On avait à peine débarqué à l'Omni Magestic Hotel de St-Louis à bord de notre voiture louée, Evy et moi, qu'on entendit des rumeurs sur le crash du bus de tournée de The Lightening. Inutile de décrire la réaction de ma collègue, son frangin se trouvant dans ledit bus. Essayant de la maintenir plus ou moins calme, de l'empêcher de paniquer, j'allai me renseigner. J'étais connu et n'importe quel employé de l'hôtel allait être fier de pouvoir raconter au souper de noël cette année qu'il avait rencontré Amon Sørensen et qu'en plus, il était à l'origine de l'information qui avait mené au dernier article du journaliste le plus controversé de L.A.

J'eus donc bien vite les infos qu'il me fallait et j'avais embarqué Evy dans la voiture pour nous rendre sur les lieux de l'accident, lui expliquant, enfin essayant, que personne n'était gravement blessé et qu'ils n'étaient pas très loin sur la nationale. Je roulai à fond de balle jusque là-bas, mais une fois sur place, il ne restait plus que les policiers et le bus accidenté, aucune trace du groupe.

Encore une fois, j'étais parti à la pêche aux infos et les inspecteurs présents m'annoncèrent, après que je leur ai montré ma carte de presse, que le groupe avait été emmené à l'hôpital. Et, voyant Evy complètement paniquée, ils annoncèrent à son intention qu'aucun n'était gravement blessé, mais qu'on les avait envoyé à l'hosto pour être sûr et certain qu'ils n'étaient victimes d'aucune complication.

Nouveau trajet en voiture, jusqu'à l’hôpital indiqué par les policiers. Ça nous pris un certains temps parce qu'Evy, encore un peu sous le choc, avait du mal avec la carte et vu qu'on ne connaissait aucun des deux le coin, on avait un peu de mal. Je fus forcé de m'arrêter plusieurs fois pour lire la carte et finalement, à deux, on se débrouilla pour arriver à ce foutu hôpital.

A la réception, ce fut le temps pour de nouvelles négociations. Ma carte de presse était inutile, c'était même plutôt le contraire : le chanteur avait exigé, apparemment, qu'on ne laisse approcher aucun journaliste de l'aile où ils étaient en train de se reposer un peu ou de passer différents examens complémentaires. Pour faire court, c'était le bordel. Evy expliqua alors qu'elle était la demi-sœur de Billy Lighter et là, elle accepta de passer un coup de fil en interne à l'infirmière en chef de ladite aile afin d'avoir l'autorisation du chanteur pour Evy de monter jusque là et d'aller voir son frère. Ce qui fut fait.

Evelyn monta, elle était prête à négocier pour que je vienne avec elle, mais je n'étais vraiment pas sûr d'en avoir envie. J'avais déjà eu à faire à Billy Lighter en colère et il n'y avait pas encore si longtemps. Je décidai de passer mon tour pour cette fois. D'autant qu'en plus, la réceptionniste ne voyait pas la chose d'un très bon œil : même si je fréquentais la demi-sœur de Lighter, je n'en restais pas moins un foutu journaliste. Et Amon Sørensen en plus...

J'écartai les bras en souriant dans une expression d'impuissance. Quelque part, ça m'arrangeait bien d'éviter Lighter. Je désignai la réceptionniste, mais en m'adressant à Evy.

-Tu l'as entendue... Pas de journaliste...

Le rouquine finit par abandonner l'idée. Et je m'installai dans une salle d'attente en soupirant, espérant que tout allait réellement bien pour le groupe...

Je pris un magazine au hasard sur une pile et l'ouvrit.

-Oh putain... L.A.People...

Je le refermai et le lançai sur une table basse un peu plus loin... Et je me mis à observer les gens autour... Ouais, il y en avait que je pouvais clairement identifier comme travaillant pour MTI... Parce que j'en avais croisé certains, à force... Et aussi parce qu'avec les années, j'avais appris à sentir où étaient les choses intéressantes.

J'étais toujours en train d'observer les alentours. Les roadies présents qui attendaient, un peu comme moi, avaient l'air très calme, allant se chercher du café à une machine à café, ce que je planifiais de faire bientôt moi aussi. Leur calme signifiait bien qu'il n'y avait pas à s'en faire pour le groupe. Et, de toute façon, j'avais déjà de quoi faire un article, vu que j'avais pris une photo du bus accidenté, en vitesse, quand on était arrivé sur le lieu de l'accident avec Evy. Je n'avais pas besoin de l'avis du groupe, la photo du bus accidenté parlait d'elle-même...

Certains roadies quittaient même l’hôpital, d'autres rigolaient ensemble en parlant d'autre chose que du crash qui, finalement, n'avait pas tant de conséquence vu que tout le monde allait physiquement bien. Psychologiquement, c'était probablement une autre histoire connaissant Billy Lighter et Cash Izbel... Et on aurait sûrement pas droit au concert qui était prévu ce soir.

Bref, tout ça pour dire qu'il faisait relativement calme dans cet hôpital... Jusqu'à l'arrivée de Savannah Osborne. Elle arriva... Pas au bord de l'hystérie, mais pas loin quand même, en criant trop fort, faisant sursauter certains roadies ainsi que moi. Un bébé qui avait déjà pas l'air bien dans les bras de sa mère se mis à pleurer, effrayer par les éclats de voix de la jeune femme...

