Depuis des jours que le soleil brillait, il fallait bien qu'il pleuve. Et les nuages avaient choisi de s'installer juste le jour où Rose avait enfin un congé. Elle n'attendait que ça, d'aller pouvoir se prélasser à la plage, et voilà, lorsqu'elle se réveillait, elle se retrouvait nez-à-nez avec de gros nuages noirs qui encombraient le ciel. C'était bien sa veine. Mais elle avait l'habitude, ce genre de mésaventures lui arrivait tout le temps.

Pour combler le tout, l'électricité avait été coupée dans le quartier, à cause de l'orage qui se préparait, alors c'est sous l'eau froide que la jeune femme prit sa douche, puis à moitié dans le noir qu'elle s'habilla et mangea. Après une ou deux caresses au chat, elle s'affala dans son divan, une tasse de thé à la main. Depuis qu'elle avait pris le café avec Robin, elle n'osait plus toucher à sa cafetière, comme si elle était sacrée. C'était bien son genre de faire ça, soi dit en passant. North ou pas, d'ailleurs. Elle eut alors une petite idée de la manière dont elle allait passer sa journée. Elle allait se rendre dans un pub, fréquentable de préférence, et roupiller toute la matinée sur la table. Vous souhaitez être contre-productif ? Contactez Rose !

Et c'est démoralisée que la jeune femme se rendit au Rainbow, un petit club sympa où elle connaissait le patron, les cheveux en bataille et l'air hagard, sous les roulements inquiétants du tonnerre. La pluie s'abattait en un bruit monotone et régulier sur le macadam, mouillant Rose de la tête au pied. Ce fut trempée comme une soupe qu'elle pénétra dans l'établissement, secouée d'un spasme nerveux. La pluie. Elle détestait la pluie. Humide, froide, pénétrant dans les vêtements... Elle en tremblait encore.

Le bar n'était pas vraiment rempli. Quelques badauds buvaient un verre, assis non loin, et deux hommes réglaient un contrat au fond de la salle imprégnée par l'odeur d'alcool, mais la pluie semblait avoir fait fuir les clients. Rose s'approcha du comptoir, sourit gentiment au serveur qui paraissait harassé, derrière celui-ci, et demanda un bon verre de rhum. Quoi de mieux que de noyer ses peines dans l'alcool ? La jeune femme saisit son verre et alla s'asseoir au fond de la pièce, les yeux rivés sur la table devant elle. Elle but une gorgée, puis, semblant complètement oublier le monde autour d'elle.

Il faisait pourri dehors. Le tonnerre grondait au loin. On était entrain de tourner des scènes clés en studio pour la suite de la série médiévale dans laquelle je jouais. Je jouais une scène de combat quand l’un des spots explosa blessant un technicien. Là, c’était sûr, la journée était terminée… Alors que cela ne faisait même pas deux heures qu’on était là.

Le metteur en scène nous libéra étant donné qu’il ne voulait pas faire plus de dégât au niveau de l’installation. J’avais approuvé en silence avant de quitter les studios après m’être changé. La journée commençait bien… Je détestais n’avoir rien à faire et je n’avais aucunement envie de jouer aux jeux vidéo toute la journée. Je conduisais direction L.A. en ayant de moins en moins envie de rentrer chez moi.

Je pouvais entendre la pluie s’abattre sur ma voiture et, malgré la musique qui diffusait une nouvelle chanson de Roadtramp, je pouvais quand même entendre le tonnerre. Je soupirai. Allais-je vraiment passer une journée pourrie ? Pourrie peut-être pas, mais j’allais sûrement sérieusement m’ennuyer.

Sur le chemin, je passai devant le Rainbow et freinai d’un seul coup, provoquant les mécontentements et les coups de klaxon des usagés justes derrière moi. Oui, pourquoi pas boire un petit café au Rainbow pour passer le temps ! Je me garai alors et entrai dans le bar.

C’était le matin donc il n’y avait pas beaucoup de monde. Les couleurs et l’ambiance y était beaucoup moins présente qu’en soirée et la petite scène était vide de tout groupe. Il y avait quelques personnes qui discutaient et qui étaient bien trop occupé pour tourner la tête vers moi. J’avançai vers le fond du bar où je me disais que je pourrai être tranquille. C’est là que je repérai une jeune blonde dont le visage m’était très familier.

-Rose !

Je souriais et vint m’installer à sa table avant même qu’elle ne m’en donne l’autorisation. La rencontrer ici était un pur hasard mais j’étais vraiment content de la voir.

-Ça fait un petit moment qu’on s’est plus vu. Comment tu vas ?

Entre temps, j’avais commandé une café que le serveur vint m’apporter à la table où je trouvais Rose.

Rose était plongée dans ses pensées, et ne se préoccupait de rien d'autre que de ses rêves utopiques, qui se passaient principalement dans sa tête. Elle avait toujours été rêveuse, à en être maladroite. On lui disait souvent qu'elle était godiche, mais ça n'était pas faute d'avoir essayé d'être attentive... Mais, à la dernière seconde, elle détournait son attention sur autre chose, et une catastrophe arrivait.

La jeune femme fit un bond d'un mètre quand elle entendit une voix familière crier son nom, à l'autre bout du bar. Le cœur battant, elle jeta un coup dans cette direction et haussa un sourcil, surprise.

- Robin ?

Elle s'apprêtait à se lever lorsqu'il s'assit devant elle sans préambule. Toujours sous le choc, Rose tenta de calmer sa respiration saccadée. Il était toujours obligé de faire tant de bruit ? Apparemment, c'était dans ses habitudes, mais la jeune femme n'appréciait pas vraiment les regards tournés vers elle. Elle adressa un sourire crispé à Robin, mais non dépourvu d'affabilité.

