Plus ultra motivé que BleedingHeart, il y a pas. La preuve, on était tous les membres du groupe assis devant le Dizzy Warhol avant même l’ouverture. On avait envie de discuter avec le patron du bar avec lequel on était devenu très amis depuis notre premier concert ici. On lui devait beaucoup car il nous avait donné une chance de faire nos preuves et, maintenant, on était à l’affiche régulièrement dans ce bar même si on n’avait pas encore l’honneur d’être en tête d’affiche. Avoir une petite place sur le planning faisait déjà tout notre bonheur.

Le patron arriva, c’était lui qui faisait le service aujourd’hui. Ce gars était fort proche de ses employés et ça lui arrivait de les remplacer quand l’un ou l’autre avait un empêchement ou était tout simplement malade. Ça semblait être le cas aujourd’hui et il nous sourit en nous voyant presque au garde à vous devant la porte de son bar. On sera ses premiers clients de la journée.

Il ouvrit et on prit place directement au comptoir. On commanda une bière chacun et on commença à parler musique avec le patron. Il adorait notre groupe et espérait qu’on allait aller loin. On finit par atterri sur le sujet des managers. Lui disait que parfois, l’un ou l’autre venait voir les groupes qui passaient au Dizzy. Il avait même vu plusieurs fois Daniele Ricci et était fier de dire que c’était ici même qu’il avait découvert Tiny Suicide. Ce groupe de filles étaient un vrai nid à talent et c’était vraiment dommage qu’elles n’aient pas encore signé avec BSC. Je me demande bien ce qu’ils attendent. Mes yeux brillaient d’envie qu’il arrive la même chose à BleedingHeart. Qu’un manager vienne et nous propose un contrat. J’en rêvais même la nuit. Dernièrement, on avait eu un peu de pub dans L.A.People, à cause de notre petit concert qui m’avait envoyé en cellule. J’aurais jamais imaginé que ça puisse nous arriver… Et je ne savais toujours pas si j’avais honte que notre groupe soit cité dans L.A.People ou si j’en étais très content. En tout cas, beaucoup de gens pouvaient savoir quel message on souhaitait passer à travers notre musique.

Au fur et à mesure de la conversation, le bar se remplissait de ses premiers clients de la journée. Des hommes et des femmes qui venaient, comme nous, profiter de l’ambiance du Dizzy Warhol. Je commençais à reconnaitre certains habitués à croire que je passais vraiment beaucoup de temps ici.

Le patron me déclara qu’il avait enregistré quelques chansons de notre dernier concert ici.

-C’est vrai ? Génial !!!

Mes yeux étaient ronds de surprises et de bonheur. Que quelqu’un d’autre que nous n’enregistre notre musique ça nous faisait tout bizarre. C’est un super signe de reconnaissance. Je sautais presque de joie ainsi que tous les autres membres de BleedingHeart. Le patron du Dizzy sortis une cassette qu’il inséra dans la sono du bar. Et en quelques secondes, la musique de BleedingHeart envahit le bar.

Mon Eileen était en mission, elle était partie tout à l'heure direction l'Eastside pour aller à la rencontre de Evan Kurtz à qui elle devait soutirer une photographie. Nous savions, elle comme moi, que c'était dangereux mais elle avait tout de même accepté l'aventure.

Depuis son départ, j'étais inquiet que tout cela échoue ou qu'il lui arrive quelque chose. L'Eastside n'est pas recommandé même la journée. Je ne m'y promenais que rarement, ne m'y déplacement que  pour aller voir des groupes se produire au Dizzy Warhol. Manque de chance, je ne travaillais pas aujourd'hui et je n'avais donc l'esprit occupé que par mon Eileen et sa mission. Il était important que je me change les idées en sortant de mon appartement.

J'étais monté dans ma voiture sans véritable destination en tête. C'est mon inquiétude qui m'amena directement au Dizzy Warhol. Tant qu'à me faire du soucis autant que cela soit non loin de mon Eileen. C'était plus psychologique qu'autre chose cette proximité car je savais que, si mon Eileen était en danger dans l'Eastside, ce n'était pas au Dizzy qu'elle allait se rendre mais dans le lieu public le plus proche de l'endroit où se trouvait Sniper et ce n'était pas vraiment ici. Je m'en trouvais tout de même rassurer de la savoir non loin de moi. Je ne savais pas pour combien de temps la mission d'Eileen allait durer mais si elle devait gagner la confiance d'Evan, cela allait certainement lui prendre un petit temps et, d'ici là, je serais déjà rentré dans notre appartement. Je devais juste me détendre et boire un peu afin de faire passer l'inquiétude et afin que le temps passe plus vite.

Le bar avait ouvert il y a peu et je pris place au fond du bar là où il n'y avait que très peu de monde. Le Dizzy était un endroit spécial et très underground. Les gens qui venaient ici étaient tout aussi spécial que cet endroit. On pouvait plus que probablement y faire de très bonne rencontre comme de très mauvaise. Il n'était pas mon bar privilégier pour faire des découvertes. Je me rend plus volontiers au Rainbow ou au Crazy Ginger, le bar où j'ai découvert il y a quelques années, The Burning Fire. Il paraît que c'est ici même que Ricci a découvert Tiny Suicide. Cette pensée me faisait sourire en repensant à la possibilité que j'avais de pouvoir faire signer le groupe de jeune fille que protégeais Ricci. Mon premier contact avec la jeune Willis avait était très concluant. Ceci plus l'article qu'allait faire Amon, je ne pense pas que l'Italien s'en remette aussi facilement. Penser qu'il n'est au courant de rien et qu'il ne verra rien venir était encore plus excitant.

