C'est le grand jour ! Le début des 500 milles, aujourd'hui c'est le jour des médias, mais vu qu'on est l'une des plus petites équipes du paddock, on était attendu en début d'après midi, vers 14h pour la première interview de Sonny, mais là il est 10h du matin et on était dans le stand, j'étais déjà en tenue avec le tee-shirt de Cortes Motors et le pantalon qui va avec, c'est l'heure qu'on avait décidé pour faire le tour du circuit à pied.

Avec l'accord de l'organisation, on avait le droit de marcher à pied sur le circuit. D'ailleurs, après avoir salué Tyler et toute l'équipe des stands, je passe par-dessus le mur des stands et me rapproche de Sarah, Rob et Sonny. Je fais la bise à Sarah et serre les mains de Rob et Sonny.

Vous allez bien ?

Sarah était toute excitée.

J'ai hâte de commencer, j'ai pris mon stylo et mon cahier pour noter tout ce que tu veux que je note.

Parfait, Sarah. Et toi, Rob, tu es prêt ?

Rob me regarde, puis regarde Sonny.

Bien sûr que je suis prêt. Je me sens tout chose d'être là. Ça me rappelle mes jeunes années, je te remercie pour cette opportunité Alex, je n'étais pas sûr de pouvoir revivre un weekend de courses comme celui-là.

Je lui souris, puis je tapote l'épaule de Sonny.

Ça fait quoi de participer à ton premier weekend en tant que pilote officiel ?

Je souris, puis on commence à marcher et on arrive au premier virage qui est en banking, enfin comme tous les virages de ce circuit d'ailleurs, je regarde Sonny.

Tu vois, tu as trois trajectoires dans chaque virage du circuit. La ligne intérieure où tu dois rentrer plus doucement, mais où tu parcours moins de distances, c'est pratique si tu as une voiture qui a une bonne accélération. Tout en haut, c'est là où tu peux amener plus de vitesses, donc tu passes le virage plus vite, mais tu as un plus grand chemin à parcourir, c'est bien pour les voitures qui ont une bonne vitesse de pointe, et aux milieux, tu as une fusion des deux.

Puis je me mets à genoux et je caresse le sol.

L'asphalte est neuf... Il va falloir du temps pour chauffer la gomme et pour pouvoir aller à pleine puissance, il faut juste espérer qu'il ne pleuve pas.

Rob regarde Sonny.

Tu vois l'analyse d'Alexandre ? Elle est importante aussi pour toi. C'est à toi de voir la trajectoire que tu préfères et on réglera pour que ça aille bien. Pour ce qui est de la piste, si tu attaques fort demain d'entrer de jeu, tu auras très peu de grippe et tu rouleras sur des œufs, il faudra y aller crescendo.

Sarah regarde Sonny et Rob et me sourit.

Tu donnes volontairement ces infos à voix haute pour aider Sonny ?

Je souris.

Tout à fait, je veux le battre avec les mêmes armes et les mêmes infos. Je veux qu'on soit à égalité.

C’était le grand jour ! Ou tout du moins, le premier d’une série de grands jours. Parce que le rêve que j’étais en train de faire allait durer un peu plus d’une semaine ! J’en revenais pas encore d’être là, sur ce circuit qui grouillait déjà comme une véritable fourmilière, avec ses paddocks rassemblant les plus grandes écuries.

Ça me filait un peu le vertige et j’étais encore là à regarder les premiers virages du circuit, à la sortie du paddock réservé pour Hughes Motors. Alex ne devait pas tardé, mais je l’avais déjà oublié…

Alors quand il arriva, je ne le vis même pas saluer Rob et Sarah, qui allaient être nos binômes. Je lui serrai la main sans même quitter des yeux le circuit qui m’hypnotisait complètement. J’étais redevenu le gosse de 6 ans qui s’imagine déjà au volant d’une formule 1 ou d’un autre bolide.

Sauf que cette fois, c’était vrai.

Il fallut qu’Alex tapote mon épaule pour réellement capter mon attention. Je me tournai alors vers lui.

Il me demanda ce que ça me faisait d’être là.

Ma bouche s’ouvrit sous mon regard rêveur et au départ, rien ne sortit… Puis…

-Je crois que je réalise pas encore.

Il allait vite falloir me concentrer, pourtant. Parce que c’était bien beau de rêver, mais il y avait des performances à faire et ça n’allait pas le faire si j’étais en train de planer.

