pièce où je trouvais ma cellule.

-Lieutenant commander Datalore… On dirait que vous avez oublié votre serment à la Fédération… Notre mission était d’arrêter Ram, pas de le rejoindre !

Je ris encore quand T’Kor affirma que mon frère, Datalore, n’était pas l’esclave de la Fédération et que bien des gens seraient fiers d’avoir le grade de Lieutenant Commandeur dans un vaisseau tel que l’USS Explorer.

Puis je m’arrêtai brusquement de rire et vrillai l’alien du regard.

-C’est oublier les capacités que nous avons, nous, androïdes. Datalore mérite mieux que ça. Moi aussi.

Nous étions plus puissants que la plupart des races humanoïdes connues à travers la Galaxie. Cela devrait être nous qui la dirigeons. Des êtres synthétiques et donc immortels.

T’Kor me jugeait, sans me connaître. Ce n’était que la première fois que nous nous retrouvions face à face… Je le lui fis remarquer mais apparemment, notre bref intermède lui suffisait pour se faire une bonne idée de qui j’étais. Et puis… Stevens lui avait parlé de moi… Ce capitaine soi-disant légendaire et qui se prenait pour le grand sauveur de la Galaxie.

Je fis une moue dégoûtée.

-Stevens ne sait rien de moi.

Après encore quelques menaces et autres provocations, la scène prit fin sur l’ordre d’Enora Lee. T’Kor allait à présent se retrouver devant un Datalore complètement chamboulé et prêt à suivre son frère jusqu’au bout simplement parce qu’il ne savait pas gérer les émotions négatives données par Ram, mais ne voulait pas s’en séparer non plus.

Enfin, ça, ce serait pour plus tard, car comme je changeais de personnage, je devais changer de costume pour revêtir l’uniforme de la Fédération que Datalore portait au moment de sa capture par Ram et ses cyborgs.

Quand Shran me rejoignit, je voulu avoir son avis sur ma performance. C’était difficile de juger de l’intérieur… Je n’avais pas de miroir pour me voir comme quand je m’entraînais. Et je ne m’entendais pas comme les autres m’entendaient. L’acting était quelque chose de très compliqué à percevoir pour soi-même. Même si je pouvais quand même dire quand je faisais de la merde ou quand j’étais à côté de la plaque…

Je savais quand même un minimum m’auto-évaluer et je pensais ne pas m’être trop mal débrouillé, pour le coup.

Shran, comme réponse, me fit rire en disant qu’il avait toujours envie de me casser la figure et que donc, j’avais géré.

-Ok, T’Kor, merci.

Les fans allaient adorer détester Ram, disait mon meilleur ami. Je souris.

-Je suis sûr qu’une partie des fans vont l’adorer. Il a déjà sa petite fanbase, non ?

Aux conventions, j’avais eu, de la part de certains fans, des dessins représentant souvent Datalore et Ram, comme s’ils espéraient secrètement une réconciliation, une alliance.

Je voulus savoir combien de temps j’avais pour me changer. Il était encore tôt et je devais passer d’un personnage à l’autre… Il fallait que je sorte de la peau de Ram pour me plonger dans celle d’un Datalore que je n’avais pas encore explorer puisque jusque-là, celui-ci n’avait jamais ressenti d’émotion.

Et moi, je n’étais pas un robot…

Enora intervint alors en s’approchant de nous. J’accueillis d’abord son compliment avec un sourire. Elle disait que j’avais le temps de prendre un café si je le voulais.

-Ok, merci… Un peu de caféine me fera du bien… Après tout, Datalore doit être un peu à cran pour cette scène.

Puis, je regardai Shran et sa moue boudeuse et souris.

-Je me dépêche !

Je passai à côté de Hugh, lui tapotai sur l’épaule au passage et filai vers les costumes. J’enfilai mon uniforme, un maquilleur corrigea mon maquillage et ma coiffure en y remettant une tonne de laque. Il fallait bien ça pour rendre mes cheveux dociles. J’en profitai pour prendre un café devant le miroir.

Ok… je reconnaissais Datalore même s’il avait pris un peu de poids. Mais ce Datalore devait en vouloir à la Fédération. Il devait être limite paranoïaque et penser qu’on s’était servi de lui pendant près de trente ans… Tout ça à cause de la puce implantée par Ram.

Je travaillai mon regard. Je me disais que comme Datalore n’était quand même pas encore habitué à ces émotions, il devait avoir l’air un peu à côté de la plaque. A moitié expressif et à moitié figé.

