Je vivais, probablement, le tournage le plus prenant et le plus agréable de ma carrière. Avec Brento et Hugh, il n’y avait pas moyen que ça soit autrement de toute façon. Je vivais ça à fond et j’étais tellement sûr que tout ça allait me faire battre Maxwell au petit jeu des audiences que je dormais mieux la nuit de quoi espacer quelques peu mes crises… Pas assez que pour qu’Enora ne s’inquiète pas mais assez pour éviter que ça ne soit ma principale angoisse de la journée.

De toute façon, j’étais T’Kor H24… Et T’Kor n’est pas épileptique alors ça m’aidait à oublier quelque peu tout ça. J’étais complètement dans mon scénario entre les manigances de Ram, le retour de Five et l’exploration plus intense de la personnalité de Datalore. Au point où j’en oubliais qu’il y avait une vie à l’extérieur de ces studios.

-Une heure de pause pour tout le monde !

C’est ce que je lançais alors qu’il était un peu plus de midi. On avait bien bosser ce matin. Hugh et Brento avaient gérés encore une fois. On pouvait bien prendre une bonne heure de pause et reprendre l’après-midi avec des scènes où j’apparaissais. J’étais déjà maquillé pour la cause !

Je rejoignis Brent un grand sourire satisfait aux lèvres.

-Tu es en forme ! On va s’amuser cet après-midi !

J’étais de bonne humeur et ça se voyait. J’allais proposer à Brento d’aller manger quand, soudain, je vis débarquer nul autre que Tarah Troi dans MES foutus studios. Elle s’était trompée ou quoi ?! Elle n’a rien à faire ici ! Seuls les gens qui bossent sur Spaceship ont le droit d’entrer ici et, Tarah Troi, même si elle faisait partie de ma famille ne faisait pas partie de la famille Spaceship et n’en fera jamais partie ! J’avais un foutu vigile, non, à l’entrée ? Tarah n’avait pas de badge, il aurait dû la recaler.

Elle s’approchait de moi avec un sourire aux lèvres et avant qu’elle n’atteigne ma hauteur (et celle de Brento), je lançai, de moins bonne humeur tout d’un coup.

-Qu’est-ce que tu fais ici, Tarah ? Tu n’as pas de badge, tu t’en vas ! On bosse ici ! Qui t’as fait entrer ? Si c’est le vigile, je vais aller de ce pas le virer !

Elle fit une petite moue mais je voyais bien qu’elle était plus amusée que contrariée.

-Bonjour à toi aussi, mon oncle.

Je détestais quand elle m’appelait comme ça… Un peu comme quand je détestais quand Stanley, le père de Tarah, m’appelait Steve.

-Laisse ce pauvre vigile tranquille... C’est moi qui l’ai fait entrer, Shran… Mais si tu veux, tu peux me virer, ça me fera des vacances...

Je me tournai vers Enora d’un seul coup. Quoi ? Mais pourquoi ? Je savais qu’Enora trouvait que j’étais trop dur avec Tarah mais je ne vois pas pourquoi elle l’a autorisé à venir ici alors qu’on bossait.

-Mais pourquoi tu l'as fait entrer?!

J’avais haussé un peu le ton mais rien pour impressionner Enora qui fixa Brent avant de me fixer à nouveau.

-Parce qu’elle ne vient pas te voir toi mais Brent. N’est-ce pas Brent ? C’est ce qu’elle m’a dit en tout cas. Qu’elle a rendez-vous avec toi.

Brent ?! Pourquoi Brent ?! Je me tournai d’un coup vers Brent. Il n’y avait personne pour faire bouger mes antennes mais si ça avait été le cas, ça aurait bougé dans pas mal de sens.

-Brent ? Pourquoi tu as donné rendez-vous à Tarah ici, hein ?! Qu’est-ce que tu lui veux ? Et pourquoi tu ne m’as rien dit ?

Des explications ! Je voulais des explications ! Et tout de suite ! Tarah, elle, semblait bien s’amuser avec son foutu petit sourire à la con qu’elle tenait de je ne sais qui.

On s’éclatait littéralement ! Five était au top et toujours aussi émouvant ! T’Kor était délicieusement irritable autant que loyal et même Julia Griffin, la copine de Johnatan, qui n’avait pas un gros rôle mais apparaissait quand même souvent, montrait qu’elle avait bien trop de talent pour la série de Maxwell.

Bref, c’était un magnifique tournage !

Mais bon… aux alentours de midi, mon ventre commença quand même à gargouiller et en plus, je voyais des bénévoles (parmi lesquels beaucoup de membres des familles des acteurs et autres membres du staff) qui s’affairaient à nous préparer des sandwiches…

J’espérais qu’il y en avait au pastrami.

Heureusement que je n’étais pas en train de tourner maintenant parce que je ne pouvais penser qu’à un sandwich au pastrami.

Heureusement, Shran annonça une pause d’une heure ! Un grand sourire se peignit sur mon visage et je me levais de ma chaise de tournage pour m’étirer, faisant légèrement tourner ma tête. J’avais déjà tourné quatre scènes ce matin. Il y en avait que j’avais du recommencer plusieurs fois (les scènes en une prise, c’est rare, hein). C’était soit parce que sans le faire exprès, j’utilisais des contractions alors que Datalore n’était pas sensé le faire, soit parce que j’estimais que je pouvais faire mieux.

Mais globalement, on avait bien bossé !

Et ce fut aussi l’avis de Shran, affublé de ses antennes, qui me rejoignit !

-Merci ! Mais je pense que c’est un vrai travail d’équipe. C’est facile d’être bon quand tu es poussé derrière par un tas d’acteurs de talent… J’ai hâte à cet après-midi, mais il faut absolument que je mange d’abord.

Avec tout ça, j’avais complètement oublié Tarah… Mais quand je la vis se diriger toute fière vers nous, je ne savais pas si je devais éclater de rire d’avance ou commencer à flipper, surtout que Shran réagit au quart de tour.

Je pinçai les lèvres pour ne pas rire… Comme Shran, j’étais maquillé et tout, j’avais mes lentilles jaunes, ma poudre dorée sur le moindre centimètre carré de peau qu’on pouvait voir… Et voir T’Kor s’énerver sur Tarah sans que ses antennes ne suivent le mouvement était hilarant.