Alors je secouai la tête et revins complètement à moi.

-ok ! Heu… je suis prêt pour le trackwalk… Je te suis, Alex…

On marcha alors le long du circuit… Les distances paraissaient longues, comme ça, à pieds, mais une fois dans la voiture, tout ça se passerait en quelques secondes seulement, comme si les distances étaient réduites alors que ce n’était qu’une affaire de vitesse.

On arriva au premier virage et Alex m’expliqua comment les prendre de la meilleure façon possible. C’était très technique ce qu’il me racontait… Alors que moi, je regardais juste le tournant et…

-Je saurais pas mettre des mots dessus comme toi… mais je sais en le regardant de quelle façon je vais le prendre…

Je haussai les épaules.

-Je sais pas si tu vois ce que je veux dire… Je me vois, littéralement le passer et ressentir la voiture.

Rob demanda à Alex s’il me donnait les infos exprès. Je rigolai quand il affirma qu’il voulait qu’on soit à égalité.

-Je pense qu’on sera de toute façon à égalité. C’est juste que, d’après ce que je comprends, Alex et moi, on est deux pilotes bien différents.

Je regardai Alex et pointai ma tempe avec mon index.

-Tu roules avec ta tête.

Puis je pointai ma poitrine.

-Je roule avec mon cœur.

Je souris.

-On verra bien ce qui est le plus efficace quand on courra. Mais j’entends bien tes conseils, hein !

J'ai mis un peu plus de temps que prévu pour venir au circuit, je suis venu pile-poil à l'heure et je me trouvais avec Sarah et Rob et un Sonny complètement absent, perdu dans ces pensées tout en regardant le circuit. Je le regarde faire et me rappelle mes jeunes années. Quand j'étais innocent. C'est comme si je me voyais quand j'étais plus petit en arrivant sur mon premier circuit.

Enfin, je lui sers la main, mais il ne se rend pas compte que c'était moi. Alors, je lui tapote l'épaule. Il se tourne et quand je lui demande ce que ça fait d'être ici. Et il me dit qu'il ne réalise pas encore.

J'ai perdu cette magie, moi. Je suis plus impressionné, par contre quand je serai dans la voiture, ce sera différent.

Puis, on avance tous ensemble sur le circuit. On arrive au premier virage et j'explique à Sonny comment prendre le virage. Il me dit qu'il ne sait pas mettre des mots sur ce qu'il voit. Il voit comment la voiture passe. Il l'imagine dans sa tête.

Je comprends ce que tu veux dire. Tu vois là chose et moi, je mets les mots dessus ! On est complémentaire !

Puis je donne les infos à Sonny et Sarah me demande si je fais exprès de donner les infos à Sonny, et quand je dis oui, il rit et dit que je pilote avec ma tête et que lui pilote avec le cœur, mais qu'on est sur un pied d'égalité.

Disons que c'est pas la première fois que je participes à une course legal avec une equipe, toi c'est ta première alors forcement tu n'as pas la même analyse, mais si tu arrives à exprimer ce que tu ressesens comme ça c'est très bien.

Alexandre avait fini par arriver mais il m’avait fallu un temps avant de me rendre compte de sa présence. J’étais trop impressionné par tout ce que je voyais… Mais je n’étais pas impressionné dans le sens où j’avais peur ou quoi, non… J’étais comme un gosse devant une magnifique plaine de jeux toute neuve.

Quand je dis à Alex que je ne réalisais pas encore que mon rêve devenait clairement réalité, lui me déclara avoir perdu cette magie. Et là, je le regardai, mi-amusé, mi-triste pour lui.

-Si jeune et déjà blasé. C’est dommage.

Je haussai les épaules.

-Tu sais… Je suis né à L.A. et j’ai vu, pour ne citer que cet exemple, le soleil se coucher sur la baie de Santa Monica des milliers de fois. Ça m’émerveille toujours comme si c’était la première fois.

Alors je ne pensais pas qu’un jour, je serais blasé des circuits, des voitures… En fait, je m’émerveillais de tout ce qui était grand, beau, coloré. Je n’étais pas spécialement émotif, mais je regardais toujours le monde avec des yeux d’enfant.

On avança sur le circuit et Alexandre me donna quelques conseils sur la façon de prendre les virages, sur la température des pneus et tout ça. Je l’écoutais, j’assimilais ce qu’il disait.