Quand je m’estimai prêt, je rejoignis le plateau, ne me rendant pas compte que j’avais les sourcils froncés et un rictus fâché à la bouche. Colère et haine étaient les émotions principales données par Ram.

T’Kor m’attendait dans sa cellule. Et j’entendis à peine Enora crier « Silence ! On tourne ! »… En fait, si elle ne l’avait pas dit au bon moment, j’aurais probablement fait un faux départ.

Je me dirigeai vers la cellule d’un pas décidé, les sourcils toujours froncés. Il se leva et s’approcha du champ de force pour s’adresser à moi. Il critiqua. Il rappela quelle était la mission.

-Sauf, commandeur, que c’est Ram qui a raison. La Fédération se sert de moi depuis trop longtemps ! Je devrais être capitaine à l’heure qu’il est, s’ils ne me considéraient pas comme une simple machine.

Je fis la moue.

-Je ne suis pas un automate programmé pour répondre au coup de sifflet de Stevens.

Une métaphore… J’avais utilisé une métaphore… Ce n’était pas normal.

Ram voyait les androïdes comme lui et Datalore comme supérieurs. Il pensait que Datalore méritait mieux qu’un grade de Lieutenant Commandeur. Sauf qu’il ne suffisait pas d’avoir des capacités supérieurs pour être Capitaine d’un vaisseau. C’était un état d’esprit. Il fallait la capacité à diriger des hommes et à prendre des décisions parfois difficiles. Si Datalore n’était pas encore Capitaine malgré ses nombreuses années de services, j’étais sûr que c’était pour une bonne raison !

Mais j’avais bien compris que de discuter avec Ram ne servait à rien. Ce n’était pas le genre d’homme à changer d’avis ou à entendre des vérités différentes des siennes. Il disait que le Capitaine Stevens ne savait rien de lui malgré les quelques rencontres entre les deux.

La situation devenait de plus en plus critiques après les menaces de Ram sur l’USS Explorer. Je perdis même un peu mes moyens quand l’androïde me révéla ce qu’il comptait faire à Five frappant du poing le champ de force.

Et après que j’ai demandé à voir Datalore, Enora mit fini à la scène nous ramenant, inévitablement, à la réalité. Celle où Ram laissa place à Brento, mon meilleur ami. Quant à moi, j’avais toujours bien des difficultés à sortir de mon rôle. Malgré ça, je réussis à lancer quelques compliments à mon ami quand il demanda un retour sur sa prestation.

Il avait été parfait, en vrai. Si j’étais dans cet état c’est parce qu’il avait réussi à me mettre dans cet état. S’il avait été mauvais, je ne serais pas comme ça et on serait déjà en train de faire une seconde prise parce que je lui aurais dit platement que ce n’était pas bon. Je n’avais pas l’habitude d’y aller avec des pincettes même avec mes amis quand il s’agissait d’acting. Demandez à Hugh… Il en avait mangé lors du tournage de Dark Side. C’était probablement le tournage le plus difficile de ma carrière avec celui de Trader où j’avais dû me coltiner Ian V. Hunter dont le second prénom lui sied bien !

Brent me remercia avant de dire que certains fans aimeront Ram… Il est vrai que l’androïde aux ambitions tyranniques avait sa petite fanbase. Je fis une petite moue.

-Ouais… Il y a des gens bizarres sur cette planète…

Preuve que j’étais encore bien dans le rôle de T’Kor. Si je n’y étais pas, je serais le premier à adorer Ram. J’aimais la manière dont Brent le jouait. Ce n’était pas pour rien que j’avais écrit ce scénario où Ram avait un gros rôle. C’est parce que moi-même je voulais absolument le revoir. Et Brent n’ignorait pas ce fait.

Brento avait demandé combien de temps il avait pour se changer et je rétorquai un peu rudement qu’il avait le temps qu’il fallait pour se changer… Mais Enora intervins pour répliquer que Brent avait le temps de prendre un café car on était en avance sur le planning.

Je n’avais rien dit mais je n’en pensais pas moins alors que Brent remercia Enora avant de dire qu’un peu de caféine lui fera du bien.

J’en voudrais bien aussi ! Mais tout ce qu’Enora voulait bien me donner c’était de l’eau !

Brent déclara qu’il allait se dépêcher.

-Ouais ! Fait vite !

Il fila vers les costumes alors que j’avais fini par reprendre place dans ma cellule en attendant son retour comme T’Kor attendait l’arrivée de Datalore.

