Le tournage était intense mais je semblais être dans une phase où je me semblais capable de tout faire en même temps ! J’avais récemment fait publié dans les magazines la publicité annonçant la première séance de dédicace de Nameless chez Empire Records, je jouais Datalore et Ram parfois 12 heures par jour, et j’avais enfin reçu du graphiste de chez MTI les propositions de pochette pour le premier album de Nelligan !

Mais qui est donc Nelligan, allez-vous me demander ! Nelligan était le nom de duo que s’étaient choisi Eleanor, ma nièce illégitime et son partner in crime Shane O’Brien.

Aujourd’hui, je devais donc encore m’amuser à faire la navette entres les studios de San Fernando Valley où on tournait et les studios de MTI où Nelligan travaillait aujourd’hui sur les dernier fignolages de leur tout premier album à venir.

Tout en conduisant, car Shran m’avait laissé une fenêtre de 3 heures pour faire ce que j’avais à faire de mon côté, je souriais en faisant un peu le bilan dans ma tête pendant que The Army passait sur L.A.ROCKS.

Livia avait sorti son album très récemment et avait bien mérité un peu de repos avant de se lancer dans la promo et dans des concerts (étant donné ce qu’il se passait, en plus, dans son privé, je préférais la laisser tranquille et attendre qu’elle vienne vers moi pour la suite, sauf si à un moment donné, je trouvais le temps long), Nameless était déjà en train de bosser sur son deuxième album et on lui avait trouvé Tarah comme choriste ET claviériste, faisant d’une pierre deux coups.

Et maintenant, Nelligan allait sortir du bois et montrer à L.A., et peut-être, à terme, au monde, ce qu’ils étaient en mesure d’offrir.

J’avais entendu le résultat de l’album brut. Et j’avais beaucoup aimé ce que j’avais entendu. Contrairement au premier album éclectique de Nameless (qui faisait un peu office de test), l’album de Nelligan était d’une cohérence apaisante… De la country douce, comme j’aimais l’appeler… E,n tout cas, ça me donnait l’impression qu’ils savaient tous les deux exactement où il voulaient aller et s’y dirigeaient avec conviction…

J’aimais aussi beaucoup Shane qui me semblait compléter Eleanor. Là où elle pouvait hésiter ou avoir peur, Shane était là pour la faire avancer quitte à tirer un peu sur la corde pour obliger la jeune femme à avancer.

Je me disais qu’avec le temps, Eleanor gagnerait en confiance… ça allait se placer, ce n’était qu’une question de temps. Puis j’étais là aussi, pour la protéger de tout ce qui pourrait l’effrayer comme la presse, le public, la pression…

J’arrivai aux studios, une grande enveloppe dans la main. Je pénétrai côté régie dans le studio 5 où étaient en train de jouer Eleanor et Shane. Ils étaient tellement concentrés qu’ils ne réagirent même pas à ma présence de l’autre côté de la vitre. Alors j’en profitai pour sortir les pochettes de l’enveloppe et, une par une, les scotchai avec du papier-collant sur la vitre. Quand j’eus affiché les trois propositions, je frappai fort contre la vitre pour attirer l’attention des deux artistes et qu’ils découvrent à quoi pouvait potentiellement ressembler leur premier album.

Spoiler:

Shane et moi avions passés un nombre incalculable d’heures en studio pour sortir notre tout premier album. Mon ami avait un talent inédit pour composer des textes rythmés et des mélodies accrocheuses. Chaque fois qu’il me partageait une idée, j’étais scotchée ! Finalement, Ward avait bien eu raison de me pousser à foncer. J’étais de nouveau heureuse et je ne pensais presque plus jamais à Jordan. La cerise sur ce gâteau était le fait d’avoir renoué avec un visiteur de mon passé, tonton Brent qui était devenu le manager de mon duo.

Comme quoi dans la vie, il n’y avait pas de hasard ! Il avait veillé sur moi petite et il veillait maintenant sur ma carrière. Je ne pouvais être mieux entourée pour entreprendre ce projet d’envergure puis j’avais une confiance aveugle en Brent. Il était, de loin, la plus importante figure paternel que j’avais connue, la seule en vérité.