Mais je savais qu’une fois dans la voiture, ce serait mon cœur et mes tripes qui parleraient… Et si j’avais ça en plus des conseils d’Alexandre, il se pourrait bien que j’arrive à tirer mon épingle du jeu, dans ces qualifications.

Une chose était sûre, c’était qu’en conduisant comme je le faisais, j’étais incapable de mettre des mots sur des techniques que j’utilisais sans connaître leurs noms… Alors que j’avais l’impression que pour Alexandre, tout ce qu’il débitait comme phrase allait de soi.

En cela, il affirma qu’on était complémentaire. Je lui tapais dans la main, complice, en riant.

-Complémentaire, c’est exactement ça !

Je me grattai l’arrière de la tête en rigolant…

-C’est en interview que je risque d’avoir l’air un peu bête parce que je saurai pas expliquer ce que je fais sur circuit… Mais bon, on s’occupera de ça plus tard.

Alexandre me rassura quant à ça en disant que même si je m’exprimais normalement, sans entrer trop dans la technique, je pouvais m’en sortir, que ça passerait bien.

Je rigolai.

-J’aurai l’air beaucoup moins intelligent que toi par contre.

Je sentais que j'allais vraiment faire touriste... J'espérais, du coup, pouvoir m'exprimer de la meilleure des façons: en roulant comme un pro!

On continua à marcher le long de la piste et on arriva à un tournant dangereux…

-Là, à mon avis, faudra faire gaffe… Imaginons que, dans le pire des cas, je me crashe, je sors dela route. Je dois rester dans la voiture et attendre les secours ou je sors direct du véhicule ?… En partant du principe que je sois encore en état de le faire…

Quand Sonny me voit arriver, je lui demande ce qu'il ressent. Il ne réalise pas encore. Je lui dis que j'ai perdu cette magie, et lui me dit que c'est dommage d'être si jeune et d'avoir déjà perdu cette magie. Il me dit que lui est née à L.A. Et qu'il a vu le coucher de soleil de la baie de Santa Monica depuis toujours et qu'il est toujours autant émerveillé. Je le regarde avec un grand sourire.

Tu sais me retrouver ici et rouler, c'est une grosse épreuve pour moi. Peut-être que si ça se passe bien, je vais avoir à nouveau cette magie et pas cette boule au ventre à l'idée de rouler à nouveau face à Shelby.

C'est la chose qui me prend presque le plus la tête. Sarah grimace en entendant ça, mais ne dit rien.

Puis, on avance sur le circuit. On arrive dans le premier virage et j'explique à Sonny comment prendre les virages, la température des pneus, des choses vraiment importantes à mes yeux. Je vois qu'il est intéressé par ce que je dis, mais il n'est pas capable de transmettre ce qu'il ressent. Moi, j'arrive à mettre des mots, et je lui dis qu'on est complémentaire. Il me tape dans la main, complice en riant.

Moi la tête et toi l'instinct ! L'important, c'est de se donner à fond à notre manière !

Puis il me dit qu'il sera moins à l'aise avec l'interview.

Moi, je triche, je baigne là-dedans depuis que je suis haut comme trois pommes. Tant que tu exprimes ton feeling, ça ira mieux, mais surtout si on critique ce que tu fais ou ce que Hughes Motors fait, tu dois garder ton calme, il ne faut pas s'énerver. Sinon, tu vas passer pour un connard prétentieux comme ce con de Shelby.

Puis, on avance et on arrive sur l'un des virages les plus chauds du circuit. Sonny me demande si jamais il se crash, qu'est-ce qu'il doit faire. Je pointe Rob du doigt.

Rob aura la direction de course dans les oreilles pour ensuite te dire quoi faire. Tu dois rester au calme dans la voiture, et si jamais tu as un accident, tu mets tes mains sur tes épaules et tu croises les bras, ça t'aidera à encaisser les chocs.

Soudain, j'entends une voix qui m'est bien familière... Trop familière.

Alors Cortes toujours vivant ?

Je me retourne et mon visage se crispe.

Shelby. Toujours fière comme un paon à ce que je vois.

Tu n'as pas changé, j'aurais dû faire en sorte que tu sois incapable de parler, toi comme ton père. D'ailleurs, à cause de vous, personne n'a voulu de moi en formule 1.

Sarah voulait intervenir, mais Rob la retient.

