Le Grauman’s Chinese Theatre ! Il n’y avait pas meilleur endroit pour faire la promotion d’un film. Et Boundaries avait déjà remporté son petit succès en salle. Beaucoup parlaient de plus en plus d’Oscars, mais ce ne serait pas pour tout de suite. On verrait bien.

J’essayais d’y penser le moins possible. Parce que je me disais que si je me mettais à espérer, j’allais être déçu si nous n’en remportions pas au moins un. Tandis que si je laissais les choses aller… Et bien, se passerait ce qu’il se passerait et ça me serait égal.

Mouais…. Plus facile à dire qu’à faire.

Mais aujourd’hui, la soirée était avant tout à l’amusement. On faisait ça pour le public, pour les journalistes et pour les photographes. Il y aurait le tapis rouge, un buffet et à boire et quelques interviews prises au vol par des journalistes de passage ou d’autres, un peu plus formelle, dans des petits salon où un petit public pouvait être présent.

Bref, il y avait beaucoup de choses à faire.

Mais surtout, c’était notre première sortie officielle à Bailey et moi depuis un bail. Je n’étais pas trop galas et autres fêtes à la Ricci… Déjà avant, je n’en étais pas spécialement friand, mais maintenant qu’en plus, on avait les petites, ça me faisait une bonne excuse pour me défiler.

Cependant, ici, l’événement était en rapport avec mon dernier film. Donc, je me devais d’être là et je me pliais à l’exercice avec un certain plaisir.

On allait me poser beaucoup de questions sur la soirée, mais ce serait aussi l’occasion pour moi de savoir un peu en live ce que les gens avaient pensé du film et de nos jeux d’acteur.

Parce qu’étaient présents aussi Christopher, bien sûr, avec Grace, mais aussi Hugh Crusher et Guillermo Quinn avec qui j’avais partagé l’écran.

Arrivé devant le tapis rouge en limousine, je sortis le premier de la banquette arrière et tendis la main à Bailey pour l’aider galamment à sortir du véhicule. Les gens applaudissaient, sifflaient, les flashes des photographes fusaient.

Je rigolai.

-J’aurais dû prendre des lunettes de soleil.

Une fois Bailey, magnifique, sortie de la voiture, les hourras redoublèrent et on commença à gravir les marches tout en saluant à droite et à gauche.

Puis on passa devant un énorme panneau à l’effigie de la production du film en mosaïque. Habitué à la chose, je m’arrêtai, mais Bailey ne s’en rendit pas tout de suite compte et continua de quelque pas. Je la rattrapai doucement par la main en lui souriant.

-Attend ! Attend ! Il faut s’arrêter ici d’abord.

Je lui pointai une petite crois scotchée au sol. Puis, je l’attirai à moi.

-Il faut poser deux minutes pour les photographes.

Je me tournai vers eux. Certains nous interpellaient pour capter nos regards, d’autres voulaient surtout l’attention de Bailey qu’ils n’avaient pas l’habitude de voir dans ce genre d’événement.

Ce soir, Hank était convié au Grauman’s Chinese Theatre pour faire la promotion de son tout dernier film, un chef d’œuvre à mon humble avis. J’étais fière et très heureuse de l’accompagner pour cet évènement qui ne manquerait pas de se graver une petite place dans nos souvenirs. Je me sentais surtout très choyée de pouvoir prendre part à la soirée au bras du plus bel homme que je connaissais.

Pour l’occasion, j’aurais très bien pus porter l’une de mes créations mais j’avais préférée m’acheter une nouvelle robe. Ce soir, il fallait que les gens ne parlent que du film et de ses acteurs et pas d’autre chose. Les journalistes qui seraient sur place ce soir ne seraient pas ceux qu’on voit lors des galas de mode mais je savais qu’ils scrutaient tout de même les vêtements des stars. C’était comme si on ne pouvait s’empêcher de juger sans vraiment le faire.

Qui disait tapis rouge, disait également baby-sitter pour les filles. C’est Sloan qui s’était dévouée pour la soirée. Elle était ravie de pouvoir passer la soirée avec ses nièces par alliances. Hank et moi pouvions donc grimper à bord de la limousine, l’esprit tranquille sachant que nos princesses adorées étaient entre bonnes mains.