Je lançai un timide :

-Shran…

Mais ce fut comme s’il ne m’entendait pas… Par contre, Enora, elle, se fit entendre. Elle avait laissé entrer la jeune fille et n’en avait rien à foutre si ça titillait les antennes de son ex-mari qui demanda « POURQUOI ?! »… Enfin, pas vraiment comme ça, mais presque.

-Salut, Tarah… Tu vas bien ?

Moi j’allais peut-être aller moins bien quand Shran saurait pourquoi elle était là. Elle avait dit à Enora qu’elle avait rendez-vous avec moi, ce qui était vrai. Et Shran me vrilla du regard, me faisant mettre mes mains en avant en signe d’apaisement.

-Heu… Elle vient juste signer son contrat. Elle va devenir la choriste de Nameless.

Je souris, un sourire à la Ram.

-Et je ne t’ai rien dit parce que dès que j’arrive ici, on me m’envoie au maquillage, puis au costume, puis au maquillage encore, puis sur le plateau. Qu’il faut jouer, qu’entre les scènes je relis mon script…

Et que je cherche des blagues à faire aux gens… Comme de mettre de la vodka dans la bouteille de la boisson bleue préférée de T’Kor ! Vous auriez-vu sa tête quand il l’a bu cul sec…

J’avais signalé la pause après une matinée bien remplie et fructueuse. Je ne tardai pas à aller dire à Brento qu’il avait gérer. Sa présence sur le tournage avait l’art de me mettre de bonne humeur. Il faut dire que Brento rien que par sa bonne humeur m’apaisait. Je crois qu’Enora est un peu jalouse de ce pouvoir. Elle, elle n’arrive jamais à m’apaiser… Que du contraire, même !

Brento me remercia pour les compliments restant modeste en disant que tout ça était un travail d’équipe. C’est un fait. Un tournage est toujours un travail d’équipe. Il n’y avait que des acteurs à la trop grosse tête comme Ian Hunter qui pensent qu’ils sont ceux qui transcendent un film de par leur unique présence. Sauf que si tu es bon et que le reste ne suit pas, ça restera quand même un film merdique !

Brento affirma avoir faim. J’esquissai un petit sourire.

-J’ai demandé à ce qu’il y ait des sandwich au pastrami rien que pour toi. Comme tu as été bon, tu as le droit d’en manger.

Je savais que Brento adorait les sandwich au pastrami. Il doit sans doute avoir du sang juif ou quelque chose comme ça… Ou alors, il aime simplement le pastrami…

-Et mange-en assez pour tenir tout l’après-midi ! Ça va être intense !

Ce fut là que Tarah fit son apparition sur le plateau alors qu’elle n’avait aucunement l’autorisation de mettre les pieds ici. Elle affichait un air fier… Il faut dire que c’était rare quand Tarah Montgomery-Troi n’avait pas, sur ça petite face d’adolescente, ce petit air fier comme si tout lui était dû. Ma nièce était sûre d’elle, ça allait sans dire.

Je ne tardai pas à réagir clamant à la gamine qu’elle n’avait strictement rien n’à foutre ici. Elle avait un tournage ? Qu’elle retourne sur son tournage ! C’est le mien ici ! Alors que je lançai tout ça, je ne voyais pas Brent qui était désespérément en train d’essayer de ne pas éclater de rire.

J’étais prêt à foutre Tarah dehors et à aller virer le vigile quand Enora intervint pour me dire que c’était elle qui avait fait entrée Miss Montgomery. Et alors que je me demandais pourquoi mon ex-femme avait fait une telle infâmie, Brento, lui, demanda simplement comment allait Tarah. Elle affichait un grand sourire.

-Très bien, Brento. Je crois que je ne me suis jamais sentie aussi bien de ma vie !

Ah ouais ?! Pourquoi, donc ? Parce qu’elle avait rendez-vous avec Brento ? Parce que c’était ça qu’était en train de me dire Enora. Ce fut, donc, vers Brent que je me tournais et il m’avoua que Tarah était ici pour signer un contrat avec lui en tant que choriste pour Nameless. Je pris un air surpris, choqué, outré et perplexe tout à la fois.

-Quoi ?!

Il venait bien de dire ce que je venais d’entendre qu’il a dit ? Il a engagé Tarah, qui n’est même pas chanteuse, comme choriste ? Ok ! Je sais que Tarah prend un tas de cours… De chant, d’acting, de piano, de danse, de tennis et d’un tas d’autre foutu truc de riche… Mais ça ne veut pas dire qu’elle a du talent dans tout ! Il ne l’avait quand même pas engagé parce qu’elle était ma nièce, hein ? Ou parce que Stanley lui a demandé ? Parce que si c’est le cas, j’allais le secouer, moi, le Brento !

Il affirma qu’il n’avait simplement pas eu le temps de me le dire. C’est la pire excuse que j’ai jamais entendue. Je fronçais les sourcils.

-Tu as eu le temps de foutre de la vodka dans mon champagne andorien mais de me dire que Tarah allait se pointer ici parce que toi et Nameless l’avez engagés comme choriste ? Tu te fiche de moi, Brento ?

J’étais de bonne humeur tout à l’heure. Ce n’était plus le cas. Et je voyais que ça fatiguait déjà Enora.

-Il y a des milliards de jeunes femmes avec du talent en chant dans ce foutu L.A. et tu as engagé Tarah ? Pourquoi ?

Je vis ma nièce froncer les sourcils et faire une petite moue. De l’extérieur ça devait être drôle pour tout le monde parce que nos expressions étaient presque similaires. A croire qu’elle et moi on tenait ça de Sonya Shran.

-J’ai gagné ma place ! J’ai passé une audition. Nameless et Brento m’ont trouvé à la hauteur, eux ! Ils ne m’ont pas jugé avant même que je ne passe la porte !

Oh ! Des reproches ! Bah tiens ! Tarah semble toujours m’en vouloir parce que je la recale systématiquement lorsqu’elle se pointe à mes auditions. Sauf que si je le fais, c’est pour son bien !

-C'est à Brento que j'ai posé la question, pas à toi !

Oooh comme Shran me connaissait bien ! Il avait même prévu des sandwiches au pastrami rien que pour moi. Il m'autorisait à en manger parce que j’avais été bon. Genre ? Il m’aurait laissé crever de faim si j’avais été mauvais ? Il en aurait été capable !

Je m’inclinai dans une petite révérence et dit en rigolant.

-Merci, ô vénéré Commandeur T’Kor…

Je me redressai juste pour recevoir un autre ordre : celui de manger assez pour tenir tout l’après-midi. Ça voulait dire qu’il n’y aurait pas de pause ? Oui et non, probablement. Parce que je n’allais pas être dans toutes les scènes qu’il y avait à tourner donc, en gros, des pauses, j’en aurais quand même.