- Ça va, ça va. Et toi ?

C'était vrai que ça faisait un petit bout de temps. Mais Rose n'avait pas vu les jours passer, et maintenant qu'elle s'en rendait compte, elle trouvait que ça faisait vraiment longtemps. Elle regarda un instant le verre de rhum posé devant elle, et rougit. Ça n'était pas dans ses habitudes de boire de l'alcool, et elle espérait que Robin ne le remarquerait pas.

- Qu'est-ce qui t'amène ici ?

Elle s'éclaircit la gorge, légèrement mal à l'aise de s'être fait prendre sur le fait. Il y avait juste à espérer que le jeune homme ne poserait pas de questions, et tout irait bien. Ou au mieux.

J’avais l’impression que Rose avait sursauté quand je l’avais interpellé. Et quand elle se retourna vers moi je cru bien voir de la surprise dans son regard. Moi, je souriais, la journée avait plutôt mal commencé et la voir allait changer la donne.

Elle prononça mon nom et je m’installai devant elle. Bon, je n’avais pas demandé son avis et elle trouvait peut-être ça impoli mais c’était trop tard pour reculer. Elle respirait fort sûrement à cause de la surprise. Beaucoup de gens nous regardaient mais je n’y prêtais pas attention. Ben, oui, avec le temps je commençais à m’en foutre des gens qui tournaient le regard vers moi dans la rue. Je commençais à avoir l’habitude après toutes ces années. Mais était-ce vraiment la même chose pour Rose ? Peut-être que tout cela la mettait mal à l’aise ? Quoi qu’il en soi, je souriais surtout qu’elle disait aller bien.

-Bien, bien.

J’avais remarqué le verre de rhum. Elle buvait déjà de l’alcool à cette heure-ci de la journée ? C’était rare les jeunes filles qui faisaient ça. Est-ce que je devais vraiment m’inquiéter ? Je n’en savais rien, et je ne préférais pas lui poser la question de peur de la mettre mal à l’aise surtout que son sourire me semblait un peu crispé, comme lors de notre première rencontre.

-Ben l’orage. Je tournais des scènes ce matin mais l’orage à fait quelques court-circuit ou je sais pas trop quoi. Un type c’est blessé alors on a dû arrêter de tourner pour aujourd’hui. Et comme chez moi, je m’ennuie, j’ai décidé de venir ici.

C’était le résumé de mon début de journée. Pas très intéressant mais ça répondait à la question.

-Et, apparemment, j’ai bien fait de venir. C’est une bonne coïncidence de te voir ici.

Mais elle semblait toujours mal à l’aise malgré mes sourires et mon ton de voix chaleureux. Alors, parlé d’elle devait peut-être la mettre à l’aise. Ou pas.

-Et toi, ça va à ton boulot ? Et le chat il va bien ?

Le chat, j’en revenais pas de ce nom si classique et en même temps si vrai. Après tout c’était un chat.

Rose poussa un long soupir. Elle n'aimait pas qu'on la brusque trop, surtout quand elle était en période de légère déprime. Elle aurait de loin préféré rester seule, mais Robin semblait tenir à l'idée de rester assis devant elle. Elle chassa ses pensées d'un geste de la main pour retrouver le sourire. Ça n'était pas une si mauvaise coïncidence de le retrouver là, non ?

- Alors, tant mieux, répondit-elle avec buvant une autre gorgée de son rhum.

Elle capta le regard du jeune homme sur son verre, mais ne s'expliqua pas. Elle se fichait bien de ce qu'on pensait d'elle, et puis elle aussi avait le droit d'avoir un coup de cafard de temps en temps. Elle espérait simplement que Robin ne lui poserait pas trop de questions.

- Aïe, fit-elle simplement lorsqu'il lui raconta ce qui était arrivé sur le plateau le matin-même.

Elle garda les yeux rivés sur la table devant elle, se demandant si vomir dessus l'arrangerait. Elle en doutait. Elle écouta ses questions sans sourciller, laissa un petit silence s'installer, puis répondit d'un ton détaché, comme si elle était ailleurs :

- Oh, oui... J'ai eu une augmentation il y a quelques jours. Et le chat va aussi bien qu'il y a une semaine. Mais il commence à se faire vieux...

Il restait pendant des heures sur le divan, et passait la moitié de sa vie à dormir. L'autre moitié du temps, il mangeait. Un peu comme Rose, quoi.

HRP:

Je n’avais pas parlé du verre de rhume. Je ne savais pas vraiment si ça devait m’inquiéter ou non. Et je savais que Rose n’aimait pas beaucoup les questions indiscrètes, chose que je pouvais comprendre, donc j’évitai de parler du sujet « alcool ». Je m’étais contenté de répondre à sa question en lui racontant mon début de journée plutôt inattendu. Je me contentai de sourire quand elle lança un « aïe » comme commentaire à mon « périple ».

Mais elle continuait de regarder la table. J’essayai tant bien que mal de capter son regard mais en vain pour l’instant. Peut-être était-elle de mauvaise humeur ? Ou alors ce n’était tout simplement pas le moment… En tout cas, j’avais tenté de parler plus avec Rose en lui demandant, notamment, des nouvelles de son chat. Et les nouvelles semblaient plutôt bonnes vu que la jeune femme avait obtenu une augmentation.

-C’est cool ça ! Quelque part ça ne m’étonne pas. Tu as l’air sérieux quand tu le veux.

