-Bonjour, Sonia ! Est-ce que Victoria Hunter est là aujourd’hui ?

La sympathique petite réceptionniste me sourit en me répondant avec enthousiasme.

-Oui, bien sûr, Jack… Elle est… Au studio 3.

Je la remerciai est parti vers le studio 3 en croisant les doigts pour qu’ils ne soient pas en pleine session d’enregistrement.

La visite de Duncan dans mon bureau datait de hier… Et la première chose que j’avais faite en rentrant à la maison avait été de prendre Jesse en tête à tête pour lui faire écouter les deux chansons que proposaient BleedingHeart, avec la collaboration de Hugh Crusher.

Jesse était bien trop jeune pour savoir qui était l’acteur. A moins que Brooke lui ait fait regarder Love In L.A. en mon absence.

Mais de toute façon, ce n’était pas Hugh Crusher l’acteur qui m’intéressait pour le coup, mais bien Hugh Crusher le chanteur.

Jesse avait adoré les chansons. Et savoir que mon fils, doté de l’oreille absolue, aimait, signifiait quelque chose. Bon, d’accord, en générale, il était bon public et qualifiait chaque nouvel album qui sortait et qu’il écoutait de « meilleur album de tous les temps ». Cependant, j’estimais que s’il ne grimaçait pas en écoutant, c’était que c’était bon.

J’arrivai devant le studio 3 et levai la tête. La lampe rouge n’était pas allumée et je soupirai de soulagement. J’étais tout excité à l’idée de rencontrer non seulement un acteur que j’admirais, mais aussi un homme plein de sensibilité.

Sa chanson parlait pour lui !

Je frappai à la porte et entrai dans la foulée. Toute l’équipe de Victoria Hunter, y compris la chanteuse elle-même, était réunie dans la régie, à parler détails technique, j’imaginais.

-Heu… Bonjour tout le monde.

Je souris et entrai.

-Est-ce que je pourrais vous emprunter Hugh Crusher un moment ? Je dois lui parler de quelque chose d’important.

Puis, m’adressant personnellement à l’intéressé.

-Ça vous dirait, Hugh ? D’aller boire un café dans la salle de repos ?

-Moi, je propose qu’on retire toute la ligne de guitare et qu’on laisse la chanson comme ça…

Ben Masters était le genre de type qui était constamment agaçant. Pas qu’avec moi. Avec tout le monde. Mais particulièrement avec moi parce que, d’après lui, je ralentissais Victoria dans la confection de son nouvel album. J’étais un mauvais guitariste… Je le savais. Ce n’était pas une raison pour me le dire toute les deux secondes.

Vicky soupira et roula des yeux.

-Ben… Sans la guitare ça ne donnera plus rien… Puis, elle est très bien cette ligne de guitare. C’est exactement ce que je veux, en tout cas.

Ce fut, cette fois, Allen qui roula des yeux devant les mots de Vicky qui, chaque fois qu’elle entendait quelque chose qui sortait de ma guitare disait que c’était très bon. Ici, absolument personne n’était dupe. Même pas moi. Tout le monde savait que Vicky exagérait et qu’elle le savait.

-C’est n’importe quoi, Vicky… Il faut recommencer la ligne de guitare. Tu le sais…

Vicky allait protester mais j’intervins, fatigué par ce débat un peu stérile. Ce même débat qu’on a à absolument chaque chanson.

-Ils ont raison, Vicky… Je vais recommencer.

Elle prit un air désolé et soupira à nouveau. Ce fut Ben qui repris la parole avec son petit sourire narquois.

-Je devrais peut-être le faire à ta place, Hugh… Ainsi, on sera pas obliger de recommencer dix fois.

Vicky fronça les sourcils. Moi, ça faisait déjà un moment que les piques de Ben me passait par au-dessus de la tête. Des gens comme lui, j’en avais vu des centaines dans ma vie. Et je savais que le mieux était encore de les ignorer. Mais Vicky n’était pas comme ça. Elle se tourna vers Ben.

