J’avais vécu un rêve lors du concert de Roadtramp où j’avais fait office de roadie. Ça avait été la meilleure soirée de ma vie. Après cette belle soirée, le destin a à nouveau frappé The Lightening avec cette émeute qui avait fait trois morts. J’y étais et j’ai tout vu avec des nouveaux amis roadies que je m’étais fait lors du concert de Roadtramp. Je trainais presque tout le temps avec eux depuis. Ça me permettait de penser à autre chose qu’à mes problèmes et qu’au véritable but pour lequel j’étais ici en tournée. On avait tout vu et on était tous impuissant. J’avais vu des guerres de gangs avec des balles perdues, des morts et du sang mais ça c’était encore un autre type de violence. Je n’avais jamais vu un truc semblable. Des gens qui se marchent dessus alors qu’ils veulent tous survivre.

A ma grande surprise, cet évènement n’avait pas conduit The Lightening à annuler la tournée. Après l’émeute, on avait pris le chemin d’Indianapolis. J’avais suivi le convoi de bus dans la voiture d’Abel. Il ne voyageait pas en bus, il prenait toujours ça voiture. Il l’adorait, il m’en parlait souvent. Pendant tout le trajet, je n’avais fait qu’avoir des pensées négatives. Je devais absolument avoir Cash comme client avant de rentrer sinon, j’allais m’en prendre plein la gueule par mes anciens amis. Les quelques acteurs et autres musiciens de passages qui venaient pour venir voir les groupes et que je rencontrais dans les hôtels n’allaient pas être suffisant pour satisfaire mon gang. Seulement, je ne voulais pas aller vers Cash. Pas après ce qu’il venait de se passer à son concert. J’étais peut-être un dealer mais je n’étais pas ce genre de dealer. Je ne l’étais plus plutôt. C’est peut-être pour ça que je n’arrivais plus à rien. Pour dealer comme il faut, il ne faut aucune pitié pour ceux auquel tu vends. J’en avais un peu trop pour le guitariste surtout depuis sa crise cardiaque chez moi. Le Delfino calculateur et emmerdeur devait revenir si je voulais survivre et c’était ça qui était dur pour moi. Je devais choisir un chemin et j’étais encore devant deux routes. Je devais redevenir l’ancien Delfino et avoir une garantie sur ma survie ou bien rester celui que j’étais devenu et espérer survivre entourer de mes nouveaux amis.

A Indianapolis, on nous a annoncer qu’il y aurait un gala en hommage aux victimes ce soir. J’y étais invités car on me considérait presque comme un roadie ici. Je m’étais fondu dans le moule et tout le monde n’y avait vu que du feu. Avant ce grand évènement, je devais encore trouver des clients car, quitte à ne pas avoir Cash, je devais au moins pallier ça par de nouveaux contacts intéressants. L’hôtel était plein de personnes venues spécialement pour le gala. J’avais repéré un acteur connu d’Hollywood, Kyle Davis. Il avait joué avec Robin North quand les deux acteurs n’étaient encore que des enfants. Si North avait bien réussi à se faire un nom en temps d’adulte, Davis, lui, cumulaient les série B. Je m’étais approché de lui pour me présenter. Il y avait des codes verbaux et non verbaux pour montrer qu’on était dealer et Davis semblait les connaitre. La presse disait donc vrai quand ils affirmaient que Kyles Davis était tombé dans la drogue. On s’était mis un peu à l’écart des regards et on parlait tout bas. Il me demandait ce que j’avais à offrir.

-Je peux te faire la drogue moins chère. J’en ait de toute sorte mais en contrepartie, tu ne dois pas aller voir un autre dealer que moi. C’est le contrat. Sinon, tu peux dire adieu à la coke à bas prix.

Il accepta et je sortis la drogue de la poche intérieure de ma veste pour la lui donner le plus discrètement possible.

L’échange drogue-argent s’était fait en toute discrétion. Davis me susurra qu’il voulait que ses achats illégaux reste un secret car, si les journaux n’arrêtaient pas de dire qu’il était un accro, il jouait sur le bénéfice du doute pour tout nier en bloc. Je devais lui assurer qu’il n’y aurait pas de problèmes.

-Discrétion assurée. Rien ne paraitra dans la presse. Personne ne saura que tu as acheté quoi que ce soit ici.

Maintenant, s’il allait se promener complètement stone dans la rue ce n’était plus de mon ressort. S’il voulait être discret, il devait y mettre du sien aussi.

-Tu peux compter sur…

Je m’arrêtai subitement en entendant la voix d’une fille qui cria le nom de Cash. Kyle Davis et moi, on s’était retourné vers la tornade rousse qui était apparue devant nous. C’était la sœur de Billy Lighter, la journaliste qui s’était fait connaitre par l’article où elle affirmait qu’elle avait un lien familiale avec le chanteur de The Lightening.

