Je m'étais excusé au garage où je travaillais lorsqu'il n'y avait pas de tournée à assurer car je venais de recevoir un coup de téléphone. C'était un jeune mécano qui était venu me prévenir que j'avais un coup de fil qui m'attendait dans le bureau du gérant. Curieux, j'y était allé directement, espérant que Delfino n'avait pas de problème. Je ne voyais pas vraiment qui d'autre pouvait m'appeler ici.

Après avoir essuyé mes mains pleines de cambouis à l'aide d'une vieille loque toute trouée, j'avais pris le cornet du téléphone devant le gérant qui était occupé avec sa comptabilité qui le faisait suer. Pas que le garage allait mal, ce n'était pas du tout le cas. Mais la compta, c'était pas vraiment son truc. Son truc, c'était les bagnoles, pas les calculs.

J'étais comme un électron libre ici, je cumulais deux boulots, ce qui ne m'empêchait pas de faire des heures ici, par pure passion. L'avantage, c'était qu'en plus, c'était rémunéré. En étant seulement roadie pour MTI, jamais j'aurais pu m'en sortir. Mais en additionnant les deux, c'était plutôt confortable. D'autant qu'ici, ils étaient pas contraires. Contre quelques photos ou quelques autographes ramenés de tournée, je faisais mon horaire comme je voulais.

A l'autre bout du fil, une secrétaire de MTI. Alors ça, c'était bien la première fois. Elle m'annonça que Timmy Evans souhaitait me voir, si c'était possible, à son appartement cet après-midi vers 16 heures. Je lui avais demandé de m'excuser une seconde avant de demander au parton si ça allait pour lui si je quittais une heure et demi plus tôt, il hocha la tête d'un air absent, son regard toujours désespérément plongé dans sa liste de chiffres.

A l'heure dite, je m'étais donc vite débarbouillé avant d'embarquer dans ma voiture, direction l'adresse que m'avait donnée la secrétaire. Je me demandais bien ce que Timmy Evans pouvait bien me vouloir parce qu'en fait, je travaillais pour The Lightening et j'étais donc, d'habitude, en contact avec Lenny Knowles... Jamais avec Evans, que je connaissais en réalité très peu. Sa réputation le précédait, cependant. Discret et distingué, c'était un très bon manager. Il s'occupait actuellement de The Burning Fire et le bruit courait qu'il avait maintenant un nouveau groupe prometteur, BleedingHeart...

J'arrivai à la bonne adresse, un immeuble rénové sans être futuriste, à appartements, mais que tout le monde n'aurait pas pu s'offrir, de mon humble avis. Je me réjouissais de voir, si Timmy me laissait entrer, comment c'était à l'intérieur.

J'appuyai sur la sonnette de l'interphone et attendis jusqu'à ce qu'une voix particulière à l'accent anglais réponde. Je m'étais alors approché du micro.

-Heu... C'est Abel Hudson. Votre secrétaire m'a téléphoné pour me dire que vous vouliez me voir...

Il répondit par l'affirmative et quelques secondes plus tard, je me retrouvais devant Evans.

-Bonjour.

Je souris et tendis ma main encore un peu noire de graisse de moteur au manager, puis, m'en rendant compte, je frottai ma main sur mon t-shirt.

-Désolé. Je suis venu directement du travail jusqu'ici... Je bosse dans un garage, vous voyez...

@ Billy Lighter

Mon travail avait changé depuis que j’avais engagé BleedingHeart en plus de mon groupe phare, The Burning Fire. Je ne m’étais encore jamais frotté à pareil défi n’ayant, pour l’instant et depuis le début de ma carrière, jamais eu qu’un seul groupe à gérer.

Ceci ne me faisait point peur, bien entendu. Je devais juste trouver de la main d’œuvre supplémentaire. Deux groupes signifiaient que j’allais devoir employer de nouveaux roadies afin que cela soit confortable pour chacun. Je devais faire ceci en essayant que cela coute le moins possible à MTI. Pour ceci, j’avais l’idée d’engager des roadies déjà affilié à un groupe de la maison de disques.

C’est ainsi que je m’étais renseigné et plusieurs bons éléments de notre maison de disques avaient retenu toute mon attention. Parmi ceux-ci, un homme nommé Abel Hudson chargé du montage et démontage de la scène pour The Lightening. Lenny Knowles m’avait parlé de lui en des termes élogieux. Il n’aurait pas dû car j’étais maintenant bien décidé à m’attacher les services d’Hudson pour l’un de mes groupes.