Je souris.

-Je vais faire ça. J’aime trop manger pour me priver, de toute façon.

J’allais me diriger vers la table couverte de sandwiches aux garnitures différentes, mais c’était sans compter sur l’arrivée de Tarah, escortée par Enora Lee. Heureusement, d’ailleurs, qu’Enora était là pour justifier la présence de la jeune fille sinon, elle se serait fait virer Manu Militari…

Je saluai Tarah alors que Shran était déjà en train de s’énerver tout seul face à cette odieuse intrusion. Elle disait se sentir super bien. Je lui souris.

Un sourire que je ravalai en aspirant mes lèvres parce que quand Shran comprit qu’elle était là pour signer un contrat avec moi, ce fut limite s’il n’arriva pas à retrousser ses antennes en arrière par la seule force de sa pensée !

En effet, il avait l’air surpris, choqué et presque furieux si les deux premières émotions n’avaient pas été dominantes.

Je pris mon plus bel air innocent.

-Bah quoi ?

J’essayai de justifier que je ne lui en avais pas parlé à cause de tout ce qu’il y avait eu à faire depuis le matin, mais on ne la faisait pas à Shran. En réalité, je ne lui en avais pas parlé parce que j’avais dit à Tarah qu'on signerait le contrat juste sous le nez de son oncle. J'avais donc fait exprès que ce soit une surprise pour mon meilleur ami, juste pour voir sa tête. Et en plus, Tarah était ravie de pouvoir exposer sa réussite devant lui.

Ça me faisait rire ! Surtout quand Shran déclara que j’avais eu le temps de trafiquer son champagne andorien, mais pas de lui parler du projet de Nameless. Là, j’éclatai de rire.

-Tu aurais dû voir ta tête quand tu as réalisé que le champagne était corsé ! A 8 heures du matin ! Si j’avais eu le Polaroïd d’Enora, je t’aurais pris en photo.

C’est ça, change de conversation, Brento. N’empêche que grâce à ça, la scène avait semblé extrêmement réaliste et on l’avait gardée !

Shran voulut savoir pourquoi, sur tous les talents féminins de L.A., j’avais choisi sa nièce. J’allais répondre, mais l’adolescente, outrée, clama qu’elle avait gagné sa place en passant l’audition. Mais Shran l’ignora pour rappeler que la question était pour moi.

-Sors le Polaroïd, Enora et prend-les en photo. Je veux qu’ils voient à quel point ils tirent la même tronche.

Je haussai les épaules.

-Ce n’est pas moi qui l’ai choisie, mais Nameless. C’est son projet, c’est lui qui décide qui il veut pour chanter pour lui. Et je lui avais parlé de Tarah avant. Donc elle partait même avec un désavantage sur les autres.

Je regardai vers la table des sandwiches et m’y dirigeai, tout mon petit monde, soit Shran et Tarah me suivirent.

-Je prends mon sandwiche et on va à ma caravane signer le contrat.

Une fois ma nourriture en main, on partit vers ma caravane, sortant du plateau.

-Shran… est-ce que tu as déjà vu Tarah chanter et jouer On The Telephone de Sniper ?

Elle m’avait donné le frisson et je n’allais pas le cacher.

Brento fit une belle révérence quand je lui donnai l’autorisation de manger de quoi m’arracher un petit sourire en coin. Je lu lançai alors l’ordre de manger assez pour tenir l’après-midi ce qu’il n’aura pas trop difficile à faire étant donné son bon appétit. Il n’était pas difficile de forcer Brento à manger. L’en priver, par contre, c’était une toute autre histoire.

Ce fut alors que j’allais, moi aussi, aller chercher mon sandwich que Tarah, toute fière, fit son apparition sur MON territoire. Elle n’avait rien n’à faire ici mais le fait est qu’Enora l’avait quand même fait entrer ! Pourquoi ? A cause de Brent ! C’était lui que Tarah venait voir pour un « rendez-vous ». Et, pour cause, Brento l’avait engagée comme choriste pour Nameless.

Je fus à la fois choqué et fâché par cette information et je ne tardai pas à m’exclamer alors que Brento semblait faire l’innocent ! Je devrais peut-être bien le priver de nourriture, finalement ! Il ne le mérite pas ! Quelle idée il a eu d’engager Tarah ?! Puis, pourquoi il me l’a pas dit plus tôt ?

C’est ce dernier point que je voulais éclaircir au plus vite et mon « meilleur ami » ne tarda pas à me balancer des excuses stupides ! Il avait eut le temps de foutre de la vodka dans mon champagne andorien mais pas de me dire qu’il avait engagé ma nièce comme choriste ? C’était absolument n’importe quoi et ça me rendit encore plus furieux. Surtout quand Brento enchaina en parlant de sa petite blague du matin comme si c’était ça le plus important là, tout de suite !

-Je n’aime pas les surprises ! Tu le sais !

En vrai, j’avais été surpris au matin mais ça avait fini par me faire bien rire. Sûrement parce que, à ce moment-là, j’étais d’excellente humeur ce qui n’était, maintenant, plus du tout le cas ! Ça faisait trop de surprises sur une foutue journée et ça m’emmerdait de voir le petit sourire fier de Tarah !

-Et ne change pas de conversation !

Je voulais maintenant la réponse à : pourquoi Tarah ? Il y avait un tas de femme à Los Angeles qui, j’en étais certain, ne manquait pas de talent en chant. Des femmes qui n’avait pas déjà une place dans le show-biz comme ma nièce qui avait obtenu sa place à l’âge de 5 ans juste parce qu’elle est la fille de Marina Troi ! Sauf que ce fut à la gamine de se défendre clamant qu’elle avait gagné sa place à la régulière.

Je lui fis la fermer en disant que c’était à Brento que j’avais posé la question, pas à elle. Un Brento qui fit un commentaire à Enora. Une Enora qui pris en main son polaroïd qu’elle avait constamment autour du cou en vacances et sur les tournages car elle adorait prendre tout et n’importe quoi en photo. Je pointai vers elle un doigt accusateur.

-N’essaye même pas, Enora !

Elle fit une petite moue.

-Dommage… Parce que c’est vrai que la ressemblance est frappante quand vous tirer tous les deux la gueule.

Ce fut à Tarah de répliquer à Enora.

