J'étais de retour à L.A. depuis quelques jours... En fait, j'avais repris l'avion le lendemain du gala en hommage aux victimes du mouvement de foule. Mais pas de mon propre gré. En effet, mon émission au lendemain du drame avait été entendue... Et bien entendue, par le boss de L.A.ROCKS. J'avais participé au gala et le lendemain, alors que j'étais encore endormi dans le lit de ma chambre d'hôtel, le téléphone avait sonné sur la table de nuit. J'avais décroché et répondu d'une voix pâteuse, me demandant qui pouvait bien m'appeler à l'hôtel à cette heure-là. Ma mère attendait en générale l'après midi pour essayer de me joindre, sachant que la vie que je menais, surtout sur une tournée, était un peu décalée au niveau des horaires.

Mais je n'étais pas resté dans le gaz longtemps. L'accueil m'annonça un appel venant des bureaux de la station radio et je lui demandai de me le transférer. Jusque là, j'étais toujours à moitié en train de dormir, remontant les couvertures sur moi, en attendant que la musique laisse place à une voix, le cornet contre mon oreille. J'étais limite à me rendormir quand la voix de mon boss retenti à l'autre bout du fil...

-Jake. Tu rentres à L.A., maintenant.

Je fronçai les sourcils, les yeux fermés, me demandant ce qui pouvait bien se passer...

-Quoi ?...

Soupir sur la côte Ouest...

-Tu RENTRES. MAIN-TE-NANT. Tu te démerdes comme tu veux, on te remboursera si tu prends l'avion. Mais cette fois-ci, tu as dépassé les bornes, Snyder.

Sur le temps qu'il dise ça, j'avais eu le temps d'ouvrir grand les yeux, de m'asseoir dans mon lit et de serrer les dents. J'avais pas besoin qu'il m'explique pourquoi, j'étais pas le genre à jouer les innocents. Mais, comme si j'avais posé la question, il continua.

-T'es un agressif, on le sait, c'est ce qui fait que les auditeurs t'aiment ou ne t'aiment pas. Mais t'attaquer directement à eux ?! Tu as pété un plomb, gamin!

Je soupirai, ouvrit la bouche pour parler, mais n'eut pas le temps de dire quoi que ce soit.

-N'oublie jamais que tu représentes L.A. ROCKS, comme tous nos journalistes. Or, nous ne cautionnons pas ce que tu as dit dans ton émission d'hier. Tu rentres. Si tu n'es pas dans mon bureau demain avant 17:00, tu es viré. Charly et Jimmy restent là. Un autre journaliste prendra le relais de la tournée.

Et il raccrocha direct, sans que j'aie eu le temps de dire quoi que ce soit. Et pourtant, j'en aurais eu des choses à dire ! L.A. ROCKS pratiquait la censure maintenant ? On n'était plus dans un pays libre ? J'aurais dû dire quoi ? « Bien joué les gars » ? Ou bien : « On a juste pas eu de bol » ?

Putain !

Mais j'avais beau être aussi furax que je voulais, je n'avais quand même pas le choix... Où est-ce que je pourrais trouver une place aussi intéressante que celle que j'avais déjà ?

J'étais donc rentré à L.A. par le premier avion et était allé voir mon boss bien des heures avant l'échéance prévue. Ça avait fusé dans tous les sens, pour finir sur un match nul, mon boss me donnant un blâme pour manque d'éthique... Mais je gardais ma place et j'avais quand même gueulé. Mais à mon avis, il préférait que je le fasse dans son bureau plutôt qu'à l'antenne.

Et je gardais ma place.

Au final, je n'avais pas manqué grand chose car trois ou quatre jour plus tard, staff et musiciens de la tournée The Lightening/Roadtramp 1981-1982 revenaient à L.A. eux aussi. La tournée avait été annulée pour différentes raisons, apparemment, mais le mouvement de foule restait la plus légitime de toutes ces raisons. Ça avait choqué tout le monde.

Je me retrouvais donc dans les studios de MTI car j'avais appris que Timmy Evans, entre temps, avait décidé de prendre sous son aile le groupe BleedingHeart qui, apparemment, n'était pas si nouveau que ça, mais s'était enfin fait repéré. Je connaissais Timmy Evans. On s'était déjà entraidés, en son temps... Et j'avais fait des recherche sur BleedingHeart après qu'une auditrice m'en ait parlé lors de mon émission interactive pendant la tournée.