Et il finit par arriver.

Il entra dans la pièce où se trouvait ma cellule avec un visage fermé mais pas aussi figé qu’il ne l’était d’habitude preuve que ce qu’avait dit Ram n’était pas une vaste connerie. Ses sourcils était froncés dans une expression de contrariété.

Je m’étais levé de mon siège et, directement, j’avais rappelé à Datalore son serment envers la Fédération et notre mission. Mais il répliqua que son frère avait raison… Que la Fédération se servait de lui. Qu’il devrait être Capitaine à l’heure d’aujourd’hui. Qu’il était considéré par la Fédération comme une simple machine.

Je secouai la tête troublé par le discours de l’androïde. Je ne le connaissais pas mais j’avais entendu parlé de ses états de services. Il avait été médaillé plusieurs fois par la Fédération et le Capitaine Stevens le tenait en très haute estime.

Ce qui me choqua aussi c’est que l’androïde est normalement incapable d’utiliser des métaphores et des contractions… Ce qu’il était en train de faire là tout de suite.

-La Fédération et Stevens te tiennent en haute estime. Il voient en toit un officier à part entière. Un très bon officier ! Tout officier ne devient pas toujours Capitaine, Datalore et tu le sais.

Je soutenais son regard. Un regard moins dur que celui que j’avais envoyé à Ram plus tôt.

-Ram à le contrôle sur toi… Je ne sais pas comment mais il t’a donné des émotions. Des émotions négatives. C’est à son coup de sifflet que tu réponds, là. Trois de mes hommes sont morts ! Ne me dis pas que tu approuves ça ! Tu connais ton frère… Tu sais que tout ce qu’il veut c’est le pouvoir. Rien d’autre… Si on le laisse faire beaucoup de gens vont mourir. La garde impériale a perdu tout un vaisseau avec pas moins de 300 personnes à l’intérieure !

Je dis ça sur un ton un peu révolté ne remarquant même pas que j’avais commencé à tutoyé Datalore.

-Et Five…Tu penses à Five ? Ram m’a dit qu’il comptait le reprogrammer… Ne me dis pas que tu es d’accord avec ça !

Je tapai sur l’épaule de mon meilleur ami quand, en parlant de la fanbase de Ram, il déclara qu’il y avait des gens bizarres sur cette planète.

-Et on en fait partie, mon ami…

On était même les premiers à être bizarres. La preuve était la place que l’on occupait dans la jet-set. De plus, je savais que Shran adorait Ram au moins autant que Datalore. Parce que ce personnage lui donnait une latitude supplémentaire au niveau du scénario. Et à moi aussi, en tant qu’acteur.

Bref, Shran avait aimé la scène, même s’il gardait ce visage boudeur propre à T’Kor. Mon ami restait dans son personnage. Moi, j’étais bien obligé dans sortir puisque j’allais jouer quelqu’un d’autre, même si Ram et Datalore étaient physiquement identiques.

Mais pour ça, il fallait que je me change… Enora arriva pour me complimenter et me dire de prendre mon temps. Mais je savais qu’il ne fallait pas que j’abuse sinon ça allait rendre Stephen complètement fou.

D’ailleurs, il voulait que je fasse vite.

Je ne trainai donc pas, même si je pris quand même le temps de boire un café et de me regarder dans le miroir pour tester quelques expressions.

Puis, ce fut totalement dans mon rôle que je vins rejoindre Shran, déjà prêt sur le plateau, dans la cellule, comme s’il avait réellement attendu mon arrivée en tant que T’Kor.

J’étais en colère, je vouais une haine toute nouvelle envers la Fédération et le Capitaine Stevens qui m’avaient floué pendant des années !

T’Kor se leva, avec un regard plus doux que celui qu’il avait eu pour Ram un peu plus tôt. Je crachai ma haine à la figure de T’Kor. La haine, la colère, deux sentiments puissants. J’avais voulu des sensations ? J’en avais ! Ram m’en avait donné ! Ce que je ne savais pas, c’était que l’amour avait tout autant de puissance. Mais ce n’était pas ce que mon frère avait voulu me donner.

T’Kor prétendait que la Fédération me tenait en haute estime. Je secouai la tête, refusant d’entendre ce qu’il disait.

-J’ai dû passer devant un tribunal pour prouver que j’étais un être à part entière parce qu’ils ont voulu me démonter pour m’étudier ! Je n’appelle pas cela me tenir en haute estime !

Je faisais là référence à l’un des anciens épisodes de Spaceship où apparaissait Datalore.