-C’est même pas vrai !

Au moins, elle et moi on était d’accord là-dessus. On avait aucune ressemblance. Elle avait les yeux de Stanley, les expression de sa mère mais rien de moi. RIEN !

Brento affirma que ce n’était pas lui qui avait choisi Tarah mais Johnatan. Il ajouta que ma nièce était même partie avec un désavantage justement parce qu’elle était Tarah Troi. Je plissai des yeux. J’avais du mal à croire ça.

-Et malgré ce désavantage, vous l’avez engagée ? Comment c’est possible ça ?!

Les autres participantes étaient à ce point nulles ou quoi ?! Tarah était la seule candidate ? J’en doutais et je restais quand même persuadé que Brento et Nameless avaient été influencé par le fait que Tarah est ma nièce et la fille du bras droit de Don !

Brento voulait prendre son sandwich pour, ensuite, aller faire signer ce fameux contrat à Tarah. Je grommelai :

-Je ne sais pas si tu le mérites, ce sandwich, finalement…

Mais je le laissais quand même le prendre. Moi, je n’avais rien pris. Tout ça m’avait coupé l’appétit. Enora, elle, était repartie vers les techniciens pour préparer l’après-midi. J’avais, moi, décidé de suivre Brento et Tarah jusqu’à la caravane de mon ami rien que pour continuer à bien montrer que tout ça ne me plaisait guère.

Une fois en chemin vers la caravane, Brento me demanda si j’avais déjà vu Tarah chanté une des chansons de Sniper. J’hochai négativement de la tête.

-Non. Jamais. La dernière fois que je l'ai entendu chanter, elle avait quoi? 9 ans? Tu aimes bien Sniper, toi ? Ou bien tu as choisi cette chanson uniquement pour t’attirer les faveurs de Brento ?

Je savais que la gamine était loin d’être stupide et qu’elle avait bien pu préparer cette chanson uniquement pour faire flancher Brento. Je savais que Stanley lui apprenait toute les ficelles pour obtenir ce qu’elle voulait en jouant sur les sentiments des autres. Un truc de businessman.

Tarah fit une petite moue.

-J’adore Sniper. Quand j’étais plus jeune, j’avais un oncle qui ne cessait de me passer The Army chaque fois que j’allais chez lui… Alors c’est normal que j’aime Sniper.

Je fis la moue, moi aussi… Je me rappelais de ça. A vrai dire, quand Tarah était plus petite, j’adorais quand elle venait à la maison. Mais quand elle a commencé à devenir un peu trop comme Stanley et Marina, ça a créé un gouffre entre nous. Il suffisait que la gamine demande à obtenir quelque chose pour qu’elle l’ait. C’est grâce à Marina qu’elle a obtenu ses premiers rôles. Comme ça… Sans rien prouver à personne. Une Hank North numéro 2.

Je fixai Brent alors qu’on entrai dans sa caravane. Je m’installai sur un siège croisant les bras, l’air renfrogné.

-Alors, elle a chanté et quoi ? C’était si bon que ça ? Elle était meilleure que toutes les autres qui, si ça tombe, ont bosser tout autant que Tarah, voir plus, mais qui n’avait pas la chance d’être de la famille de quelqu’un de connu ? Tu ne crois pas, Brento, qu’on va penser que Nameless l’a engagée parce qu’elle est la fille de Stanley ?

Rien qu’à voir Tarah s’incruster sur le plateau, Shran devint rouge de colère…. Enfin, je pensais bien qu’il était rouge sur tout ce bleu qui lui maquillait la face. Il ne voulait pas voir sa nièce là… Je ne comprenais pas tout à fait bien pourquoi Shran en avait toujours après la jeune fille. Quand elle était plus petite, il en était raide dingue.

J’essayai de me trouver des fausses excuses pour ne pas lui avoir parlé du contrat que Tarah devait venir signer. Mais en vrai, j’avais fait les choses comme ça pour taquiner un peu mon meilleur ami… Mais aussi lui faire comprendre que sa nièce avait un réel talent. Lui la recalait à chaque audition qu’elle passait avec lui. Seulement, il devait comprendre qu’elle pouvait aussi faire du très bon boulot.

Il clama qu’il n’aimait pas les surprises, ce que je savais déjà.

Je pris un air encore plus innocent.

-Non ? C’est vrai ?

Il me rappela la petite blague que je lui avais faite ce matin et me rappeler la tête qu’il avait tirée me fit rire aux éclats. Mais il ne comptait pas me laisser changer de conversation pour autant. Il voulait savoir pourquoi on avait engagé Tarah et pas quelqu’un d’autre. Comme si j’avais fait exprès d’engager Tarah pour l’atteindre lui je le regardai dans les yeux, un peu plus sérieux.

-Ne soit pas si égocentrique, Shran. Le fait qu’on l’ai choisie n’a strictement rien à voir avec toi.

Elle avait fait ses preuves, elle avait séduit Nameless… Et c’était tout ce qu’on avait besoin de savoir pour en faire une choriste. L’oncle et la nièce tiraient tous les deux la tronche, maintenant… De quoi faire une magnifique photo pour leur montrer à quel point, finalement, ils étaient proches. Et pas que physiquement !

Mais Shran pointa Enora d’un doigt rageur et elle ne tenta pas sa chance plus loin, à regret.

J’expliquai à mon ami que je n’avais pas ménagé la tâche à son adolescente de nièce. Qu’elle était partie avec un désavantage. Shran se demandait comment c’était possible. Je haussai les épaules.

-Il y a des moments où on doit se rendre à l’évidence, quand quelqu’un est bon. Et puis, ce n’est pas moi qui ait donné la décision finale, mais Nameless.

Je fis un clin d’œil complice à Tarah au passage… Puis allait chercher mon sandwich parce que mon ventre gargouillait toujours ! Un sandwich que Shran doutait maintenant que je méritais. Je le pris quand même, sans faire attention à sa remarque.

On partit ensuite vers ma caravane tout en continuant à parler. Enora s’était désolidarisée de notre groupe pour vaquer à ses occupations. J’en profitai pour demander à Shran s’il avait déjà écouter Tarah, qui nous suivait, chanter. En particulier la chanson de Sniper qu’elle nous avait proposée lors de son audition. Mais Shran répondit par la négative.

-Ben tu devrais… Tu devras un jour la regarder chanter, jouer ou danser en essayant d’oublier qu’elle est le fruit des amours de Stan et Marina. La voir comme n’importe quelle artiste. En tout cas, moi, elle m’a fait oublier d’où elle venait.