De ma part, c’était un compliment. Et l’augmentation prouvait que Rose était sûrement une fille très travailleuse. C’est à ce moment-là que le serveur arriva et que je commandai un cacao. Ben c’était le matin et le matin j’aimais bien boire quelque chose de sucré. Ma commande dénotait totalement par rapport à la boisson qu’était entrain de boire Rose.

Mais le regard et la voix détachée de Rose m’inquiétait autant que l’alcool qui se trouvait dans son verre. Je tendis donc ma main que je plaçai en dessous du visage de Rose pour faire redresser délicatement sa tête son afin qu’elle me regarde.

-Quelque chose ne vas pas, Rose ? Tu as l’air ailleurs ?

Ma voix et mon regard soutenait cette inquiétude légitime.

Rose se contentait de garder un ton calme, mais la panique perçait imperceptiblement dans sa voix. Elle n'avait pas prévu l'arrivée de Robin, et il fallait dire que ça la dérangeait plutôt. Il savait sûrement que ça n'était pas son genre de boire du rhum à une heure pareille, mais ces derniers temps, l'alcool était presque devenu indispensable. Et ça commençait à l'inquiéter.

Et puis, il y avait aussi le fait qu'elle dormait mal. La preuve était ses grosses cernes sous ses yeux, la fatigue dans sa voix, et ses traits tirés... Non, non, il n'y avait vraiment pas de quoi s'inquiéter, c'était une insomnie parmi tant d'autres. Elle irait voir un médecin, et tout serait réglé. Ou du moins tentait-elle de se convaincre... Mais ça revenait au même, non ?

- C'est vrai. Mais c'est surtout à cause d'une histoire de chantage... Une de mes collègues l'a corrompu pour qu'il nous donne une augmentation... Enfin, elle était méritée, ajouta-t-elle.

Elle ne voulait pas que Robin croie qu'elle était d'accord avec ce qui s'était passé, mais il fallait dire que ça l'arrangeait quand même. De toute manière, elle l'aurait eue, son augmentation, un jour ou l'autre... Et l'avarice de son patron n'y changerait rien, ses supérieurs le menaient par le bout du nez. Mais la malhonnêteté employée par sa collègue ne lui faisait ni chaud ni froid. Elle avait l'impression de planer au-dessus d'un gouffre, et que, petit à petit, elle tombait vers le fond, sans qu'elle ne s'en rende compte. Les doigts du jeune homme sur son menton la sortirent de ses pensées.

- Quoi ? Si, tout va très bien. J'ai juste l'impression de déprimer, ces derniers temps. Je crois qu'il me faut plus d'action.

Elle but une gorgée de rhum, comme si c'était absolument normal de s'engourdir dans l'alcool à chaque fois qu'elle avait un coup de blues. Mais c'était la première fois qu'elle tombait aussi bas.

Malgré cette bonne nouvelle concernant son augmentation, Rose paraissait vraiment très stressée. J’avais vraiment l’impression d’être arrivé au mauvais moment. Ma pauvre Rose était bien moins enjouée que l’autre fois et l’alcool et les cernes sous ses yeux n’étaient pas là pour me rassurer.

J’avais essayé de lui remonter le moral en la félicitant pour cette augmentation que je présumais méritée. Mais Rose minimisa la chose en disant que tout ça était le résultat d’un chantage de la part d’une de ses collègues. Je pris un regard désolé et je me sentais de moins en moins à l’aise.

-Une augmentation c’est toujours ça de gagné…

Je ne savais pas trop quoi dire. Obtenir des augmentations par chantage n’était jamais gratifiant mais un apport d’argent est toujours bon à prendre. Difficile de se positionner sur le sujet. Une chose était sûre, la jeune femme n’était pas en forme et quelque chose clochait. Je n’aimais pas voir l’une de mes amies dans cet état. Je passai mes doigts sous le menton de Rose afin de redresser sa tête. Je pouvais bien mieux voir ses traits tirés et ses cernes. Décidément, quelque chose n’allait vraiment pas et je ne pu m’empêcher de poser directement la question à Rose. Et j’eu droit à une réponse. Elle était en manque d’action et déprimait. Et le rhum semblait être sa solution parce qu’elle en bu une autre gorgée. Je soupirai.

-Rose… C’est pas en buvant de l’alcool que ça va aller mieux…

C’était bien connu que ça ne résolvait rien. Je réfléchis quelques secondes afin de trouver une solution au « cas Rose ». Je ne pouvais pas laisser la fille déprimer sans avoir au moins essayé de l’aider.

-Ce qu’il te faut, c’est bouger un peu, te changer les idées.

Il fallait faire quelque chose ! Il fallait de l’action ! Il me fallait l’idée du siècle ! Quelque chose qui pourrait définitivement changer les idées de Rose.

-Je vais casser ta routine. T’est déjà allé à Las Vegas ?

J’attendais sa réponse tout en lui volant des mains se verre de rhum que j’achevais afin que Rose ne puisse plus en boire.

Rose haussa les épaules et sourit. C'était un sourire un peu fade, légèrement bêta, les effets de l'alcool n'étant pas particulièrement bénéfiques sur son état mental. Mais boire du rhum engourdissait non seulement son esprit, mais lui donnait aussi l'impression de voir plus clair dans ses pensées. Songeuse, elle n'écouta même pas le sermon de Robin. Et même si le lendemain, elle aurait un terrible mal de crâne, ça ne l'empêchait pas de siroter son rhum comme si c'était de la grenadine. La question du jeune homme la surprit. Las Vegas... Bien sûr qu'elle y était déjà allé. Plusieurs fois, même. D'ailleurs, elle s'était drôlement bien amusé là-bas.