Puis T’Kor s’en pris à Ram. Je serrai les poings.

-Ram est ma famille, mon frère. Lui au moins sait ce que c’est que d’être un androïde. Si vos hommes sont morts, Commandeur, c’est parce qu’ils se sont tenus sur le chemin de Ram. Sur notre chemin.

Je vrillai T’Kor du regard.

-Ce que nous voulons, c’est une place pour les synthétiques et semi-synthétiques. Le droit d’exister que la Fédération a toujours bridé.

En réalité, hormis Ram et moi, je ne connaissais pas d’autre forme de vies synthétiques. Les cyborgs comme Five ne l’étaient qu’en partie. Mais il était vrai que la Fédération était sur le point d’interdire la fabrication de nouveaux androïdes… Ce que je refusais de voir, c’était que ce fait était de la faute de Ram. Parce qu’un seul Ram suffisait largement à la Fédération.

T’Kor demanda ce qu’il en était de Five. Que Ram voulait le reprogrammer. Je ne souris pas, mais déclarai tout simplement :

-C’est moi qui vais reprogrammer Five. J’en ai appris beaucoup sur les cyborgs ces dernières années. Les erreurs de Ram ne seront pas reproduites et je vais pouvoir rendre les cyborgs plus humains physiquement, en leur enlevant leurs implants. Comme on l’a fait pour Five.

Je n’étais pas sorti de mon personnage attendant Datalore dans ma cellule. L’acting avait quelque chose de magique… En vrai, je serais énervé au point de T’Kor, je serais déjà en train de me coltiner un bon mal de crâne. Mais pas ici… Comme si tout mon corps avait assimilé que j’étais quelqu’un d’autre. Un alien bleu avec des antennes qui avait la grande chance de ne pas convulser quand son cerveau était surmené par des émotions diverses. C’était sans doute pour ça que je me réfugiais souvent dans l’acting.

Datalore finit par arriver comme je l’avais demandé à Ram. Il avait un visage fermé mais étonnamment plus expressif que d’habitude. Je m’étais levé rappelant à l’androïde son allégeance. C’est avec un ton différent de d’habitude qu’il me cracha sa haine envers la Fédération et Stevens. On pouvait entendre sa colère résonner dans toute la cellule. Une émotion que Datalore n’avait jamais ressenti avant aujourd’hui. Une émotion forte qui semblait contrôler l’entièreté de sa pensée.

Je ne me laissai pas démonter. Ce n’était pas mon genre. Je déclarai à quel point la Fédération et Stevens tenait Datalore en haute estime. Je savais que l’androïde était un officier respecté et efficace. Pourtant, aujourd’hui, il semblait voué une énorme haine envers ce qu’il défendait autrefois. Il rétorqua qu’il avait dû passé devant un tribunal pour prouver qu’il était un être à part entière et non une propriété de la Fédération. Le Capitaine Stevens m’avait parlé de ça. Il avait, lui-même, défendu l’androïde devant ce même tribunal qui avait fini par reconnaitre que l’androïde était bel et bien une personne à part entière avec les mêmes droits que tout être biologique et doué d’une conscience.

Ne te démonte pas T’Kor !

-Le Capitaine Stevens t’a lui-même défendu d’après ce que j’en sais… N’est-ce pas une preuve de son estime ? Tout système doit évoluer. Tu l’as fait évolué avec ce jugement.

C’est surtout qu’il n’existait pas d’androïde aussi perfectionné que Ram et Datalore. D’après ce qu’on en sait ce sont les seuls. La loi de la Fédération n’avait, donc, avant ça, aucune base juridique pour empêcher Datalore d’être soumis aux envies d’un scientifique un peu trop enthousiaste…

Je m’en pris, ensuite, à Ram montrant qu’il était responsable de l’état actuel de Datalore. Il déclara que seul Ram pouvait le comprendre et que si mes hommes étaient morts c’est parce qu’ils s’étaient tenu devant le chemin des deux frères.

Je toisai Datalore serrant les poings. Je tenais à mes hommes. Chaque perte est difficile à encaisse d’autant plus quand, après, on fini dans une impasse incapable de les venger efficacement.

-Ils tentaient de remplir leur mission. Pas comme toi. Tu l’as oubliée la mission, en chemin. Et tu as laissé faire !

Il affirma que lui et Ram voulaient une place pour les synthétique et semi-synthétique. Ces derniers étant, je le suppose, les cyborgs. Il ajouta que la Fédération bridait leur droit d’exister. Je savais qu’il était, désormais, interdit de construire des androïdes aussi perfectionnés que Ram et Datalore juste à cause des agissements de Ram.