Tarah, elle, expliqua qu’elle aimait les chansons se Sniper parce que Shran lui-même l’avait biberonnée à The Army.

-Tu vois ? En vrai, c’est ta faute, Shran.

Et même si Tarah avait déclaré ça d’un air cynique, j’y voyais, peut-être à tort, une tentative de la jeune fille pour dire à son oncle qu’elle n’avait pas tout oublié de ce qu’il avait pu lui apprendre jadis.

Arrivés à la caravane, Shran prit place sur une petite banquette et je trouvai, dans mon bordel, le contrat que j’avais rédigé pendant la nuit pour Tarah. Pendant ce temps-là, Shran continuait à investiguer. Je lui répondis machinalement, relisant de mes yeux jaunes les lignes que j’avais écrites pour vérifier que je n’étais pas à côté de mes pompes au moment où je l’avais fait.

-Elle a chanté A Brave New World de The Burning Fire et On The Telephone de Sniper et…

Je relevai mes yeux jaunes sur lui tout en tendant le document à Tarah pour qu’elle le lise.

-Peut-être que la presse y verra du népotisme… Mais la presse, tu sais… Après tout, L.A.People nous a mis tous les deux dans le top 10 des personnalités les plus détestées de L.A. alors que L.A.People, il y a encore quelque mois, nous foutait une paix royale…

Je haussai les épaules.

-Alors tu vois, tout est relatif… Et on s’en fout, après tout. Non ?

Je pris mon sandwich et mordis dedans.

-Mmm Purée que ça fait du bien !

Je n’aimais pas les surprises. Brento le savait ! Il avait beau faire l’innocent, il était clair qu’il le savait. Brento est le type qui me connait le mieux dans l’Univers alors il sait parfaitement que je n’aime pas être pris par surprise !

Or, aujourd’hui, il l’avait fait deux fois. Une fois à coup de vodka et une seconde fois avec ce foutu rendez-vous avec ma nièce !

Et tout ça semblait le faire bien rire, c’est ça le pire. Brento avait l’art de pouvoir me faire passer de la bonne humeur à l’énervement (et inversement) à la vitesse de la lumière. Et le pire, dans l’histoire, c’est que je n’arrivais jamais à lui en vouloir très longtemps. Pourtant, Dieu sait que je suis rancunier.

J’avortai la tentative de Brento de changer de conversation pour en revenir à Tarah et à ce qu’il leur avait pris, à Brent et Nameless, d’engager ma nièce. J’avais cette impression qu’il avait fait ça uniquement parce que c’était ma nièce ce qui me valu une remarque de mon meilleur ami qui, sur le coup, me trouvait trop égocentrique. Je me renfrognai pas particulièrement ravi de ce genre de remarque qui permit à Enora d’en rajouter une couche.

-Il a souvent du mal de se rendre compte que tout ne se rapporte pas à lui…

Je fis la moue regardant Enora en biais mais je ne dis rien de peur d’alimenter leur moulin à tous les deux.

Tarah se défendait disant qu’elle avait gagné sa place ce qui nous amena tous les deux à prendre un air boudeur. Ce qui poussa Brento à demander à ce qu’Enora prenne une photo mais je défendis à mon ex-femme de le faire.

Brento avait dit que Tarah était partie avec un désavantage mais le fait est qu’elle avait quand même été prise alors je pouvais mettre en doute ce que me disait mon meilleur ami. Mais d’après Brento, c’était une question de talent ! Il ajouta aussi que ce n’était pas son choix mais celui de Nameless. Je roulai des yeux.

-Mouais… Elle lui a fait quelques beaux sourires sans doute. Elle sait charmé. Sa mère lui a appris !

Ce fut à Tarah de rouler des yeux de l’exacte même manière. Je regrettais, parfois, que Tarah n’ait plus 4 ans. Quand elle a commencé à obtenir des rôles, notre relation a drastiquement changée. Le fait est que ses parents en ont fait un pur produit de la jet-set… Puis, j’avais du faire le deuil d’un  truc à l’époque : Tarah n’est pas ma fille… Et elle ne le sera jamais.

Bref… Brento voulait faire signer le contrat à Tarah mais il se prit un sandwich avant même s’il ne le méritait, finalement, aucunement. Je suivis le duo alors qu’Enora, elle, nous abandonna sans doute parce que je la fatiguait déjà.

Sur le chemin vers la caravane de Brento, ce dernier parla de la prestation de Tarah à l’audition comme quoi elle avait particulièrement bien géré une des chansons de Sniper. Apparemment, ça l’avait fort impressionné… Au point où il disait que je devrais voir Tarah chanté, jouer et danser en essayant d’oublier ses origines. Je ricanai.

-Plus facile à dire qu’à faire, elle est le portrait craché de Stanley.

Elle avait ses yeux bleus. Comment je ne pouvais pas voir Stanley en Tarah ? Comment, hein ?! Et Stanley me tape souvent sur les nerfs, croyez-moi !

Ce que je fus surpris c’était que Tarah aimait Sniper. Mais m’est d’avis qu’elle avait simplement choisi cette chanson pour charmer Brento ce dont elle se défendit clamant que si elle aimait Sniper, c’était entièrement ma faute. Brent confirma me faisant plisser des yeux.

-Mouais…

On entra dans la caravane et je pris place sur une banquette alors que Brento réussi, je ne sais pas comment, à retrouver son contrat dans tout le bordel qu’il y avait ici. Ça faisait peu de temps qu’il était de retour et cet endroit était déjà un vrai foutoir ! Mais on ne changera plus Brent à ce niveau…

Je continuais d’essayer de comprendre le choix de Brento et Nameless cherchant, finalement, à ce qu’il m’avoue avoir été influencé par le fait qu’elle n’était pas personne. Et, de ce fait, je mis en avant le tas d’autres jeunes femmes qui méritaient, sans doute, tout autant leur place que Tarah. Des gens qui n’ont pas encore percé et qui ont du talent aussi mais qui sont passée à la trappe parce que Tarah est déjà connue.

Il affirma que ma nièce avait chanté deux chansons deux que j’adorais en plus ! Comme si elle allait à mon audition et pas à celle de Nameless ce qui me fit lever un sourcils alors que Brent tendis le contrat à Tarah qui se mit à le lire tout en nous écoutant.