On arriva au Grauman’s Chinese Theatre et la limousine s’immobilisa devant le tapis rouge que nous allions fouler. Déjà, et avant même qu’Hank n’ouvre la portière. Nous pouvions entendre les cris d’excitation des gens, les applaudissements, et même le crépitement des flashs des appareils photo. Hank sortit le premier de la voiture et me tendit la main pour m’aider à faire pareil. Ce geste aussi banal et commun de notre quotidien fit s’emballer la foule et les photographes qui ne manquèrent pas le moindre petit mouvement de notre part. Mon époux rigola en disant qu’il aurait dû prendre ses lunettes de soleil.

- En effet ! Cela aurait été utile !

C'était tres impressionnant légèrement effrayant tous ces flashs. Cela me faisait penser à un soir d'orage alors que les éclairs marbraient le ciel au dessus de l'océan.

C’est possiblement pour cela que je ratais le premier arrêt obligatoire marqué d’un petit ‘’X’’ sur le tapis rouge. Hank me rattrapa et m’expliqua que nous devions prendre la pose ici d’abord.  Je hochais de la tête et souriais tout en me pressant légèrement contre mon époux. Je regardais sans vraiment les voir, les gens qui se trouvaient tout autour. Les flashs étaient vraiment aveuglants et je me disais que, lorsque nous serions libérés de ce passage obligé, nous ne verrions absolument rien de là où nous devions nous rendre. Nous serions aveuglés tout simplement. C’était impression de les entendre scander le nom de mon époux et même de temps en temps, le mien, nous nous faire regarder dans leur direction. Je serrais la main d’Hank, mon rock dans ce genre de circonstance.

- C’est impressionnant…

Je ne voyais pas comment décrire autrement ce que je ressentais à cet instant précis mais une chose était certaine, d’être là avec Hank et pour lui étant gratifiant. J’adorais le soutenir tout comme il me soutenait. Je ne me forçais pas pour sourire, c’était spontané et sincère.

Je regrettais de ne pas avoir pris des lunettes de soleil. Je le savais, pourtant, que ça allait crépiter de partout comme un orage dont le tonnerre étaient les clic ! des appareils photo… Mais j’avais oublié, dans mon stress de participer à ce genre d’événement, j’avais oublié.

Parce que même si, contrairement à Bailey, ce n’était pas mon première rodéo, j’appréhendais ce genre de truc comme j’appréhendais n’importe quelle sortie. J’étais trop vieux pour changer. J’étais un stressé de la vie et le resterait jusqu’à ma mort, probablement quand ce bon vieux stress me ferait faire une crise cardiaque.

Mais j’avais Bailey à mes côté et quelque part, ça me rassurait. Et en même temps, avoir à lui expliquer comment les choses fonctionnaient me distrayait un peu de mes propres inquiétudes (qui n’étaient, entre nous, fondées sur rien).

On s’arrêta pour une première pose photo, Bailey avait failli louper la croix qui marquait l’endroit, mais je l’avais rattrapée et elle s’était collée contre moi. J’avais passé mon bras autour de sa taille et souriais aux photographes, faisais des signes de la main…

Bailey trouvait ça impressionnant. Je me penchai un peu vers elle pour lui glisser :

-Ouais… Et encore, on est pas aux Oscars… Ici, c’est juste une présentation locale du film. Quand on passera aux événements d’envergure internationale, ce sera autre chose.

Nous restâmes encore deux minutes sur cette croix puis un membre du staff nous fit signe d’avancer. On laissa la place à Hugh, puis à Guillermo, puis à Christopher, tout en s’avançant vers la salle de réception proprement dite, à l’intérieur.

Ici, il y avait un buffet, des boissons étaient servies par des serveurs aux plateaux bien garnis. Il y avait encore des photographes, mais seulement ceux qui avaient été engagés pour couvrir la soirée.

Je soupirai d’un soulagement feint.

-Voilà, il fait plus calme ici.

Nos yeux allaient pouvoir se reposer… Christopher et Grace ne tardèrent pas à nous rejoindre. Et mon frère était tout sourire.