- Évidemment.

Lorsque Robin termina son verre de rhum sans qu'elle ne puisse réagir, elle s'en offusqua aussitôt et le frappa au bras, frustrée. En colère – dans son état normal, elle ne se serait même pas fâchée –, elle protesta vivement que c'était son droit de boire, et que si Robin buvait dans son verre, c'est lui qui devrait payer. Son discours se termina dans un charabia incompréhensible, et elle s'embrouillait tellement qu'elle cessa aussitôt de s'enfoncer. La seule chose qu'elle avait à faire, c'était d'écouter North, et si elle avait été complètement bourrée, elle serait partie en claquant la porte.

- Pourquoi ? Tu veux m'emmener à Las Vegas ?

Question stupide, certes, mais Rose n'étant pas dans son état normal, ça n'était pas une évidence pour elle. Mais tout ce qu'elle voulait, à cet instant précis, c'était récupérer son verre, et rempli s'il vous plaît. C'est ce qu'on appelle avoir une idée fixe.

Rose souriait mais c’était un sourire fade, sans vraiment de réel sentiment positif derrière. Je ne savais pas si l’alcool lui faisait déjà de l’effet. Je ne savais pas quelle résistance elle avait par rapport aux boissons alcoolisées. Je savais une chose, c’est que ce n’était pas la meilleure manière de régler ses problèmes. Je sermonnai un peu Rose sans vraiment hausser le ton, mais j’avais l’impression qu’elle ne m’écoutait pas vraiment.

Alors, tout en prenant son verre, je lui demandai si elle avait déjà été à Las Vegas. Ouais, elle y était déjà allée. C’est vrai que le Nevada n’est pas si loin en somme. Je souris et termina son verre de rhum avant qu’elle n’ait eu le temps de réagir. Elle me frappa alors le bras de ses petits poings de femme mais je ne bronchai pas. Et elle continua à protesté et que je devais payer. Et elle continua encore et encore à protester sans que je ne dise rien. Les gens se retournaient de temps en temps pour essayer de comprendre ce qui se passait. Le mieux était d’attendre que l’orage passe. Décidément c’était la journée des orages… Mais celui de Rose s’arrêta après un petit moment et me demanda si je voulais l’emmener à Las Vegas. Je posai le verre vide sur la table avant de regarder Rose droit dans les yeux.

-Bien sûr ! On va aller à Vegas, juste toi et moi. On partira en voiture, on prendra un hôtel et on s’amusera toute la journée dans les casinos ! Mais à une seule condition : tu arrêtes de boire à 11 heure du matin !

Je souriais espérant que le deal était convenable pour Rose. Je n’avais pas vraiment à me préoccuper des détails financiers d’un tel voyage. J’avais bien assez d’argent pour tout payer.

-Si ça te convient, on part tout de suite.

Oui, autant continuer dans la folie jusqu’au bout. Je regardais toujours Rose avec un regard intense. Si ce petit voyage pouvait lui remonter le morale alors j’avais gagné ma journée.

Tout se confondait si vite dans l'esprit de Rose. Un instant, elle avait pensé que Robin la laisserait tranquille, mais apparemment, il voulait l'emmener quelque part. Où déjà ? Ah, oui... À Las Vegas. La jeune femme ne voyait pas vraiment l'intérêt, mais si ça faisait plaisir à Robin... Elle posa ses coudes sur la table, mécontente qu'il lui ait piqué son verre. Il aurait au moins pu demander... Les jeunes, de nos jours... Elle secoua la tête et haussa les épaules. Elle préférait rester ici, au moins, elle était à l'abri de l'orage. Et puis, il fallait avouer qu'elle n'avait pas vraiment envie d'aller à Las Vegas... Non, non, elle devait faire plaisir à Robin.

- Bon, d'accord...

Elle rit, d'un rire peu naturel, comme mécanique, mais doté de joie. Ça n'était pas vraiment beau à voir, une Rose presque ivre, qui changeait d'avis toutes les cinq minutes... Comme on dit, il n'y a que les imbéciles qui changent d'avis. Un point c'est tout. Le compromis lui semblant honnête, elle acquiesça une nouvelle fois, sourit, et se leva.

- Alors, allons-y.

Et elle sortit dehors, sous la pluie, sans attendre Robin. Elle avait d'ailleurs oublié sa veste, mais elle s'en fichait, tout ce qui importait à présent, c'était de reconnaître la voiture du jeune homme quelque part, d'y entrer pour se mettre à l'abri... et de partir. Elle avait l'air complètement désorientée.

Je lui avais proposé un deal. Mais au fond, ce deal était pour l’aider. J’espérais pouvoir arriver à lui changer les idées et Las Vegas était une vie coloré avec beaucoup d’ambiance. Une ville où tu pouvais constamment faire la fête si ça te chantait. Je pensais bien qu’emmener Rose loin de L.A. allait lui changer les idées et cassé la routine dans laquelle elle semblait s’ennuyer.

Et le deal, elle l’avait accepté avec un rire dont je ne savais pas s’il était réellement sincère. Peut-être n’aimait-elle pas Las Vegas au fond… Et peut-être que je me plantais depuis le début dans la manière de procéder avec Rose. Je souris, tout de même, d’un sourire encourageant. Peut-être était-ce tout simplement l’alcool qui la mettait dans cet état. En tout cas, tout chez Rose ne respirait pas la joie et c’est bien ça qui m’attristait.