Une serveur arriva près de moi et je pris la peine de commander un whisky bien fort. Ceci allait me rendre un peu plus détendu. J'en avais bien besoin. La jeune femme arriva très vite avec ce que j'avais commandé. Soudain, je me mis à porter attention à la musique qui passait dans le bar. Je n'avais encore jamais entendu cette mélodie et je n'arrivais pas à savoir à quel chanteur appartenait cette voix. La musique est mon métier et j'étais un connaisseur, sauf qu'ici je séchais. Je fermais les yeux pour me concentrer sur la musique. C'était une très bonne chanson remplie d'émotions. Elle me touchais vraiment. Ne pas connaître le groupe qui avait produit ceci était une lacune que je me devais de combler.

J'avais pris avec moi mon whisky et m'étais rendu vers le comptoir. Le barman allait sûrement pouvoir m'éclairer. Je m'étais installé au bar à l'endroit où se trouvait le barman ainsi qu'un petite bande d'homme d'à peu près mon âge.

-Excusez-moi, Monsieur. Pouvez-vous me dire qu'elle groupe est en train de passer ? Je pense ne l'avoir encore jamais entendu.

Je m'étais adressé au barman.

On s’éclatait comme des enfants à discuter de l’historique de la chanson, que le patron du Dizzy venait de nous faire l’honneur de passer dans son bar. Le thème était très dur, on l’avait écrite le jour après le décès de Roxxy, notre ancienne chanteuse. Elle résumait la tension vécue ses jours-là et l’état d’esprit dans lequel BleedingHeart était à l’époque. Je ne pouvais pas ne pas avoir une petite pensée pour Roxanne quand je l’entendais. Ces jours sombres étaient peut-être derrière nous mais jamais on ne saura les effacer ou même les oublier. Il y avait eu trois BleedingHeart. Celui avant Roxxy, celui quand Roxxy était là et celui après Roxxy. Notre musique avait évolué grâce à elle. Elle avait pris une autre dimension qui nous avait ouvert une petite brèche pour arriver à notre but ultime.

Je riais malgré toutes les émotions qui se dégageaient de cette chanson. Parce que je savais que c’est ce que Roxxy aurait voulu. On avait l’occasion d’entendre pour la première fois un titre de BleedingHeart passer dans les baffles d’un bar alors il fallait qu’on en profite. S’apitoyé sur le passé n’était pas la bonne façon de profiter du moment. Alors je riais et les autres aussi tout en dégustant notre bière bien fraiche.

C’est alors qu’un homme vint au comptoir pour interpeller le patron. Il avait beaucoup de prestance cette homme et j’avais la vague impression de l’avoir déjà vu quelque part. Ses cheveux bouclés et son air stoïque me rappelait quelque chose. Je ne savais pas bien où j’avais pu voir sa tête. Peut-être dans la rue sans m’en rendre compte. Le monde est petit après tout.

Il voulait savoir quel groupe avait produit cette chanson et un grand sourire illuminait mon visage. Il demandait ça parce qu’il avait aimé notre chanson ? On se regardait, moi et les gars, et on avait tous des étoiles dans les yeux. Le patron du Dizzy nous montra du doigt avec un grand sourire et quand l’homme bien habillé se retourna vers nous je pris la parole.

-C’est nous !! On est le groupe BleedingHeart. Je m’appelle Duncan Keller.

Je tendis la main à l’homme. S’il voulait se joindre à nous pour discuter musique, il était vraiment le bienvenu.

-C’est la première fois qu’elle passe à dans ce bar, c’est pour ça que vous ne l’avez jamais entendu. On la fait de temps en temps en concert ici.

L’homme était très différent des gens qui venaient ici d’habitude. Il n’avait pas la même façon de s’habiller. Le patron du bar, lui, continuait de sourire comme s’il connaissait cet homme. N’empêche que, moi aussi, j’avais l’impression de l’avoir déjà vu…

Ce qui m’avait poussé jusqu’au comptoir était une envie de pouvoir combler une lacune en terme de savoir musicale. Un manager devait toujours se tenir à jour et enrichir ses connaissances. Lorsque j’étais à l’Université, j’étais friand des nouveaux savoirs que j’apprenais chaque jour. J’étais une véritable éponge et je me délectais de me sentir plus intelligent qu’un autre grâce à ma soif de savoir. C’est cette même envie que je voyais chaque jour dans le regard de mon Eileen.

Le barman, auquel j’avais demandé de m’informer de quel groupe venait cette chanson qui m’avait tapé dans l’oreille, souriait en me montrant du doigt les hommes qui était, eux aussi, au comptoir. Je me retournais vers eux et un jeune homme blond affirma que son groupe, BleedingHeart, était le responsable de cette musique. L’homme se présenta comme étant Duncan Keller. BleedingHeart, ceci me rappelait quelque chose.