-Tais-toi, Ben ! C’est compris ?

Ben roula des yeux.

-Hey, t’énerve pas, hein !

On voit que Ben n’a jamais vu Vicky énervée… Il l’aurait vu, il aurait pris la petite remarque de Victoria comme une gentille mise en garde. Parce que, moi, j’avais déjà vu Vicky hors de ses gongs et ça ne ressemblait pas à ça du tout. Bref… J’allais aller refaire ma ligne quand on toqua à la porte du studio.

-Entrez !

C’était Jack Perry qui entra en plein milieu de notre petite réunion. Il nous salua et je lui souris d’un sourire aimable.

-Bonjour.

Ben leva la main marmonnant un « bonjour » alors qu’Allen, lui, fut un peu plus enthousiaste devant la présence du manager de Fireworks et BleedingHeart.

C’était moi que Jack Perry voulait voir. Et vous savez quoi ? Je n’étais pas étonné. Duncan Keller avait essayé de me convaincre de sortir nos chansons en single et j’avais longuement hésité avec d’accepter, un peu à contrecœur. Quand j’avais fait ces chansons avec eux, c’était dans le but de partager un moment avec des gens qui m’étaient sympathique. Je n’avais pas imaginé que ça irait jusqu’à sortir réellement ces musiques. Je n’étais pas un chanteur. J’avais simplement appris à chanter pour pouvoir percer au théâtre avant ma carrière au cinéma. Mais de là à être sur un single d’un groupe comme BleedingHeart ? Ça me semblait autant irréel que stressant !

Vicky retrouva le sourire et se tourna complètement vers Jack.

-Oui, tu peux me l’emprunter, il est tout à toi.

C’est vers moi que Jack se tourna alors me proposant un café. J’hochai de la tête.

-Avec plaisir.

Et on sortit du studio 3 direction la salle de repos. Je n’avais jamais vu Jack Perry avant aujourd’hui. Je connaissais de lui ce que j’avais lu dans les magazines et ce que j’entendais ici. Duncan n’en disait que du bien, en tout cas. Quant à moi, jusqu’ici, je pouvais simplement conclure qu’il était très avenant.

On s’installa à la salle de repos avec notre café. Je tournai doucement ma cuillère dedans après avoir mis une tonne de sucre et de lait.

-C’est pour les chansons de BleedingHeart, que vous voulez me voir, c’est bien ça ? Duncan était très enthousiastes mais, sincèrement, je pensais qu’il avait dit que c’était bon uniquement pour me faire plaisir… Il m’a dit qu’il allait vous les faire écouter.

S’il était venu me voir, j’imaginais qu’il avait aimé. Sinon, j’imagine que Duncan serait simplement venu me dire que l’idée de single était tombée à l’eau…

-Il vous as demandé pour le single, je parie…

Je fis une petite moue. Je n’étais pas certain que j’avais envie d’être sous le feu des projecteur de cette façon. Je savais déjà que j’allais les avoir en pleine figure à cause du film de Christopher North. Mais si je multipliais les raisons d’y être, je n’allais pas m’en sortir. Surtout que tout ça allait extrêmement vite.

J’étais clairement arrivé en plein dans une séance de travail du groupe de Victoria. Les pauvres devaient se coltiner Ben Masters. J’étais heureux de ne jamais avoir dû avoir à le gérer, celui-là, car il n’avait pas la réputation d’être facile, ni sympathique, d’ailleurs.

Je n’étais donc pas là pour Ben, mais bien pour Hugh qui se tenait sur un tabouret haut, l’air un peu dépité. Je savais par Duncan que ces séances de travail ne devaient pas être simple pour lui parce que… si même Duncan allait jusqu’à dire qu’il était mauvais guitariste, c’était qu’il était vraiment très mauvais.

Victoria m’autorisa à le lui emprunter et Hugh lui-même semblait quelque part ravi de pouvoir sortir de la régie.