Soit, tout ça pour dire que j'étais à la recherche du manager. S'il avait déjà des démos, je pourrais peut-être en obtenir au moins une. Cela lui servirait, et à moi aussi.  

Un petit groupe punk, contestataire, qui avait été arrêté il y avait quelque mois, d'après L.A. People. C'était exactement ce qu'il me fallait.

J'arpentais donc les couloirs des studios, ma clope en bouche... Je croisai une jeune femme blonde avec un appareil photo énorme qui pendait à son cou et l'attrapai par le bras un peu brutalement, mais elle allait passer à côté de moi sans me voir parce qu'elle était concentrée sur son engin.

-Salut ! Où je peux trouver Timmy Evans?

Je pris ma carte de presse qui pendait autour de mon cou et lui montrai...

-Je suis journaliste pour L.A. ROCKS.

Bon, je l'avais accrochée un peu brutalement et je ne m'en rendais compte qu'après, mais la jeune femme ne semblait pas m'en tenir rigueur, malgré son air surpris. Peut-être que le boss avait pas tout à fait tort et que je devais apprendre à me calmer, à prendre un peu de recul sur mes objectif pour apprendre un tout petit peu de diplomatie...

Mais c'était pas gagné. Cependant, le regard de la jeune femme blonde eu au moins ça de bon que j'en prenais conscience, même si ça ne durait qu'une seconde. Et ça ne dura qu'une seconde, quand elle m'apprit que Timmy Evans n'était pas dans le coin. 'Tain... J'avais traversé tous L.A. en bagnole pour trouver le manager et je repartirais bredouille... Et surtout, j'avais pas envie d'aller au bureau de L.A. ROCKS, je savais d'avance que j'allais m'y énerver... Et j'avais déjà assez mal aux dents comme ça.

Je soupirai et toute la fumée que j'avais dans les poumon ressorti par mon nez et ma bouche.

-Et merde... Chier...

J'avais lâché la jeune fille qui s'était détachée de mon emprise, ce qui m'avait ramené à la réalité. Ou tout du moins, au moment présent. Je passai une main dans mes cheveux et pris ma clope entre mes doigts. La jeune femme voulait bien faire passer un message au manager.

Au moins quelqu'un de sympa... Elle disait travailler pour Evans, justement... Un peu de chance dans mon malheur.

-Désolé... J'ai été un peu brusque...

Je lui offris un sourire qui trahissait que je m'en voulais un peu pour ma nervosité maladive, pour le coup. Tout ça parce que malgré le fait que j'aie été agressif au premier abord, elle avait quand même choisi de m'aider comme elle pouvait.

-Ouais, si vous voulez bien... Ce serait vraiment gentil de votre part. Timmy Evans est une connaissance et j'aurais voulu savoir si ça l'intéresserait de faire passer son nouveau groupe, BleedingHeart, sur L.A. ROCKS comme on l'a fait pour The Burning Fire en son temps.

Je marquai une pause, réfléchissant à si j'avais oublié quelque chose avant de continuer, replantant ma cigarette entre mes lèvres.

-Ah... Je sais pas s'il a encore mon numéro de téléphone alors...

Je pris mon portefeuille dans la poche arrière de mon jeans et en sortis une carte aux couleurs de L.A. ROCKS avec toutes mes coordonnées dessus. Je la tendis à la jeune femme. Dessus, il n'était pas marqué « Jacob Snyder » mais « Jake »... J'avais pas eu le choix pour ma carte de presse par contre.

-Si vous pouviez lui faire parvenir ça, je vous revaudrai ça... Merci à vous.

J'étais en train de me rendre compte que j'avais certainement devant moi la jeune photographe que certains tabloïds désignaient comme étant la petite amie d'Evans. Mais je ne posai pas la question... C'était leur vie privée et je n'avais rien d'un journaliste people. Mais n'empêche que si c'était le cas, l'anglais avait bien de la chance parce que cette fille était sacrément indulgente.

J'arrivai à la fin de ma clope et gardai le mégot en main en attendant qu'il s'éteigne de lui-même jusqu'à ce que je trouve un foutu cendrier. On serait dehors, pas de problème, mais dans les couloirs du studio, ça le faisait pas de le jeter par terre.

-Vous sauriez où je pourrais trouver du café ici ? Faut que je retraverse tout L.A. et c'est l'heure de pointe... Je vous en offre un, tiens, pour la peine... Si vous avez le temps.