Nous avions terminé l’enregistrement de nos chansons assez rapidement et même, facilement sans vouloir être prétentieuse. Mais avec Shane, tout était un jeu, tout était rigolo et léger, c’était probablement pour cela que l’enregistrement de l’album s’était aussi bien déroulé. Là où ça avait été difficile, c’était au moment de se choisir un nom.

Au début, Shane disait que nous devions fonctionner que sous mon nom, qu’il était bien dans l’ombre mais moi, ça ne me plaisais pas du tout pour les mêmes raisons que je n’avais pas apprécié que Ward envoie la démo sans me le dire et sans le consentement de Shane. C’était beaucoup plus son travail à lui que le miens ! Il méritait d’être sous le projecteur bien plus que moi. Je disais même que ma participation tenait presque à celle d’une choriste !

Nous avions donc passé des heures à tourner sur nos chaises de studio à balancer des noms, des phrases, des expressions, des onomatopées et quoi d’autres ? Nous séchions, j’avais l’impression d’avoir passé mon cerveau dans un tordeur pour en extirper toutes les idées qu’il pouvait contenir et que plus rien ne servait d’essayer de trouver.

Ce fut complètement par hasard qu’un roadie nous trouva un nom alors qu’en quittant notre studio, il renversa accidentellement son sac à dos sur le sol et qu’un recueil de poésie s’ouvrit sous mes yeux sur un poème écrit en français. Il m’expliqua qu’il étudiait la littérature à l’Université et qu’il avait décidé de porter son sujet de thèse sur ce poète avant de me traduire Beauté Cruelle, le poème qui s’était avoué sous mon regard.

Shane s’était spontanément exclamé que désormais, notre nom serait Nelligan et j’avais approuvée d’un souffle émue.

Aujourd’hui, si nous trainions encore au studio, c’est que nous attendions Brent et quoi de mieux à faire en l’attendant que de jouer nos compositions ? Ain’t For us resterait à jamais ma pièce coup de cœur, celle qui avait tout déclenchée. On ne remarqua même pas tonton Brent et ce qu’il avait collé dans la vitre. Ce ne fut que lorsque je tentais t’attraper ma bouteille d’eau et que ma chaise pivota que je me rendis compte qu’il était là. Je souriais grand et lui faisait coucou de la main avant de le rejoindre.

- Coucou Brent ! Oh est-ce que c’est… Oui !!! Shane, regarde !! oooh J’y crois pas ! Elles sont trop belles !!

- Trop la classe, bordel ! C’est dingue !!

Brent avait reçu les propositions de pochettes et c’était la raison pour laquelle il était venu nous voir. Je les admirais toutes avec beaucoup d’émotion. Comment pouvais-je faire autrement ?

- J’y crois pas !! C’est si beau !!!

- Ça rend trop bien ! Le orange fait tout !

Je me retournais spontanément pour étreindre Brent et le remercier pour ça, parce que c’était Brent, ma chance, ma bonne étoile. Parce qu’il croyait en notre vision et qu’il avait su la mettre en image.

Il fallut un temps, quelques minutes, avant que Nelligan ne sorte de sa torpeur créative pour réaliser que j’étais là et que j’avais scotché les propositions de pochette pour leur premier album sur la vitre de la régie. Encore une fois, je n’avais pas eu le temps de me laver les cheveux et ils étaient légèrement brun parce que la bombe qu’on me mettait dedans pour jouer Datalore ne tenait pas vraiment (en tournage, on passait un temps fou rien qu’à retoucher ça).

Finalement, la musique s’arrêta et je pus me retourner juste à temps vers mes deux artistes pour les voir passer de la surprise de me voir là (Eleanor me salua d’un signe de main et un sourire) alors qu’ils ne m’avaient pas entendu entrer à l’émerveillement quand il découvrirent à quoi pourrait potentiellement ressembler leur premier album une fois terminé.

-Salut vous deux ! Content de vous voir !

Ila abandonnèrent micro et instrument pour s’approcher de moi et des dernières créations d’un des graphistes de MTI.