J’ouvris la porte du studio 3 plus grande et le laissai passer devant moi, direction la salle de repos.

Les roadies laissaient constamment une cafetière plein ou presque et qui n’avait jamais le temps de refroidir. Le sucre et le lait étaient posés sur la table. Je nous servis donc deux tasses avant de m’installer, m’amusant de voir que Hugh le buvais avec beaucoup de sucre et de lait. On aurait dit un milkshake au café.

Moi, je le pris noir, avec un sucre.

Je touillais tranquillement dedans quand Hugh m’avoua, en quelque sorte, savoir pourquoi j’étais là.

-Oui, c’est pour ces chansons que je suis là.

Il pensait que Duncan avait voulu lui faire plaisir en disant que c’était bon.

Je me penchai vers lui, pour lui annoncer, comme sur le ton de la confidence.

-Hugh… Vous êtes-vous écouté, une fois la chanson enregistrée ? Avez-vous seulement conscience de la portée que peuvent avoir vos paroles ?

Je pensais clairement qu’il n’avait pas conscience de ce qu’il avait produit. Il s’imaginait certainement médiocre en chant comme il l’était à la guitare, mais ce n’était pas le cas.

-Je veux en effet en faire un single. Ce n’est presque pas négociable. On ne peut pas laisser ces deux chansons se perdre sur une cassette qui serait remisée aux archives.

Je souris.

-Mais Duncan m’a parlé de préserver votre identité… Et ça, je suis prêt à le faire.

Jack était venu me « sauver » de cette discussion légèrement embarrassante avec Vicky et ses musiciens. Je savais exactement pourquoi le manager de BleedingHeart voulait me voir… Ce n’était pas très difficile de faire les liens…

Je le suivis, donc, jusqu’à la salle de repos où je pris un café agrémenté de lait et de sucre. Je n’aimais le café que comme ça, contrairement à Jack qui opta pour un café noir avec du sucre. Je me mis à touiller alors que, avant que Jack n’ouvre la bouche, je déclarai qu’il voulait sans doute me voir pour les dernières chansons de BleedingHeart. Celles où je chantais dessus… Jack ne tarda pas à confirmer et j’hochai de la tête.

Tout ça ne m’étonnait pas parce que Duncan était tellement enthousiaste qu’il avait même parlé de single. Moi, j’avais, sincèrement, pensé qu’il exagérait et qu’il était simplement émerveillé pour me faire plaisir et parce qu’il n’est pas forcément impartial vis-à-vis de sa musique… Mais la présence de Jack ici me faisait dire que je me trompais… Qu’il n’y avait, visiblement, pas que BleedingHeart qui avait aimé ce qu’on avait fait tous ensemble. Il y avait aussi leur manager...

Jack se pencha vers moi confirmant, par des questions, la qualité du travail. Les paroles lui avaient plus et, à ses questions, j’hochai de la tête.

-Oui. J’ai entendu le résultat final. Quant à mes paroles, elles datent mais… Elles sont sans doute encore un peu d’actualité et j’imagine que bien des gens peuvent s’y identifier. Mais le fait est que je ne suis pas chanteur de formation et que je ne pensais pas que cette session avec BleedingHeart pouvait mener à un possible single. A vrai dire, j’ai même hésité à chanter tout court, ce jour-là…

Finalement je l’avais fait et ça m’avait un peu décharger, je dois l’avouer. Sauf que, désormais, les conséquences c’était que Duncan avait voulu aller plus loin avec ce qu’on avait enregistré et que je n’étais pas fort à l’aise avec l’idée.

Jack confirma qu’il voulait en faire un single ce qui me fit automatiquement sortir mes cigarettes de ma poche. J’en allumais une. C’était devenu mon unique échappatoire contre le stress vu que je n’avais plus la drogue pour ça.

Le manager déclara que ce n’était presque pas négociable. Je me mordis la lèvre comprenant le point de vue de Jack Perry.

-Je comprends… Duncan m’a dit à peu près la même chose.