Brent affirma qu’il se peut que la presse y voit du népotisme. Je ricanai. « Peut-être » ? Non ! La presse y verra du népotisme ! C’est la première chose qu’ils verront, d’ailleurs ! Il évoqua alors le fameux dernier classement de L.A.People en date où on apparaissait, lui et moi… J’avais eu la 7ème place des personnalités les plus détestées de la ville ! Mais je crois que ce qui m’avait le plus choqué c’était que j’étais à égalité avec Ian Hunter qui est bien plus détestable que moi. Je grommelai.

-Tu es de plus en plus connu parce que tu as fait quelques bonnes signatures dernièrement… Quand a moi, j’ai tiré sur Amon… Je pense qu’il ne l’a pas encore digéré… Bientôt, ils nous oublieront à nouveau.

Je l’espérais, en tout cas !

-Je ne mérite pas d’être à égalité avec Ian Hunter.

Tarah ricana quand elle m’entendit répliquer ça. Elle releva les yeux de son contrat.

-C’est vrai… Tu méritais d’être plus haut et Ian plus bas !

Je la foudroyai du regard avant de remettre ce même regard sur Brento qui affirma qu’on s’en fichait bien de ce que la presse allait dire.

-Non on ne s’en fout pas ! C’est plus compliqué que ça, Brent !

Il mordit alors dans son sandwich. Je devrais, peut-être, le priver de pastrami demain ! Ça sera, ainsi, à mon tour de lui faire un bien mauvaise surprise.

Tarah posa le contrat sur la table, sortit un stylo de son sac à dos et signa en bas de la page. Elle rendit, alors, tout sourire, le contrat à Brent alors que j’avais soupiré devant cette acte infâme.

-Voilà ! Merci, Brent pour ta confiance. Comme je vous l’ai dit à toi et Nameless, je vais travailler pour être à la hauteur malgré que certain pensent que je n’y serais jamais.

Elle m’envoya un regard sans équivoque que je soutins. Elle se tourna, ensuite, vers Brent.

-Je vais vous laisser… Je dois retourner en cours. A bientôt, Brent !

Elle me regarda.

-Au revoir, Shran !

Et elle s’en alla sans que je ne lui dise « au revoir ». Je poussai un long soupire envoyant me tête en arrière avant de la remettre droite et de regarder Brent.

-Tu viens de lui scotché le mot « doublement pistonné » sur le front… En l’engageant comme choriste de Nameless, elle va passée pour une pistonnée notoire autant dans le monde de la musique qu’à Hollywood. On va mettre en avant qu’elle a gagné sa place à cause de Stanley… Tu as peut-être vu du talent en elle mais les gens et la presse ne verront pas ça. Il ne le voit déjà pas dans le cinéma alors, dans la musique, ça sera pire ! Ça permettra à des petits connard jaloux de venir lui dire qu'elle n'est rien d'autre qu'une foutue pistonnée.

Je savais de quoi je parlais. J'ai déjà été un petit connard jaloux.

Enora disait que Shran avait souvent bien du mal à réaliser que tout ne se rapportait pas à lui. Bon, c’était un peu exagéré, un peu caricatural. Shran n’était pas systématiquement comme ça. Mais ça lui arrivait, effectivement. On en rajouta pas, cependant, je svaais que le message était passé dans la tête de mon meilleur ami. La preuve, il s’était renfrogné et n’avait plus rien dit.

Jusqu’à ce que je parle un peu de comment s’était passé l’audition, du fait que j’avais dit à Nameless avant à qui il allait avoir à faire avec Tarah. Mais elle avait fait une audition parfaite. Je ne pouvais pas l’empêcher d’avoir le job sous le simple prétexte qu’elle était la nièce de Shran et la fille de Stanley et Marina.

Stephen, lui, déclara qu’elle avait dû charmer Nameless avec quelques beaux sourires… Je rigolai.

-Tarah a 15 ans… Je pense que Nameless les aime un peu plus mûres que ça.

Et il était avec Griffin, de toute façon. Et comme Nameless ne me donnait pas à penser qu’il était un coureur de jupons (contrairement à moi), je doutais fort que Tarah aurait pu le charmer de cette façon-là. Ce qu’elle n’avait pas fait, je le savais, puisque j’étais là.

Je pris un sandwich dont je n’allais pas me privé sous prétexte que Shran voulait me retirer le privilège de manger, puis on alla vers ma caravane pour signer le contrat. En chemin, je demandai à Shran s’il s’était une fois sérieusement penché sur les talents de sa nièce, en essayant de ne pas penser qu’elle était la fille de son frère. Seulement, c’était un exercice impossible pour lui.

Je souris.

-Pas que de Stanley.

N’avait-on pas voulu prendre une photo seulement quelques minutes avant pour leur montrer à quel point ils se ressemblaient ?

Une fois dans la caravane, je me mis à la recherche du contrat que je trouvai assez facilement dans mon bordel organisé. Je le tendis à Tarah qui se mit à lire pendant que Shran continuait à essayer de sortir des arguments pour empêcher ça. Apparemment, il ne voulait pas que sa nièce soit tagguée de népotisme, et je commençais tout doucement à comprendre pourquoi il disait tout ça.

Mais je gardai mes arguments pour plus tard.

En attendant, je lui fis remarquer que personne d’un tant soit peu connu, même pas nous, n’échappait aux plumes acerbes de la presse. La preuve, on était septième et neuvième des personnalités les plus détestées. Pourtant, je ne me rappelais pas avoir dit un mot de travers à quelqu’un ou avoir fait du mal à quelqu’un.

Shran déclara que ça devait être à cause de mes bonnes signatures de ces derniers mois et que lui avait tiré sur Amon et que le journaliste devait encore l’avoir en travers de la gorge.

-Peut-être… Mais comme tu vois, ce n’est pas justifié, dans aucun des deux cas. Enfin, je ne trouve pas, je me trompe peut-être.

Tarah en rajoutant une couche en disant que Ian Hunter aurait dû être plus bas dans le classement et Shran plus haut. Je pouffai de rire.

-C’est dur, ça, Tarah.

Je haussai les épaules. De toute façon, on s’en foutait, non ? Non, pas pour Shran qui disait que c’était plus compliqué que ça. Moi, je ne trouvais pas qu’ignorer ce que disait la presse était fort difficile.

Tarah sortit un bic de son sac à dos, signa, me rendit le contrat et réitéra les promesses qu’elle avait déjà faites à Nameless. Elle devait maintenant retourner en cours.

-Ok. Merci à toi et passe une bonne journée.