Je souris gentiment, autant que ça m'était possible du moins... Ouais, j'allais pas me retaper les embouteillage, ça allait encore me foutre en rogne... Je préférais attendre ici que ça se calme.

La jeune femme, que je pensais bien être la fameuse Eileen dont on pouvait entendre parler si on tendait l'oreille au bon moment au bon endroit, me confirma qu'elle ferait passer le message. En espérant que je pourrais lui faire confiance. De toute façon, si je n'avais pas de nouvelle d'Evans incessamment sous peu, je débarquerait à nouveau ici. J'aurais pu lui téléphoner, mais je préférais le voir en face.

N'empêche qu'elle me faciliterait un peu le travail si elle tenait sa promesse...

-Merci...

Je lui avais ensuite demandé, à moitié pour me faire pardonner, où il y avait du café en l'invitant à en prendre un. Je ne savais pas vraiment si ma compagnie était un cadeau, mais elle semblait s'emmerder un peu, toute seule avec son gros appareil. Elle avait soupiré en chipotant à nouveau à sa machine, l'air déçue par quelque chose.

Elle m'informa ensuite, toujours souriante, où se trouvait la meilleure machine... Sans pour autant accepter l'invitation, mais bon... Si elle voulait pas, c'était son droit. Je comprendrais, je l'avais quand même un peu brusquée d'emblée, alors... C'était ma faute... Même si elle m'avait avoué avoir tout son temps, ce qui pouvait vouloir dire qu'elle allait resté un peu avec moi...

Et si elle le faisait pas, j'avais quand même l'habitude d'être tout seul...

Je lui souris en retour.

-Ok, va pour cette machine-là alors...

Je me décidai alors à me présenter en bonne et due forme parce que je me rendais compte qu'à part dire que j'étais journaliste pour L.A. ROCKS et lui foutre ma carte sous le nez, j'avais pas vraiment fait ça bien...

Je lui tendis donc la main.

-Jake Snyder...

Et comme j'étais pas du genre hypocrite...

-Et vous êtes Eileen Kramer... Ou je suis à côté de la plaque ?

Si je n'avais pas su son nom, je ne l'aurais pas fait style « et vous êtes la petite amie d'Evans »... Non, ça, ce n'était pas respectueux et ça aurait été donner du crédit aux journalistes people et aux potins de roadies.

Puis, je fronçai les sourcils...

-Je crois qu'on doit s'être croisés sur la tournée, non ?

Maintenant que mon problème « Evans » était plus ou moins réglé, la jeune femme m'ayant promis de lui donner mes coordonnées, j'étais un peu plus détendu et, du coup, un peu moins agressif. Ce qui devait être reposant autant pour moi que pour les gens autour, dont la jeune Eileen... D'autant que je ne doutais pas que le manager me recontacterait. On s'était entraidés au début de The Burning Fire, il n'y avait pas de raison qu'on ne fasse pas la même choses avec les punk de BleedingHeart. Et même si c'était un refus, je connaissais asse bien le manager pour que ce soit fait avec toute la politesse et le respect du monde.

Pas étonnant que le manager ait séduit une aussi jolie jeune femme que celle qui se tenait devant moi maintenant. Enfin, je lui avais quand même demandé, en gros, de me confirmer qu'elle était bien celle que je pensais, ce qu'elle fit en rigolant. Et je rigolai avec elle quand elle dit qu'à la longue elle allait penser qu'elle était une star.

-A Los Angeles, tout est possible... Si en plus des contacts que vous avez, vous avez un tant soit peu de talent en photographie, ça va pas mettre longtemps avant que ce ne soit le cas.

Elle était déjà connue pour être la petite-amie d'un des plus grands managers de MTI... Si elle arrivait maintenant à faire valoriser ses clichés, à les mettre en avant, elle pouvait très bien devenir une véritable star mais surtout, une artiste reconnue dans ce qu'elle faisait.

Je haussai les épaules en lui souriant.

-Le tout, c'est de croire en vous et en votre talent.

Elle affirma qu'elle ne se rappelait pas de m'avoir croisé sur la tournée et je rigolai de plus belle, tout en nous dirigeant, suite à son invitation, en direction de la machine à café du personnel.

-Normal que vous ne m'ayez pas vu... Vous avez le nez tout le temps fourré dans les réglages de votre appareil photo...