J’avais fourni à ma secrétaire la liste des roadies à contacter. Je prendrais la peine de tous les rencontrer pour déterminer leur champ d’action. J’étais déjà qualifié comme étant un bon manager et je voulais désormais profiter de l’article sur Ricci et la fin de The Army pour asseoir ma réputation et dépasser insidieusement l’Italien. Faire exploser la popularité de BleedingHeart et remettre The Burning Fire au top de sa notoriété mondiale faisait partie du plan.

Je m’étais préparé pour accueillir Abel Hudson. Nous avions rendez-vous à 16h chez moi. C’était un de mes jours de congés mais quand il s’agissait de vouloir dépasser l’auto-proclamé The Best, je devais travailler sans cesse.

Hudson avait le sens de la ponctualité car à 16h pile la sonnette de l’interphone avait retenti. C’était le roadie qui se présentait.

-Bien, vous pouvez venir.

Il ne tarda pas à entrer dans mon appartement au style anglais. Nous pouvions remarquer que deux personnes habitaient ici depuis que mon Eileen avait emménagé il y a quelques mois.

Abel n’était pas habillé comme pour un rendez-vous mais je ne lui en tenais pas rigueur. J’aimais le raffinement mais mon espoir en autrui n’allait pas jusqu’à leur exiger autant de prestance qu’il m’a été donné.

-Bonjour Monsieur Hudson.

L’homme était souriant et nous étions prêts à nous serrer la main. La sienne était tâchée de graisse ce qui n’échappa pas au roadie qui en vint à s’excuser de ce fait.

-Ne vous en faites pas, ce n’est rien. Installez-vous plutôt dans le canapé. Nous serons plus à l’aise.

D’un geste, je montrai le canapé de mon salon où nous pourrons être plus à l’aise pour discuter. Nous pouvions remarquer qu’une théière était déjà prête pour mon invité et moi. Le thé n’attendait qu’à être servi.

-Souhaitez-vous du thé ?

Les seuls choses qui émanaient de ma personne étaient le respect et la politesse. Je n’avais pas encore souris à mon invité mais cela ne tarderait point s’il s’avérait être prêt à se démener pour deux groupes.

-Vous devez-vous demander pourquoi j’ai organisé ce rendez-vous. La raison est simple. Je suis désormais manager de deux groupes et je manque de quelques roadies. J’ai eu vent de vos compétences et je vous voudrais pour les concerts de The Burning Fire.

Il n’était point utile de passer par quatre chemins pour expliquer cette chose.

@ Billy Lighter

J'étais déjà grand, comme gars, mais alors que c'était la première fois que je me retrouvais aussi près du manager anglais, je me rendais compte qu'il était encore plus grand que moi. Fin, élancé et classe même en congé, l'accent anglais de Timmy Evans ajoutait encore plus à cette touche d'authenticité. J'avais l'impression qu'en passant la porte de son appartement, je m'étais subitement téléporté en Angleterre à la façon Star Trek. En effet, tout le décor était anglais et j'imaginais bien que le manager avait tout fait importer de son pays natal.

Je m'étais présenté et excusé pour ma tenue, c'était juste que je ne m'attendais pas à devoir me pointer ici aujourd'hui. Cela ne sembla pas le moins du monde embêter le manager qui ne dérogea pas aux convenances, m'invitant à m'asseoir et me proposant du thé.

Je m'assis sur le bord du canapé pour ne pas le salir. C'était du vrai velours ces trucs et ça devait coûter un pont ! Je ne collais pas du tout avec le décor, en tout cas. L'Anglais me proposa un thé.

-Oh oui, pourquoi pas ? Je n'ai jamais bu de vrai thé anglais. C'est l'occasion.

Et j'avais souris au manager. Celui-ci avait alors enchaîné sur les raisons de ce rendez-vous. Il me proposait de faire encore plus d'heures pour MTI et d'être roadie pour The Burning Fire.

Mes yeux s'écarquillèrent. Il m'avait fait venir jusqu'ici pour m'offrir ce job ! C'était juste incroyable ! Être invité personnellement chez Timmy Evans, chez lui, dans son appartement, était déjà un honneur, mais en plus, on m'avait recommandé à lui !

Lorsqu'il m'apporta ma tasse de thé, je le remerciai avant de lui répondre. Parce que, dans tout ça, il y avait un hic.

-Je suis déjà Roadie pour The Lightening et j'ai de très bons contacts avec Billy Lighter. Je ne voudrais pas lui faire l'affront de l'abandonner. Il ressent très fort ces choses-là, vous savez... Je suis très heureux de votre proposition, c'est un honneur ! Mais je n'accepterai que si j'ai la possibilité de travailler pour les deux groupes.