Je serais la main de Duncan. C’était un homme très souriant et je ne l’avais pas coupé quand il expliqua pourquoi je n’avais jamais entendu cette chanson. Si je ne l’avais jamais entendu c’était parce que ce groupe n’étais encore jamais passé à la radio et que je n’avais encore jamais vu l’un de leur concert. Ma lacune était maintenant comblée et cela m’apprendra à ne pas venir plus souvent au Dizzy Warhol.

-Et bien, je dois dire que j’avais raté quelque chose. Une chance que ce barman ait eu la bonne idée de passer votre titre. Il est excellent. Je me nomme Timmy Evans.

Enfin, je réussi à replacer où j’avais entendu le nom du groupe de ce Keller. C’est dans le tout dernier L.A.People où Amon racontait que ce Duncan Keller et ses compagnons avaient organisé un petit concert illégal. Cette histoire devait s’être plutôt bien terminée vu la mine radieuse que Duncan arborait aujourd’hui.

-BleedingHeart. Je crois en avoir entendu parler dans L.A.People. Vous me semblez très revendicateur, n’est-ce pas ?

Ce groupe valait le coup pour ce que j’en avais entendu aujourd’hui. C’est pour cela que je m’étais permis de continuer la conversation avec Duncan.

Timmy Evans !! Quand le nom de l’homme traversa ses lèvres, je ne peux m’empêcher d’ouvrir la bouche de surprise. Voilà pourquoi sa tête me disait quelque chose. C’était LE Timmy Evans, un des manager les plus réputé de MTI. Je devais déjà avoir vu sa photo dans un magazine ou l’autre. En tout cas, j’avais bel et bien un grand manager devant moi et ça, c’était quelque chose dont je ne m’attendais pas.

Il aimait notre titre !! C’était la phrase qui tournait dans ma tête alors que je n’osais pas interrompre le manager alors qu’il encensait notre groupe. J’étais dans un rêve ou quoi ? J’allais me réveiller ? Tout ça était pourtant bien réel et c’est ce qui rendait la situation vraiment excitante. Les autres membres de BleedingHeart affichaient, comme moi, un regard autant surpris qu’heureux. C’était la toute première fois qu’on était devant un manager et il s’avérait que, celui-ci, était, en plus, réputé. Je ne savais plus où me mettre tellement j’avais envie de sauter de joie dans tout le bar et crier à tout le monde que Timmy Evans avait aimé notre chanson. Mais je me retins, j’avais peur que si je sautais de joie, cela fera fuir le manager qui, d’après ce que je savais, était fort sérieux. Un véritable anglais pure souche.

Le manager avait déjà entendu parler de notre groupe notamment dans L.A.People. Je me mordis la lèvre inférieure. Je savais que notre petite escapade revendicatrice pouvait autant attirer des managers que les faire fuir. Je savais aussi que MTI était une maison de disque assez sérieuse. Mais ça c’était ce que les gens disaient. Ils avaient quand même engagé The Lightening… Et plus dingue qu’eux, il n’y avait pas. Alors que BSC, eux, rechignent à engager les talentueuses Tiny Suicide.

Timmy me posa la question directement. Etions-nous revendicateur ? Et comment ! On avait une attitude et des idées punk. Des idées qu’on essayait de faire passer par nos chansons. Je ne savais pas si cette question était une question piège ou non mais, en tout cas, je ne voyais pas quoi d’autre répondre que la vérité. Je n’allais pas être différent de ce que je suis juste pour obtenir un contrat. Jamais je ne pourrais vivre avec moi-même si je faisais ça. Alors je devais être franc avec le manager anglais.

-Oui, on l’est. C’est toutes ces revendications contre le système qui être notre moteur pour créer. On a des choses à faire passer et on le fait par nos chansons.

Je disais cela sur un ton sérieux pour montrer à Timmy que c’était comme ça et que ça le resterait. On ne changera pas notre manière de penser même pour une tournée. J’avais des valeurs que je ne pouvais pas aller à l’encontre même pour réaliser mon rêve. Ces valeurs que m’avaient transmises ma mère et mes frères et que je partageais avec mes amis.

-Je pense qu’il y a plein de choses qui ne vont pas dans ce monde et qu’il faut bien quelqu’un pour crier un peu plus fort que les autres pour se faire entendre. C’est ce qu’on essaye de faire.

Parce que certains n’avaient ou ne pouvaient pas crier comme mon frère ou Evan. On chantait pour tous ces gens-là.

-J’en reviens pas de vous rencontre ici, monsieur Evans.

Je repris mon sourire enfantin. Il avait quand même fallu que je lui dise que j’étais surpris et heureux.

J’avais la chance de pouvoir directement parler avec les auteurs de la chanson que j’avais entendue et appréciée. Le groupe en entier se tenait devant moi lorsque je me présentai à Duncan. Au départ, j’aurais cru à un simple groupe d’ami venu boire une bière dans leur bar préféré mais, en réalité, j’avais en face de moi les membres de BleedingHeart.