Je ne disais pas ça sur un ton de reproche, mais sur un ton amusé. Et puis, c'était la preuve que moi, je l'avais bel et bien vue sur la tournée.

Parlant de la tournée, ça me rappelait qu'il faudrait aussi que je trouve le moyen d'entrer en contact avec Evelyn Fallen à qui j'avais proposé, un jour, d'aller boire un verre et de parler journalisme...

On arriva à proximité de la machine et je sortis mon portefeuille de ma poche arrière... La jeune femme me demanda ce que je voulais comme café...

-Noir, avec beaucoup de sucre... Mais attendez, c'est moi qui offre ! Ce sera une consolation parce que j'ai été un peu brusque avec vous et j'en suis désolé, c'était pas très poli... J'ai l'habitude d'être un peu nerveux...

Je passai gentiment devant elle, de ma monnaie en main, que j'insérai dans la machine...

-Vous, vous voulez quoi ?

Quand elle me dit quel type de café elle voulait, j'appuyai sur le bon bouton puis me servis à mon tour en recommençant l'opération.

Quand elle m'invita à m'asseoir, j'obtempérai, repérant un cendrier sur la table, je tendis le bras pour l'attraper et le rapprocher de moi. Je pris une gorgée de café avant de m'allumer une clope et de tendre le paquet vers la jeune femme.

-Cigarette ?

Alors qu'on était arrivés dans la salle de repos des studios, la jeune femme avait dit, et ce n'était pas faux, que faute de se voir pendant les concerts, lorsqu'elle travaillait, on aurait pu se voir lors d’événements annexes. Ouais, il y avait eu notamment le gala en hommage aux victimes de l’émeute... J'y étais bien sûr allé, et j'y avais notamment brièvement croisé Axel Moriarty, juste le temps de se saluer. Puis, le reste de la soirée, je l'avais passé à observer tout ce bordel depuis un coin de la salle duquel je n'avais pratiquement pas bougé.

-Ouais... Je suis allé à une ou deux soirées sur la tournée seulement... On va dire que j'aime pas trop ça...

Ce n'était pas faute de faire des efforts, d'essayer de m'immerger dans ce genre de soirée plein de foule... Mais je détestais ça. Et je n'allais pas forcément parler avec les gens autour de moi. Si je voulais une interview avec un groupe ou quelqu'un en particulier, je ne procédais pas en les abordant pendant des soirées ou des concerts comme le faisaient nombre de journalistes. Non. Je procédait comme je l'avais fait aujourd'hui pour Timmy Evans, en leur demandant s'ils avaient un peu de temps pour moi.

J'étais tout, sauf intrusif. Ce que je ne voulais pas qu'on me fasse, je ne le faisais pas aux autres... Sauf dans les cas où c'est moi ou l'autre, mais fallait avouer que ça arrivait rarement. Je n'avais encore tué personne, après tout...

On s'installa, une tasse de café chacun dans les mains... Je lui avais proposé une clope qu'elle avait refusé...

-Vous avez raison... C'est mieux de jamais commencer.

Je posai le paquet sur la table, à portée de main, avant de prendre ma clope dans une main et de prendre une gorgée de café avant de remettre ma clope en bouche. Ce qui ne me posait aucun problème pour parler.

Elle me demanda ce que j'avais pensé de la tournée, faute, apparemment d'avoir énormément d'avis extérieur à MTI. Normal, elle bossait et elle vivait MTI à travers Evans.

Je soufflai une bouffée de fumée avant de la regarder droit dans les yeux. J'aimais dire ce que je pensais, surtout quand je savais aller droit au but, ce que je fis.

-La chose la plus importante qu'on peut tirer de cette tournée selon moi ?

Je marquai une pause, pas parce que je cherchais mes mots, mais parce que ce silence allait appuyer ce qui suivait. Gérer les silence était important pour un journaliste radio, et je le faisais maintenant inconsciemment même quand j'avais la personne en face de moi.

-The Lightening est un groupe intense, bourré de talent, parce qu'ils vivent à fleur de peau.

Chose que à laquelle je ne pouvais que m'identifier, d'où le fait que j'adorais vraiment le groupe de Lighter et Izbel.

-Mais la grande majorité de ceux qui se disent « fans » n'ont rien compris.

C'était ce qui avait mené à l'émeute. Le manque de reconnaissance de ce public agressif, ainsi que son incompréhension du mode de fonctionnement de Lighter.

-Ils veulent tout, mais ils ne donnent rien.