-Alors, Bailey ! Je suis content de te voir ici ! Je suis sûr que tu as fait le bonheur de bien des photographes, là-dehors. C’est tellement rare de pouvoir vous prendre en photo tous les deux.

C’était vrai que comme on sortait peu, les photographes ne chopaient de nous que des photos prises sur le vif en rue… Au moins ici, ils auraient des photos un peu plus glamour et avec notre consentement.

Je ricanai en nous attrapant deux verres et j’en tendis un à Bailey à qui je souris.

-Tu as l’air plus à l’aise que moi alors que c’est moi qui suis sensé avoir le plus l’habitude.

Puis, Christopher demanda à Bailey.

-Je suppose que tu as vu le film ? Qu’est-ce que tu en as pensé ?

Impressionnant !

Je ne voyais pas comment décrire autrement notre passage sur le tapis rouge pour la promotion du film Boundaries dans lequel mon époux défendait un grand rôle. J’étais fière de lui et de pouvoir l’accompagner ici ce soir représentait pour moi une chance de le lui prouver, bien qu’il n’ait pas besoin de cela pour le savoir. J’adorais pouvoir le soutenir et l’accompagner dans tout ce qu’il pouvait entreprendre.

On dû rester sur un petit ‘’x’’ scotché sur le tapis rouge, le temps de prendre la pose et de sourire aux photographes qui appuyaient frénétiquement sur le bouton de leur appareil photo. Certains criaient ’’ Hank ! Hank ! Regardez par ici s’il-vous-plait !’’ et d’autres, et de ça je n’en revenais pas, criaient mon nom ! J’avais gagné en notoriété en épousant Hank, évidement. Je ne pouvais pas nier que d’entrer dans la famille North m’avait fait devenir quelqu’un mais depuis que j’avais ma marque de prêt-à-porter pour enfant et que je m’étais démarqué également en créant les costumes de scène de The Warriors, je m’étais forgé m a propre petite notoriété.

Hank me murmura qu’aux Oscars, ce serait encore bien plus impressionnant. Je voulais bien le croire. Ce serait complètement dingue, je pouvais l’imaginer d’avance. Suffisant de multiplier ce que nous vivions ce soir par dix et voilà !

Je glissais ma main dans celle de mon époux et entrelaçais nos doigts, juste avant qu’il ne nous fasse nous déplacer pour entrer dans le théâtre. Il était temps, pour ne pas dire grand temps, de laisser les autres têtes d’affiches prendre leur quart d’heure de gloire.

- Ça fait du bien !

Dans la salle, il n’y avait que quelques journalistes, rien à comparer avec le raz-de-marée à l’extérieur. C’était bruyant mais différemment. L’éclairage était plus tamisé alors qu’au dehors à cause des flashes, cela me rappelait l’effet stroboscopique ce qui était étourdissant et aveuglant à force.

Derrière nous, entra Grâce et Christopher. Eux aussi étaient tirés à quatre épingles et leurs sourires ne mentaient pas sur leur plaisir de se trouver ici ce soir. Christopher me salua avec beaucoup d’entrain, supposant que j’avais dû faire le bonheur des photographes qui faisaient le pied de grue à l’extérieur. Je lui répondis avec autant de plaisir qu’il en avait.

- Oh, tant mieux si j’ai pu faire leur bonheur en me prêtant au jeu. Moi, mon bonheur, c’est d’être ici pour souligner votre succès.

Hank nous attrapa chacun un verre et j’en bu une petite gorgée avec plaisir alors que mon mari disait que je semblais plus à l’aise que lui qui devait pourtant avoir l’habitude depuis le temps.

- C’est parce que nous sommes ici pour toi et non pour moi. Si je fais un jour un défilé d’envergure, tu seras calme et tout sourire alors que je serai un vrai paquet de nerfs. , dis-je en rigolant.

Christopher me demanda ce que j’avais pensé du film alors que je trinquais avec sa femme, Grâce. J’étais heureuse qu’elle soit là ce soir. Elle était pour moi plus qu’une belle-sœur, elle était ma meilleure amie.

