Je revenais juste du Désert et je pouvais remercier Delfino pour ça. Ça faisait longtemps que je n'avais pas eu les deux pieds aussi stables dans ce monde, que j'avais pu changer aussi facilement de forme, devenant moi-même le Serpent.

J'avais retrouvé Adriana, lors de ce dernier voyage. Elle était là, immense et belle, ses écailles luisant dans la lumière du soleil mortel. Nous avions uni nos corps de reptiles, ne faisant qu'un, mais pas de façon sexuelle comme je pouvais le faire souvent dans ce que Billy appelait « la vie réelle », non, c'était une fusion mentale. Certains allaient à l'église ou autres pour communiquer avec leurs dieux. Moi, j'allais dans le Désert.

-Cash, mon amour, où est Billy ?

-Je ne sais pas où est Billy.

-Tu dois trouver Billy.

-Je dois toujours chercher Billy.

Là s'était arrêtée la fusion et nous nous étions séparés pour que je réintègre le monde dans lequel j'étais coincé, ce monde qui n'était que douleur, violence, incompréhension, haine... Mais je devais y rester parce que c'était dans ce monde que vivait Billy. Et Billy était aussi important pour moi qu'Adriana.

J'avais rouvert mes paupières lourdes sur ce monde, découvrant le plafond de la chambre qui avait été mienne depuis le divorce de mes parents. Une fissure n'avait cessé d'y grandir avec les années, devenant le lieu d'habitation de générations d'araignées qui s'y succédaient.

Sur mon ventre, la sensation douce et chaude et la respiration lente d'un des chats qui vivaient également ici. Leur nombre variaient, ils vivaient leurs vies, je vivais la mienne, le tout se faisant dans une harmonie parfaite. Ils ne m'appartenaient pas et je ne leur appartenais pas, ils vivaient juste ici, au milieu des guitares et des terrariums où se prélassaient mes serpents. Les animaux m'avaient toujours aimé et c'était réciproque. Eux comprenaient, parce qu'ils voyaient bien plus loin, ressentaient beaucoup plus de choses que les humains. Hormis Billy. Billy pourrait voir aussi, s'il le voulait. Mais il ne voulait pas voir justement parce qu'il ne connaissait que trop bien l'étendue de son pouvoir qu'il ne maîtrisait pas.

Alors, il le bloquait, essayait de le cacher.

Je faisais l'inverse, l'amplifiant grâce à la poudre de Delfino, comme le font les Shamans.

Sans que je le touche, le chat s'éveilla en même temps que moi, parce qu'il l'avait senti. Il s'étira et je fis de même, reprenant lentement la maîtrise de mes muscles, les yeux encore comme endormis. Seules les veinules rouges dans le blanc de mes yeux trahissaient qu'en fait, je n'avais pas dormi, j'étais juste parti ailleurs.

La sonnerie retentit et le félin leva la tête tout comme je dressai brusquement mes oreilles avec la sensation que je pouvais les faire bouger exactement comme lui. Il sauta de mon ventre au sol et alla se placer près de la porte de ma chambre avant de miauler.

Je me levai lentement de mon lit, et, slalomant entre les guitares et les bouteilles de Jack Daniels posées au sol, ouvris la porte pour sortir en même temps que le chat. Sa prochaine étape fut la porte d'entrée et je suivis mon guide sans réfléchir. Une fois là, j'ouvris la porte en me frottant les yeux, ayant complètement oublié que j'étais nu.

Derrière la porte, alors que le chat s'en allait vaquer à ses occupations, ma princesse soviétique apparut devant moi, le soleil brillant de L.A. l'illuminant de tous ses feux, rendant sa peau claire éclatante. Je lui souris comme si nous nous étions vus pour la dernière fois pas plus tard qu'hier...

-Bienvenue, princesse.

Je m'écartai pour lui laisser le loisir d'entrer. Et quand elle fut à ma hauteur, je pris son visage à deux mains, plongeant mes yeux noirs encore un peu dans le gaz dans les siens, tristes et fatigués.

-Pourquoi tu te sens si mal?

Un éponge, j'étais une éponge, j'absorbais le monde et ressentais tout.

Je sentais la chaleur du soleil de L.A. sur mon corps alors que la porte d'entrée de la maison était ouverte sur mon corps nu. Mais celui-ci faisait pâle figure à côté du soleil du Désert d'où je revenais à peine, les yeux et l'esprit encore embrumé et cet impression d'être couvert de sable.