Il m’avait dit qu’il voulait partager ça avec le public de BleedingHeart. C’était à peu près la même chanson que me servait Jack Perry.

Duncan avait eu l’amabilité de dire à Jack que je voulais préserver mon identité et le manager semblait d’accord. J’hochai de la tête après avoir bus une gorgé de café qui, avec la tonne de lait que j’avais mis dedans, était déjà presque froid.

-Oui. C’est ma clause non-négociable.

Mais Jack méritait des explications.

-Je sors d’une très longue mauvaise passe provoquée par le stress qu’implique le fait d’être célèbre… Je me suis remis sur pied mais ça n’empêche que je suis toujours en sursis… Dernièrement j’ai été pris pour un rôle dans un film de Christopher North. Je sais que je vais, à nouveau, être le collimateur de la presse… Je le suis déjà un peu…

Ma face c’était déjà retrouvé dans L.A.People il y a peu…

-La célébrité qui découlera du film, je peux gérer. Enfin… Je crois. Mais si j’apparais, en plus, sur un single d’un groupe en pleine ascension, ça va faire beaucoup d’un seul coup pour moi. Voilà pourquoi j’aimerais faire en sorte de ne pas apparaitre sous mon nom propre sur le single.

Je savais que la presse allait vouloir savoir mais c’était mieux que d’être directement sous le feu des projecteurs.

-J’espère seulement que ça ne dérangera pas BleedingHeart… Ils devront garder le mystère. Et… Je ne pourrais pas venir chanter en live.

C’était exclus, ça.

Rien qu’en s’installant autour de la table de la salle de repos, je sentais Hugh assez mitigé. Il avait été bien content, apparemment, de quitter la régie du studio, mais il était aussi un rien mal à l’aise en ma présence.

Et je compris pourquoi il l’était : il savait exactement pourquoi j’étais là… Je voulais obtenir de lui l’autorisation de mettre ses pensées les plus intimes sur le marché du disque. Un texte qui, il me l’avoua, datait. Cependant, il avait bien conscience que ses mots pouvaient encore résonner assez fort dans la tête des gens aujourd’hui.

Après tout, le manque d’estime de soi est intemporel…

Il déplorait de ne pas être un chanteur de formation et affirma avoir même hésité à chanter pour Duncan, Faith et Drake.

Je le regardai avec un air compatissant. Je ne savais pas ce qu’il s’était passé dans sa vie, les dix dernières années, mais ça avait été assez grave que pour qu’il disparaisse de la circulation.

-Tu représentes vraiment ce que ta chanson raconte, hein ? C’est pour ça que les gens ont besoin de l’entendre. Parfois, des artistes écrivent des paroles sans réellement savoir de quoi ils parlent, pour faire de belles rimes ou juste pour mettre une voix sur une mélodie.

Je secouai la tête et pris une gorgée de café.

-Ce n’est pas ce que j’ai ressenti en t’écoutant. Et mon fils a été littéralement transporté. Pourtant, il est encore trop petit, je pense, que pour saisir la complexité du texte. Tu as vraiment apporté quelque chose à cette chanson, que Duncan lui-même, chanteur de formation, comme tu dis, n’aurait pas pu donner.

Donc, pour moi, on ne devait pas laisser cette œuvre se perdre. Je ne voulais même pas négocier ça. Et Hugh sembla le comprendre, en disant que Duncan lui avait servi plus ou moins le même discours.

Cela dit, j’étais prêt à le laisser se cacher derrière un surnom, comme l’avait évoqué le chanteur de BleedingHeart et ça, c’était ce que lui ne voulait pas négocier. Je souris, parce que quelque part, j’avais déjà gagné vu que Hugh en était déjà à penser à la sortie du single et aux conditions de tout ça.

-Je comprends, je ne veux pas te forcer à te dévoiler.

Il m’expliqua plus avant le pourquoi du comment il ne voulait pas de cette célébrité qui s’offrait à lui en tant que chanteur, même ponctuel. Hugh était en fait un homme en sursis, qui essayait de se reconstruire mais qui, si je comprenais bien, ne pouvait faire autrement que de faire ce pour quoi il était né : l’acting.