Elle se leva alors, sans demander son reste et sorti sans même m’attendre. Je restais encore quelques secondes comme perturbé par la réaction de Rose, puis je me levai remarquant, au passage, que Rose avait oublié sa veste. Décidément, rien n’allait chez la petite blonde. Sortir dehors, sous l’orage, sans sa veste… Bref, je pris la veste et allai payer le barman. Après tout, j’avais bu une bonne partie du verre de Rose donc il était normal que je paye. Je sortis dehors et repérai Rose non loin de ma voiture. Je couru vers elle comme si j’essayai d’éviter les gouttes de pluie. Je montrai ma voiture à Rose qui avait l’air perdue et on y entra. Une fois installé, je ne démarrai pas tout de suite et lui tendit sa veste.

-Tu as oublié un truc…

Je souriais avant de réprimer mon propre sourire.

-Rose… Tu n’as vraiment pas l’air bien… T’as l’air perdue… Tu es sûr de vouloir aller à Las Vegas ? Sinon on peut aller partout ailleurs. Mais je n’aime pas de voir dans cet état-là.

J’étais sérieux et sincère. Au fond, elle me rappelait un peu Karen quand elle était au fond du gouffre et je devais avouer que ça me rendais un peu triste. La souriante Rose avait comme perdu une certaine joie de vivre et c’est comme si je n’avais aucune idée de comment la sortir de là.

Rose venait de se rendre compte qu'elle avait oublié sa veste et de payer, mais elle oublia cette pensée aussitôt. Robin pouvait très bien le faire à sa place – d'autant plus qu'il avait avalé une partie du rhum que contenait son verre –, quant à la veste, elle était vieille, alors autant s'en débarrasser maintenant.

Tandis qu'elle entrait dans la voiture de Robin, celui-ci lui jeta son manteau qu'elle avait oublié – ou laissé exprès là-bas, on ne saura jamais. Comme si c'était la première fois que la jeune femme voyait une chose pareille, elle ouvrit des yeux ronds et s'exclama :

- Oh merci !

Mais ne sachant pas vraiment quoi en faire, elle posa la veste sur ses genoux, en écoutant les paroles inquiètes de Robin. Puis, butée, elle se tourna vers lui et déclara d'un ton faussement choqué :

- Mais c'est toi qui voulait y aller ! Dis donc, faudrait arrêter de forcer sur l'alcool !

Elle éclata de rire, comme si c'était la meilleure des plaisanteries. Le sourire aux lèvres, elle demanda :

- Quel état ? Pourquoi tu te préoccupes de ça ? Je vais très bien !

Guillerette, elle attendit que Robin démarre. Ses yeux cherchaient un point inconnu, au-dehors, un objet qui puisse attirer son regard ne serait-ce qu'un instant. Elle venait de sentir que ça n'était pas le moment de plaisanter, et elle ne voulait pas faire mauvaise impression. La gêne calma son euphorie aussitôt, et elle sembla retomber dans sa langueur de tantôt.

Je lui avais ramené sa veste qu’elle avait oubliée dans le bar. Je pouvais voir son air étonné, comme si c’était la première fois que quelqu’un lui ramenait quelque chose qu’elle avait oublié. Et le me remercia. Je lui souris. A ce temps-là, c’était quand même étonnant qu’elle ait pu omettre de prendre sa veste avant de sortir. Et j’avais comme l’impression que c’était une énième preuve que les pensées de Rose étaient préoccupées par autre chose.

-De rien !

J’ajoutai un clin d’œil à mon sourire. Mais le doute commença à m’envahir. L’alcool, le manque d’enthousiasme pour ce petit voyage organisé en dernière minute, son attitude détachée… C’était assez inquiétait et en tant qu’ami je préférais être sûr qu’aller à Las Vegas lui faisait réellement plaisir. Elle se mit directement sur la défensive prétendant que j’avais trop forcé sur l’alcool.

-Hein ?! Quoi ?!

J’allais lui prouver toute sa mauvaise foi quand elle éclata de rire. Comme si ce qu’elle venait de dire n’était qu’une petite blague. Mais ces petits changements d’humeur n’était pas rassurent. Comme si Rose essayait elle-même de se convaincre qu’elle allait bien. Et j’avais bien l’impression que lui poser plus de questions n’allait pas vraiment arranger les choses. Je me forçais de sourire pour masquer mon inquiétude.

-Si tu le dis.

Je démarrai ma voiture et nous voilà partis sur les routes de Las Vegas. On en avait pour quelques kilomètres mais j’étais prêt à les faire. Puis rester tous les deux dans cette voitures allait nous permettre de faire plus ample connaissance et, peut-être que cela me permettra de comprendre l’attitude de Rose. D’ailleurs, cette dernière avait déjà perdu son sourire.

-Tu verras je connais un super hôtel à Vegas. Tu aimes les jeux d’argent ?

Savoir ce qu’elle aimait me permettrais de savoir à quel endroit on s’amuserait le mieux là-bas.

Ça n'était que maintenant que Rose se rendait compte que, depuis tout à l'heure, elle agissait n'importe comment, comme si elle était... ivre. Elle tenta de se reprendre, mais son esprit embrumé ne cessait de la faire retomber soit dans un état morose, soit plutôt guillerette, comme si aller à Las Vegas avait été la meilleure idée de la soirée. Ça ne le tentait vraiment pas plus que ça, mais apparemment, elle n'avait pas le choix. Elle se dit que, si elle avait eu quelque chose de solide sous la main, elle aurait bien assommé Robin, mais tout tanguait autour d'elle et elle avait l'impression que la voiture était faite de chamallow.