Ce nom de groupe m’était familier. J’étais persuadé de l’avoir déjà entendu ou lu quelque part. Etant donné que je n’avais jamais entendu leur chanson avant aujourd’hui, je devais avoir vu ce nom dans un journal ou bien un magazine. Ce n’est qu’après un petit temps de réflexion que tout me revint. BleedingHeart était le groupe qui avait fait un concert contestataire devant la mairie de L.A., il y a peu de temps d’ici. C’est sans détour que je soulignais la nature revendicatrice présumée du groupe au jeune Duncan. Les mimiques du jeune homme étaient révélatrices d’un tout petit malaise. Les jeunes groupes, quand ils étaient face à un manager, avaient peur de la moindre question qui leur était posé de peur que la réponse leur face raté le coche. Je devais avouer voir ceci comme un test de résistance au stress, mais aussi de sincérité.

A ma grande surprise, le jeune Duncan fit preuve d’une grande franchise en déclarant que toutes leurs revendications étaient ce qui leur donnait envie de créer musique et chansons. Je pouvais voir en Duncan un grand dévouement pour ses idées. Pour être tout à fait franc, je n’en avais cure du message que faisait passer mes protégés. Le principal était qu’ils fassent quelque chose qui les inspire afin de montrer leur meilleur talent. Je souris, satisfait de la réponse du jeune Duncan qui n’en revenait pas de me rencontrer ici.

-Je dois vous avouez que je ne viens pas souvent dans ce bar. Je me déplace plus volontiers au Crazy Ginger. Par chance, je suis venu ici aujourd’hui. Sinon, je serais passé à côté de vous.

Le respect que me portait BleedingHeart me plaisait beaucoup et je leur renvoyais la politesse.

-Je trouve intéressant un groupe qui a foi en ses convictions et qui les partagent au public. Les paroles ont, ainsi, toujours un sens plus profond quand on y croit. Si vous craignez qu’une maison de disques ne vous engage jamais à cause de cela, soyez rassuré, MTI ne juge pas un groupe sur le message qu’ils veulent passer. Au contraire. Nous aimons l’originalité et les prises de risques contrairement à d’autres maisons de disques.

Je visais, bien entendu, BSC. Ils étaient plus que sélectif concernant les groupes à engager parce qu’ils ont peur de leur attitude, ce qui est un comble pour une maison de disque spécialisé dans le rock.

-Avez-vous déjà été approché par un manager ?

Je voulais ainsi m’assurer que personne n’avait encore découvert BleedingHeart et ainsi voir si j’avais été plus rapide qu’un certain Daniele Ricci.

Ma franchise allait peut-être être préjudiciable à l’avenir de BleedingHeart mais je me voyais mal mentir sur ce point-là. Notre musique était basée sur nos idées et sur nos revendications et Timmy Evans s’en rendrait de toute façon compte très vite.

Heureusement, notre attitude plaisait à Timmy ce qui faillit m’arracher un « yeah » de victoire. Mais encore une fois, je me retins d’exploser de joie parce que rien n’était encore gagner. Même si il commençait à sérieusement me faire croire que notre but n’était pas loin d’être atteint. MTI n’avait pas peur des groupes qui disaient ce qu’ils pensaient. Pas comme d’autres maisons de disques d’après le manager anglais. Ça voulait dire que BSC risquait de ne jamais nous engager ? J’avais cette impression-là après les insinuations de Timmy Evans. J’avais déjà remarqué que la maison de disque de Daniele Ricci n’était pas encline à faire signer n’importe qui, la preuve avec Tiny Suicide. Evidemment, après de telles paroles, mon cœur penchait un peu plus pour MTI. Même si on allait certainement signer avec le premier qui serait intéressé et qui nous proposera un contrat.

-C’est vrai qu’MTI a quelques beaux noms comme The Burning Fire et The Lightening. Question originalité, ces deux-là ne sont pas en reste.

Je regardais de temps en temps les autres membres du groupe. Il partageait la même excitation retenue que moi. On se sentait si proche du but qu’on avait peur de faire un faux pas.

Mon regard se porta à nouveau sur le manager anglais. Ça faisait bizarre d’entendre parler quelqu’un qu’on avait lu le nom dix milles fois dans les magazines. Je croyais toujours que j’étais en train de rêver même si plein d’indices me prouvaient le contraire.

Timmy se demandait si on avait déjà été approché par un manager. Directement, je hochais la tête négativement.

-Non. Jamais. C’est la toute première fois. Aucun n’est encore passé quand on jouait. Il faut dire que ça ne fait pas longtemps qu’on joue dans des bars.

C’était donc une grande chance de voir un manager. Je savais que certains groupes passaient des années à jouer dans les clubs avant de décrocher un contrat. Nous ça ne faisait que quelques mois.

-Plein de fois on a rêvé que vous ou Daniele Ricci passe la porte du Dizzy Warhol quand on est en train de jouer.

Et finalement, c’est quand on était au comptoir que ça est arrivé. Comme quoi, la vie réserve bien des surprises. J’avais les yeux remplis d’étoiles en parlant au manager anglais.

Le jeune Duncan reconnaissait la qualité des groupes ayant signés pour MTI. Il cita même The Burning Fire ce qui m’empli d’une petite fierté. Malgré les changements qu’il y a eu dans mon groupe, le jeune homme les considérait toujours comme un cador de MTI. Nous pouvions dire qu’en plus, les nouvelles recrues de The Burning Fire avaient réussi à convaincre une grande partie des fans du groupe qui ne croyait pas en Nathan. A la surprise générale, il s’était avéré que le jeune Williams avait plus d’un tour dans son sac. Il l’avait prouvé lors du concert de reprise du groupe. Depuis, je n’avais plus aucune crainte quant à l’avenir de mon groupe phare.