C'était cependant une bonne surprise qui m'attendait derrière cette porte. J'avais finalement quitté une Déesse pour en rencontrer une autre, que j'avais laissé entrer dans mon antre temporaire, dans le sas entre cette Terre où j'étais coincé et le Désert auquel j'appartenais.

Ce fut dans mes bras qu'elle vint trouver refuge et je l'y accueillis avec douceur, repoussant la porte d'entrée au passage qui se claqua avec un bruit que résonna douloureusement dans ma tête. Il n'y avait pas tant de violence dans mon monde, seulement le bruit du vent jouant avec le sable et le sifflement des serpents. Mais heureusement, les petits bras de Gaïana qui se placèrent autour de mon cou furent d'une douceur à même de me soulager directement.

Elle n'avait pas l'air heureuse. J'avais l'impression de connaître son corps par cœur et elle me semblait plus maigre, plus pâle que lors de notre dernière rencontre. Je lui demandais les raisons de cette apparence maladive, mais tout ce qu'elle voulait, c'était s'échapper.

Elle avait lové son visage contre mon torse et je sentis une larme humide s'y déposer doucement, puis rouler le long de mon ventre jusqu'à mon sexe libre et calme où sa course fut arrêtée par ma pilosité.

Je la tins simplement contre moi jusqu'à ce qu'elle choisisse de relever son visage vers moi avant de s'éloigner un peu. Ses yeux étaient, contre toute attente et malgré son état, bien plus clairs, bien plus éveillés, que je ne les avaient jamais vus.

Comme les miens lors de la tournée, lorsque j'avais arrêté de voyager, quand j'avais troqué le shamanisme pour la guerre... Et ça s'était mal terminé.

Elle voulait que je lui montre mon chez moi. Elle voulait « tout voir ». Je hochai la tête. J'entrelaçai mes doigts dans les siens et l'emmenai vers l'escalier, l'emmenant à l'étage où je lui ouvris la porte de mon sanctuaire, ma chambre, ses guitares, ses terrariums, ses chats qui se prélassaient ça et là... Le soleil pénétrait par la fenêtre largement ouverte qui donnait sur la route où défilaient les voitures...

Je lâchai doucement la main de Gaïana après l'avoir invitée à s'installer sur mon lit défait que je venais de quitter.

-Tout ce que je possède est ici...

Et c'était bien peu pour une rockstar de mon envergure, preuve que je n'en avais que faire de posséder. Toute ma richesse était dans mon véritable monde. Ce monde dans lequel j'étais un serpent, ce monde dans lequel je n'avais pas besoin de mes doigts pour créer de la musique.

Je m'installai à côté de Gaïana, assis sur le lit en tailleur, sans aucune pudeur... Mes yeux noirs cherchant ses yeux clairs à la couleur indéfinissable...

-Mais tu ne vois pas tout... Parce qu'il n'y a rien ici.

Je posai mon front contre celui de la jeune femme, fermant les yeux comme si je voulais, par ce contact, lui permettre d'avoir un aperçu du Désert, par télépathie. Si elle le voulait, j'avais de quoi l'y emmener. Je savais le faire. Je l'avais déjà fait avec Howard, dans une baignoire vide de la villa Ricci.

Je posai mes lèvres sur les siennes, essayant de lui insuffler un peu d'énergie.

-Tu veux vraiment tout voir ?

Gaïana, Déesse venue du froid et moi, Prince des Shamans, étions assis face à face, en tailleur, front contre front. Nous avions échangé quelques baisers comme l'auraient fait des enfants en pleine découverte de ce qu'ils avaient vu des adultes faire, bien qu'en un rien moins maladroit. Elle avait dit voir plein de choses ici alors que j'avais réduit tout ça à rien. J'avais alors regardé autour de nous. Elle n'avait pas tout à fait tort. Il y avait les chats, les serpents, et nous.

-Ouais... Il y a bien quelques âmes perdues, coincées ici. Le reste n'est qu'illusion.

Pour beaucoup, les possessions, le matériel, étaient des ancres qui les emprisonnaient. Même mes guitares n'étaient rien, à l'instant. Elles n’acquéraient leurs âmes que lorsque je laissaient danser mes doigts sur elles, comme je l'avais fait plusieurs fois avec Gaïana elle-même. Sauf que Gaïana, même sans moi, était une créature complexe et autonome, fascinante.