Il avait peur que s’il affirmait sa présence sur le single, ce soit beaucoup trop à la fois. Je me laissai aller un peu en arrière sur ma chaise, ne le quittant pas des yeux.

-Loin de nous l’idée de te mettre à mal. Duncan ne voudrait pas de ça et moi non plus.

Je souris.

-Ça ne les dérangera pas de garder le secret. Et ce sera un mythe de plus à L.A. N’aies pas peur, on ne te demandera pas d’être chanteur en plus d’être acteur. Même si, peut-être un jour, tu seras prêt. Ce jour-là, je te garantis que BleedingHeart sera là pour te soutenir, vu ce que tu vas faire pour eux.

Je le regardai, amusé, jouant avec ma cuillère entre mes doigts.

-On parlait de surnom… Tu en as un ?

J’affirmai à Jack Perry avait hésité à chanter pour BleedingHeart. C’est parce que je n’avais pas pu dire « non » au groupe que j’en étais arrivé là. En fait, c’est parce que j’avais été assez stupide pour oublier mon carnet à la salle de repos du studios que tout ça était arrivé. Une simple distraction produite par l’article d’Amon Sørensen avait entrainé cette cascade d’évènements.

Je vis de la compassion dans le regard de Perry qui affirma que je représentais bien ce que je racontais dans la chanson. Hélas, oui, je dirais… Et elle a beau dater de 20 ans, on dirait que je n’avais pas tant changer. Pas sur tous les points en tout cas. Du coup, mes lèvres se pincèrent et j’hochai de la tête pour confirmer. Il expliqua que c’était bien pour ça que les gens avaient besoin de l’entendre. Que beaucoup d’artistes écrivaient des chansons en ne faisant attention qu’à la forme. C’était, ici, le fond qui intéressait Jack. Il ajouta que son fils, qui est aussi chanteur, avait adoré. En gros, Jack me flattait mais je ne doutais en rien qu’il pensait absolument tout ce qu’il disait.

-Merci. Je n’aurais pas imaginé que ça pourrait être bon à ce point. N’étant pas chanteur, justement, j’avais du mal à évaluer. J’ai toujours été plus critique sur mon travail que sur celui des autres. Et d’autant plus quand je ne sais pas trop ce que je fais. C’était le cas ici… La dernière fois que j’ai réellement chanté c’était quand j’étais adolescent pour des comédie musicale…

Quant à sa remarque sur son fils, je lançai :

-Et… Je crois que si ton fils va à l’école, il peut certainement comprendre au moins l’essence du texte.

Hélas, je dirais. Personnellement, j’avais un très mauvais souvenir de mes années d’école. Ça avait forgé une partie de ce que j’étais et pas les meilleurs côtés.

J’étais passé au tutoiement naturellement. Sans doute parce que Jack en avait fait de même. Quoi qu’il en soit, il affirma que la sortie du single se fera. Ce n’était pas forcément négociable. De toute façon, si je n’avais pas su dire « non » à Duncan alors je me voyais mal y arriver face à Perry. Je n’étais pas seul à avoir bosser sur les chansons et ça serait injuste que j’empêche sa sortie alors que les trois autres voulaient absolument que ça sorte. Trois contre un… La majorité l’emporte.

Alors, je balançai ma seule condition : que je n’apparaisse pas sur le single sous mon nom propre. Il disait comprendre mais j’en expliquais, tout de même, les raisons car je pensais que Jack avait le droit de savoir ce qui motivait mon choix.

Jack disait que lui et Duncan ne voudraient pas me mettre à mal.

-Je n’en doute pas.

J’avais eu un très bon contact avec Duncan. C’était quelqu’un de très gentil. Jack me semblait être du même acabit.