- J’ai adoré le film, Chris ! C’est mon préféré de ceux que tu as fait, je… Du début à la fin, chaque chose, chaque élément, absolument tout est bien développé et amené avec pertinence. Bravo ! C’est bien maigre comme mot en comparaison à tout ce que je voudrais dire.

Le film était bien construit, le fil conducteur bien bâti. Les personnages étaient tous mis en valeur de manière à ce que l’on comprenne exactement ce qu’ils devaient faire passer à l’écran. C’était, à mon humble avis de spectatrice, un véritable tour de force et c’était ce qui faisait que ce film mériterait de nombreux Oscars.

Après le passage obligé, mais finalement pas si désagréable, devant les photographes, on entra dans une salle réservée au VIP avec à boire et à manger en suffisance pour tenir un siège. Je tenais la main de Bailey, nos doigts entrelacés. Bailey s’exclama que ça faisait du bien.

-C’est vrai. Mais c’est plus facile de passer l’épreuve des photographes avec toi que tout seul.

En réalité, j’avais rarement été seul pour ce genre de chose, ayant été marié deux fois avant de finir avec Bailey. Mais j'avais eu trois femmes bien différentes ! Helen était plutôt du genre à s’écarter pour me faire vivre la chose tout seul quand même et Kate, elle, tirait toute la couverture à elle-même quand elle n’était là qu’en tant que compagne.

Bailey était le parfait équilibre entre les deux. Elle se prenait au jeu pour le bonheur des journalistes, mais ne cherchait pas non plus à attirer l’attention sur elle en se donnant en spectacle. A croire que Bailey, malgré tout ce par quoi était passée, était la personne la plus équilibrée que j’aie jamais connue.

Christopher et Grace nous rejoignirent et mon frère en était arrivé, apparemment, au même constat que moi vis-à-vis de Bailey. Et j’étais assez fier d’être à ses côtés ce soir.

Après avoir attrapé un verre pour chacun, je laissai trainer ma main libre dans le creux des reins de Bailey.

-Notre succès est un peu aussi ton succès, Bailey. Tu m’as supporté pendant que je récitais mes répliques à la maison pendant des heures et même si je ne suis pas method actor, les inquiétudes de mon personnage déteignaient quand même un peu sur moi.

Ce qui pouvait me rendre irritable sans aucune raison, comme si j’avais réellement connu quelqu’un sur le point de se faire expulser du pays.

Je haussai les épaules en souriant.

-Faut avoir les nerfs bien accrochés, quand je suis comme ça. Mais toi, tu as bien compris que c’était à cause du film et que ça allait me passer.

Jusqu’au prochain film.

Et d’ailleurs, je trouvais Bailey particulièrement à l’aise, ce soir. Plus que moi (ce qui n’était jamais bien difficile)… Mais elle déclara que c’était parce qu’on était là pour moi et pas pour elle. Evidemment, si on était à un de ses défilés, ce serait sur elle que la pression serait.

Je lui souris.

-Alors je serais là pour te soutenir à mon tour. Parce que je suis sûr qu’un jour pas si lointain, tu feras de grands et beaux défilés.

Elle était bien partie pour, en tout cas.

Christopher demanda à Bailey ce qu’elle avait pensé du film et elle n’avait que des bons mots. C’était vrai que mon frère s’améliorait à chaque film, même encore maintenant et avec toute l’expérience qu’il avait.

-C’est clair qu’on est bien loin du tournage de Peace Hero… Putain, quelle galère ce tournage-là !

Je regardai mon frère droit dans les yeux.

-D’ailleurs, j’espère que Stephen Shran ne va pas débarquer…

Je n’avais jamais parlé de Shran à Bailey, ni de l’animosité qui nous liait tous les deux.

-Ne t’en fais pas, Hank… Je crois que Shran se tient, un peu comme toi, bien loin de tout ce qui te concerne.

Je hochai la tête, satisfait.

-Tu connais Stephen Shran, Bailey ?

Entrer dans la salle prenait des allures d’accalmies. J’avais l’impression d’avoir dû passer au travers la première ligne d’un front de guerre. Bon, j’exagérais certes mais ça avait été tout de même un sacré baptême, pour une première fois. Dans la salle, nous allions pouvoir souffler un peu, être plus naturel et surtout nous amuser.