Eleanor n’y croyait pas, elle trouvait ça trop beau et Shane trouvait que c’était la classe. J’étais assez fier de faire mon petit effet, même si ce n’était pas moi le créateur des pochettes.

Eleanor m’étreignit et je lui rendis son étreinte tout en posant mes lèvres sur son front.

-Ce n’est pas moi qu’il faut remercier, mais le graphiste.

Je pris ensuite le temps de leur expliquer :

-Je lui ai fait écouter la version presque définitive de votre album plusieurs fois, pour qu’il s’imprègne bien de l’ambiance que vous avez créé.

Je haussai les épaules.

-De là, il s’est basé sur le titre et sur le fait que vous avez en quelque sorte inventé la « country douce » comme j’appelle ça pour choisir les images…

J’avais toujours un bras autour des épaules d’Eleanor et nous étions tous trois planté devant les trois pochettes.

Je fis la moue.

-Maintenant, il faut faire le plus difficile : un choix. Parce que je suppose que je n’ai pas besoin de lui remballer ça et de le faire recommencer, vu vos réactions…

Je frottai mon menton de ma main libre.

-J’ai bien ma petite préférence, mais Nelligan, c’est vous deux, pas moi.

Shane et moi, nous étions concentrés lorsque Brent entra dans le studio et afficha les maquettes pour notre premier album. Plus rien ne m’importais dans l’immédiat sauf de rejoindre Brent pour voir de plus près ce qu’il nous avait apporté. J’étais excitée et enthousiaste. Ce n’était pas tous les jours que l’on découvrait pour la première fois, la pochette qui allait représenter le fruit de notre labeur.

Je les scrutais et, tout de suite, l’une m’accrocha plus que les autres. J’étreignis Brent, le remerciant pour ce qu’il nous avait amené mais il rectifia en disant que c’était le graphiste que je devais remercier, plutôt.

- Je le ferai mais je dois également remercier le messager du graphiste !

Ça allait de soit, non ?

Brent expliqua qu’il avait fait écouter l’album au graphiste plusieurs fois pour qu’il puisse bien s’imprégner de notre style et de l’ambiance que nous voulions partager avec notre auditoire. L’histoire ne disait pas s’il avait apprécié ce qu’il avait entendu mais son travail qu’il avait effectué était à la hauteur, et voir au-delà, de mes attentes.

Shane était lui aussi grandement satisfait. Il s’exclama à sa manière, moins nuancée que moi mais quand on connait bien Shane, ça fini par faire son charme. Mon ajouta que le orange faisait tout, je ne pouvais qu’être en accord avec lui. Effectivement, je trouvais que cela faisait en sorte que notre album se démarquerait, à sa manière. Il ressortirait du lot.

- C’est comme un voyage dans nos têtes.

C’est la seule chose que je trouvais à dire pour résumé la qualité du travail qu’avait fait le graphiste.

- Oh crois-moi Nelly ! Si le graphiste avait fait un voyage dans ma tête, jamais les pochettes qu’il en aurait tiré ne pourrait être vendu sauf si elles étaient cachées derrière un rideau, au fond du magasin !

Je ricanais, doucement, sachant le capharnaüm que ça devait être dans la tête de Shane. Son humour douteux, ses allusions grivoises et sa capacité à faire partir un sujet bien inoffensif en cacahuète… quelques facettes de sa personnalité beaucoup plus colorés que la mienne !

Il était temps de faire un choix.

En ce qui me concernait, il y avait une pochette qui se démarquait des autres bien que toutes les trois étaient magnifiques. Je m’avançais, presque timide, me détachant de Brent pour pointer la première proposition.

- Moi… Pour  moi c’est euh… Des trois choix, je préfère celle-ci.

Plus je la regardais, plus j’avais l’impression d’entrer dans notre album, dans notre musique. Un soir d’été, après une journée chaude pour ne pas dire suffocante, quand l’air devient plus respirable et que le soleil tire lentement sa révérence. Les feux de joies s’allument, les gens de rassemblent tout autre avec une guitare et des bières.

- Ouais ! Ouais je suis d’accord avec toi Nelly ! Je préfère aussi la première. Alors voilà, notre choix est fait mi amigo Brento !