Il affirma que ça ne dérangera pas BleedingHeart de garder le secret et qu’il ne me demandera pas d’être chanteur en plus d’acteur. Il ajouta que BleedingHeart sera là pour me soutenir si jamais un jour, je venais à être prêt à me dévoiler en tant que chanteur. Je souris.

-Je sais… J’ai passé une journée entière avec le groupe et je sais que ce sont des gens biens tous les trois. Je sais qu’ils me soutiendront et qu’ils arriveront à garder le secret. Même si…

Je fis la moue.

-Garder un secret à Los Angeles, ce n’est pas si simple que ça…

Certains pensent même que c’est impossible. Mais ceux-là ne connaissent pas Victoria Hunter. Alors j’avais espoir de tenir ce secret jusqu’au bout.

Jack revint alors sur le surnom. J’y avais réfléchi à partir du moment où Duncan m’avait parlé de l’idée du single. Et j’avais fini par trouver.

-Vox. Ça représente bien ce que je suis sur le single. Puis, le latin, ça le fait toujours bien…

Je rigolai un peu avant de reprendre un peu mon sérieux.

-Je suppose que je vais devoir signer des trucs ? Je préviens… Je n’ai plus d’agent, ni de quoi me payer un avocat… Donc, si je dois lire le contrat ou quoi, il me faudra un peu de temps…

Je savais que si je demandais à Vicky, elle m’offrirait les services de son frère mais… Non… Juste, non. Comme quoi, parfois, je peux dire « non ».

Hugh ne savait pas s’auto-évaluer… Ce qui nous ramenait, finalement, aux paroles de sa chanson… Il avait peu d’estime de lui, ça se ressentait quand on parlait avec lui. Pourtant, il était bon ! Duncan le savait, je le savais et Jesse le savait. Seulement, Hugh avait changé en ne sachant pas vraiment ce qu’il faisait et la dernière fois qu’il avait réellement chanté remontait à loin.

-Selon moi, ça veut dire que tu as chanté avec ton cœur. Et pas avec ta tête. Et ça se ressent…

Je n’avais même pas remarqué que j’étais naturellement passé du vouvoiement au tutoiement. Ça ne m’arrivait pas souvent… Sauf avec mes protégés… Ou, comme dans le cas de Hugh, quand le visage ou les expressions de mon interlocuteur invitait à le faire.

Je lui parlai de Jesse et de son avis sur la chanson. Je ne savais pas si mon fils avait vraiment compris le sens des paroles. Mais il avait adoré.

Hugh, lui, disait que si Jesse allait à l’école, alors il devait comprendre.

Je souris.

-Oui, il va à l’école… Mais si son estime de lui est touchée, c’est à cause des cours pour lesquels il a un peu de mal. Mais autrement, dans la cour de récré, il est plutôt populaire.

C’était Starky, après tout, et il ne se gênait pas pour le dire. C’était d’ailleurs en partie ce qui énervait Grant Fleming, si j’avais bien compris.

On parla alors plus sérieusement du projet de single de Duncan. On voulait tous le faire, mais sans mettre Hugh en porte-à-faux.  BleedingHeart garderait le secret quant à l’identité de leur mystérieux chanteur et, si jamais un jour Hugh voulait sortir de l’ombre, il ne serait pas seul.

L’acteur en avait conscience. Apparemment, ça s’était vraiment bien passé entre lui et BleedingHeart.

-Je pense que le sentiment est réciproque.

Mais Hugh prononça alors une phrase qui me fit tiquer : personne ne peut garder un secret à Los Angeles. Pas même Jimmy Reed… Nous étions quelques-uns à connaître le secret du magnat de BSC… Cependant… ça n’était jamais allé plus loin… Pour le moment.

Je soupirai.

-J’ai déjà entendu ça… Mais si un jour ton secret est dévoilé contre ta volonté, ce ne sera pas de mon fait, ni de celui de BleedingHeart.

On en vint alors à ce surnom dont Duncan m’avait parlé. Et Hugh avait dû déjà bien y penser parce qu’il n’hésita pas quand je lui posai la question.