Sache une chose Shelby, le meilleur d'entre nous deux, c'est moi ! Je te l'ai prouvé et je vais faire en sorte de t'humilier sur cette piste en prouvant que malgré mes dix années de break avec le sport auto à cause de toi, je suis toujours meilleur que toi !

Shelby me regarde en riant avant de passer son chemin.

Cause toujours Cortes ! On se verra sur la piste !

Sarah me regarde et me prend le visage pour me regarder dans les yeux.

 Est-ce que ça va Alex ? C'est vraiment un connard ce mec ! Dis-moi qu'il n'est pas rentré dans ta tête.

Je la regarde avec un grand sourire.

Il est venu me provoquer parce qu'il a peur, peur que je l'humilie. Tu as vu ces yeux ?

Rob lui se rapproche de Sonny.

Surtout tu feras bien attention à ce petit merdeux, d'accord ? Tu as entendu ce qu'il a été capable de faire à Alex ? Dis-toi qu'il serait prêt à sacrifier sa course pour vous mettre toi ou Alex dans le mur. Sois plus malin que lui sur la piste.

Il tapote l'épaule de Sonny en souriant.

Alexandre m’expliqua que s’il ne pouvait pas s’émerveiller devant le circuit, c’était parce qu’il y allait un peu la peur au ventre, me racontant que depuis son accident, rien n’était plus pareil. Je portai ma main à mon front, vraiment confus.

-Oh mais ouais ! C’est vrai… Désolé, je n’aurais pas dû dire ça. Ton pote Johnatan m’a raconté ta mésaventure en plus. Alors ouais, effectivement, vu comme ça.

Je lui souris.

-T’en fais pas. Tout va bien se passer et y a moyen qu’on fasse de bons résultats si on est bien concentrés et qu’on y met tout ce qu’on a !

Je hochai la tête quand il dit qu’il était la tête et moi, l’instinct. Sincèrement, à nous deux, il y avait moyen de faire quelque chose de bien. Je ferais tout pour, en tout cas.

Pour ce qui était des interviews, Alex disait qu’il trichait parce qu’il était là-dedans depuis tout petit. Mais il me dit de rester calme si on me critiquait et de ne pas m’énerver… Je le regardai d’un air torve.

-Heu… T’en fais pas, c’est pas mon genre de m’énerver, je suis plutôt du genre placide, et je déteste les prétentieux donc je ne risque pas de l’être. Par contre, si je peux me permettre, tu devrais écouter tes propres conseils, Alex, parce que moi, je t’ai déjà vu t’énerver et aussi à cause de ta façon de t’exprimer dont on a déjà parlé. S’il y en a un qui risque de passer pour un prétentieux, c’est toi.

Alors que ce n’était, d’après ce qu’il m’avait raconté, pas le but. C’était un problème dans sa façon de s’exprimer, qu’il m’avait dit. N’empêche qu’une femme l’avait quand même quitté pour cette raison et je pouvais la comprendre.

Bon après, moi, j’étais franc, comme avec ce que je venais de dire à Alex. Mais c’était jamais dans un but malveillant.

On avisa un autre tournant dangereux et je demandai ce qu’il en était du protocole en cas d’accident. Heureusement, si ça m’arrivait de sortir de la route et de ne plus pouvoir continuer, je n’aurais plus qu’à suivre les instructions de Rob via la radio. Et Alexandre me donna un conseil en plus sur comment me positionner pour encaisser les chocs.

Je plaçai mes bras comme il me l’avait expliqué ou, tout du moins, comme je l’avais compris. Mains sur les épaules, bras croisés.

-Comme ça ? Et ben j’aurai appris quelque chose.

C’est alors qu’on fut interrompus par une voix que je ne connaissais pas. Je me retournai en même temps que Johnatan et reconnus Shelby uniquement parce que je l’avais déjà vu à la télé.  

Il y eu un échange entre l’ingénieur et le pilote que je suivis un peu bouche bée et prêt à retenir Alex au cas où… Mais il n’y eut pas de coup porté. Juste des mots sur qui d’eux deux avait la plus grosse…

Courageux, mais pas téméraire, Shelby nous quitta assez vite…

Sarah s’inquiéta des états d’âme d’Alex pendant que Rob me disait de faire attention à Shelby, qu’il n’hésiterait pas à nous mettre hors course de toutes les façons possibles.

-Je sais, Alex l’a déjà dit à la réunion. Je ferai attention.