Gaïana avait peur. Elle avouait avoir peur de ce monde, de ce qu'il lui réservait pour l'avenir. Elle prononçait les mots et les vérités que ni moi, ni Billy n'avions jamais eu le cran d'affirmer tout haut. Elle voulait fuir, fuir loin, oublier qu'elle était une femme adulte dans un environnement impitoyable avec les rêveurs et les personnes qui restaient elles-mêmes sans vouloir ou pouvoir se conformer à ce que demandait la société actuelle.

C'était pour ça que la jeune soviétique était venue me voir. Pour partir, pour fuir, pour pouvoir respirer un peu. Elle était à la recherche d'un guide et elle m'avait choisi. Je lui souriais, rêveur, appréciant le contact de ses mains sur mes joues brûlantes et de ses pouces suivant les lignes de mes lèvres de métis.

Déterminée, elle se redressa, mettant en valeur les courbes magnifiques de son corps dont l'habillement léger laissait paraître ses tatouages, lui donnant quelque chose de tribal, de primaire, que j'adorais.

-Je peux t'aider.

Ce fut mon tour de caresser son visage de mes deux mains, cherchant à la détendre. Il fallait qu'elle se détende, sinon, sa peur allait la suivre où qu'elle aille. Elle avait passé, apparemment, trop de temps dans ce monde sans en sortir. Les marques de ses derniers voyages que je pouvais encore apercevoir sur ses bras ou sur les parties dénudées de son corps, tous ces symptômes étaient trop estompés, presque réduits à néant, pour qu'elle se soit évadée récemment.

Et pour recommencer, elle voulait être accompagnée.

Lui caressant doucement le visage et le cou, je cherchais à ce qu'elle se mette d'abord à planer naturellement. Mes mains descendirent ensuite le long de ses bras puis j'allai chercher les ourlets de son haut, l'invitant à lever les bras pour le lui enlever. Il faisait déjà très chaud dans la chambre et le Désert allait l'être encore plus. Il fallait qu'elle soit à l'aise. Et cela avait le double effet positif que si cela provoquait une excitation sexuelle, ça allait l'aider à partir.

Elle se retrouva torse nu et j'eus le plaisir de redécouvrir les tatouages qui ornaient sa poitrine délicieuse. Je continuais mes caresses, sentant moi-même le désir monter tout doucement en moi, ralenti par les effets restants de mon dernier voyage. Mais non n'étions pas là pour ça.

Je continuai jusqu'à ce qu'elle ferme les yeux et se mette à respirer plus lentement, plus profondément, jusqu'à se mettre à soupirer. Lorsque ce fut le cas, gardant le contact avec elle d'une main sur sa joue, je plongeai mon autre main sous mon coussin et en sortis un peu de poudre fournie par mon passeur attitré, Delfino Alvarez.

Ce dernier m'avait dit d'être prudent. Et il était vrai que cette poudre était d'une qualité hors norme, comme toujours avec Delfino. Cependant, si je savais exactement comment accéder au Désert, je ne savais pas ce qu'il en était de Gaïana. J'en versai donc juste une petite ligne sur le dos de ma main. J'allais utiliser la poudre d'étoile comme un booster pour l'aider à accéder à mon monde, pour le reste, il faudrait que j'utilise mes talents de shaman.

Je reposai mon front contre celui de Gaïana. J'étais encore suffisamment sous les effets de la poudre que je m'étais injectée directement dans les veines un peu plus tôt pour un deuxième voyage, sans devoir en reprendre. Delfino avait dit d'être prudent.

Je plaçai mon poing sous le nez de Gaïana...

-Inspire fort...

Gaïana se laissait faire, confiante. Malgré que je sois totalement nu et elle à moitié désormais, seuls nos fronts se touchaient. Il n'était pas question ici de sexe mais de quelque chose de bien plus profond, intense et mystique. La jeune soviétique avait compris qu'il lui fallait se détendre et elle respirait en conséquence. L'air qu'elle inspirait et expirait, je pouvais le voir, littéralement, comme une fumée bleue et lumineuse, porteuse de vie et sans laquelle ni elle, ni moi ne pourrions être.