Je retrouvai un petit sourire et replantai ma clope dans ma bouche.

-A vous maintenant. La tournée, en une phrase ? Un mot ?

Il semblait que, comme moi, la jeune Eileen n'était pas habituée à tout ce strass qui entourait une tournée de grands groupes. Elle avait une excuse. D'après ce que j'en savais, elle n'était pas dans le circuit depuis longtemps et son accent anglais prononcé, non encore contaminé par l'accent américain, en témoignait pour elle.

Moi, je n'avais pas d'excuse. J'étais journaliste radio depuis quelques années déjà et j'avais suivi quelques tournées. Le truc, c'était que je ne m'étais jamais résolu à m'y habituer. Je n'oubliais jamais d'où je venais. Et je venais de loin.

Elle disait qu'elle allait pourtant devoir assister à de plus en plus de soirée de ce genre et autres galas. C'est clair qu'en tant que photographe pour MTI et petite amie d'un des manager de L.A. les plus renommés, elle n'allait pas pouvoir y échapper à tous les coups.

Je lui souris gentiment.

-Je compatis.

Bien que les soirées au pub ou autre café, je n'aimais pas ça non plus. Une fois sur trois, ça risquait de se terminer en bagarre, que je sois impliqué dedans ou pas...

La conversation avait ensuite tourné autour de nos impressions sur la tournée. Je lui avais donné la mienne, concise. Et si je lui avais demandé de faire de même, elle n'avait pas autant d'esprit de synthèse semblait-il. Mais je devais essayer d'arrêter d'exiger des autres ce que j'exigeais de moi-même. Ma mère arrêtait pas de me le dire.

Alors, je me contentai de l'écouter attentivement en sirotant mon café qui faisait du bien. Je n'avais vraiment pas envie de retourner m'emballer dans les embouteillages.

Elle disait être d'accord avec moi, concernant les concerts de The Lightening et leur public particulièrement violent. Elle devait même avoir été légèrement traumatisée car elle avoua ne pas désirer y retourner tout de suite.

-En espérant que le boulot ne vous y force pas... Mais vous êtes photographe attitrée de The Burning Fire. S'ils ressortent un album bientôt, ce seront eux qui partiront en tournée et leur public est bien différent de celui de The Lightening.

Celui que je connaissais, tout du moins. Restait à voir comment se comporterait les fans de la nouvelle version du groupe.

-Faut dire que The Burning Fire est moins contestataire que The Lightening.

Mais apparemment, je n'étais pas le seul à n'avoir vu que le négatif de la tournée. La jeune femme était sidérée par la bagarre pour le pouvoir qu'elle avait pu y voir. Et ça, ça ne venait pas des groupe. Roadtramp n'en était qu'au tout début de leur carrière et avaient encore une humilité à toute épreuve. Et, si The Lightening avait déjà quelques années d'existence derrière lui, ce groupe ne faisait pas tellement preuve d'arrogance même si chacun des membres était spécial à sa façon, ce que j'appréciais beaucoup chez eux.

Non, c'était des maisons de disque et des managers qu'elle avait l'air de parler. Je soupirai, soufflant en même temps la fumée de ma cigarette.

-Fallait pas s'étonner. Cette tournée n'avait rien d'un véritable partenariat. C'était une compétition camouflée...

Elle ne voulait pas devenir comme ça.

Je terminai mon café et me levai pour aller jeter mon gobelet dans une poubelle à côté de la machine.

-Si vous ne voulez pas le devenir, vous ne le deviendrai pas...

Je fis une moue, ne croyant qu'à moitié à mes propre paroles.

-A moins que ce ne soit L.A. qui décide.

J'avais entendu plusieurs fois Cash Izbel parler de L.A. comme si la ville avait sa volonté propre. Et si le guitariste la vénérait, moi, je m'en méfiais, comme d'à peu près tout ce qui respire.

Je finis par hausser les épaules.

-Bon... Va falloir que j'y aille...

Je tendis la main à la jeune femme, pour en prendre congé.

-Je suis désolé de vous avoir abordé de la sorte et d'avoir pris de votre temps. Et je vous remercie d'avance pour le message que vous allez passer à Evans...

Je lui serrai la main.

-Je suppose qu'on se reverra à l'occasion...

L.A. n'était pas grand. Le monde du rock encore moins.

-Je vous ferez lever le nez de votre appareil, la prochaine fois... Mais plus en douceur.