Je regardai Alex…

-Mais pourquoi il a une dent contre toi en particulier ? Juste parce qu’il a peur que tu sois meilleur que lui ou il y a une autre histoire derrière ?

J'explique à Sonny que si je ne rêvais plus, c'est parce que l'accident que j'ai eu m'a mis la boule au ventre. Alors, je ne profite pas encore à fond. Et le pauvre Sonny se trouve bien embêté avec ça parce que Johnatan lui en avait parlé et qu'il avait oublié, et que si on reste concentré, ça va bien se passer.

Ne t'en fais pas. Je vais faire en sorte que tout se passe bien. Et on va rouler fort.

Puis je parle des interviews, je dis à Sonny de rester calme. De ne pas s'énerver ou critiquer l'équipe si on l'attaque ou une autre raison. Il me dit que ce n'est pas son genre et que je devrais écouter mes propres conseils. Je le regarde en riant.

Tu n'as pas tort, je travaille là-dessus, mais ce n'est pas facile.

Puis, on arrive dans un autre virage plus dangereux. Et Sonny me demande le protocole si il y à un accident, et je lui explique que c'est Rob qui va lui donner les consignes qu'il doit appliquer. Puis je lui donne une astuce pour absorber l'impact. Je lui dis de placer ces bras en croix sur son corps tout en se tenant les épaules, ce qu'il fait.

Nickel, et surtout, t'essaie de contracter le moins possible tes muscles, ça évitera une déchirure ou un os casser.

C'est peut-être ce qui m'a sauvé le jour de mon accident. D'ailleurs, quand je pense à ça, Shelby se pointe vers nous. Il ne peut pas s'empêcher de faire le paon devant tout le monde et moi, je ne peux m'empêcher de lui répondre devant un Sonny bouche bée, une Sarah silencieuse et un Rob prêt à bondir au cas où.

Shelby toujours aussi téméraire, s'en va vite, Sarah s'inquiète de savoir si je vais bien et Rob lui indique à Sonny de faire attention à Shelby. Ce dernier lui répond que j'en avais parlé à la réunion, puis il se tourne vers moi et me demande pourquoi il a une dent en particulier contre moi. Savoir si c'est juste parce qu'il avait peur de me voir être meilleur que lui ou s'il y a autre chose. Je me pose contre la barrière de sécurité et souffle un coup.

Shelby a eu sa place dans la même compétition que moi parce que son père voulait monter une équipe, et moi, je cherchais un volant. Alors, nos deux parents se sont mis d'accord pour me mettre dans la deuxième voiture de la famille Shelby. Sauf qu'ils pensaient que Shelby allait m'écraser, ils ont passé la saison à me mettre des bâtons dans les roues, châssis plus lourd, direction plus dure. Ce genre de choses vous voyez ?

Je me gratte la tête.

Malgré tout ça, je mettais une pilule à Shelby, au point où des équipes de formule 1 avaient approché mon père pour me sponsoriser et me payer une partie des frais pour les catégories supérieures. Alors que le père Shelby voulait que ce soit son fils qui ait ces opportunités. Et voyant que son fils ne pouvait pas me battre, même en me mettant des bâtons dans les roues. Ils ont fait en sorte de tenter de me supprimer tous simplement.

Je soupire et Sarah regarde Sonny puis Rob avant de reposer son regard sur moi.

Mais c'est horrible ! C'est vraiment un sale con, ce Shelby ! Tout ça parce que tu te débrouillais mieux que lui !

Puis Rob prend la parole.

J'en ai vu et entendu des choses, mais alors ça... C'est bien la première fois. Bon, on va vraiment faire attention à lui, les garçons, d'accord ?

Je hoche la tête positivement.

J’avais encore mis les deux pieds dans le plat en critiquant le fait qu’Alex ne rêvait plus. Il avait pourtant bien des raisons pour que le rêve que représentait un circuit soit devenu un cauchemar. Je m’exclamai, me rappelant et faisant le lien avec ce que son ami Johnatan m’avait dit. J’étais vraiment confus et désolé pour ce que je venais de lui dire, mais il ne le pris pas mal.

Alors je souris en lui tapant sur l’épaule.

-Ouais, on va tout donner !