Quand je lui indiquai qu'elle pouvait inspirer, plus fort, et qu'elle compris que j'allais ajouter un plus à cette substance aérienne bleue qui entrait et sortait de nos corps, elle prit un bout de papier dans son jeans qu'elle roula. Je souris doucement. L’expérience était nouvelle pour elle. Elle avait déjà pris des drogues, mais pas pour ce genre de voyage. Elle n'avait fait que des trajets dénués de sens, artificiels, des voyages sans but... L'utilisation de cet accessoire montrait son attachement, forcé peut-être, à ce monde. Alors qu'elle aurait pu insuffler la poudre en approchant directement sa narine de mon poing, sans intermédiaire.

Mais je l'avais laissée faire, pour ne pas brûler ses repères. Un jour peut-être, je lui apprendrai à insuffler ça comme une shaman.

Elle absorba toute la poudre de Delfino. Une quantité suffisante pour partir, mais trop peu pour risquer de se perdre ou pour qu'elle ne réagisse plus à ma voix ou à mes caresses sur son corps qui semblait maintenant bien détendu. Les traits de son visage étaient moins tirés. Je lui avais manqué... C'étaient ses mots.

-Nos chemins serpentent et parfois se croisent. Il suffit d'être patient et d'attendre le prochain croisement.

Je souris.

Je refermai les yeux, front contre front toujours et respirant au même rythme qu'elle. Les bouts de mes doigts partirent de derrière les oreilles juste derrière sa mâchoire et descendirent ensuite le long de sa nuque, de ses épaules, de ses petits biceps et de ses flancs. Allait-elle se transformer, une fois là-bas ? Allait-elle se choisir une forme, un totem ?

La peau de Gaïa était humide de transpiration déjà...

-C'est la chaleur du Désert... Allonge-toi dans le sable.

M'agenouillant devant elle, les yeux toujours fermé, je me guidais moi-même grâce au contact de mes mains sur son corps. Le Désert, j'y étais déjà. La soutenant par les épaules, je l'invitai à s'allonger sur les couverture de mon lit réchauffée par les rayons du soleil qui passaient à travers la fenêtre.

Une fois qu'elle fut allongée, je pris place, allongé moi aussi, contre elle.

Mes sens s'accrurent dès que je fus couché. J'entendais mes serpents, Io, Euterpe et Calliope, siffler tranquillement, bienveillantes. Ils savaient ce qu'il se passait et bientôt, leurs âmes et les nôtres n'allaient plus faire qu'un.

Je tendis le bras vers le terrarium et l'ouvris, laissant ensuite mon bras tendu dans cette direction. S'ils avaient envie de se joindre à nous, les serpents étaient les bienvenus.

Les doigts de mon autre main s'enlacèrent dans ceux de Gaïana. Je regardai le ciel bleu du désert, je sentais la chaleur sur ma peau métis et le sable dans mes cheveux. Je tournai la tête, Gaïana était à côté de moi, allongée dans le sable.

Et là, je sentis le contact du Serpent sur ma peau, remontant le long de mon bras. Ma transformation avait débuté. Je murmurai à Gaïana.

-N'aie pas peur.

Ma peau se fit écailles, mes yeux changèrent de forme alors que, dans ma chambre, l'un de mes serpent, la plus grande, Io, remontait le long de mon bras, doucement, me massant sans serrer de ses anneaux puissants. Elle arriva bientôt à glisser sur mon torse, appréciant la chaleur de mon corps, qui désormais, dans le Désert, ne faisait qu'un avec le sien.

Il ne fallut pas longtemps pour que je sois le Serpent, énorme, plus grand que Gaïana. Ma véritable forme, le véritable Cash.

Ayant terminé de m'aider à passer d'une forme à une autre, à devenir mon totem, Io passa sur le corps de Gaïana, se lovant entre ses seins mis à nu, découvrant avec curiosité ses tatouages, cette nouvelle entité, qu'elle ne connaissait pas.

Je sifflai doucement, surplombant Gaïana de toute la haute taille du Dieu que j'étais devenu.

-Tu sens le Serpent ? Laisse le faire...

Mes lèvres bougeaient, dans ma chambre ne laissant passer qu'un léger murmure alors que, dans le Désert, ma voix résonnait comme si elle venait du monde lui-même.

-Laisse faire Io.

