Dancing with the Devil ft. Tatiana Cuplle

Je me craquai les doigts et m’étirai basculant un peu ma chaise en carrière alors que mes pieds virent se poser sur mon bureau juste à côté des articles que j’avais déjà commencé. La journée était très ennuyeuse, je détestais les journées que se résumais à rédiger des articles sur des groupes mineurs de L.A. Je préférais les interviews ou bien les réunions. En gros, les endroits où je pouvais discuter et paraitre et, surtout, où je pouvais rencontrer des gens intéressant dans tous les sens du terme.

Mais pas de ça aujourd’hui. Du moins, pas de ça avant la fin des heures de bureau qui ne se finissaient qu’à 17h. Je soupirai, le groupe sur lequel j’étais en train d’écrire une critique n’avait rien d’un bon groupe. Ses membres se contentaient de faire du rock plat proche de la caricature. Moi j’aimais la musique qui voulait dire quelque chose et qui avait une personnalité riche. Pas quelque chose de plat et sans caractère. Je pouvais critiquer car il le méritait et vu qu’il le méritait ça n’était même pas drôle de les critiquer. Parce que personne n’allait trouver ça surprenant que je critique quelque chose de nul…

Ça me manquait un peu les interviews avec les grands groupes en vogue. Je n’en avais plus fait depuis plusieurs semaines. Mais depuis, le groupe que j’avais interviewé était tombé dans l’oubli, complètement dépassé par le succès permanant de The Lightening et la montée de Roadtramp. Je rêvais de pouvoir interviewer The Lightening. Mais jamais je n’avais réussi à avoir un rendez-vous pour une entrevue. Pourquoi ? Parce que le nouveau manager du groupe se méfiait de moi et de ma réputation et avait toujours refusé que j’entre en contact avec Lighter, Izbel, Stix et compagnie. C’était très handicapant parce que faire un article sur The Lightening écrit par moi pourrait faire vendre beaucoup de magazines… Mon hypocrisie et mes fausses promesses n’avaient pas suffi à faire plier l’entourage du groupe…  

Fallait que je me change les idées et donc je décidai d’aller faire un petit tour dans la salle de repos du bâtiment. Le genre de salle où il n’y a qu’une petite table, une machine à café et un distributeur. Avec le temps, je m’étais habitué à la vie de la classe moyenne et à leur petite routine. C’était bien plus reposant que la vie de fils de politicien friqué. Les « pauvres » n’imaginent même pas à quel point ils ont de la chance. Soit, passons… La salle de repos donc. J’y entrai voyant attablée à la seule table, le jeune et jolie Tatiana. Je la connaissais un peu la petite Tat’ (comme certains de mes collègues l’appelaient), c’était une photographe de grand talent avec un CV grand comme le bras. Elle s’y connaissait en musique, ce qui était un atout pour travailler ici. En gros, elle faisait bonne impression et j’avais souvent entendu de très bons échos à son sujet. Je n’avais jamais vraiment pu me forger ma propre opinion sur son cas (à part une opinion assez positive sur son physique atypique). J’avais juste pu admirer quelques-uns de ses clichés dans notre cher magazine et je devais avouer qu’elle savait prendre de belles photos.

La voir me donna une bonne idée qui ramena mon petit sourire reconnaissable sur mon visage. Je me pris un café dégueulasse de la machine et me plaçai devant la jeune femme.

-Salut Tat’ !

C’est bien la première fois que je l’appelais comme ça. Mais elle était jeune et j’étais jeune alors pourquoi s’ennuyer à s’appeler autrement que par nos surnom.

-Comment va le monde de la photographie de presse ?

Quand je voulais converser, on le savait, j’avais toujours l’art de commencer par prendre la température.

Dancing with the Devil ft. Tatiana Cuplle

Tatiana lisait Guitar&Pen. Quoi de plus égocentrique. Non, pas tant que ça tout bien réfléchi, c’était une manière de voir le résultat de son travail et de celui des autres, de voir les imperfections et ce qu’il y a à améliorer. Je ne doutais pas du tout que Tatiana soit une fille très professionnelle.

Est-ce que je l’ennuyais en l’interpellant ? Est-ce que sa lecture était plus importante ? Aucune idée… Mais, quoi que pensait Tat’ à cet instant, elle referma tout de même le magazine qu’elle lisait pour porter toute son attention sur moi. J’étais face à elle mélangeant mon café avec une de ces mini cuillères en plastique. Elle souriait alors je fis de même. Un salut, et une réponse général, totalement réaliste et tellement complète de la situation sortit de la bouche de ma collègue. Elle avait du répondant ! C’était noté. Elle avait raison, la démocratisation de la télévision et l’arrivée de chaines musicales nous avait donné un gros coup sur les finances. Plus pratique, plus spectaculaire, plus abordable intellectuellement. Mais est-ce que cela fera disparaitre les magazines papier ? Pas sûr.

-C’est vrai. J’ai ressentis ce déclin aussi. Mais ça ne fera pas disparaitre notre métier. Les émissions télé sont éphémère, le papier et l’encre persistent et sont facilement conservable. A nous d’innover pour être meilleur !

Un bon plan économique et des idées innovantes seront utiles mais j’étais confiant. Mon père devrait m’entendre penser, il verrait à quel point j’étais meilleur homme d’affaire que politicien. Qu’est-ce que je retirais de cette toute première phrase de Tatiana ? Une bonne vision de son métier et une certaine intelligence. Allait-elle aimé le petit job que j’allais lui proposer ? A voir…

A elle de prendre la température. Mes interviews étaient-elles intéressantes ? Pff, non… Je déposais mon café sur la table et m’assis en face d’elle. Rester debout n’était pas du tout propice à la conversation. Ma main soutenait ma tête et je soupirais.

-Pff… Non… Pas intéressantes du tout… J’interview des petits groupes de L.A. Je ne suis même pas sûr qu’ils seront connus un jour au-delà des frontières des bars où ils se produisent.

Je pris un air désespéré. Je savais parfaitement imité ça. Soupire calculé, regard de chien battu mais pas trop. Juste ce qu’il fallait.

-Ça fait des mois que j’essaye d’avoir une interview avec The Lightening, sans succès… Mais bon je ne désespère pas.

Je ne lui expliquais pas les raisons qui m’empêchaient de les rencontrer. Ca risquerait de provoquer une réponse du genre : « Tu l’as bien cherché ». Or, ce n’était pas ce genre de sentiments que je voulais provoquer chez Tatiana mais bien une certaine compassion. Tant que j’étais sur le sujet qui m’intéressait, pourquoi ne pas mettre les choses doucement en place ?

-Tu as déjà rencontré les membres de The Lightening, toi ?

Utile à savoir ! Je la regardais d’un regard interrogateur tout en buvant mon café. Beurk vraiment dégueulasse ce truc !