Tout contre moi, Eleanor me fit rire en disant qu’elle devait remercier le messager du graphiste. J’avais un bras autour de ses épaules… C’était la première fois depuis ses 4 ans que nous étions aussi proches et je me sentais un besoin de la protéger. Bon, je ressentais ça pour tous mes artistes, mais avec Eleanor, il y avait quelque chose d’unique que je n’aurais su décrire. On aurait dit que c’était hier que je lui offrais son premier micro.

Autant elle que Shane s’extasièrent devant les maquettes que j’avais apportées. Je les avais moi-même trouvées assez jolies et plutôt représentatives de la musique de Nelligan… Sauf peut-être la dernière pour laquelle j’étais plus sceptique. Peut-être à cause du manque d’orange… ? Je ne savais pas trop.

Je leur expliquai comment j’avais procédé pour faire travailler le graphiste, l’obligeant à écouter plusieurs fois l’album de Nelligan.

-Le graphiste a été séduit et inspiré dès la première écoute. Vous faite de la country, mais elle est accessible.

La country, ce n’était pas vraiment mon truc. Par country, j’entendais la musique un peu caricaturale où on imaginait des cowboys danser dans des saloons.

Non, ce n’était pas ce que Nelligan faisait. Ils avaient comme inventé un tout nouveau style.

Eleanor disait que c’était comme un voyage dans leur tête. Je souris.

-Vous avez créé une musique accessible. Un peu comme Roadtramp l’a fait avec le métal. Les fans vont se bousculer au portillon, je le sens.

Pour que ça se produise, j’avais encore du travail. Il fallait que je fasse une campagne de promotion aussi efficace que je ne l’avais fait pour Nameless… Mais j’étais prêt à ça. J’allais les projeter au-devant de la scène, quitte à ne dormir que trois heures par nuit…

Je rigolai quand Shane ajouta que si on avait été fouiller dans sa tête, la pochette ne pourrait pas être affichée aux yeux de tous. J’eus un sourire en coin.

-On va donc se contenter de ce qu’il y a dans la tête d’Eleanor.

Bon, restait à faire un choix. Et si c’était Shane qui avait écrit et composé, il laissa à Eleanor l’honneur de donner son avis en premier. Elle eut une petite hésitation puis désigna la première : une silhouette d’homme sur une balançoire avec le soleil couchant pour partenaire. C’était une vision assez poétique des choses. Avec la troisième. La deuxième, quant à elle, mettait plus l’accent sur le côté country.

Shane était d’accord avec Eleanor et je décrochai leur choix de la vitre pour le tendre à la jeune femme et qu’elle puisse examiner les détails.

-Je trouve que c’est un choix qui te représente bien. Personnellement, j’avais un faible pour la deuxième, mais uniquement parce qu’elle me semblait plus fignolée… Celle que vous avez choisie représente mieux votre musique.

Je m’étirai…

-Et si on s’asseyait ? Je suis debout à longueur de journée, j’ai l’impression, pour l’instant.

Ce n’était pas tout à fait vrai. Sur le plateau de Spaceship je passais pas mal d’heures sur ma chaise, mais c’était tellement prenant que je ne m’en rendais même pas compte.

Alors je pris place sur le siège qu’Eleanor occupait à mon arrivée.

-Bon… Dans quelques jours, votre premier album va sortir, ce qui va vous amener à faire d’autres choix. Le premier sera : dans quel club voulez-vous vous produire pour votre premier mini-concert officiel. Vous avez le choix entre le Rainbow et le Crazy Ginger… Je vous vois mal jouer au Styge Bar parce qu’on est loin de ce que sa clientèle écoute.

C’était plaisant de savoir que le graphiste n’avait pas souffert en écoutant notre album. Brent disait que c’était parce que nous faisions de la country accessible. C’était une drôle de façon de le dire mais en même temps, c’était magnifiquement dit. Je connaissais plusieurs artistes country qui rendaient difficile l’écoute de leur musique. Je crois que Tobby Cooper avait ouvert la porte à un nouveau genre de country et que Shane avait surfé sur la vague.

- Il faudra lui offrir l’album, quand il sera sortit, alors.