Quand il me donna quelques conseils pour les interviews, ça me fit un peu marrer intérieurement parce que ce conseil valait plutôt pour lui que pour moi. Les conseils qu’il me fallait pour les interviews, c’était plutôt pour savoir quels sujets aborder ou comment répondre de façon un peu plus techniques à des questions parce que sinon, j’allais tout le temps dire « je fais au feeling » en haussant les épaules.

Mais rester calme et humble, ce n’était pas un problème pour moi. Par contre, je savais que ça l’était pour Alex qui ne me contredit pas et affirma en riant qu’il essayait de travailler là-dessus mais que ce n’était pas facile.

Je lui souris.

-Si tu me le permets, je te considère presque comme un ami, maintenant. Et je pense que les amis sont là pour te dire quand tu vas trop loin, quand tu déconnes. Et pour t’aider aussi, si besoin.

Je fis un geste de mon index voyageant de lui à moi et vice-versa.

-Evidemment, ça va dans les deux sens.

Il m’apprit ensuite une technique pour protéger au maximum mon corps si jamais je sortais de la route et je trouvais que c’était vraiment un bon conseil. Le genre de petit détail qu’il me manquait dans mon expertise de la conduite.

J’allais le remercier mais on fut interrompus par Shelby qui fit son malin pendant deux minutes avant de s’éclipser… Ok… Ce gars était peut-être très fort pour saboter des bagnoles en douce, mais pour ce qui était de regarder les gens en face, c’était un gros couillon.

Je demandai alors à en savoir plus sur le passif entre Shelby et Alexandre… Il s’appuya sur la barrière de sécurité et expliqua quel était le problème entre eux. En fait, Alexandre était trop fort pour Shelby et le pilote et sa famille ne supportaient pas ça alors ils lui ont fait des coups de pute… jusqu’à lui faire faire un grave accident.

Rob et Sarah étaient aussi choqués que moi.

Je hochai la tête quand Rob dit qu’il fallait qu’on fasse attention.

-Ouais, on fera super gaffe… Mais je pense qu’on a pas à s’en faire pour le sabotage des voitures. Le patron est complètement obnubilé par l’espionnage industriel. Il a engagé des gens pour surveiller les voitures 24h sur 24 ! Vous avez remarqué ?

Je pinçai les lèvres.

-Je le pensais un peu parano, mais avec ton histoire, Alex, je pense que cette protection peut être nécessaire.

Sonny était confus quand il me disait que c'était dommage de ne plus rêver quand j'arrivais sur un circuit. Je lui rappelle ce qui m'était arrivé et du coup, il comprend pourquoi j'ai perdu cette magie, et il tente de me rassurer en disant que ça allait bien se passer. Je commence à connaitre Sonny et je lui dis tout de suite que je ne lui en veux pas, parce que ça allait être quelque chose qui allait lui trotter dans la tête. On va se donner à fond et tout va bien se passer.

Puis, je parle un peu des interviews à venir. Je lui donne quelques conseils pour que ça se passe bien, et évidemment, il ne peut pas s'empêcher de me dire que les conseils que je lui donne, je ferai bien de les appliquer pour moi, ce qui me fait rire parce que je sais que c'est vrai. Et j'y travaille, promis ! Il me dit quelque chose qui me fait plaisir en me disant qu'il me considère comme un ami et que les amis, c'est fait pour dire les choses. Et que ça marche dans les deux sens, je le regarde avec un grand sourire.

Je n'étais pas ton ami ? Moi, à la seconde où tu es rentrée pour la première fois dans mon bureau, tu es devenue mon ami ! Toutes les personnes avec qui je travaille sont mes amis !

Ce n'est pas totalement vrai, mais dans le principe, c'est comme ça que je fonctionne.

Puis je lui parle de la position à adopter en cas de gros accidents. Il exécute ce que je lui explique. Je lui confirme que c'est bien la chose à faire. Puis, on allait passer à la suite, mais on se fait interrompre par Shelby. Ce gars-là n'a pas changé, toujours aussi con et toujours aussi fier de lui. Je l'envoie balader assez vite. Sonny me demande si nos différends viennent de l'accident ou s'il y a autre chose. Et quand j'explique le pourquoi du comment, tout le monde fut sous le choc. Même Rob qui à beaucoup d'expérience n'en revenait pas.

Ce connard roule encore parce que son père à fait en sorte de faire taire les ingénieurs, sinon il serait en taule, et son père aussi. Parce que Shelby est trop con pour penser à saboter une voiture, alors que son père...