-Il est vrai que MTI n’hésite pas à prendre des risques. C’est d’autant plus vrai quand on voit les actualités sur The Lightening. Ce groupe est imprévisible mais extrêmement talentueux. Cela valait donc le coup de prendre le risque afin de profiter de la musique qu’ils offrent.

Il était aussi évident que ce que pouvait faire The Lightening de mauvais était bien plus grave qu’une arrestation pour des propos contestataires devant une mairie. BleedingHeart n’avait donc aucune crainte à se faire.

Je pouvais capter les petits regards que s’envoyaient les membres de BleedingHeart. J’y voyais excitation et complicité. C’est ce genre de regard que j’avais vu dans les yeux des membres de The Burning Fire le jour où je les avais découverts, il y a de cela maintenant quelques années.

Avant d’aller plus loin avec BleedingHeart, je devais avant tout savoir si j’avais été le premier à avoir flairé leur talent. Il s’avéra que c’était le cas et, pour cause, ce jeune groupe ne faisait le tour des bars que depuis peu. Un large sourire de satisfaction fleurit sur mon visage. Ricci ne m’avait pas devancé bien trop occupé avec sa tournée. En parlant du loup, le jeune Duncan ainsi que ses amis avaient rêvé que moi ou l’Italien ne passe la porte lors d’un de leur concert. Mais qu’avait-il tous avec Ricci ? Il n’était pas le seul manager de talent qui existait à Los Angeles ! Beaucoup d’autre, moins visible, étaient peut-être bien plus efficace que ce coureur de jupon professionnel. Je cultivais une jalousie sans borne pour le manager de BSC et je priai pour que l’article que sortira Amon brisera sa carrière en deux.

-Parfois les choses arrivent au moment où on s’y attend le moins. Heureusement que vous n’êtes pas tombé sur Ricci, il choisit ses groupes par pulsion sans savoir s’il sera en mesure de tout gérer. Entre Roadtramp et Tiny Suicide vous auriez eu bien peu de place.

Il y avait une part de vérité dans mes dires. J’achevai le whisky que j’avais commandé et reportai mon attention sur Duncan.

-Je suppose que vous avez déjà pas mal de chanson ? Depuis combien de temps votre groupe existe ?

Je n’avais vraiment aucune idée de l’âge des hommes que j’avais en face de moi, ni depuis combien de temps BleedingHeart existait.

J’étais tout à faire d’accord avec Timmy Evans quand il parlait des prises de risque fructueuses de MTI. En fait, je commençais à vraiment  bien aimé ce manager. Il savait parler, mais il savait aussi écouter, ce qui n’était pas donné à tout le monde. Il avait la réputation d’être discret mais efficace et je commençais à comprendre pourquoi.

-C’est vrai que c’est difficile d’imaginer les stations de radio sans la musique de The Lightening.

Beaucoup de gens vivaient au rythme de leurs groupes préférés et The Lightening faisait maintenant partie des groupes les plus en vue des Etats-Unis. C’était donc pas facile de passer à côté de leur musique. Ils avaient un talent dingue mais loin de moi le fait d’être jaloux. Je savais que The Lightening et BleedingHeart ne faisait pas du tout le même style de musique.

En tout cas, MTI me semblait être une maison de disques faite pour nous. Je ne savais pas si c’était parce que Timmy vendait bien son produit, mais en tout cas, j’étais de plus en plus convaincu qu’il n’y avait pas mieux. Mais, n’allons pas trop vite, il ne fallait pas qu’on se voit déjà avec un contrat en main parce que ce n’était pas encore le cas du tout.

Le manager anglais enchaina les questions en nous demandant, d’abord, si on avait déjà été repéré par un autre manager que lui. Je lui répondis par la négative. On avait beaucoup de fois espéré que ça arrive. Je crois que c’était le cas de tous les groupes qui se produisaient dans les bars, tous espéraient voir débarquer quelqu’un comme Ricci ou Evans. C’est finalement arrivé pour nous, mais pas dans les conditions qu’on avait imaginé comme le disait si bien Timmy. Le manager constata aussi que c’était mieux qu’on ne soit pas tombé sur Ricci. D’après lui, le manager italien avait déjà pas mal de groupe et que s’il nous avait engagé on aurait eu du mal à faire notre trou. Ça avait une certaine logique mais je n’étais pas pour autant naïf, je savais qu’Evans était un rival de Ricci. Lui était le manager le plus efficace de MTI et l’Italien, en plus d’être chez BSC, était aussi connu pour être le meilleur manager de L.A.

-Peut-être bien… Mais s’il nous avait repérés et qu’il nous avait proposé un contrat, on aurait eu bien du mal de refuser. C’est quand même Ricci et c’est quand même un contrat…

Je jouais encore de ma franchise parce que je ne pouvais pas faire autrement. Le manager anglais me revenait bien, mais si Ricci avait été le premier on aurait eu beaucoup de mal de dire « non ».