- J’ai adoré franchir cette épreuve à ton bras, mon amour.

Et pour Hank, je le referais n’importe quand.

Christopher et grâce firent leur apparition peut après nous et on se retrouva tous les quatre, un verre en main, à discuter du film et tout ce qui venait avec. Hank disait que ce succès était aussi un peu l e mien puisque je l’avais supporté pendant l’apprentissage de ses textes, que parfois, il s’investissait tant dans un rôle qu’il fusionnait avec au point où les angoisses du personnage devenaient les siennes.

- Oh, ce n’est pas tous les jours facile, mais je suis déterminée à t’accompagner au travers tous tes projets.

Puis je ne devais pas être plus facile à vivre les jours où je me retrouvais en panne d’idée pour mes créations ou que le tissu envisagé s’avérait être un échec et que le rendu de ce que j’avais en tête versus la réalité ne correspondait pas. Bref, un couple, pour moi, se devait de se soutenir et l’un devait être fort quand l’autre trainait de la patte.

Je caressais la joue de mon époux du bout des doigts alors qu’il ajouta que j’avais bien su faire la différence entre son attitude pendant le tournage et son attitude de tous les jours. Ça me fit même rire, un peu, parce que je ne savais pas si son attitude de tous les jours était mieux que pendant le tournage.

Mais Hank, je l’aimais tout entier et son caractère de bulldozer enragé y comprit !

Un jour, ce sera peut-être moi qui aurai besoin de la présence de mon époux à mes côtés pour me calmer et m’aider à garder les pieds sur terre. Si je devais me lancer dans un défiler, présenter mes modèles aux gens, je ne serais certainement pas autant zen que je ne l’étais ce soir. Évidement, Hank me confirma son support, chose dont je ne doutais pas du tout.

Christopher me demanda ensuite ce que j’avais pensé du film. Je n’en avais que des éloges. Il m’avait prit aux trippes avec son histoire. J’avais vécue une gamme d’émotions en le visionnant et, quand il s’était terminé à l’écran, j’avais déjà envie de le revoir parce que je m’étais attaché aux personnages tout au long de mon visionnement.

Il fut question d’un certain Shran, je pensais d’ailleurs déjà entendu son nom mais pas de la bouche de mon époux. Peut-être un reportage à la télé ou un article dans un journal. Tout cela pour dire qu’il m’était familier mais pas au point de le reconnaitre dans une foule.

- C’est un réalisateur… je crois ? Je sens qu’il y a une histoire croustillante qui vient avec cette question.

Bailey, radieuse, semblait avoir vraiment apprécié l’événement, la pose devant les photographes… Et la soirée ne faisait que commencer !

-On va boire, manger un peu… Puis je suppose qu’on sera alpagué par des journalistes pour deux ou trois questions. Tu peux participer, je suis sûr qu’ils auront des questions pour toi aussi.

Evidemment, il y aurait des petits moments où je devrais quitter quelques minutes mon épouse pour aller participer à des petits panels avec Christopher, Hugh et Guillermo, probablement. Mais comme Grace était là, Bailey ne risquait pas de se retrouver seule. Elle serait même très bien accompagnée.

Justement, mon frère et sa femme firent leur apparition et nous rejoignirent. Ils avaient vraiment la classe, tous les deux…. Bailey aussi… Entouré d’eux trois, j’avais l’impression d’être en jogging alors que ce n’était pas le cas. Mais ils dégageaient tous quelque chose de spécial que je n’avais pas l’impression d’avoir. Quelque chose de glamour, là où je n’étais qu’un éléphant dans un magasin de porcelaine.

Ou alors, c’était moi qui me faisais des idées… Peut-être un petit reste de sentiment d’infériorité que Kate Julian avait bien pris soin d’ancrer en moi.

Je secouai la tête. Non… Non, j’étais à ma place et je ne valais pas moins que tous ceux qui m’entouraient.

Avec Christopher, on parla du soutien que Bailey m’avait apporté pendant le tournage. De sa simple présence qui avait rendu tout ça plus facile. Bailey admettait que ce n’était pas tous les jours facile et j’eus un regard d’excuse pour elle. Elle disait être prête à m’accompagner au bout de mes projets.