-Si la Fédération a bridé ce droit c’est à cause de Ram et de tout ce qu’il a fait par le passé, Datalore ! Tu le sais !

Je m’emballai un peu mais Datalore semblait tellement aveuglé par sa colère qu’il en était complètement changé. Preuve étant, il affirma que c’est lui qui était en charge de reprogrammer Five. J’ouvris les yeux plus grands devant cette nouvelle. Il affirma que les erreurs de son frère ne seront pas reproduites. Et si libérer les cyborgs de leurs implants pouvait paraitre être une chose louable c’était sans compter sur ce que Five avait affirmé à l’équipage, c’est-à-dire que les opérations de Ram entrainaient, parfois, la mort de certains cyborgs.

-Combien vont mourir dans vos opérations ? Qui te dis que Five va survivre à sa reprogrammation ? Et quand bien même, il ne sera plus Five. Tu lui auras retiré tout ce qui fait qu’il est ce qu’il est. Toi et Ram ne lui laissez même pas le choix !

Je m’emballai toujours de plus en plus.

-Ram t’a donné des émotions… Mais tu es encore loin d’être un humain ! Les émotions ne se résument pas à la colère. Il y en a d’autres et tu sembles totalement incapable de les ressentir. Tu sais quoi, Datalore ? Tu étais plus humain avant. Maintenant, tu n’es rien d’autre qu’un sous-fifre de ton frère. Il compte devenir le roi d’une partie de la Galaxie… Il te l’as dit ça ? Est-ce que tu as le droit au chapitre ou bien tu suis aveuglément les ordres de ton frère ?

J’avais toujours l’art de provoquer quand le situation m’échappait. Cette fois-ci, j’espérais bien que ça ferait réagir Datalore. Qu’il se rende compte que, pour Ram, il n’est rien d’autre qu’un jouet.

T’Kor, enfermé dans sa cellule qui nous séparait par un champ de force, clamait, antennes tendues vers l’arrière, que le Capitaine Stevens m’avait défendu lors de ce simulacre de tribunal où j’avais dû prouver être un être conscient, bien plus qu’un amas de boulons et de processeurs.

Je m’en rappelais. Je voyais encore le Capitaine Stevens se donner corps et âme dans ses plaidoiries mais…

… mais sans mon programme éthique, j’étais incapable de dire s’il l’avait fait pour moi, parce qu’il était mon ami en plus d’être mon Capitaine. J’étais incapable de juger s’il avait agi par altruisme ou, au contraire, juste pour me faire croire qu’il tenait à moi.

N’empêche, alors que je cherchais inconsciemment une réponse de ce fameux programme éthique que Ram avait désactivé, mon visage se ferma, mes yeux jaunes balayant dans le vide comme si je lisais des lignes invisibles entre T’Kor et moi.

Tout ça manquait de logique.

-Une preuve de son estime… ? Ou il voulait me garder pour lui.

Les lois de la Fédération avaient évolué ce jour-là, c’était ce que disait T’Kor… Mais tout ça me semblait tellement… abstrait… Comme brouillé par les émotions que je ressentais, colère et haine mêlées.

Alors à cela, je ne rétorquai rien… Car je n’avais pas de réponse. Pour la simple et bonne raison que ce que disait T’Kor était vrai.

Tout comme il était vrai qu’il avait perdu trois hommes au début de cette aventure. Sans compter le vaisseau impérial détruit par Ram à l’aide d’un rayon partant de la planète. Il disait que je n’avais rien fait pour l’empêcher. Que j’avais oublié ma mission.

Je secouai la tête… Parce que tout ça était illogique. Parce que mon chronomètre interne me signalait qu’il me manquait des périodes d’enregistrement de ce qu’il s’était passé. Car en réalité, je n’avais rien su faire contre Ram, c’était pour ça que je n’avais pu intervenir. Et ensuite, Ram m’avait implanté la puce alors que T’Kor se faisait incarcérer avec Five.

Mon esprit logique était mis à mal.

-Je… Ma mission est de…

Je serrai les dents et les poings, baissai les yeux et la tête, dans un énorme effort. Mais Ram, qui pouvait contrôler ma puce et donc mes émotions à distance, m’en donna plus.

Et qu’est-ce que c’était bon ! Qu’il était bon de ressentir quelque chose ! De ne pas juste avoir à imiter ! Même si les sensations que j’avais n’étaient pas agréables. Mais c’étaient des sensations.