Shran ne lui souhaita pas la bonne journée, mais quand la jeune fille eut quitté ma caravane, je pris place, avec mon sandwich, sur la petite banquette à côté de mon meilleur ami. Tout en mâchant sans faire de bruit, je l’écoutai me dire que j’avais collé sur le front de la gamine une étiquette de doublement pistonnée et que ça n’allait pas plaire à tout le monde.

Ce qui achevait de confirmer ce que j’avais commencé à penser un peu plus tôt. J’avalai ma bouchée et plongeai mes yeux jaunes dans ses yeux verts foncés.

-Tu sais, Shran… Elle veut vraiment être une artiste complète, et elle a le talent pour le faire…

Je lui souris gentiment.

-Tu ne pourras pas la protéger de tout et de tout le monde. Surtout pas en brisant ses rêves…

Je souris, espiègle.

-Et puis, je suis moi aussi un pistonné notoire. Je suis sûr que je pourrai l’aider à prouver aux petits connards jaloux qu’elle n’est pas seulement un nom.

Brento disait que Tarah était trop jeune pour avoir un intérêt autre qu’artistique aux yeux de Nameless que je savais en couple avec Julia Griffin. Mouais… N’empêche que je voyais bien la gamine jouer du charme pour essayer de charmer le chanteur rien que pour obtenir sa place.

Il y avait du Stanley en elle et Stanley était un beau parleur… C’est, d’ailleurs, la ressemblance avec son père que je mis en avant pour expliquer le pourquoi je n’arrivais pas à voir Tarah autrement que comme étant la fille de Stanley. Elle avait ses yeux et parlait parfois comme lui. Mon frère ne venait pas du tout du même milieu que moi. Mon père était militaire… Le père de Stanley était un rentier issu de la noblesse… A se demander comment ma mère avait peu aimer deux hommes aussi drastiquement différents ! Donc, lui et moi n’avions pas vraiment la même façon de parler. On avait pas non plus les mêmes valeurs.

Mais Brent affirma que Tarah ne ressemblait pas que le portrait craché de mon frère… Je voyais où il voulait en venir mais je décidai de faire l’ignorant.

-Tu as raison ! Elle ressemble un peu trop à Marina aussi !

De quoi faire encore rouler les yeux de ma nièce qui, elle non plus, n’était pas à court de répliques !

-Et c’est une bonne chose que je leur ressemble à eux parce que j’ai pu avoir, ainsi, une taille correcte…

Je fis la moue. C’était assez bas ça… Je trouve que toute les réflexions sur ma taille étaient des coups bas. Même si, en soi, Tarah n’avait pas tort. Elle tenait sa taille des Montgomery ce qui faisait qu’elle n’était que légèrement plus petite que moi…

Au moins Tarah et moi avions un objectif commun : faire manger à tout ceux autour de nous qu’on ne se ressemblait pas. Quand elle avait 4 ans, je faisais totalement le contraire. Je cherchais la moindre petite ressemblance que ma nièce avait avec moi. Mais Tarah n’avait plus 4 ans.

On finit par atterrir dans la caravane bordélique de Brento qui réussit, je ne sais comment, à mettre la main sur le contrat qu’il avait rédigé spécialement pour la gamine. Quant à moi, j’essayais de mettre en avant un tas d’argument contre cette signature comme le fait que tout le monde allait pensé que cette signature était le fruit d’un ignoble népotisme et que la presse n’allait pas passé à côté de ce fait !

Une presse que Brento avait facile d’ignorer… Il parla, d’ailleurs, du dernier classement en date de L.A.People où on était apparut lui et moi. Je faisais partie des personnalités les plus détestées de L.A…. Brento aussi alors que c’est une crème. M’est d’avis que j’étais aussi haut uniquement parce qu’Amon n’avait pas digéré que je lui tire dessus. Quant à Brento, c’était l’affaire de quelques jaloux de son présent succès. Ce qui fit dire à Brent que tout ça n’était pas justifié. Je grommelai.

-Non, ça n’est pas justifié ! Tous ces gens qui ont voté ne nous connaissent même pas !

Brento arrivait à prendre du recul. Moi, ce classement m’ennuyait surtout que j’étais au même niveau que cette petite diva de Ian Hunter ! Ce qui fit réagir Tarah qui disait que je méritais d’être plus haut alors que Ian, lui, devrait être plus bas. Brento la trouvait dur alors que, moi, j’avais foudroyé ma nièce du regard. Je méritais au moins d’être après Hank ! Or, ce n’était même pas le cas ! Ce classement est un foutu scandale.

Finalement, Tarah signa son contrat… Ça y est… Le mal était fait et je n’avais rien pu faire pour empêcher ça. La gamine finit par s’en aller sans que je lui souhaite la bonne journée. J’étais trop énervé pour lui souhaiter quoi que ce soit !

Brent prit alors place à mes côtés alors que je pouvais, enfin, lui expliquer le fond de ma pensée. Tarah était déjà pistonnée dans le cinéma… Désormais, elle allait l’être dans la musique. Ça n’aurait pas été le cas si elle avait signé ailleurs que chez MTI mais Brento était chez MTI et il était mon meilleur ami ce que tout le monde savait !

Brento affirma que Tarah voulait vraiment être une artiste complète et en avait le talent. Je soupirai. Je sais. J’ai fait passer un tas d’audition à Tarah. Elle avait excellé à chaque fois. Mais je ne pensais pas lui rendre service en l’engageant sur un de mes films. Je ne voulais pas être le nouveau Christopher North qui n’a aucune vergogne à employer son frère dans beaucoup de ses films. Je ne voulais pas que Tarah finisse comme Hank North. Elle était déjà suffisamment sûr d’elle comme ça.

Je fis la moue ne disant rien alors que Brent verbalisa tout haut une fatalité… Je m’efforçais de protéger Tarah mais il affirma que je ne pourrais pas toujours le faire et que de briser les rêves de la gamine n’était pas la bonne solution… Je ne voulais pas briser ses rêves. Je savais que même si je le voulais, je n’y arriverais pas. Je voulais juste lui éviter des étiquettes que certains connards lui mettront sur la tête. Des connards comme moi.

Brento enchaina déclarant qu’il était aussi un pistonné et qu’il pourra l’aider avec lesdits connards.

-Je sais, par expérience, qu’elle pourra y mettre tous les efforts qu’elle veut, ces connards ne changeront pas d’avis. Je n’ai jamais changé d’avis sur Hank North… Il ne m’a rien donné pour changer mon avis non plus mais le fait est que Tarah devra doublement endurer ça.