Je la regardais bouche bée. Jusque-là, alors que je m'étais tenu, à distance, bien au courant de ce qui se passait durant la tournée, elle était restée très discrète, ne s'affichant pratiquement pas en public avec Lighter. Et d'après ce que j'en savais, elle allait jusqu'à voyager avec les roadies et les groupies et non avec le groupe. Probablement afin d'éviter que des journalistes comme moi ne leur colle aux basques.

Et ben là, elle avait dit adieu à la discrétion...

Elle parlait à la réceptionniste avec cet air hautain que peuvent parfois avoir les mannequins. Je comprenais qu'elle soit inquiète pour son petit-ami... Mais bon...

Avec tout ça, j'en avais oublié de me dissimuler un peu. Et quand elle se tourna vers moi et me reconnu, elle vint direct vers moi.

Je me levai, instinctivement, prêt à prendre une claque... Et à essayer de la rattraper au vol. Mais le coup ne parti pas.

-Wow ! Hey ! Oh ! On se calme... Je suis pas là pour ça...

Ok, d'accord, ce n'était pas crédible... Et pourtant, c'était bel et bien la vérité.

-Vous feriez bien de vous asseoir avant de tomber dans les pommes...

Je jetai un regard à la réceptionniste qui avait l'air de ne pas trop savoir quoi faire. Elle devait la laisser monter ou pas ? Je lui fis discrètement signe d'attendre un peu. Je ne savais pas si, malgré l'article écrit dans L.A.People par Evelyn elle-même, elle était au courant que la jeune journaliste rousse était la demi-sœur du chanteur. Et je n'avais pas envie que le mannequin débarque comme une furie, prenne Evy pour une rivale et commence à frapper dessus. J'avais une petite sœur, je savais comment c'était, une fille en colère.

-Les infirmiers vous laisseront pas monter voir Lighter si vous êtes dans cet état-là...

Le bébé continuait de pleurer et d'autres enfants regardaient la jeune femme comme si elle était une sorcières.

Je m'adressai à nouveau à la jeune femme.

-Vous foutez les jetons aux gosses en hurlant comme ça.

Je ne pensais pas avoir ce pouvoir-là, mais fallait croire que si : la jeune femme finit par se calmer un peu et par s'excuser à la ronde. J'aurais plus vite cru que le fait que, moi, j'ose lui dire de se calmer lui aurait carrément fait péter les plombs, mais ce ne fut pas le cas. Peut-être simplement parce qu'elle-même se rendait compte que sa réaction était exagérée et que plutôt de l'amener directement à Billy Lighter, elle allait rester coincée ici un moment.

Elle finit même par s'asseoir à côté de moi. Soit elle était vraiment sous le choc et ne se rendait pas compte qu'elle venait de s'asseoir à côté d'un des mecs que son petit-ami détestait le plus à L.A., soit elle n'en avait strictement rien à foutre.

Mais elle ne resta pas assise longtemps. A peine eu-t-elle finit de me poser une petite liste de questions qu'elle se releva et se dirigea vers la machine à café. Je me levai moi aussi, réfléchissant à ce que j'allais répondre à ça, tout en allant moi aussi vers la machine, suivant le mannequin... Lui dire que je m'inquiétais serait en partie un mensonge. C'était plus pour Evy que pour le groupe que je m'inquiétais vraiment.

Et puis, j'avais une réputation à tenir.

Elle appuya sur le bouton pour faire couler le café qui tomba dans le gobelet... Elle semblait dans ses pensées et je n'osais pas ouvrir la bouche de peur qu'elle ne se remette à brailler. Une fois son café prêt, elle retourna à sa place, comme si j'étais encore sur le siège juste à côté. Je me fis couler un café moi aussi. Pour affronter un mannequin furax, j'avais bien besoin de ça...

Une fois mon café prêt à son tour, je retournai moi aussi m'asseoir à ma place...

Je savais ce que je devais dire, et même si je savais que ce n'était pas une bonne idée, j'avais créé cet Amon Sørensen et tomber la masque était beaucoup trop dangereux. Je l'avais fait avec Evy, passons, parce que j'espérais bien qu'elle garderait pour elle que je n'étais peut-être pas aussi impitoyable que je voulais le laisser croire...

Mais je ne pouvais pas le faire avec Savannah Osborne.

Je me lançai et répondit à sa question, un sourire en coin aux lèvres, tout en remuant mon café que je tenais de la main opposée à la position de Savannah. On savait jamais, ma réponse n'allait sûrement pas lui plaire dans un premier temps et je n'avais pas envie qu'elle me renverse tout.

-D'après ce que je sais, il n'y a pas vraiment de quoi s'inquiéter. C'est dommage.

Je regardai Savannah, croisant son regard bleu.

-Un mort aurait fait vendre un tas d'exemplaires à L.A. People...

C'était la dure vérité, c'était probablement ça le pire...

-Mais je n'ai pas besoin de monter là-haut et de voir Lighter, rassurez-vous... Je ponds très bien mes articles tout seul et j'ai déjà ce qu'il me faut...

Ouais, la photo du bus accidenté dans mon appareil amateur argentique...

Je portai mon café à mes lèvres...

-Et puis Lighter a exigé qu'aucun journaliste ne passe la frontière de cette salle d'attente... Non, je suis ici parce que j'attends quelqu'un qui a l'autorisation de Billy pour le voir...

Je jetai un coup d’œil interrogateur à la réceptionniste, mais elle me fit comprendre que la jeune femme devrait attendre encore un peu d'être calmée pour pouvoir monter.

Génial... En attendant, c'était moi qui devait me la coltiner et je risquait bien de faire pire que mieux si je voulais qu'Amon Sørensen reste Amon Sørensen.