Ce n’était pas le problème. Ici, j’en avais un autre. Une journaliste venait de voir mon échange avec Davis. L’acteur était surpris et pris de cours et, moi, je pris un air presque désespéré.

La sœur de Billy Lighter parlait déjà de scoop pour L.A.People.

-Non !!

J’étais désespéré mais mon ton était tranchant. Davis grommela, marmonnant que pour le côté discret, c’était raté. Je détestais qu’on me fasse faire de la mauvaise pub au client. Davis se retourna vers moi en me disant de régler le problème avant de s’en aller. Il ne voulait sûrement pas que d’autres personnes le voient ici. Avant de s’en aller il envoya un regard noir à Evelyn Fallen lui suggérant de ne rien dire à personne.

La journaliste me faisait face.

-Les dealers sur les tournées, c’est courant… Davis à raison, tu ferais mieux de ne rien dire à personne. Si ça devient public et que ton nom est en dessous de l’article, tu risques d’avoir des ennuis et ça ne sera pas avec l’agent de Kyle.

Si mon nom ou même ma photo vient apparaitre aux côtés de Davis dans un article de L.A.People, je pouvais dire adieu à la vie. Je pris un air un peu menaçant pour essayer que la jeune fille se méfie.

-C’est d’ailleurs pour ça que les noms de dealers ainsi que leur photo ne paraissent jamais nulle part ! Ne fait pas cette erreur-là, je te le conseille !

Je devais assurer qu’Evelyn ne dira rien à personne. J’étais déjà presque sûr que j’avais perdu un client à cause de ça. Davis ne me fera plus confiance.

Evelyn n’avait pas peur des mises en garde. Je ne savais pas quoi faire pour garder cet échange secret maintenant qu’elle savait tout. Lui dire qu’elle risquait des ennuis ne lui faisait pas peur. C’était comme un défi pour elle. Elle ne savait pas dans quoi elle mettait les pieds. Les Los Diablos ne rigolent pas quand il y a une fuite. Il la comble directement. Evelyn risquait de nous mettre en danger tous les deux.

-Ne t’entraine pas là-dedans.

Elle était naïve de croire que tout ça n’était qu’un jeu. Le trafic de drogue n’est pas un jeu. C’est quelque chose de dangereux. Evelyn était peut-être la sœur de Billy Lighter, ça ne la rendait pas invincible. Je cherchais à être menaçant mais mes années à être barman m’avait plus adouci qu’endurci. J’étais plus impressionnant et plus vicieux il y a quelques années. Je lui conseillais de ne pas faire l’erreur de divulguer l’information. Ça lui donna juste envie de le faire plutôt de de l’en dissuader.

-C’est pas vrai…

Elle était têtue comme une mule. Ce n’était pas possible d’être aussi inconsciente. Je ne voulais pas être responsable de la mort d’une jeune femme qui, en plus, était la sœur d’un de mes chanteurs préférés. Elle s’était présentée. Je lui avais serré la main après un petit temps de réflexion.

-Miguel Velez.

Je n’allais pas donner mon véritable nom à une journaliste qui venait de me faire bien comprendre qu’elle allait faire un article sur ce qu’elle venait de voir. Ça reviendrait à peindre une cible sur ma propre tête.

-Tu es la demi-sœur de Billy Lighter. J’ai lu ton article dans L.A.People. Je suis fan de The Lightening. Je n’aimerais pas qu’un la sœur de Billy se fasse menacer de mort parce qu’elle a révélé des informations sensibles dans un magazine… Je t’assure que mes supérieurs ne sont pas des enfants de cœur. Ne mets pas ta vie en danger pour avoir un petit scoop sur Kyle Davis. Tout le monde sait qu’il se drogue même s’il nie tout.

Je ferais tout mon possible pour dissuader Evelyn de faire ça. J’avais croisé les bras. Elle souriait beaucoup plus que son frère mais avait les mêmes cheveux flamboyants. Je n’avais pas d’autres arguments que sa vie pour lui faire changer d’avis.

-En parlant de The Lightening. Ils vont bien ?

Je m’étais adouci encore un peu. Je n’arrivais vraiment plus à être une racaille comme je l’étais avant. The Lightening avait subi une émeute et je trouvais étonnant qu’on continue la tournée quand même. C’est pour ça que la question était sortie toute seule de ma bouche.

La demi-sœur de Billy Lighter était une vraie têtue. Elle n’était pas impressionnée par mes menaces. En mon temps, quand j’étais un petit caïd de l’Eastside, je ne me faisais jamais marché sur la tête par une gamine. Je n’étais plus un caïd et ça avait des répercussions sur mon travail de dealer. Je gardais, quand même, quelques automatismes comme donner un faux nom pour me présenter. Evelyn marqua l’effort d’avoir trouvé un nom qui s’accordait bien avec ce que j’étais. Je me serais appelé Robert White, ça aurait sûrement fait grand bruit.