J'allais et venais, rampant entre ma réalité et celle de L.A. Ondulant entre le Désert et mon lit dans lequel j'avais invité Gaïana à m'accompagner pour un tout autre voyage que ceux auxquels je l'avais habituée lors de nos précédentes rencontres. Et pourtant, ce n'était pas si différent. Il s'agissait également ici d'un jeu de sensations, de ressenti, d'excitation et de partage.

Mes serpents s'étaient joints à nous, Io la première, guidant les deux autres qui rampaient maintenant lentement sur nos corps nus ou presque, nous faisant profiter d'un agréable massage, leurs peaux fraîches rafraîchissant les nôtres, brûlantes du soleil de L.A. qui filtrait par la fenêtre de ma chambre.

Leur contact m'avait aidé à prendre ma forme réelle, celle du Serpent, malgré les effets de la poudre de Delfino qui faiblissaient. Et une fois transformé, j'avais croisé le regard admiratif de la jeune femme qui me contemplait.

Le contact de sa main sur ma peau écailleuse fut tellement agréable que je fermai les yeux pour en profiter. Quand je les rouvris, ce fut pour me retrouver dans le Désert à nouveau et non plus dans mon lit. Gaïana, je dus baisser la tête pour la regarder tant j'étais grand. Puis, un ronronnement doux, mais omniprésent se fit entendre, comme le battement même du cœur de ce monde.

C'est là que Gaïana trouva sa véritable forme, celle d'une chatte tigrée, brune et noire, avec des airs plus sauvages que domestiques... Joueuse et passe partout, telle qu'elle devait l'être dans sa vie humaine.

Je clignai de mes yeux noirs encore une fois et fus de nouveau dans ma chambre. Seuls la jeune soviétique et moi gardions nos véritables identités. Les mondes n'étaient pas stables, nous oui. Elle était une chatte, j'étais le Serpent.

Je sifflai de plaisir lorsque je sentis la langue de Gaïana lécher mon visage et admirai son air espiègle quand elle s'écarta. Puis, elle revint se blottir contre moi, je sentais alors soit son poil duveteux contre mes écailles, soit la texture extrêmement douce de sa peau blanche contre la mienne, mate, au rythme du Désert et de L.A. qui allaient et venaient comme deux amants qui se mélangeaient.

Je la pris dans mes bras/anneaux, l'enlaçant doucement, suivant le rythme des mondes. Nous étions le noyaux qui les reliait, la seule chose inchangée dans ce délicieux chaos.

Et ma voix retentit à nouveau, à L.A. comme dans le Désert, Shaman dans tous les cas.

-Tu vois maintenant...

Je lui avais promis de lui montrer. Maintenant, elle voyait.

-Tu vois que tu n'es pas seulement ce que tu penses être.

Je l'enlaçai plus fort, frissonnant à son contact.

-Nous sommes des créatures merveilleuses. Nous nous adaptons.

Je la regardai dans les yeux.

-Nous survivons au Chaos.

Je sentais Gaïana vibrer tout contre moi. Nous touchions à un état de béatitude extrême. Il n'y avait de tension dans aucun de mes muscles. Le soleil réchauffait nos corps naturellement, tant à L.A., dans ma chambre, que dans le Désert.

Chatte dans un monde, humaine aux allures félines dans l'autre, elle était magnifique. Elle avait trouvé son totem naturellement et, si cela ne m'avait pas sauté aux yeux jusqu'ici, c'était bel et bien ce qu'elle était. Une chatte, faite pour être aimée sans forcément aimer en retour, pour être servie sans avoir à dire « merci ». Avec, dans le fond, un instinct de prédatrice.

Telle était Gaïana Dugopoliac.

Je l'enlaçai de mes bras et de mes anneaux, sans serrer. Et elle finit par me regarder dans les yeux. Je lui affirmai que, dans le Chaos, nous survivrions.

Je lui souris, d'un air reptilien. Mes mains caressèrent ses cheveux, sa fourrure douce.

-Nous sommes le Chaos.

Nous ne pouvions pas nous faire du mal à nous-même. Si ce n'était avec la substance qui nous permettait de voyager. Car chaque voyage, sans qu'on s'en rende compte, diminuait notre espérance de vie.

Ouais, mais ça ne comptait pas.

Parce qu'une fois mort à L.A., je vivrais à jamais dans le Désert et deviendrais le Dieu Serpent.