Je lui souris.

-Et moi de même pour tes projets. J’espère bientôt assister à un grand défilé ! Ce serait marrant, un défilé avec rien que des enfants !

Puisque Bailey faisait en majorité des vêtements pour les tous petits… Pourquoi pas ?

Chritopher, qui n’en avait pas encore eu l’occasion jusqu’ici, demanda à Bailey ce qu’elle avait pensé du film. Moi, je le savais déjà parce qu’elle me l’avait dit. Elle avait adoré. Elle trouvait que tout avait été bien pensé et que l’émotion y était.

Et ce tournage qui s’était superbement bien passé m’avait ramené à un autre tournage, celui de Peace Hero en 1964. Quelle galère ça avait été ! Du coup, j’espérais que Shran ne serait pas là ce soir, ce que Christopher me confirma. Je me demandais si Bailey connaissait le réalisateur, mais pas plus que ça.

-C’est un réalisateur et un gros enfoiré. Il a fait Spaceship tu sais, la série qui se passe dans l’espace et à laquelle tu ne comprends rien, pas plus que moi, d’ailleurs.

Je passai ma main dans mes cheveux.

-Sur mon premier film, Peace Hero en 64, il n’arrêtait pas de tout critiquer. Monsieur avait déjà fait trois films, vois-tu… Au dixième jour de tournage, on en est venu aux mains… Et maintenant, dans sa série, il prône la non-violence… ça me fait bien rire.

Christopher eut un rictus cynique.

-J’ai bien failli vous virer tous les deux, ce jour-là…

Je ne pouvais pas mentir en disant que tous les jours du tournage avaient été dignes de conte de fée, ce n’était pas le cas. En mon sens, c’était normal. Je n’étais pas actrice mais je devinais le stress qui reposait sur les épaules d’un acteur, en l’occurrence mon époux et du souci de performance. Hank ne faisait pas les choses à moitié et s’il s’investissait pour un rôle, c’est qu’il y croyait et qu’il voulait que les gens qui le verraient, y croient aussi.

Puis, en toute honnêteté, quand j’avais une commande de vêtements et que mon délai raccourcissait aussi rapidement que mes bobines de fils, je devenais plus facilement irritable et stressée. Je savais qu’en ces moments, Hank ne me lâchait pas, qu’il restait auprès de moi, patient et aimant. Notre couple fonctionnait ainsi et ça nous réussissait plutôt bien jusqu’à présent.

- J’en rêve de mon premier défilé !

Et encore plus en l’imaginant avec des bouts de choux comme mannequins ! Cela représenterait un défi de taille mais combien mignon cela serait ! Mignon et très marrant, en effet !

- Surtout s’ils décident qu’ils ne veulent plus défiler quand c’est enfin leur tour !

Je secourais légèrement ma tête en rigolant devant cette scène imaginaire mais qui serait tellement plausible ! Hope était l’experte en ce genre de situation. Elle pouvait réclamer quelque chose avec force et ténacité et quand enfin elle l’obtenait, elle ne le voulait plus. C’était l’un des mystères des enfants que je découvrais en étant maman. Ça et la capacité qu’un gobelet de la mauvaise couleur avait de changer l’humeur d’un enfant !

Mon beau-frère m’interrogea sur ce que j’avais pensé du film pour lequel nous étions réunis ici ce soir. Mon opinion était peut-être biaisé – j’en doutais – du fait que mon époux en tenait la vedette et que c’était Christopher qui le réalisait mais j’avouais l’avoir adoré. Plus encore si c’était possible. Ce film prenait aux tripes en faisant vivre toutes les émotions possibles. C’était aussi le genre de film qui passerait au travers les décennies parce que le message resterait d’actualité.

Stephan Shran, un réalisateur que je connaissais que de nom et encore ! J’avais une vague idée de qui il était mais j’étais d’avis que l’histoire que je ne connaissais pas était bien plus intéressante que le curriculum du réalisateur dont il était maintenant question.