La jeune femme oublia rapidement que son comportement n'était pas normal, et se contenta de fixer le visage de Robin comme si elle le rencontrait pour la première fois, mais qu'elle était certaine de l'avoir déjà vu quelque part. Elle sembla soudain se rendre compte qu'elle le connaissait, parce qu'elle éclata de rire toute seule, sans écouter un traître mot de ce que lui racontait le jeune homme. Elle avait l'impression que tout ce qu'elle vivait était absolument drôle, et qu'on allait bientôt déclarer qu'elle pouvait retourner chez elle. En fait, la perspective d'aller à Las Vegas la terrifiait, et elle pensait que Robin voulait l'emmener là-bas pour lui faire peur. Mais elle ne le laissa pas paraître, et répondit :

- Les jeux d'argent ?... Je n'ai pas vraiment les moyens d'y jouer, mais si ça te fait plaisir, je peux te passer tout mon salaire du mois...

Elle parut se souvenir qu'il gagnait de quoi nourrir une famille entière pendant un an chaque mois, et se contenta de sourire bêtement. C'était la première fois qu'elle buvait autant d'alcool, et ça la mettait dans un état plutôt préoccupant. Rose regarda la route défiler par la fenêtre à un rythme qui lui paraissait infiniment lent. Elle se mit à se plaindre :

- Tu peux pas accélérer ? J'ai l'impression qu'on marche plutôt qu'on roule...

Elle était bien tentée de donner un coup à Robin, mais la seule chose dont elle se souvenait maintenant, c'était qu'il ne fallait pas embêter les conducteurs. Elle croisa les bras, suivant du regard les voitures qui les dépassaient. À moins que ça ne soit l'inverse ?...

Je devais avouer que les réactions de Rose me laissaient perplexe. Tout d’un coup, elle rigolait, elle était joyeuse. Alors que quelques minutes auparavant elle semblait comme déprimée. J’en conclu qu’elle me cachait sûrement quelque chose. Elle ne voulait rien me dire mais c’était comme si elle voulait cacher son état à elle-même.

J’avais d’abord eu peur que Las Vegas n’était pas l’endroit où voulait aller Rose mais elle m’avait tout de suite répondu que ça lui plaisait. Enfin que, en tout cas, elle n’était pas contre d’y aller. J’espérai donc que, déjà, le voyage en voiture lui changerait les idées.

Et je lui parlais et elle continuait d’éclater de rire sans vraiment de raison. Mais je ne relevai pas, je la préférais voir rire que la voir triste. Même si je n’étais pas réellement sûr qu’elle soit réellement heureuse. J’abordais donc le sujet des jeux d’argent. Les aimait-elle ? Je voulais m’en assurer. Et elle aborda le côté financier de la chose. Je fronçai les sourcils. Je ne voulais pas qu’elle voit les choses ainsi.

-Ne t’en fais pas. Tu ne payeras pas un sous. J’ai bien assez d’argent pour qu’on puisse s’amuser tous les deux.

Moi ça me semblait logique de tout payer. De toute manière je ne voyais pas très bien quoi faire d’autre de mon argent, alors… Mais ce qui m’inquiétait c’était surtout le « mais si ça te fait plaisir ». Je ne voulais pas qu’elle fasse tout ça pour me faire plaisir. Au contraire, je faisais tout ça dans la perspective de lui faire plaisir à elle.

Mais avant que je ne puisse répliquer, elle me demanda d’accélérer. J’accélérai juste assez pour qu’elle ait l’impression qu’on allait bien plus vite. Mais au fond, je continuais de m’inquiéter.

-Rose… C’est pas pour me faire plaisir qu’on fait ce voyage. C’est plutôt pour te changer les idées. Si tu as un endroit que tu aimes particulièrement, tu peux me le dire et on ira. Ça peut être à Las Vegas, chez moi, chez toi, n’importe où.

J’étais prêt à tout pour qu’elle soit bien… Allait-elle prendre la faveur que je lui donnais ?

Robin ne paraissait pas vraiment emballé, ce qui était tout à fait illogique à l'esprit de Rose puisque c'était lui-même qui avait proposé d'aller à Las Vegas. Enfin bon, il devait avoir les humeurs changeantes. La jeune femme se contenta de hausser les épaules, fixant la route par la vitre. Ah, ce qu'elle s'ennuyait maintenant ! Et puis, cette lenteur...

Lorsqu'elle le fit remarquer à Robin, il accéléra, ce qui la fit sourire. Las Vegas n'était pas, au fonc, très loin, mais elle n'aimait pas les longs trajets en voiture. Rose haussa un sourcil lorsque le jeune homme lui demanda si elle voulait vraiment aller là-bas, et elle se mit à songer à un endroit qu'elle aimait beaucoup. L'endroit où elle avait rencontré son deuxième petit ami, où elle avait été heureuse, puis avait sombré dans le chagrin.

Cette pensée lui arracha un soupir, et, d'une voix tremblante, Rose déclara :

- Je veux aller au Nouveau-Brunswick.

Ça lui permettrait de faire définitivement une croix sur son passé, ainsi que de pouvoir enfin aller de l'avant. Et puis l'air là-bas n'était pas si mal. Seulement, elle craignait que ça ne soit trop loin pour que Robin accepte d'y aller, alors elle le fixa avec une lueur d'espoir dans les yeux. Il aurait peut-être trop pitié d'elle pour lui refuser ça, qui sait.

