J'étais de très bonne humeur. J'avais passé une excellente matinée dans une forêt sur les collines de Malibu. J'avais beaucoup couru, tiré à l'arc, rigolé avec une jolie jeune actrice. Bref, on venait de tourner une de mes scènes préférée pour le feuilleton. Et ce qui était encore plus mémorable dans tout ça, ça avait été la tronche de Robin quand il s'était rendu compte, même si on me l'avait fait recommencer plusieurs fois, que la scène avait été bonne dès la première prise. Et quand il m'avait demandé comment je faisais pour tourner en une seule fois des scène aussi trash, j'avais haussé les épaules et prononcé mon éternel:
-J'en sais rien.Enfin bref, on s'était bien amusés, moi et la jeune actrice à qui on avait filé un personnage aussi sympathique que le mien. J'en étais d'ailleurs venu, à force de la voir jouer ce personnage, à la trouver légèrement attirante. Et il m'en fallait déjà.
Puis, un peu plus tard, alors que j'étais entrain de rigoler avec ladite actrice, le producteur du feuilleton était venu me trouver. Robin était rentré chez lui (ma main à couper qu'il était partit joué à super Mario sans moi...) et L.A.81Rocks, ma radio préféré, avait demandé à ce que Robin aille s'y faire interviewer par Vintage Joe. J'avais souris et j'avais dit "ok". Bien sûr j'étais content, mais surtout intrigué. Et puis le producteur se disait que ce serait pas si mal de mettre d'autres acteurs et d'autres personnages en avant. Surtout que le mien prenait de plus en plus d'ampleur et commençait à avoir de plus en plus de... Non... Pas de fans... De... De gens qu'il dégoûtait.
Ca ne m'étonnait pas de la part de Vintage Joe, une telle demande. il arrivait, pour de courtes émissions, qu'il mette l'accent sur autre chose que sur la musique. Parfois, c'était un coup de coeur pour un comics, d'autres fois pour un film, mais les feuilletons étaient quand même, à notre époque quelque chose de légèrement moins important. Même si Star Trek avait eu et avait toujours un énorme succès.
Je m'étais donc rendu en voiture, une BMW M3 de l'année dernière, jusqu'aux studios de radio. Et sentir que j'allais être mis en avant et pas Robin, pour une fois, me satisfaisait énormément. Cela dit, Vintage Joe, lui, devait probablement s'attendre à voir débarquer North. Pour lui aussi ce sera une surprise...
J'arrivai à l'accueil de la radio. Ce n'était pas un grand bâtiment. Ca ressemblait plutôt au QG d'une ancienne radio pirate. Normal, puisqu'au départ, L.A.Rocks, devenu plus tard L.A.81Rocks, était une radio pirate. Et ils avaient tout gardé: le bâtiment, les posters délavés qui couvraient les murs au point qu'on en voyait plus le papier peint. Et les employés, qui avaient pour la plupart dans la quarantaine. Mais je m'en foutais. Ils passaient de la bonne musique.
J'étais en jeans noir, Doc Martens noires également et veste en cuir ouverte sans rien en dessous hormis une chaîne en argent avec un pendentif qui était un crucifix retourné. Peut-être parce que Jésus la tête en bas était la première chose que j'avais vue en sortant du ventre de ma mère... Sauf que c'était moi qui avait la tête à l'envers.
Je me dirigeai vers la femme de l'accueil et lui sourit. Je l'avais un peu dérangée parce qu'elle était entrain de regarder "Les feux de l'amour" sur une petite télé en noir et blanc. Je n'étais peut-être pas trop rassurant, mais ce n'était pas mon but. Mes yeux bleus étaient dardés sur elle.
-Bonjour. J'ai une interview prévue dans 15 minutes avec Vintage Joe.J'avais pour habitude d'arriver souvent très en avance. Ca me permettait d'être prêt avant tout le monde. La femme me regarda en fronçant les sourcils.
-Vous n'êtes pas Robin North.Je rigolai.
-Heureusement.-Vous êtes qui alors?Je sortis de mon sac à dos une VHS et la lui tendis. C'était le producteur qui m'avait donné l'enregistrement de ce matin comme preuve justement au cas où on me refoulerait à l'entrée de la radio.
-River Moriarty. Je joue avec Robin North. Comme il est pas disponible, on m'a envoyé moi.Je ne m'énervais pas, je faisais preuve de patience. Elle pris la VHS et la glissa dans son magnéto. Je m'appuyai sur le bureau, les yeux rivés sur l'écran. Je n'avais pas encore eu l'occasion de voir la scène sur écran. Ca allait être l'occasion.
Mais au fur et à mesure que le film défilait, c'était moins la scène et plus le visage décomposé de la femme que je regardais. C'était surtout par ça que j'adorais jouer dans ce truc.
J'étais tellement absorbé dans la contemplation de la scène et de la femme qui y réagissait que je n'entendis pas quelqu'un arriver par derrière moi.
- Video:
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]