J’appris donc qu’entre Hank et Stephan Shran, ce n’était pas l’amour fou et que Christopher avait même envisagé de les virer. Étais-je surprise d’entendre qu’Hank et le dénommé Shan en étaient venus aux mains ? Non ! Le tempérament bouillant de mon époux et celui de l’autre type qui devait être assez fort également, mis ensemble, avaient dû faire des flammèches.

- Wow, sacré ambiance! Et toi Christopher, tu as dû jouer l’arbitre ?

En tous les cas, d’apprendre que ce Shran était celui de Spaceship me fit hocher de la tête. Je ne comprenais rien à cette série, pas faute d’avoir essayé ! Elle repassait la nuit et quand je dois bercer les filles ou donner le sein, il m’arrive d’allumer la télé et de tomber dessus. Ça n’avait pas un effet divertissant sur moi mais plutôt endormant !

- Je n’arrête pas de dire Starship, en plus ! Ça ne m’entre pas dans la tête, que voulez-vous !

Hey ! Je n’étais pas le seul artiste de la famille ! Bailey s’était vite révélé un vrai talent pour le stylisme et elle avait maintenant en main sa propre affaire, encore petite, mais prometteuse ! Alors Bailey avait bien raison de rêver à son premier défilé…

Je lui souris.

-A mon avis, tu n’auras plus à attendre longtemps.

Parce que je croyais vraiment au projet de mon épouse. Si elle avait fait des vêtements pour homme, je les aurais porté tous les jours, non seulement pour faire sa pub, mais aussi pour avoir toujours un peu de Bailey où que j’aille. Alors à défaut, c’était les filles qu’on habillait avec les créations de Bailey…

Puis il y avait The Warriors qui lui donnerait aussi une belle visibilité, s’ils se décidaient à sortir un peu du trou dans lequel ils semblaient s’être réfugiés pour l’instant.

Je rigolai quand, pensant à un défilé de petits gamins et gamines, Bailey les voyaient déjà refuser de passer sur la tribune quand on leur demanderait.

-C’est vrai que rien que réussir à les gérer, les gosses, ça représentera déjà un vrai challenge !

Chritospher fit la moue en me regardant et je lui rendis un regard interrogateur. Alors, il s’expliqua.

-Je connais des adultes plus difficiles à gérer que des enfants.

Ce qui nous amena tout doucement à parler de Stephen Shran, que je ne pouvais pas voir en peinture. Il ne serait pas là ce soir, me garantissait mon frère. Parce que Stephen m’évitait tout comme je l’évitais…

Je haussai les épaules.

-Tant mieux, mais je me disais… Comme Hugh est là…

Parce que Hugh Crusher et Stephen Shran s’entendaient bien. Hugh était même l’acteur fétiche de Shran. Mais fallait croire que sa haine pour moi était plus forte que son amitié pour le petit latino. Christopher me fis signe de me calmer d’un signe de main.

-T’inquiète pas.

Avec tout ça, je resituai pour Bailey qui était Stephen Shran, lui racontant comment on en était venu aux mains sur le tournage de Peace Hero… Bon, c’était en 1964, c’était loin… On pouvait en rire, maintenant ? Non ? Non…

J’eus un rictus quand mon frère me rappela qu’on avait failli se faire virer tous les deux ce jour-là.

Bailey, elle, ça semblait l’amuser… Et elle avait raison parce que c’était un peu grotesque que deux adultes se battent pour des conneries.

-Comme je te le dis, Bailey… J’ai failli virer Shran ET Hank ce jour-là… Finalement, ils se sont calmés et le tournage a pu continuer une fois leurs bleus et autres égratignures disparues. J’étais furax.

Je souris, un peu honteux quand même.

-On l’a senti que tu étais furieux. Je crois que c’est ce qui nous a empêchés de recommencer. Mais c’était très difficile de jouer deux meilleurs amis dans le film alors qu’on ne pouvait pas se voir en peinture dans la vraie vie.

Bailey, elle, je savais qu’elle ne comprenait rien à la série de Shran… Moi, j’avais vu quelques épisodes par-ci par-là et je trouvais son message de tolérance et de paix assez hypocrite, venant d’un gars qui n’hésitait pas à se battre ou à tirer à vue sur les journalistes… Bon, j’étais comme ça aussi, mais je ne faisais pas la morale aux gens.