HRP:

J’avais accéléré à la demande de Rose. J’aurais accéléré encore plus si je pouvais agrandir encore un peu le sourire présent sur son visage. Et j’en étais même allé jusqu’à laisser tomber Las Vegas pour n’importe quel autre endroit qui ferait plaisir à Rose. Je la laissai réfléchir un instant avec qu’elle me dise d’une voix tremblante l’endroit où elle voulait aller. Au Canada… Loin… Très loin. Mais pas assez loin pour faire peur à Robin North.

-D’accord…

Je ne savais pas ce que cet endroit avait comme signification pour Rose. Peut-être était-elle née là ? Ou alors elle y avait vécu pendant un moment… Quoi qu’il en soit, je n’allais pas reculer car peut-être que cet endroit était la clé de la déprime de mon amie.

Je fis demi-tour direction l’aéroport de L.A., car en voiture on n’était pas prêt d’arriver. Par contre, en avion c’était déjà beaucoup plus simple et beaucoup moins pénible.

-J’espère que tu n’as pas peur de l’avion…

Je ne voulais faire aucun faux pas. Je ne voulais pas la voir mal à l’aise. Même si j’avais l’impression de l’ennuyé depuis mon entrée dans le bar tout à l’heure. Je continuais à conduire mais je ne tenais plus. Il fallait que je sache l’histoire derrière cet endroit.

-Mais, je peux savoir… Pourquoi le Nouveau-Brunswick ?

J’espérais ne pas la brusquée avec une question aussi directe.

Spoiler:

Rose se demandait si Robin aurait décroché la lune si elle l'avait demandé. Oh sûrement pas. Il y avait des limites, quand même. Mais cette idée lui avait effleuré l'esprit et elle se posait pas mal de questions : jusqu'où North irait pour elle ? Le Canada, c'était plutôt loin. Et il avait accepté... Tout en fixant l’asphalte, la jeune femme restait perplexe quant aux bonnes intentions de Robin. Il voulait simplement lui faire plaisir, mais était-ce la bonne solution. Elle avait l'impression d'être une gamine capricieuse, ce qui ne lui plaisait pas vraiment. Ça n'était pas dans ses habitudes d'exiger ce genre de choses.

- Non, au contraire.

L'avion ne lui avait jamais fait peur. Enfin, c'était le moyen de transport le plus sécurisé de tous, non ? Rose sourit. Les effets de l'alcool semblaient commencer à se dissiper. Le Nouveau-Brunswick représentait beaucoup pour elle, c'était une manière comme une autre d'aller de l'avant, d'oublier son passé une fois pour toute. Puis la question de Robin la troubla. Pourquoi voulait-il savoir ça ? Avait-il deviné ses pensées ? La jeune femme répliqua difficilement :

- Il y a des choses que j'ai vécu là-bas que je ne pourrais pas oublier.

Son ton était neutre, bien qu'elle ait à présent envie de pleurer. Rose tourna la tête vers la fenêtre pour éviter le regard de Robin ; elle n'avait pas envie de d'étendre sur le sujet. C'étaient des souvenirs qui lui appartenaient à elle et à elle seule.

C’est sans vraiment réfléchir que je nous emmenais sur les routes qui menaient à l’aéroport. Je ne pensais pas au temps que ce petit voyage nous prendrais, ni à son coût. Je voulais juste revoir la joie de vivre sur le visage de Rose et si ce voyage pouvait faire ça alors je le ferais.

Mais il était clair que pour aller si loin, il nous fallait un avion. Or, ce moyen de transport-là, beaucoup de gens en avait peur pour des raisons parfois irrationnelles. J’avais donc demandé à Rose si l’avion ne la dérangeait pas. Parce que si elle détestait ça, inutile d’y aller, ce n’était pas le but du voyage. Heureusement, Rose semblait aimé plus la voiture que l’avion et je lui souris.

Mais bon, ce n’était pas un endroit où tout le monde désirait aller et donc la question était de savoir pourquoi Rose voulait aller là-bas. Elle y avait sûrement déjà était et certains souvenirs de cet endroit la rendait peut-être nostalgique. Je n’en savais rien au fond, je ne connaissais pas vraiment l’histoire de Rose. Elle en parlait très peu. Donc je préférais lui demander directement pour savoir à quoi m’attendre. En savoir plus me permettrait peut-être aussi de comprendre au mieux Rose.

Et, effectivement, il semblait que Rose ait vécu des choses intenses au Nouveau-Brunswick. Elle détourna la tête vers la fenêtre et je ne savais pas quoi dire. Etait-ce des choses positives ou négatives ? Le ton neutre de Rose ne me permettait pas de le savoir. Mais si elle n’en disait pas plus c’est qu’elle ne voulait pas en parler. Et la brusquer risquerait de tout gâcher.

-Je comprends…

Je ne savais pas quoi dire. J’étais à court de mots réconfortant… Heureusement, le trajet (qui s’était fait dans le silence) ne dura pas éternellement. Je garai ma voiture dans le parking de l’aéroport et on y entra dans ce fameux bâtiment.

-Viens, on va acheter des tickets.

On se dirigea vers la guichet et je pris deux tickets pour l’endroit où voulait aller Rose. Une fois cela fait, il n’y avait plus qu’à attendre l’avion. On s’installa sur un banc afin d’attendre. On avait pas de bagage, rien… C’était plutôt bizarre…

-On a rien pris comme habit de rechange… Parfois je suis un vrai con… Je prends des décision sans penser au reste…

Je soupirai. J’avais l’impression de ne rien faire comme il fallait.