Je clamai alors que la Fédération voulait brider notre existence. Car il ne pouvait être construit d’autres êtres tels que moi et Ram. Mais pour T’Kor, c’était Ram le seul responsable.

-Mon frère ne fait que se battre pour le droit d’exister des synthétiques. Et je le soutiendrai. Je l’aiderai. Comme la Fédération, nous nous imposerons, quoi qu’il en coûte.

Quant à moi, ma mission, maintenant, était de travailler sur Five, puis sur les cyborgs pour les amener à une version supérieure d’eux-mêmes. Mais T’Kor demanda combien mourront dans l’opération. Peut-être même que Five n’y survivrait pas.

-Five survivra. Il a déjà survécu à l’allègement de ses implants. Il sera la voix des cyborgs. Il règnera avec nous.

J’eus un vague sourire… Fantôme de celui de Ram.

-Il pourra faire tous les choix qu’il voudra, après ça. Ram me l’a promis.

Et dans l’état où j’étais, chaque mot de Ram était parole d’Evangile.

Les antennes de T’Kor, sous le coup de l’énervement et de la sidération étaient pratiquement aplaties en arrière sur son crâne.

Il affirma que j’avais des émotions mais n’était pas humain pour autant. Qu’il y avait d’autres émotions que la colère. Que j’étais plus humain avant et que maintenant, je n’étais plus que le sous-fifre de Ram.

Je secouai doucement négativement la tête. Je n’en croyais pas un mot.

-Ram a dit qu’une fois débarrassés de vous, il me donnerait plus d’émotions. Alors je vais le suivre.

Je le regardai dans les yeux.

-Si vous êtes à court de provocation, Commandeur… J’ai du travail.

Je tournai les talons et m’éloignai… Mais T’Kor avait semé le doute en moi. Des illogismes qui ne collaient pas avec mes enregistrements du déroulement des évènements.

Mon but était d’essayer de ramener Datalore à la raison. Lui qui, désormais, pensait que la Fédération se servait de lui et l’utilisait comme un objet en l’empêchant d’atteindre la place de capitaine de vaisseau. Il parla du procès qui avait jugé si, oui ou non, l’androïde avait le droit aux mêmes droits que les autres formes de vie organiques douées d’intelligence. Sur le coup, j’avais comme argument que c’était Stevens qui s’était fait l’avocat de Datalore et que, ensemble, ils avaient gagnés. Que ça avait permis à la Fédération d’évoluer. Mais l’androïde cherchait à voir tout en noir en déclarant que Stevens avait fait ça pour le garder pour lui.

Je secouai la tête avant de soupirer. J’avais, pour l’instant, l’impression de me battre contre des moulins à vent. Une expression terrienne… Il n’y a pas de moulins à vent sur ma planète d’origine.

Je mis en avant le fait que Datalore n’avait pas rempli sa mission ce qui avait conduit à la mort de trois de mes hommes. Une mort que je n’avais pas pu empêcher ce qui avait le don de me remplir de colère. Je vis Datalore secouer la tête alors que je cherchais à le faire culpabiliser sans savoir si Ram lui avait laissé la possibilité de remplir ça.

A la place, c’est de la confusion que je vis dans le chef de l’androïde. Il bafouilla.

-Ta mission est d’arrêter Ram. Tu peux encore la remplir…

Car il était libre contrairement à moi. Voir douter Datalore me laissait l’espoir que tout n’était pas perdu.

Il semblait lutter dans ses gestes et dans ses paroles alors qu’il disait que la Fédération le bridait et bridait la possibilité de voir naitre d’autres formes de vie semblables à lui. Je mis en avant que tout ça était la faute de Ram mais Datalore répliquait que Ram se battait pour leur droit d’exister.

-Ram fait ça pour le pouvoir, Datalore ! Rien que pour le pouvoir !

Je m’étais exclamé ça essayant de faire entendre raison à l’androïde. Un androïde qui avoua que c’était lui qui allait s’occuper de Five. Je déclarai alors, sans prendre des pincettes, que Five risquait bien de mourir dans le processus ainsi que bien d’autres cyborgs. Mais Datalore était sûr que le petit cyborg allait survivre.

-Tu l’y oblige… Ce n’est pas ce qu’il veut.