La sœur du chanteur de The Lightening n’avait pas froid aux yeux. Je risquais gros si elle allait raconter ce qu’elle venait de voir. C’était même ma vie qui était en jeu. Mes tentatives pour l’en dissuader n’avait menée à rien. Elle ne faisait que rire et faire des réflexions humoristiques. C’était pourtant, sa vie et la mienne qui étaient en jeu.

-Une bonne chanson qui pourrait finir très mal si tu divulgues ce qu’il ne faut pas. Ni toi, ni moi ne la chanteront si tu fais ça.

J’étais sérieux. Cette fille n’allait quand même pas risquer nos vies pour un article ? Je laissais son bon sens en décider. Je n’avais pas d’autres arguments et je ne voulais pas utiliser la force. J’avais assez fait de menace et assez tabasser de gens dans ma vie pour en être dégoûter jusqu’à la fin de mes jours.

J’abandonnais, pour le moment, mes arguments pour avoir des nouvelles de The Lightening. C’était de loin mon groupe préféré et ce qui était arrivé au dernier concert avait été effrayant. Je connaissais Cash et j’avais eu une démonstration de qui était Billy à l’hôpital. Je savais que cet évènement devait les toucher. Evelyn, qui était pourtant la demi-sœur de Lighter, ne les avait pas revus depuis. Je fis une mine dépitée.

-Je comprendrais qu’ils annulent les prochains concerts. Ça ne doit pas être facile de se remettre d’un évènement comme celui-là. Ils ont déjà beaucoup de courage d’envisager continuer.

Je serais triste de ne pas pouvoir continuer la tournée après tout ce que j’avais vécu mais je comprendrais si ça vient à finir plus tôt que prévu.

-J’espère qu’ils s’en remettront vite…

Ça ne réglait pas mon petit problème avec la sœur de Lighter. Je n’avais pas encore la conscience tranquille et elle ne m’aidait pas avec ses sourires.

-Tu m’as l’air d’être une fille très bien. Je voudrais juste que tu me promettes de ne rien dire. Il n’y a pas que ta vie qui risquerait d’être en danger, il y a la mienne aussi. Je n’ai pas d’autres choix que de faire ce que je fais et si on apprend que je n’ai pas fait assez attention, je suis mort. Je ne peux pas faire autrement pour le moment.

Elle avait déjà vu que je vendais. Je n’allais pas lui cacher que je faisais ça à contre cœur quand tous mes autres arguments étaient tombés à l’eau.

La demi-sœur de Billy Lighter n’était pas en manque de répliques. Chaque fois que j’essayais d’être sérieux pour lui montrer que cette histoire de vente de drogue n’était pas une blague et que ça pouvait être dangereux pour nous deux, elle tournait ça à la rigolade.

Je ne peux rien faire pour être sûr qu’elle ne dira rien de ce qu’elle a vu, j’en profite, donc, pour prendre des nouvelles de The Lightening. Evelyn, même si elle était proche de Billy Lighter, n’en avait pas beaucoup. Ce n’est qu’en parlant du groupe de son frère que j’avais pu voir un peu de sérieux dans le chef d’Evelyn. Au moins, si elle s’en fichait de se mettre en danger, elle avait de la compassion pour la mort des autres.

Elle pourrait, alors, en avoir pour moi qui risquais gros si j’étais catalogué de dealer par les journaux. Los Diablos ne laisseront pas une branche pourrie sur l’arbre. Ils la couperont. Evelyn était en danger, elle aussi, si des noms étaient révélés. Je devais avoir sa parole que rien ne sera dit. Je ne voulais pas voir mon nom dans les journaux quand j’allais rentrer. Alonso ne laissera pas passer ça et je ne voulais pas mourir de sa main.

Evelyn n’avait pas réfléchi. Elle avait fait son choix et m’avait retourné vers le mien. Je n’avais pas choisi d’être dealer et de faire ce que je faisais aujourd’hui. C’était facile pour les autres de parler et de dire que je pourrais faire autre chose. J’avais essayé mais la pression des gangs est telle que s’en sortir est aussi compliqué que de trouvé de la pluie dans le désert.

-C’est plus complexe que ça en a l’air. Je te l’ai dit, on n’a pas toujours le choix.

La sœur de Billy Lighter ne publiera rien si je lui promettais de ne plus dealer. Je pouvais éviter de le faire devant elle. Une fois parti de cette tournée, je ne serais plus dans le collimateur d’Evelyn. Je serais dans l’Eastside, un endroit où ne résidait certainement pas la petite sœur de Billy Lighter.

-C’est d’accord. J’accepte ce deal.

Je n’en ai pas le choix.

Je n’ai plus rien à dire à Evelyn. Je dois, maintenant, aller ranger ma marchandise dans ma chambre d’hôtel pour éviter qu’on me prenne avec.

-Je dois y aller. Je n’ai pas envie que quelqu’un d’autre me prenne avec autant de marchandises sur moi. Je suis content de t’avoir rencontré, malgré tout.

J’aurais préféré que ça soit dans d’autres circonstances.