Timmy Evans continuait de nous questionner et ça me faisait vraiment plaisir. Il était vraiment intéressé par notre groupe et ça se voyait. C’était super gratifiant.

-On en a quelques-unes… Plus d’une dizaine complètement achevée. On a commencé quand on était adolescent. On vient tous de Carson City dans le Nevada mais on est à Los Angeles que depuis un peu plus d’un an.

Evidemment, quand on est arrivé à Los Angeles on a fait la rencontre de Roxxy et elle est devenue chanteuse du groupe. Elle aurait tellement été heureuse de pouvoir partager le moment qu’on était en train de vivre avec nous.

-A quelques détails près, on est au complet…

Mes yeux auparavant remplis d’excitation affichait maintenant un peu de nostalgie. Evans devait savoir pour Roxxy, il devait tout savoir de notre groupe. Je préférais tout lui dire… C’était la moindre des choses. S’il souhaitait être notre manager, on ne devait pas avoir de secret pour lui. C’était comme ça que je voyais les choses.

Parlé au jeune Duncan était quelque chose de très sympathique. C’était un homme à l’écoute et attentif à chaque chose que je lui disais. Il était aussi sur la retenue même si ses expressions disaient qu’il était très heureux d’être en ma compagnie. Je pouvais voir les mêmes sur les visages de ses partenaires. Même s’ils essayaient de se retenir, leur joie se voyait comme le nez au milieu de la figure.

En tant que manager pour la maison de disques MTI, je me devais de faire taire la concurrence par toutes sortes d’arguments. Sachant très bien que nombreux étaient les jeunes groupes qui souhaitaient avoir Ricci comme manager et c’était donc la première concurrence à faire taire. Mes arguments étaient simples, je mettais en avant le fait que Ricci cumulait déjà deux groupes même si un seul avait été signé par BSC jusqu’ici. Pour moi, cet argument était suffisant car je savais que l’article d’Amon qui paraitra bientôt achèvera de convaincre BleedingHeart que l’Italien était loin d’être un bon choix pour une carrière saine et fructueuse. En toute franchise, le jeune homme avoua que si Ricci avait été le premier à leur offrir un contrat, il aurait signé tout de suite avec lui.

-Je le comprends tout à fait. Peu de groupes résistent à l’appel de Ricci. C’est un homme qui sait manier les médias et qui dispose de beaucoup d’influence. Toutefois, malgré ce qu’il essaye de faire croire, la perfection n’existe pas.

Je n’en rajoutai pas plus sur mon rival car je savais que bientôt plus rien ne serait pareil pour lui. Los Angeles comprendra bientôt quel homme il est réellement et qu’il n’est peut-être pas aussi compétent qu’il n’essaye de le faire croire.

Si le jeune Duncan était toujours aussi franc, il ne serait pas trop compliqué de lier un lien de confiance entre nous. Sans le savoir, le jeune homme gagnait des points rien que grâce à sa façon d’être qui me plaisait.

Nous en vîmes à un sujet important qui concernait uniquement le groupe BleedingHeart. Il était important pour moi d’avoir des informations sur la genèse du groupe. D’après le jeune homme, ils disposaient de quelques chansons et, à ma grande surprise, BleedingHeart n’était pas un groupe aussi jeune que je l’aurais imaginé. Il avait été conçu lors de l’adolescence des hommes que j’avais devant moi.

-Ceci explique la maturité que l’on entend dans vos chansons.

Nous pouvions entendre dans le son de BleedingHeart une certaine maitrise qui venait, je pouvais le constater, de leur expérience.

Je n’étais pas au bout de mes surprises car le jeune Duncan insinua que le groupe n’était pas au complet avec une pointe de nostalgie dans la voix. Je m’étais mis à regarder tous les membres du groupe mais il ne me semblait pas qu’il manque quelqu’un d’après la sonorité des instruments que j’avais entendu dans la demo qu’avait passé le barman.

-Que voulez-vous dire ? Vous me semblez au complet à moins que je me trompe.

Duncan allait certainement lever le voile sur mes interrogations. Je demandai un autre whisky au barman afin de pouvoir continuer la conversation avec le jeune Duncan tout en ayant quelque chose à déguster en même temps.

J’étais direct avec le manager et j’avais peur de l’être un peu trop parfois. C’était compréhensible qu’il ne me conseille pas Daniele Ricci vu qu’il s’agissait d’un rival mais je devais être franc en lui disant que signer avec une maison de disques était ce qu’on souhaitait le plus au monde et que donc peu important laquelle c’était. Donc si Ricci avait été le premier à nous découvrir, on aurait sauté sur l’occasion. C’était un honneur d’être repéré par celui qu’on nomme le meilleur manager de L.A. Timmy comprenais et je souris même s’il en profita pour encore pour démystifier le mythe qu’il y avait autour du manager italien.

-Si elle existait, le monde n’aurait pas les problèmes qu’il a.

Et BleedingHeart n’aurait aucune raison de crier des paroles contestataires. Je n’étais pas naïf au point de croire que Daniele Ricci était parfait, loin de là. J’étais un ami d’Evan Kurtz alors je savais que si le manager italien était parfait, Evan ne serait pas à l’endroit où il est aujourd’hui. Même si, d’après ce que je savais, c’était le destin qui avait détruit The Army.