Brent était convaincu que les gens se bousculeraient pour acheter notre album car notre style était unique. Il disait que nous avions créer notre style, un peu comme Roadtramp avec le métal.

- Tout le mérite revient à Shane. C’est surtout lui qui écrit et compose.

- Et je compose en fonction de ta voix. Alors ça te revient aussi. Prends-le donc, le compliment, pour une fois !!

Je lui tirais la langue en ricanant puis je haussais des épaules.

- D’accord, je veux bien en prendre… un peu !

En regardant les pochettes, je me rendais compte que le graphiste nous avait bien cernés, comme s’il avait voyagé dans notre tête. Enfin, dans la mienne parce qu’à en croire Shane. Nous aurions eu droit à tout autre chose si le graphiste avait mit en image ce qui se passe là-dedans. Je secourais la tête en rigolant alors que Brent conclu que nous étions mieux de s’en tenir à ma tête à moi.

Face aux trois propositions, nous devions faire un choix.  Je ne consultais pas Shane pour dire que, en ce qui me concernait, la première proposition était la mieux. Je fus quand même soulagée de voir mon ami aller dans le même sens que moi. Au moins, nous n’aurions pas à débattre puis trancher. Brent était aussi de cet avis quoi qu’il dise que la seconde proposition semblait un peu plus fignolée.

- On peut mixer des propositions ? Si nous prenions le devant de la proposition un et le derrière de la proposition deux ?

Je regardais les pochettes pour voir incertaine que ce serait faisable bien que je trouvais aussi que ce serait une chouette idée que de pouvoir faire ce genre choix.

- Il y aurait une grosse démarcation quand les teintes, Shane.

Je me décalais de Brent pour lui rapprocher une chaise. Ses pauvres jambes avaient besoin de repos, qu’il disait, à force d’être debout.

- Ooohlala ! Je n’ai pas hâte d’avoir ton âge ! , m’esclaffais-je.

Quand notre album allait sortir, d’ici quelques jours, nous allions devoir décider de l’endroit où nous voulions nous produire. Vous pouvez vous moquer de moi mais je n’y avais pas songé, à ce moment-là. Ça me foutait la trouille mais en même temps, j’avais hâte d’y être.

- Un comme l’autre ça me va ! Tant qu’on a un publique, je suis partant ! Et toi, Nelly ?

- Oh euh.. Comme toi… J’ai la trouille soudainement. Tout ça devient encore plus réalité. C’est excitant et effrayant tout à la fois. C’est normal ?

La vraie question était plutôt : Étais-je normale ?

Je souris à Eleanor quand elle déclara qu’il faudrait offrir leur album au graphiste quand il serait finalisé.

-Ne t’en fait pas, c’est prévu. Ils reçoivent toujours une copie quand ils travaillent sur un album.

C’était vrai pour les graphistes, pour les ingénieurs son, pour les managers, évidemment, et pour d’autres que j’oubliais sûrement. Mais en gros toutes les personnes qui avaient fait le plus gros du boulot sur un album recevaient le fruit de leur labeur.

Je leur expliquai qu’ils avaient inventé un nouveau genre de musique, les comparant à Roadtramp qui avait rendu le métal accessible au plus grand nombre (les mauvaises langues utiliseront le terme « commercial », ce qui n’était pas tout à fait faux non plus, mais était-ce vraiment un défaut d’être commercial ? Pas si on veut bien vivre de sa musique, je pense.)

Eleanor, dont j’avais assez rapidement cerné la personnalité timide et discrète, donna tout le mérite à Shane. Fort heureusement, le jeune homme ne la laissait pas faire. Il voulait qu’elle accepte le compliment.

-Que je sache, ce n’est pas la voix de Shane que j’entends sur la plupart des chansons.

Je rigolai en secouant la tête.