L’air déprimé de Rose à la sortie de la voiture me brisa le cœur. Je ne savais pas vraiment ce qui se passait dans sa vie actuellement mais la jeune fille avait l’air d’en souffrir énormément. Mais ce n’était pas le genre de femme à se confier et à dire ce qu’elle ressent. Elle gardait tout pour elle, ce qui rendait la tâche de l’aider bien difficile.

On était à l’aéroport, sans bagage, juste notre ticket pour notre destination en main. Aller au Nouveau-Brunswick allait, je l’espérais, aider Rose et l’accompagner nous permettra de nous rapprocher et de se faire plus confiance l’un l’autre. Plus jamais dans ma vie je n’allais laisser une jeune femme avec comme seul compagnie sa détresse, plus jamais ! La dernière fois ça avait plutôt mal fini et s’il fallait que j’aille jusqu’en Russie pour aider Rose, ben je le ferais afin que tout ça finisse bien.

Personne ne nous interpella pour la seule et unique raison que beaucoup de célébrité passait dans cet aéroport donc parfois des plus connue que moi. A eux les fans en furie ! Pour l’instant, personne ne prêtait attention à nous et c’était une très bonne chose. De plus, en général les gens sont tellement stressés à l’idée de rater leur avion qu’ils regardent tous droit devant eux.

On annonça l’embarquement de notre avion et on se leva en même temps alors que Rose s’excusa encore.

-Non, je ne veux pas qu’on rentre. On ira là-bas, tous les deux. Tu te sentiras mieux après.

Je souris légèrement alors qu’on contrôla nos tickets avant qu’on ne rentre dans l’avion. Une fois ça fait, on s’installa dedans, en classe buisines. Là on serait tranquille pendant l’entièreté du voyage.

Les hôtesses de l’air commencèrent à rappeler toutes les règles de sécurité et pendant ce temps-là je ne pus m’empêcher de parler à Rose. Depuis toute à l’heure elle avait évité toutes mes tentatives de conversation.

-Tu as habité là-bas ?

Une simple question. Je l’avais tenté en espérant que Rose s’ouvrirait à moi.

Rose fronça les sourcils. Non, elle ne voulait pas embarquer Robin dans cette histoire, ça ne lui plaisait sûrement pas. Pourtant, elle ne voulait pas être seule, même si l'idée de voir le jeune homme l'accompagner l'exaspérait. Il avait déjà payé leurs billets d'avion, c'était suffisant. Il n'avait rien à faire ici avec elle, c'était une affaire personnelle. Une sorte de règlement de compte.

- Si tu insistes..., soupira-t-elle en laissant tomber.

Ça ne servirait à rien de le raisonner, il était trop attaché à son idée. Rose n'était pas certaine que ça lui fasse du bien de se rendre au Nouveau-Brunswick, mais ça mettrait de l'ordre dans ses idées. En fait, elle avait pris la décision sur un coup de tête, et l'idée de revoir cet endroit où elle avait aimé et été aimée la mettait mal à l'aise. Pourtant, elle tint bon, et précéda Robin vers la porte d'embarquement. Il lui posa une question qui la fit alors rougir. Pourtant, il n'y avait pas lieu d'avoir honte.

- Je... Non, pas vraiment. Ça me rappelle juste... des souvenirs.

Elle s'autorisa un petit sourire, espérant que Robin n'irait pas plus loin dans son interrogatoire. Elle laissa un petit silence s'installer, peu désireuse de s'approfondir sur le sujet. Et le jeune homme aurait été bien indiscret de lui en demander plus que ça. Elle intervint pour alléger l'atmosphère :

- On y va ?

Est-ce que j’ennuyais Rose ? Si ça tombe, elle voulait aller seule là-bas et je lui avais imposé ma présence… Il fallait dire que je ne savais vraiment plus comment lui rendre son sourire et l’aider… Si ça tombe, le problème venait du fait que j’étais là et que j’avais peut-être empiré un problème. Mais bon, j’avais payé les billets et on était maintenant devant la porte d’embarquement. Je ne voulais plus reculer.

Mais bon, il fallait quand même que je lui pose une question. Parce qu’elle me brulait les lèvres depuis un moment. Après tout, savoir ce qui la rattachait à cet endroit ne me semblait pas, à cet instant, une question indiscrète. Mais quand je vis Rose rougir, je me disais que j’aurais mieux fait de me taire… Surtout qu’elle ne répondit que vaguement à ma question… Mais bon, lui en demander plus aurait peut-être pu totalement rompre le lien qu’il y avait entre Rose et moi.

-Je comprends… Parfois certain endroit nous rappelle des choses qu’on a vécues…

Et je ne remis plus le sujet sur la table alors que Rose m’interpella pour que l’on rentre dans l’avion. Une fois cela fait, on s’installa l’un à côté de l’autre, en classe business. Mais j’en étais venu à un point où j’avais l’impression que n’importe quel sujet de conversation allait rendre Rose mélancolique. Alors je ne dis rien pendant le décollage et pendant la première heure de vol. Les hôtesses passaient de temps en temps pour voir si on ne voulait rien à manger ou à boire, mais aucun de nous ne semblait avoir faim. Après une heure et demi à voler, je n’y tenais plus, il fallait que je lance un sujet de conversation.

-Tu sais, ma mère déteste les avions… Pas pratique quand tu dois te rendre au quatre coin du monde pour des tournages…

Je rigolais. Je ne savais pas vraiment quoi dire et j’espérais que ça détende un peu l’atmosphère. Et, en y pensant à deux fois, je me demandais bien pourquoi j’avais dit ça… Après tout qu’est-ce que Rose en a réellement à faire de ma mère…

-Excuse-moi, je parle pour ne rien dire…

J’avais soupiré en baissant la tête…