Vox.

Allez savoir pourquoi, l’entendre prononcer le nom qu’il s’était choisi me donna un long et agréable frisson. Parce que ça sonnait bien. Parce que je sentais que ça allait entrer dans les plus grands mystères de L.A.

-Vox…

Il rigola, me sortant de la légère transe dans laquelle il m’avait mis. Il parla alors plus sérieusement du contrat qu’il allait falloir signer entre nous.

-Le contrat sera assez simple. Quelques pages seulement. Il ne s’agit que de deux chansons. Et bien sûr, tu recevras ta part des droits d’auteur ainsi que l’exclusivité sur ton texte… Il y aura juste une clause pour autoriser, si tu le veux bien, Duncan à la chanter en live, vu que tu ne pourras pas le faire.

Je lui tendis la main.

-Si c’est bon pour toi, c’est bon pour moi, Vox.

D’après Jack, si j’avais chanté sans trop savoir ce que je faisais et que ça donnait quand même un bon résultat c’était que j’avais chanté avec mon cœur. J’hochai de la tête. Il avait sans doute raison. Quand j’avais chanté, je n’avais pas vraiment réfléchi. Un peu comme quand je suis devant la caméra. Je me contente de sortir tout ce que j’ai.

Jack m’expliqua que même son fils avait apprécié la chanson mais il doutait que l’enfant avait compris le sens profond des paroles. Moi, je pensais bien que si Jesse avait été à l’école, il devait au moins comprendre une grande partie de ce que j’avais dit dans la chanson. Jack confirma que son fils allait bel et bien à l’école mais qu’il était plutôt du genre populaire. Le jeune Starky était un enfant star… Mais il semblait bien se débrouiller. Je souris.

-Pourvu que ça dure.

Je ne pouvais que lui souhaiter ça. Aucun enfant ne méritait de subir des brimades à l’école. Aucun. Parce que ce genre de chose, ça faisait beaucoup de dégâts.

Mais on était ici pour parler du single. BleedingHeart et leur manager voulait qu’il sorte et ce n’est pas moi tout seul qui vais les en empêcher. Donc, mon idée était de pouvoir rester plus ou moins anonyme en faisant que je sois référencé sur le single sous un surnom. Jack était prêt à accepter ça et il était certain que BleedingHeart saura garder le secret. J’en étais sûr aussi. Je n’avais joué avec BleedingHeart qu’une journée mais j’avais eu un très bon feeling avec eux, donc, je n’étais pas inquiet à ce niveau. Apparemment, BleedingHeart avait eut le même bon feeling avec moi. Je souris.

Restait à réussir à garder le secret. Mais ça, il faudra faire un jour à la fois. Garder un secret à L.A. était compliqué. Mais Vicky m’avait prouvé que ce n’était pas impossible. Jack avait déjà entendu ça, qu’il disait et il ajouta que si le secret était dévoilé ça ne sera pas de son fait, ni de celui de BleedingHeart. J’hochai de la tête.

-Je sais… Et comme sur le single je chante un peu différemment que ma voix normale, difficile, même pour les gens qui me connaissent, de me reconnaitre.

C’était ça l’avantage. Restait à trouver un surnom chose à laquelle j’avais déjà réfléchi. Vox. Ça sera ça mon surnom. Jack le répéta et sortant de sa bouche ça donnait encore mieux, je ne sais pas pourquoi.

Je repris mon sérieux pour parler contrat. Je n’avais aucun agent, ni avocat pour lire ce genre de truc qui, pour moi, était toujours compliqué à décrypter mais Jack m’assurait que ça ne compterais que quelque page. Quelque chose de simple, donc. Il m’assura que je recevrais ma part d’argent et que la seule chose que je devrais céder c’est le droit à Duncan de pouvoir chanter les chansons en live. Jack me tendis alors sa main. Je la serrai en souriant.

-Ça me va ! Merci, Jack.

Me restait à essayer de garder un secret à Los Angeles, maintenant.