-Décidément, vous êtes tous différents… Avec Nameless, je dois sans cesse faire éclater le ballon de baudruche surgonflé qui lui sert de tête et toi, je dois t’obliger à reconnaître ton propre travail…

Attention, j’adorais Johnatan, et il était toujours d’accord quand je lui faisais remarquer qu’il jouait les prétentieux. Ce n’était pas une véritable critique que je faisais à son encontre, je soulignais juste un fait. Je supposais qu’avec le temps, il se rendrait compte lui-même quand ses mots dépassaient sa pensées. Il était jeune…

Et d’ailleurs, Eleanor aussi. Mais leurs caractères étaient à des années-lumière l’un de l’autre. Eleanor, je devais la pousser pour qu’elle réalise qu’elle faisait de très belles choses.

Bref, tout ça pour dire que le choix de Nelligan se porta sur la première proposition de pochette. Ils étaient d’accord. Je donnai également mon avis, juste pour info parce que la décision leur revenait de toute façon à eux. Shane demanda alors si on pouvait prendre l’avant d’une proposition et l’arrière d’une autre. Je secouai négativement la tête alors qu’Eleanor, elle, réalisait bien que ça poserait un problème de teinte.

-Eleanor a raison. Non seulement tu aurais un problème de teinte, mais en plus, tu y perdrais en poésie… Le soleil de l’avant ne serait plus rappelé à l’arrière et ça casserait un peu l’effet.

Je haussai les épaules.

-Mais ce n’est que mon humble avis.

Bon, fallait que je m’asseye deux secondes… Parce que courir dans tous les sens pour faire mon travail sur Spaceship et mon travail dans la musique, c’était très bien. Mais me lever à 3 heures du matin tous les jours pour aller me faire maquiller, ce n’était pas simple non plus.

Cela fit rire Eleanor qui fit une remarque sur mon âge.

-Gnagnagna… Merci pour la chaise ! Je suis moins vieux que j’en ai l’air.

Ce qui était vrai.

Je leur expliquai alors la suite des événements, puisque leur album serait dans les bacs d’ici quelques jours seulement. Et la suite, c’était des live.

Shane s’en foutait d’où ils joueraient tant qu’ils avaient un public. Eleanor, elle, avait peur et était excitée en même temps et se demandait si c’était normal. Je lui souris.

-Bien sûr que c’est normal. C’est pour ça qu’on commence petit, dans les clubs de la ville et devant un public qui sera plus ou moins dans votre public-cible. Pas le Stryge, donc, qui est plus métal et hard rock.

Je frottai mon menton, réfléchissant.

-Si j’étais à votre place, ce qui n’est pas le cas et la décision vous revient à vous et à vous seul, je ne suis là que pour vous donner des pistes, je choisirai le Rainbow. Dans un bar-grill, il y a plus de chance de trouver des amateurs de country ou ce qui y ressemble.

Le graphiste avait aimé notre music, selon ce que nous disait Brent donc, je trouvais normal de lui offrir notre album. Tous les petits gestes que nous pouvions faire pour remercier, comptait, tant que ça venait du cœur. Brent ne voulait pas que je m’en fasse avec cela, puisque c’était déjà prévu qu’il envoie notre album version terminé, au graphiste. Probablement que tous ceux qui allaient graviter autour de la création allaient en recevoir un. C’est la conclusion à laquelle j’arrivais après coup.

Notre musique plaisait bien, c’est ce que Brent affirma alors qu’il disait que nous avions créé notre courant et que nous pouvions être fiers de notre travail. Mes joues se couvrir doucement de rouge et j’esquissais un sourire sincère en disant que c’était à Shane que revenait tout ce mérite. Après tout, il composait chansons et mélodies. Moi, je ne faisais que prêter ma voix ce qui était, à mon humble avis, une moindre contribution au travail. Shane rectifia mon affirmation en disant que c’était pour ma voix qu’il faisait tout ça et que donc, je me devais de prendre le compliment. Tonton Brent abonda dans le même sens que mon ami alors je hochais de la tête et acceptais de prendre ma part de tout ça.

Brent me fit rire alors qu’en secouant la tête, il raconta combien nous étions tous différent. Avec Nameless, il devait lui remettre les pieds sur terre et qu’avec moi au contraire, il devait me faire prendre mon envol.

- Un jour, je suppose, ça deviendra plus facile.