Rob disait qu'il fallait qu'on fasse attention, moi comme Sonny, ce dernier lui réponds que les voitures étaient bien gardées. Il pensait que Julian était parano, mais quand il entend mon histoire, ça l'a fait changer d'avis.

Shelby serait bien capable de nous faire chier sur la piste aussi... Il va falloir être sur nos gardes partout, Sonny.

Sarah nous regarde tous les deux.

On va faire en sorte que ça se passe bien, mais Shelby risque de t'embêter aussi Sonny, maintenant qu'il sait que tu traines avec Alex. S'il ce passe quoi que ce soit en piste, il ne faut pas lui faire de cadeau.

Je regarde Sarah.

Pas le mettre dans le mur, mais lui faire comprendre que je peux être aussi con que lui, ça, ce n'est pas un problème !

Je me permettais de dire à Alex de suivre ses propres conseils. J’étais quelqu’un de très franc… Peut-être parfois un peu trop. Mais j’estimais qu’entre amis, on devait se dire les choses et, en gros, je demandai d’une façon détournée à l’ingénieur si je pouvais le considérer comme tel… Et sa réponse me surpris autant qu’elle me plut. Pour lui, j’étais son ami depuis le jour où j’étais entré dans son bureau.

Je passai une main dans mes cheveux.

-Waw ! Ok ! Ça c’est super gentil… Moi, il me faut un peu le temps de connaître une personne avant de me permettre de penser à cette personne comme à un ami mais avec toi, c’est vrai que le courant est passé direct.

Je rigolai à mon tour.

-Au moins, tu n’as pas peur de ma franchise.

Parce que parfois, ça choquait les gens que je leur dise ce que je pense. Mais Alex n’avait jamais eu de problème avec ça. Non. Au lieu de ça, il avait toujours cherché à écouter et essayer de s’améliorer. Même si…

-Tu sais, ce que je dis en toute franchise, ce n’est pas parole d’Evangile non plus. C’est juste… mon ressenti. Après, j’ai pas toujours raison non plus. Et là, faut pas hésiter à me le dire.

Comme je lui disais, ça allait dans les deux sens. Mais pour ce qui était de sa tendance à être prétentieux, ou, tout du moins, à le paraître, je devais être dans le bon puisque même lui et son ex-petite-amie s’en rendaient compte.

Puis il y eu l’épisode Shelby… Qui ne remonta nullement dans mon estime déjà très basse étant donné ce que je savais de lui. Mais en plus d’être un sale vicieux, il était provocateur… et vu comme il avait quand même vite passé son chemin, il n’était pas des plus courageux ! Pas le genre de gars que je portais dans mon cœur.

Je me demandais bien comment un type pareil pouvait encore mettre une roue sur un circuit et Alex expliqua que le père de Shelby avait fait en sorte que personne ne parle. Parce que le cerveau, c’était le père et pas Shelby lui-même qu’Alex qualifiait de bien trop con pour réfléchir aussi loin.

Je passai une main dans mes cheveux.

-J’en ai connu, des gars comme ça en courses illégales. Il fallait dire que la plupart de mes concurrents étaient issus de la mafia… Comme les Conti, par exemple. Mais même eux, c’était pas des petits merdeux comme ce Shelby… Ils avaient quand même, pour certain, un sens de l’honneur.

Je pointai Shelby qui s’éloignait.

-Ce gars-là n’en a pas, d’honneur.

Heureusement, Julian, le patron, avait fait en sorte que les paddocks et les voitures de Hughes Motors soient ultra surveillées. Mais Alex disait qu’on devait faire attention sur la piste aussi.

-Je serai sur mes gardes, vous en faites pas pour moi. Je connais des trucs pour rendre fous les gens en courses quand j’ai envie de les emmerder, vous imaginez même pas ! Et en restant fair-play, en plus.

Je souris, plutôt confiant. Il ne fallait jamais partir sur une course la peur au ventre.

Alex, lui, disait qu’il pouvait prouver à Shelby qu’il pouvait être aussi con que lui…

-Pourquoi tu lui montres pas, au contraire, que tu es bien MOINS con que lui ? Gagne. Ou soit au moins devant lui. C’est encore ce qui l’emmerdera le plus.

Je regardai Alex dans les yeux.