Gaïana disait qu'être en bonne compagnie, cela aidait. Je hochai ma tête pleine de boucles de cheveux, et celle pleine d'écailles en même temps. Puis, je fermai les yeux en soupirant et en replaçant mon front contre celui de la Soviétique.

-C'est pour ça que je dois trouver Billy.

Sans Billy, je n'irait nulle part. Sans Billy, j'étais coincé. Sans Billy, personne ne pouvait traduire les notes qui s'envolaient de ma guitare.

Sans Billy, personne ne pouvait comprendre.

Gaïana se mit à me lécher le visage et je sifflai de satisfaction. Puis, ce furent des soupirs qu'elle m'arracha en descendant dans mon cou, puis sur mon ventre. Et mon sexe réagit également par réflexe, en réclamant plus.

Quand elle remonta vers mon visage, j’emprisonnai doucement ses lèvres entre les miennes, invitant son désir à rejoindre le mien. Et lui donnant également le lot de caresses qu'elle réclamait, m’attardant sur les points les plus sensibles de son corps.  

Comment résister à sa silhouette féline ?

Io siffla, comme un signal, alors qu'elle s'était lovée juste au dessus de ma tête. Et le Désert s'estompa tandis que Gaïana et moi reprenions doucement forme humaine. Pendant un instant, le monde ne fut qu'un grand vide où ne restait que le sable chaud sur lequel nous étions allongé l'un à côté de l'autre. Ma peau halée resta écailleuse, mes pupilles reptiliennes, et ma langue biseautée jouait avec celle, encore agréablement râpeuse, d'une Gaïana aux mouvement félins.

Les effets de la poudre de Delfino s'estompaient chez moi et laissaient place à des sensations non moins agréables car tout autant instinctives, primaires et animales.

Si Io, au dessus de ma tête, semblait présider notre union d'un œil bienveillant, Euterpe et Calliope, leurs têtes levées vers nos mouvements réguliers menés par Gaïana, ne voulaient pas en perdre une miette afin de pouvoir, dans un monde comme dans l'autre, porter ce message à qui de droit : le Roi Serpent du Désert et la Reine des Rue de Los Angeles s'étaient retrouvés à nouveau pour, à eux deux, faire une offrande au Plaisir.

J'eus l'impression de ne pas être dans mon lit, mais de jaillir du sable de mon monde, lorsque, porté par le Plaisir lui-même, je me redressai pour aller embrasser fougueusement la Soviétique. D'abord, je goûtai à ses lèvres qui avaient un goût de sucre et de tabac, ensuite, je suivis les lignes de ses tatouages pour aller, du bout de ma langue, attiser l'excitation de ses tétons durcis.

Ma respiration allait au même rythme que le corps de Gaïana sur moi. Mon cœur battait tellement vite que j'allais peut-être faire une nouvelle crise cardiaque. Mais quelle plus belle façon de mourir ?

Mon corps se couvrait de sueur de même que celui de ma Reine. Nous seuls existions maintenant. Nous seuls et le Plaisir. Je me redressai un peu plus et, à genoux, vins la plaquer contre le mur qui bordai mon lit sur le côté. Et ce fut à moi de donner le mouvement, cherchant à faire crier la jeune femme, cherchant à la faire, par le son de sa voix, donner vie à la moindre de ses sensations.

A force, le lit se mit à reculer de quelques centimètres, sans que j'y prête attention, alors que mes genoux le poussaient vers l'arrière dans mes mouvements. J'enfouis mon visage dans le cou de Gaïana et la laissai entendre mon propre plaisir, doucement.

Plutôt que d'accélérer quand je sentis l'orgasme venir, mes mouvements se firent plus lents et sensuels, pour faire durer le plaisir le plus longtemps possible. Et l'orgasme dura, délicieux, intense. Un climax durant lequel je murmurai le nom de la douce soviétique.

L'orgasme dura plus longtemps pour Gaïana que pour moi et je ne m'arrêtai pas tant qu'elle ne fut pas rassasiée. Son corps de femme semblait être conçu pour le Plaisir... Comme une piètre consolation accordée aux femmes par la vie pour toute la douleur qu'elle pouvait leur faire subir...

Quand elle eut laissé échapper son dernier gémissement, je vins poser un doux baiser sur ses lèvres, nos corps ne faisant toujours qu'un, moi à genoux, elle sur moi, dos au mur de ma chambre.

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