Il ne fallait car si je demeurais dans cet esprit de petite biche effrayée, je ne tiendrais pas deux ans dans le métier ! Avec le recul et avec mon expérience sur Grease, je savais que venait un temps où je me trouvais à être comme un petit poisson dans son bocal. Il fallait simplement donner le temps de prendre mon temps.

Nous regardions les pochettes qu’avait affichées Brent. J’eu tout de suite un coup de cœur pour la première proposition. Pour moi, elle se démarquait des autres. En la regardant, je plongeais dans une ambiance toute en douceur. Shane était de mon avis bien qu’il proposa qu’on joigne le devant de la première pochette avec le derrière de la seconde. Je regardais les deux maquettes à tout de rôle et je haussais des épaules, incertaine de l’effet que cela produirait.

- Ah, ouais, pas con, dit comme ça ! Mais vous savez moi, la composition et l’agencement des couleurs, ce n’est pas ma tasse de thé. Tu vois Nelly que tu es importante !

- Pour choisir des couleurs ? Ah bon, ça me va !, rigolais-je !


Ce n’était pas sans me rappeler les nombreuses fois où je l’avais envoyé se changer avant de sortir parce que la chemise qu’il avait choisit jurait avec le pantalon qu’il portait.

- Ton avis est humble et il a aussi la qualité d’être véridique.

Brent avait besoin d’une chaise, normal vu son âge ! C’était pour blaguer évidement et quand il fut assit, je passais mes bras autour de lui pour lui montrer, bien qu’il le savait déjà, que je le taquinais. Il voulait nous entretenir sur la suite des choses. Notre album serait sous peu en magasin, nous pourrions bientôt nous produire dans une salle. Shane et moi n’avions pas de préférence pour la salle. Comme le disait mon ami, tant que nous avions un publique, nous étions heureux.

Sauf que… Ça me donnait légèrement le tournis, d’être sur le point de voir tout ce qui s’en venait pour nous. Ce n’était pas rien ! Brent confirma que c’était normal et que c’était la raison pour laquelle nous commencions petit. Il suggéra le Rainbow mais nous laissa le choix du dernier mot. D’un regard, Shane et moi nous concertons et mon ami trancha.

- Le Rainbow ce sera !

J’avais hâte de rentrer à la maison pour raconter tout ça à Ward bien que parfois, je me demandais si cela l’intéressait vraiment.

Eleanor rougissait au moindre compliment, au plus petit intérêt qu’on pouvait porter à son travail. Je savais que la petite Eleanor qui n’avait pas peur de se produire devant un public à Saint John’s avait évolué en quelqu’un d’un peu moins sûr de ses décisions et de ce qu’elle produisait.

Et je comptais bien lui réapprendre à être cette petite fille que j’avais connue et qui, sans en devenir prétentieuse, avait foi en son talent.

Je lui souris quand elle affirma qu’au fil du temps, ce serait plus facile.

-Et ça prendre le temps qu’il te faudra…

Je n’allais pas non plus la pousser de la falaise pour lui apprendre à voler, hein. Ce n’était pas mon genre. On irait petit à petit, un pas à la fois. Et si c’était encore trop vite, on pourrait encore faire un pas en arrière pour mieux revenir, ce n’était pas grave.

Bref, ils avaient choisi d’un commun accord la pochette qu’ils préféraient. Leur ayant dit que j’avais eu un faible pour la deuxième, Shane essaya de proposer un genre de compromis en voulant mixer l’avant d’une pochette et l’arrière d’une autre, mais du coup, le tout perdait un peu de son sens et Eleanor l’avait bien vu par elle-même.

Je rigolai quand Shane avoua que l’expression graphique n’était pas spécialement son fort…

-Chacun son job, de toute façon… tant qu’il y en a une qui vous plait, c’est le principal.

Ça n’aurait pas été le cas, comme pour Nameless ou Livia, j’aurais proposé de relancer le graphiste sur le projet pour avoir d’autres proposition, mais vu l’enthousiasme d’Eleanor devant le coucher de soleil proposé, ce n’était pas nécessaire.

Bref, j’avais donné mon avis, il avait été entendu et Eleanor le trouvait humble mais vrai. Je lui souris avant de m’asseoir, ce qui ne manqua pas de faire fuser une remarque sur mon âge. Mais Eleanor m’entoura de ses bras et je pris sa main dans l’une des miennes au passage.