A Hollywood tout comme dans la musique, désormais.

-Et je suis bien conscient qu’elle a du talent. Elle se présente à chaque foutue audition que j’organise. Elle sait que je vais la recaler mais elle vient à chaque fois. Chaque fois, elle gère.  Je me dis que si je la fais échouer à chaque fois, elle gardera les pieds sur terre… Et, en plus, en ne l’engageant pas, je ne suis pas responsable du fait qu’on la traite de pistonnée.

Je passai une main sur mon visage avant de replonger mon regard dans celui de Brento. Il avait dit qu’il l’aidera. Je savais que je pouvais compter sur lui. Je savais aussi que si, pour l’instant, la presse ménageait Tarah parce qu’elle était encore jeune, ça n’allait plus durer longtemps.

-Il faudra que tu la gardes à l’œil, d’accord ? Il ne faut pas qu’elle se fasse manger par son ambition… Ni par la presse… C’est une gamine… Elle ne sait pas encore ce qui l’attends… Et ne te laisse pas influencer par Stanley. Il va essayer de lui grapiller des privilèges. C’est une choriste. Elle ne devra pas obtenir plus qu’une autre choriste.

Parce que je connaissais mon frère. Il avait beaucoup d’influence chez MTI et je le voyais bien offrir cette même influence à sa fille.

Je soupirai.

-Pourquoi est-ce qu'elle n'a plus 4 ans?

En ce temps-là, les choses étaient plus simple...

La mauvaise foi de Shran concernant sa ressemblance avec Tarah était manifeste. Et moi, je savais qu’il savait qu’ils pouvaient parfois tirer la même tronche. Quant à Tarah, elle ne manquait pas de répartie, envoyant une pique bien placée sur la taille de Shran qui, il était vrai, du haut de son mètre 70, n’était pas très grand.

Une fois dans ma caravane, Tarah lisant le contrat que je lui avais rédigé, la conversation tourna sur la presse. Shran redoutait ce que la presse penserait de cette signature et je commençais de plus en plus à comprendre que Shran ne cherchait pas à casser Tarah. Il voulait la protéger, sauf qu’il s’y prenait soit mal, soit maladroitement. Du coup, la jeune fille et tout leur entourage pouvait penser qu’ils ne se piffaient pas.

Mais les choses étaient bien plus compliquées que ça.

Pour preuve que la presse pouvait raconter n’importe quoi (mais que, pour moi, on s’en foutait comme de notre première couche), il y avait eu ce récent sondage sur les personnalités les plus détestées de L.A.

Comme le disait Shran, les gens qui avaient voté ne nous connaissaient même pas. Bien que certains membres de la jet-set avaient certainement voté (moi-même, j’avais voté pour Jimmy Reed, trouvant la chose assez drôle) et donc, nous connaissaient un minimum, mais ce n’était pas la majorité des gens.

-Raison de plus pour ne pas accorder trop de crédit à ça, Shran.

Une phrase que je tenais à ce que Tarah entende aussi. A son âge, il ne fallait surtout pas que ce que disait la presse l’empêche d’avancer ou la fasse hésiter. Mais à ce niveau-là, je pensais qu’avec ses parents, elle était déjà pas mal entourée… C’était plus à Johnatan et à Eleanor, de mon humble avis, que je devrais faire attention… Bien que jusqu’ici, Johnatan n’avait encore jamais parlé de ce foutu sondage alors peut-être qu’il s’en foutait, à raison. Quant à Eleanor, pour l’instant, elle était encore à l’abord, mais je m’attendais déjà à devoir possiblement la rassurer quand la presse l’aurait dans son collimateur.

Ça faisait aussi partie de mon boulot de manager, après tout.

Tarah signa son contrat, me remercia, nous salua et repartit pour aller assister à ses cours de l’après-midi, nous laissant seul Shran et moi. Je m’assis à côté de mon ami et ce ne fut qu’à ce moment-là, en l’écoutant, que je pris conscience que Shran voulait protéger Tarah…

Mais il s’y prenait mal, de mon humble avis.

Il avait extrêmement peur que les gens la voient comme lui voyait Hank North. Shran avait toujours détesté l’acteur et le trouvait parvenu. Sa haine pour lui allait même jusqu’à éclipser le fait que North avait un talent certain.

Il s’en rendait compte et ne voulait pas que cela arrive à sa nièce.

-Tu sais qu’on ne peut pas contrôler ce que les gens vont penser. Tarah a du caractère et de la répartie, je serais toi, je ne m’en ferais pas autant pour elle.

Tarah saurait tracer son chemin et prouver à tout le monde que si, certes, elle avait eu de la chance de naître dans le monde du spectacle, elle y avait tout de même une place légitime au-delà de ses gènes et de son nom.

Shran ne niait pas le talent de sa nièce, il en avait conscience. Il alla même jusqu’à avouer que Tarah avait géré chaque audition qu’elle avait fait avec lui. Ce qui ne l’avait pas empêché de la recaler pour lui apprendre qu’elle ne pouvait pas tout avoir. Et aussi, il se dédouanait d’en faire une pistonnée.

Je mâchais une nouvelle bouchée de sandwich en méditant sur tout ça, jusqu’à ce que j’avale.

-Tu as de la chance qu’elle ait un sacré caractère et que ça n’a pas suffi à lui briser toute confiance en elle. Ton petit jeu est à double tranchant.

Mais Tarah avait persisté, encore et toujours. Ce qui prouvait qu’elle en voulait. Et qu’elle était très capable de tracer son chemin seule et à la force de son talent.

Mon meilleur ami me confia alors une mission. Je le voyais comme ça parce que je savais que lui le voyait comme ça. Il me confiait sa nièce. Je devrais la garder à l’œil, la protéger et la garder les deux pieds sur Terre. Je souris…

-Tu sais comment je travaille. Tu sais que je fais ça avec tous mes artistes. Je n’agirai pas différemment avec Tarah.

Je sortis mon sandwich de son emballage et déchirai l’extrémité dans laquelle je n’avais pas mordu, éparpillant quelques miettes sur la petite table, pour en tendre la moitié à Shran qui se demandait pourquoi Tarah n’avait plus 4 ans.

-Pour la même raison qu’on en a plus 20, Shran. Le temps passe et on n peut rien y faire. Tiens. Mange. Une grosse après-midi nous attend.