Parce que Five n’a jamais voulu le moindre pouvoir. Il était leader par défaut d’un petit groupe de cyborgs déconnecté…

Je vis un fantôme de sourire s’afficher sur le visage de Datalore alors qu’il affirma que Ram avait promis que, après sa reprogrammation, Five pourra faire les choix qu’il veut. Ouais ! C’est ça ! Un choix dirigé par la programmation qu’on va lui implanter ! Tu parles d’un choix ! Je ricanai d’un ricanement jaune et désabusé.

-Tu es naïf si tu crois ça…

Croire les promesses de Ram… C’est la meilleure ça… Datalore aurait perdu tout discernement aussi ? On dirait bien !

Mon énervement face à la situation ne faisait qu’augmenter comme en témoignaient la position de mes antennes qui étaient un vrai miroir de mes émotions si bien qu’il n’était pas spécialement difficile de savoir comment je me sentais.

Je tentais alors une autre offensive faisant comprendre à Datalore qu’il était bien moins humain maintenant qu’avant malgré les émotions qu’il avait reçues. Mais il ne semblait pas me croire et affirma que son frère avait dit qu’une fois qu’il se sera débarrassé de nous, Datalore recevra plus d’émotions.

J’en doutais… Toute parole de Ram pouvait être un potentiel mensonge. Mais as qui a-t-il menti ? A Datalore ou à moi ? Parce qu’il m’avait dit qu’on avait la possibilité de se rendre… Alors qu’à Datalore il avait certifié qu’il nous éliminera… Ce n’était pas la même chose sauf si Ram pense qu’on ne se rendra jamais.

Je ne savais pas ce qu’il en était de Stevens mais, mon vaisseau, lui, ne se rendra pas. Ce n’était pas le genre de la Garde Impériale. Même si, pour le moment, je préférais temporiser autant que je le pouvais pour trouver une issue favorable.

-Je ne suis pas sûr qu’il a l’intention de te donner plus d’émotions. Je pense qu’il t’aime bien comme ça. Rallié à sa cause et docile.

Comme lui… En moins ambitieux et complètement dépendant de la volonté de Ram.

C’est là que Datalore décida de mettre un terme à la conversation. D’un coup. Je fus surpris alors qu’il tourna les talons. Ce que je ne savais pas encore c’est que j’avais semé la graine du doute. Une graine qu’exploitera, plus tard, Five.

Je soufflai de rage avant de me rasseoir sur ma banquette.

-Coupé !

La voix d’Enora me sortis des pensées de T’Kor alors que je me levai de ma banquette pour sortir du décor. Je rejoignis Brent et Enora fit de même. Elle nous fixa tous les deux.

-C’est parfait ! Deux scènes en une prise… On voit que vous vous connaissez par cœur. C'est assez impressionnant.

Elle semblait en joie. Je connaissais les regards d’Enora par cœur et celui-là montrait bien qu’elle avait apprécié chaque seconde de ce qu’elle venait de voir.

J’esquissai un sourire. J’aimais faire cet effet-là à Enora. Il fallait que je sorte de mon rôle de T’Kor… Je savais que je n’aurais pas d’autres scènes à tourner avant quelques heures. Ici, on allait se concentrer sur Datalore et Five.

-C’est ces moments-là qui me font parfois regretter de ne pas être acteur à temps plein.

J’adorais être réalisateur. Mais il y avait quelque chose dans l’acting qui me faisait vraiment vivre. J’adorais ça. Mais ma carrière avait eu tellement de mal à décoller dans les années 60 que j’avais décidé d’écrire mes propres scénarios et de m’offrir mes propres possibilités quitte à faire un trait sur une réelle carrière d’acteur. En soi, ça avait été un sacrifice mais je n’avais pas vraiment eu le choix financièrement parlant. Stanley venait d’une famille riche… Pas moi. Je n’avais que moi comme source de revenu.

Je me tournai vers Brent.

-Tu n’es pas acteur mais tu arrives toujours à me bluffer. Si avec ça on ne remonte pas dans les audiences, je ne sais pas ce qu’il leur faut !

Je souris à mon meilleur ami.

-Tu as le droit à un autre café… A une petite pause si tu veux aussi. Puis, tu enchainera avec Five. Ça te va, Brento ?

Je tendis alors ma main vers Enora et elle sortis mes cigarette de sa poche ainsi que mon briquet. On était tellement rôdé qu’on avait même pas besoin de se parler. Elle me les tendit et j’allumai une clope. Moi aussi, j’avais le droit à une pause. Je n’en proposai pas à Brent. Il ne fumait pas souvent et je n’avais pas envie qu’il se mette à tousser au milieu de la scène suivant.