Ça me faisait toujours rire, personnellement ! Johnatan aussi me prenait pour un vrai croulant.

Pourtant, j’aurais mis ma main au feu que je faisais dix fois plus la fête aujourd’hui qu’Eleanor et Nameless réunis.

C’était peut-être pour ça que j’étais crevé… En plus du tournage et tout le reste. Oh. Possible.

Mais j’allais tenir !

J’avais encore un choix à leur faire faire. Celui de l’endroit où allait se dérouler leur première représentation. Un concert ? Techniquement, oui, c’en était un, mais on était encore très loin d’une prestation au Hollywood Bowl.

Mais je pensais bien que le Rainbow ou le Crazy Ginger seraient parfaits pour qu’ils puissent faire leurs dents.

La question fut vite tranchée par Shane.

-Ok, va pour le Rainbow alors. Je vous tiendrai au courant pour les dates et tout ça, ne vous en faites pas, c’est mon job de tout organiser.

Me défaisant doucement des bras attentionnés d’Eleanor, je me levai de ma chaise. Il allait falloir que je recommence à courir.

-Bon, il faut que j’y aille. Shran ne m’a laissé que trois heures de battement pour venir vous voir et il faut que je fasse les trajets, que je repasse au maquillage et tout le toutim. Je vous laisse travailler.

Je leur laissai les pochettes au cas où ils voudraient y rejeter un œil ou quoi, serrai la main de Shane et embrassai Eleanor et repartis dans l’espace.

Ma mère me répétait toujours que dans la vie, rien n’arrivait pour rien. Avec le recul, je réalisais qu’elle avait une fois de plus raison. Si j’avais signé avec Timmy Evans en solo, je ne serais pas heureuse comme je l’étais aujourd’hui. Grâce à son étroitesse d’esprit, Shane et moi formions un duo sous l’aile de Brent Hughes, mon oncle de cœur.

Avec lui, je ne ressentais aucune pression. Je n’étais pas bousculée, j’étais libre de ressentir ce que je ressentais et même, je sentais qu’il m’accompagnait là-dedans. Autrement dit, Shane et moi étions des humains et traités comme tel et non pas comme des produits commerciaux.

Je regardais Brent avec beaucoup de gratitude dans mon regard quand il certifia que je pouvais prendre tout le temps dont j’aurais besoin pour me faire à ma nouvelle vie et à tout ce qui venait avec.

Le choix pour notre pochette fut assez facile à faire. Les trois propositions étaient magnifiques mais Shane et moi fûmes attirés par la première. Ceci dit, mon ami eu l’idée d’en mixer deux, oubliant l’aspect harmonieux de la chose. Si nous faisions ça, il y aurait un clash entre le devant et l’arrière de notre pochette. Il rigola en disant que le graphisme n’était pas sa tasse de thé ce à quoi Brent répondit que chacun avait son boulot, ce n’était pas plus grave que cela.

- Peut-être que nous pourrons utiliser les autres propositions pour de futurs projets. Rien ne l’empêche.

Du moins, je le pensais.

Brent nous proposa deux endroits pour notre première prestation officielle et ce fut Shane qui trancha pour le Rainbow. En ce qui me concernait, l’endroit n’avait vraiment aucune importance. J’aurais un trac de fou avant de monter sur scène, je serais une véritable boule de stress, proche de l’ingérence, comme chaque fois mais ça passerait rapidement dès la première notre poussée.

Tonton Brent allait nous tenir au courant pour les dates, nous n’avions pas besoin de nous en soucier. Je hochais positivement de la tête alors qu’il disait que c’était son job de le faire. Et il le faisait très bien !

Puis il se leva de sa chaise, disant devoir y aller, ayant d’autres engagements.

- Notre manager a un horaire de Président, Nelly !

- Je vois bien ça !


J’avais hâte d’avoir les dates, de pouvoir envoyer une invitation à Pamela, entre autre, de pouvoir voir et recevoir les réactions du public. Je commençais doucement mais surement à accepté que j’étais moi aussi responsable de ce futur succès.