Les questions de Timmy Evans se tournèrent vers notre groupe. L’origine de BleedingHeart l’intéressait ce qui me donnait l’impression qu’on était de plus en plus proche de notre but. Je lui racontai que BleedingHeart avait été conçu pendant notre adolescence ce qui remontait déjà à plus de 10 ans. Et d’après le manager, notre expérience s’entendait dans nos chansons ce qui me fit sourire d’un grand sourire sincère. C’est vrai qu’on a évolué dans note style mais qu’un manager l’entende à la première écoute c’était plutôt bon signe.

Evidemment, parler du groupe me fit penser à Roxxy et au fait qu’elle aurait été heureuse de vivre ce qu’on était en train de vivre. Je devais parler d’elle à Timmy, il devait tout savoir de nous et il devait donc savoir pour Roxxy. J’avais insinué qu’on était pas vraiment complet ce qui attira l’attention du manager. Je baissais le regard.

-Non, je me suis mal exprimé. On est au complet bien sûr mais…

Je marquais une pause relevant le regard vers Timmy qui s’était repris un whisky.

-Un peu après notre arrivée à L.A., on a fait la rencontre d’une jeune fille. Elle s’appelait Roxxy. Elle avait une voix magnifique. On s’est lié d’amitié avec elle et elle est devenue chanteuse de BleedingHeart en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Quand on était désespéré parce qu’on arrivait pas à percé, il suffisait que je l’entende chanter pour y croire encore. C’est avec elle qu’on a écrit nos meilleures chansons.

Roxxy avait fait évoluer notre groupe et lui donnait une qualité supérieure. Chose qu’on a essayé de garder après sa mort. Je baissais à nouveau le regard alors que ma voix tremblait maintenant un peu.

-Mais Roxxy était une fille qui n’a pas été chérie par la vie et qui en souffrait beaucoup. Elle s’est suicidée il y a quelques mois…

Je n’en dis pas plus et fini, après quelques secondes, par relever la tête pour croiser le regard du manager anglais.

-Je suis sûr qu’elle aurait été heureuse de vous rencontrer.

Un membre de mon groupe me tendit une bière avec un regard compatissant. On était comme ça chez BleedingHeart, on s’entraidait.

Je n’en voulais, bien entendu, pas à Duncan d’avoir caressé l’espoir de voir Ricci, un jour, passer la porte du Dizzy Warhol lorsqu’il s’y produisait. Le manager italien savait manier son image à la perfection. Il cachait ses défauts avec un écran de fleur lancé à lui-même. Beaucoup de jeunes groupes rêvaient de se faire engager par Ricci grâce à son image et à sa réputation.

Celle-là même que je comptais détruire très bientôt avec l’aide de mon Eileen et de mon meilleur ami, Amon Sørensen.

Le manager italien n’était pas parfait, tout comme ce monde. Sur ce point, nous étions d’accord le jeune chanteur et moi. Ceci nous conduisit à parler plus de BleedingHeart et de l’histoire de ce groupe plein de talent. Il ne s’agissait en rien d’un jeune groupe sur le départ mais bien d’un groupe qui disposait déjà d’une certaine maturité qu’on pouvait bien entendre dans leur musique. Quelque chose d’aboutit qui me plaisait. Plus nous parlions de BleedingHeart, plus le jeune Duncan se faisait nostalgique. Il disait que son groupe n’était pas au complet alors qu’il me semblait que c’était bien le cas. Mes questionnements poussèrent Duncan à s’ouvrir un peu plus et à m’expliquer sa pensée.

C’est attentivement que je l’écoutais buvant à intervalle presque régulier le whisky que j’avais commandé. Le groupe avait brièvement accueillis une jeune femme dans leur groupe qui disposait, elle aussi, d’un talent pour le chant. Duncan en parlait avec beaucoup d’émotion et je me penchais plus vers lui pour lui montrer que j’étais à l’écoute. Même si je n’arrivais pas vraiment à m’émouvoir pour quelqu’un que je ne connaissais pas, je savais faire semblant. Son histoire était triste et le suicide de cette jeune femme devait avoir fortement touché le groupe. Je n’avais jamais perdu de personne proche et je ne savais pas ce que ce sentiment provoquait.

Je restais à l’écoute quand le jeune Duncan conclu en disant qu’elle aurait était heureuse de me rencontrer.

-Je suis certain qu’elle avait un très grand talent. Je suis désolé de ne pas pouvoir l’entendre aujourd’hui. Vous êtes les seuls qui savent ce qu’était BleedingHeart avec elle. Je sais que votre musique peut être un hommage pour elle et qu’elle aurait été heureuse de vous voir vous épanouir à travers votre musique.

L’émotion dans la voix de Duncan me montrait qu’il n’était pas tout à fait remis de cette perte. C’était étrange, pour moi, qu’il se soit confié à une personne qu’il ne connaissait pas. Duncan et moi étions foncièrement différents.

-Vu que vous êtes ici et que vous faites des concerts, je suppose que cela signifie que vous avez réussi à aller de l’avant. C’est une très bonne chose car vous avez les qualités pour percer dans le monde impitoyable de la musique.

Je comptais voir BleedingHeart en concert pour me faire un avis plus complet de la musique qu’ils proposent.