Je rigolai quand Bailey déclara qu’elle avait jamais le nom de la série juste.

-C’est pas grave, on s’en fout… on est pas des Shippies de toute façon… Je préfère Galactic Wars…

Par pur principe que cette série-là n’était pas de Shran.

Bon, pendant ce temps-là, la salle s’était mise à se remplir petit à petit de tous ceux qui avait participé au film et de leur compagne ou compagnon. Ça commençait à faire du monde. Je donnai un coup de coude à Bailey.

-On va attaquer le buffet ? Avant que ce ne soit la file et que tous les meilleurs trucs soient partis ?

Hank croyait que je n’aurais pas besoin d’attendre très longtemps pour voir mon rêve d’un premier défiler se concrétiser. Je souriais rêveusement. C’était quelque chose qui me faisait rêver, dont j’avais envie et Hank le savait et m’encourageais à aller au bout de mes ambitions. Sans son support, qui sait ce que j’aurais fait de mon talent ?

Organiser un défiler dont les mannequins seraient des enfants ne serait pas une mince affaire. Déjà Hope, notre fille, pouvait changer d’avis en un battement de cils même si elle tenait vraiment à ce qu’elle était sur le point de faire ou de recevoir. Pourquoi ? Parce que c’est ça un enfant, tout simplement. J’éclatais de rire alors que Christopher répliqua sur ce qu’Hank venait de dire, affirmant qu’il connaissait des adultes encore plus difficiles à gérer que des enfants.

Après ça, la conversation glissa sur un tout autre sujet soit, la querelle ou plutôt l’incompatibilité de caractère subsistant entre mon époux et Stephen Shran, le réalisateur de Starship… Spaceship, pardon ! Même dans ma tête il m’arrive de me tromper. Il semblerait même que les deux hommes en étaient venus aux mains lors du tournage d’un film réalisé par mon beau-frère et que ce dernier avait même envisagé de les remercier tous les deux !

Heureusement pour Hank, le dénommé Shran ne serait pas là ce soir donc il pouvait se détendre et profiter de sa soirée en toute quiétude. Il n’y avait rien de pire que de se sentir tendu et de ne pas pouvoir profité du moment, parce qu’on avait peur d’avoir peur. Hank avait un peu peur de voir son ennemi présent ce soir puisque Hugh allait venir mais Christ certifia qu’il n’y avait aucune raison de craindre. Je passais ma main dans le dos de mon époux.

- Tu pourras profiter de ta soirée, mon amour.

Hank me briffa davantage sur ce qui s’était passé et Christopher surenchéri m’expliquant à quel point ça avait été difficile pour lui de gérer la situation. Ça me désolais d’entendre cette histoire mais pas autant qu’Hank qui avoua combien difficile cela avait été de jouer à l’écran des meilleurs amis alors que la réalité était tout autre.

- Tu as su rendre cette relation d’amitié à l’écran alors que tu ne peux pas le sentir en personne. C’est dire que déjà en 1964, tu étais un acteur de grand talent !

En ce qui me concernais, et je savais que c’était pareil pour Hank, je n’étais pas fan de la série de Shran. Je n’y comprenais rien et ce n’était pas faute d’avoir essayé ! Cela ne me rejoignait pas, je n’étais pas, de base, une fan de science fiction. Mais au moins, on ne pourrait pas m’accuser de détester uniquement parce qu’Hank et Shran ne s’aimaient pas ! J’avais donné sa chance au coureur et il s’était disqualifié.

- Et je n’ai pas l’intention de le devenir !

Je préférais être fan de Boundaries, ça au moins, j’étais capable de le comprendre !

Hank proposa qu’on se dirige vers le buffet, une excellente idée. J’avais envie de grignoter de ces excellentes petites bouchées que nous pouvions voir de là où nous étions. J’étais une grosse gourmande, je n’y pouvais rien et de me faire miroiter un tel festin et croire que je n’irais pas y plonger c’était mal me connaitre !

- Allons-y, je meurs de faim !

Je passais mon bras sous celui d’Hank pour me presser contre lui et lui emboiter le pas.