-J’ai encore très peu couru en pro mais… Je pense que si tu fais des coups pour montrer à Shelby que tu es aussi con que lui, tu ne vas pas t’attirer la sympathie du public… Tu ne penses pas ? Ce serait grave, ça, que les gens pensent à toi comme à un Shelby numéro 2… T’as quand même pas envie d’être comparé à lui. Si ?

Sonny me dit qu'il est quelqu'un de très franc. J'avais bien vu, et ça me plaisait. Il ne passe pas par quatre chemins quand il a quelque chose à dire. C'est ce qui va nous faire avancer. Il me dit qu'il me considère maintenant comme un ami, moi, je lui dis qu'à la seconde où il a passé la porte de mon bureau. Il est surpris et content que je lui annonce ça. Lui a besoin de plus de temps, mais le courant est passé vite entre nous. Et je n'avais pas peur de ça, franchise.

Avec ta franchise, on ira loin ! C'est avec quelqu'un comme toi qu'on peut avancer dans le bon sens !

Il me dit qu'il n'a pas la parole d'Évangile, c'est son ressenti, et derrière il me dit que quand ça ne va pas, il faut lui dire.

C'est pareil pour moi, je ne connais pas la vérité universelle !

Puis Shelby vient casser la tête. Il me provoque, mais s'en va assez vite, Sonny me demande comment il peut encore rouler, et j'explique que son père a fait en sorte de faire taire les gens. Sonny me dit qu'il a connu des gens avec plus d'honneurs que Shelby.

Je suis d'accord avec toi. Shelby est un con. Et il n'a aucun honneur.

Heureusement pour nous, Julian déteste l'espionnage industriel et a fait en sorte que les voitures soient sous surveillance tout le temps. Mais il va quand même falloir faire attention sur la piste aussi. Sonny a quelque chose pour casser les pieds quand un autre pilote n'est pas fair-play.

Moi, je dis que si Shelby veut jouer au con, on peut être deux.  Mais Sonny me fait savoir que c'est une idée stupide, il faudrait mieux que je sois plus malin que lui. Si je joue au con avec lui, les gens vont croire que je suis comme lui, ce qui n'est pas le but.

Effectivement, je n'ai pas envie d'être comparé à cet imbécile, je vais le pulvériser sur la piste !

J’étais content parce qu’Alex ne voyait pas ma franchise d’un mauvais œil. Que du contraire ! C’était la preuve de deux choses : de un, on peut discuter avec Alex, même de sujets sur lesquels on est pas spécialement d’accord. De deux : c’est comme ça que je voyais une relation amicale, où on pouvait se dire les choses comme on le pensait.

-Ouais, on va aller loin. On repoussera les limites !

Parce que de l’entendre et de le voir aussi sûr de lui me donnait des ailes, à moi qui avait très peu confiance en moi sur beaucoup de choses, sauf quand j’étais derrière un volant. Mais la foi d’Alex dans ce qu’on était en train de faire était communicative.

Moi aussi, j’y croyais.

On fit une sorte de pacte tacite de se dire toujours les choses comme on les pensait, tout en sachant qu’aucun de nous n’avait la vérité suprême.

Je n’eus que le temps de lui sourire avant que ne se produise un bref interlude avec le fameux Shelby. Il ne me fallut pas longtemps pour capter que ce gars-là n’en valait pas la peine. Que c’était un petit merdeux monté sur quatre roues.

Sans aucun honneur, ce avec quoi Alex était bien d’accord.

Rien, selon moi, qu’Alex actuellement ne puisse affronter et surmonter de manière intelligente. Mais la colère et la rancune lui faisait avoir des mots qui dépassaient probablement sa pensée, comme quoi il allait se montrer aussi con que Shelby.

Alors, toujours suivant ce pacte de franchise que nous avions fait, je lui demandai s’il pensait vraiment que c’était la meilleure façon de faire. Je lui demandai s’il voulait vraiment être mis, par le public et les autres concurrents, dans le même sac que son pire ennemi.

Evidemment, la réponse était non. Et comme chaque fois, il se reprit pour en revenir à une bien plus belle mentalité en disant qu’il allait pulvériser Shelby sur la piste. Et je savais que, par « pulvériser », cette fois, il parlait de score et de classement.

Je hochai la tête avec un sourire complice.

-Voilà qui me semble mieux. Tu vas faire un carton, moi aussi. On va donner du spectacle au public et de la crédibilité à Hughes Motors.

Je haussai les épaules et rigolai.

-Bref, on va faire notre job sur la piste.