Ta mission est d’arrêter Ram… tu peux encore la remplir.

Non.

Non. Ramé était mon frère et avec lui, je pourrais enfin avoir des émotions. Pouvoir ressentir des choses. Il m’en avait donné un bel aperçu, jusqu’à maintenant et m’avait promis encore plus. Est-ce que je pourrais explorer des sentiments comme l’amour ? Est-ce que je pourrais ressentir de la joie ? Apprécier les petites choses de la vie ?

En tout cas, Ram me l’avait promis.

Et c’était tellement tentant !

Mais il y avait pas mal de choses illogiques aussi dans les derniers événements. Des périodes effacées de ma mémoire allant de quelques secondes à quelques minutes.

Je secouai la tête, serrais les poings et les dents. Non. Je ne devais pas me laisser déstabiliser. Ram avait raison : si nous, synthétiques, voulions pouvoir vivre notre vie, il fallait que nous nous créions notre propre monde. Que nous nous imposions.

Ram fait ça pour le pouvoir, Datalore ! Rien que pour le pouvoir !

Je haussai les épaules.

-Il nous faut bien un leader. Ram est tout désigné pour ça.

Pourquoi ? Je fronçai les sourcils. La raison m’échappait. Pourtant, j’étais sûr de ce que je disais.

Ou  presque.

Il fallait que j’aille m’occuper de Five. C’était la mission que Ram m’avait confiée. Lui avait tendance à louper les opérations sur les cyborgs alors que moi, qui avait en plus le bagage assimilé auprès de la Fédération, j’avais plus de chances de réussir. Et une fois reprogrammé, Five pourrait prendre une place de choix, lui aussi : il serait le chef et le représentant des cyborgs indépendants du Collectif.

T’Kor rétorqua que ce n’était pas ce que voulait le petit cyborg, que je l’y obligeais.

Mes yeux se perdirent dans le vide… J’avais l’impression d’être au bord d’un gouffre. Mais il fallait que je sois sûr de moi. Que rien ne vienne me perturber.

-Non… non il trouvera sa place.

T’Kor me traita de naïf et mon regard se refit plus dur et se planta dans les yeux verts sombre de l’alien.

-C’est la garde impériale qui a été naïve en rejoignant la Fédération. Vous ne pouvez plus faire ce que vous voulez, vous non plus, maintenant. Vous devez suivre leurs règles. Vivre selon leurs principes.

Chacun d’entre nous essayai d’imposer sa vision des choses à l’autre. Alors T’Kor partit du principe que Ram, en bon menteur compulsif qu’il était, m’avait menti. Qu’il ne me donnerait pas plus d’émotion. Qu’il m’aimait rallié à sa cause et docile.

-Mais au moins, cette cause, j’y crois.

Et là-dessus, je quittai la scène… Et Enora me fit presque sursauter en criant « Coupez ! »… Je portai la main à mon cœur qui avait fait un bond.

-Oulà !

C’était brusque, comme sortie de personnage. Quand je me retournai, ce fut pour voir Shran et Enora venir vers moi. Je leur souris. Ils semblaient ravis. On avait fait deux scènes en une seule prise. Enora disait que c’était impressionnant.

-Comme tu dis, c’est facile parce qu’on se connait. On connait notre texte aussi bien que je ne pense pas avoir fait du mot à mot. Le tout est que si vous trouvez la scène bonne, c’est le principal.

Shran, lui, regrettait de ne pas être acteur à plein temps, juste pour vivre plus de moments comme ceux-là.

-J’adore ça aussi… Mais je n’aurais pas la prétention de pouvoir tout jouer… enfin, je ne pense pas. Datalore et Ram, ça va, parce que c’est moi qui les ai inventés… Après, jouer d’autres personnages, je ne sais pas… Il faudrait que je m’y essaye.

Mais je ne pouvais courir qu’un lièvre à la fois. J’étais manager avant tout, même si je me permettais ce petit intermède artistique plus pour le fun que dans le but d’en faire carrière.

Je souris quand Shran déclara que je l’avais bluffé et qu’il espérait que ça ferait remonter les audiences.

-Merci. Mais c’est surtout le scénario qui est bon.

Shran devait être vraiment content, parce que j’eus droit à une pause, un café et tout. Et sans se parler, Enora et lui échangeaient en même temps. J’avais toujours trouvé ça impressionnant à voir. Je souris.

-Ok ! Je vais faire ça et voir si Hugh est prêt !