-Quand se déroulera votre prochaine représentation ? Cela m’intéresserait d’être présent.

Je venais d’achever le seconde whisky et je n’en repris pas un supplémentaire. J’avais bu bien assez pour aujourd’hui.

L’histoire de Roxxy était bien plus complexe et bien plus longue que le résumé que je venais de faire à Timmy. Je préférais dire ce qu’elle avait fait pour le groupe et ce qu’elle représentait pour nous. Sans elle, nos musiques ne seraient pas ce qu’elles sont aujourd’hui. Elle a vraiment apporté sa patte au son de BleedingHeart et, même si elle n’est plus là aujourd’hui, elle réside encore dans l’âme du groupe.

Le manager de MTI m’avait écouté attentivement et il enchaina après en disant qu’il aurait été content de l’entendre chanter. Ce qu’il disait sur elle et sur nous me touchait beaucoup et ça prouvait qu’il m’avait écouté du début à la fin. Plus les minutes passaient et plus il me paraissait vraiment sympathique et professionnel. Les médias n’étaient pas toujours sympa avec lui, le qualifiant souvent de froid et disant. Je ne trouvais pas que c’était le cas, au contraire. Il n’était pas du genre à montrer ses émotions mais je ne le trouvais pas distant pour autant. Je souris au manager en approuvant ce qu’il disait.

-Je l’espère. Et j’espère qu’elle est heureuse de ce qu’on fait avec ce qu’elle a apporté au groupe.

Et j’espérais aussi qu’un jour, je pourrais repenser au passé avec elle sans pointe de tristesse et de regret. Parce que je n’arrivais toujours pas à penser à Roxxy sans penser au jour où on l’a retrouvé dans la baignoire.

Le manager anglais continua à parler en soulignant la fait qu’on avait réussi à aller de l’avant et que, d’après lui, on avait les qualités pour pouvoir percer dans le monde de la musique. Là, toute ma tristesse nostalgique s’évapora pour faire place à une joie immense. Un grand sourire s’afficha sur mon visage.

-Vous le croyez vraiment ? On travaille pour en tout cas, et on a de la chance d’avoir du soutien autour de nous.

Je pensais, bien sûr, à Jordan mais aussi à tous nos amis qu’on avait rencontrés depuis qu’on était à Los Angeles. Beaucoup nous avaient soutenus dans les bons moments comme dans les pires et c’était un peu grâce à eux si on était en face de Timmy Evans aujourd’hui.

Et mon cœur battait encore plus vite quand il avoua vouloir nous voir en concert. J’en perdais mes mots.

-Heu… Heu… C’est vrai ? Heu… On a un concert ici même le week-end prochain.

Génial !! Timmy Evans allait venir nous voir et c’était peut-être le début d’une grande aventure. J’en revenais vraiment pas ! J’étais pressé d’en parler à Jordan.

-Mais si vous êtes trop occupé, je peux vous donner les dates suivantes. On en a plusieurs de prévues pour les semaines à venir.

Je voulais être sûr qu’il vienne et pour ça, j’allais tout mettre en œuvre pour que ce soit possible.

Le jeune Duncan espérait que l’ancienne chanteuse du groupe soit fière de ce que BleedingHeart avait fait du groupe. Je ne pouvais en être convaincu car je ne connaissais pas cette fille. Ce que j’étais certain c’était que BleedingHeart devait désormais vivre sans elle et continuer car leur musique était plus qu’intéressante.

-J’en suis convaincu.

Je ne pouvais que renforcer Duncan dans ses croyances. Il devait se souvenir de cette jeune femme en des termes positifs mais ne pas se faire hanter par elle. Je ne pouvais pas faire signer un groupe où on sentirait dans chacun de leur concert le fantôme de cette Roxxy. Un souvenir peut être positif mais un fantôme peut avoir des retombées négatives. C’est dans cette optique que je sorti mon discours qui portait plus se le fait d’aller de l’avant. BleedingHeart me semblait affecter mais était sur le chemin de la guérison. C’est ainsi que je soulignai leurs qualités et que je jeune Duncan n’en revenait pas.

-Bien entendu que je le crois. Sinon, je ne serais pas ici en train de vous parler. Je suis un manager exigeant. C’est ce que les journaux disent.

Il était vrai que je ne contactais que les groupes de talent. Je ne m’arrêtais guère sur des choses non aboutie ou des groupes encore trop vert. Je m’arrêtais sur des groupes originaux dont la sonorité me plaisait. J’allais ensuite les rencontrer pour être certain de leurs motivations. Pour l’instant, celles de BleedingHeart étaient claires, ils voulaient percer dans le monde de la musique. C’est pour cela que j’avais très envie de les voir en concert pour la plus grande surprise du jeune Duncan.

Le groupe allait se produire le week-end prochain. Ils semblaient aussi avoir d’autres dates dans l’avenir.

-Je viendrais le week-end prochain, alors. C’est pour me faire une idée de ce que donne votre son en concert. Le Dizzy a de très bonnes installations et je crois que cela suffira pour vous voir en condition réelle. Si c’est concluant, nous pourrons parler contrat.

Je souris au jeune Duncan sans pour autant perdre mon sérieux. Ces petites rencontres avec les groupes étaient pour moi la même chose qu’un rendez-vous d’affaire.