Je pris une gorgée du thé qu'avait préparé Evans et fus surpris par le goût qui était très agréable.

-C'est très bon ! Je n'imaginais pas que ça avait ce goût-là...

Puis, je repris.

-Je vais devoir sacrifier mon boulot au garage aussi...

C'était un choix à faire. Si je travaillais pour deux groupes, je devrais gagner assez d'argent pour m'en tirer... Mais je n'aurais plus de temps pour le garage...

@ Billy Lighter

Nous étions bien installés dans le salon qui, comme le reste de mon appartement, était anglais dans le style. Le lieu respirait mon pays natal dans les meubles, dans l’ambiance, dans la vaisselle. Tout ceci avait été importé d’Angleterre par mes soins ou ceux de ma mère.

La politesse était une valeur sûre chez moi et j’accueillais Abel comme cette valeur me dictait de le faire. En bon hôte, je lui avais proposé du thé. C’était un thé que ma mère m’avait envoyé d’Angleterre comme elle le faisait tous les mois.

-Vous ne le regretterez pas. Le thé anglais est celui qui a le plus de saveur.

J’étais un fier défendeur de mon pays. Beaucoup soulignent mon chauvinisme exacerbé. Je ne les avais jamais contredits. Je servis du thé à mon invité ainsi qu’à moi-même. On sentait les arômes dans toute la pièce.

Ceci était une bonne ambiance pour expliquer posément à Abel le pourquoi de ce rendez-vous. Nous avions besoin de roadies et le CV d’Abel parlait pour lui ainsi que les témoignages de personnes travaillant avec lui. Je ne pouvais point passer à côté de lui.

Je savourai le thé lorsque mon invité s’exprima sur ma proposition. Knowles m’avait parlé d’Abel comme étant un homme de valeurs et de principes, son discours allait dans ce sens. Il ne voulait point abandonner The Lightening et surtout Lighter avec qui il avait créé un lien. Voici où ne menaient certains sentiments, à une stagnation. Prendre le job que je lui proposais lui demandera des sacrifices dans le travail.

Il appréciait le thé.

-Remerciez ma mère, c’est elle qui a choisi la saveur. Elle a toujours de très bons goûts.

Abel avait beau paraitre être un homme d’une classe modeste, il appréciait les bonnes saveurs.

-Nous nous arrangerons pour que vous puissiez travailler à la fois pour The Lightening et à la fois pour The Burning Fire. Vous n’aurez pas à abandonner Billy Lighter. Lenny et moi sommes tous les deux chez MTI, nous pourrons facilement faire les choses pour que vous ne soyez pas tirailler entre les deux groupes.

Les concerts ne se feront pas en même temps et quand bien même cela arriverait, il sera possible à Hudson de faire un choix.

-Je suis désolé que cela vous demande d’abandonner l’un de vos métiers mais soyez sûr que les revenus seront à la hauteur du sacrifice.

L’offre était alléchante. Je ne pouvais pas voir Hudson partir de mon appartement sans avoir accepter l’emploi que je lui donnais.

-Monsieur Hudson. Avez-vous déjà rencontré les membres de The Burning Fire ?

Le monde de la musique était minuscule et ceci ne m’étonnerait guère.

@ Billy Lighter

Il y avait une chose qu'on disait toujours sur Timmy Evans et qui était vraie : c'était un pur anglais, et fier de l'être ! Il avait semblé très content quand je lui avais dit apprécier le thé, ajoutant que c'était sa propre mère qui l'avait choisi. Je souris. J'avais un petit aperçu humain de Timmy Evans, cet homme au charisme impressionnant de froideur. Probablement ce qu'on appelait communément le flegme anglais.

-Un grand merci à votre maman alors... C'est une belle découverte.

Ma propre mère, je ne l'avais toujours pas retrouvée alors qu'elle devait se trouver dans cette ville, aux dernières nouvelles. Mais, contrairement au jour où j'avais pris la route pour me rendre ici, je n'y pensais plus que rarement. Et surtout, j'avais arrêté de chercher depuis un bail.

Ma maison, c'était L.A. maintenant. Et ça c'était fait tout naturellement.

Le manager en était venu directement au fait, me proposant d'être roadie pour The Burning Fire. Je lui avais alors expliqué que, malgré l'honneur que ce serait pour moi, ça ne me semblait pas aussi simple. Il y avait les liens que j'avais avec Lighter, et puis le fait que je ne pouvais tout simplement pas les quitter comme ça du jour au lendemain.

Mais l'Anglais avait déjà une réponse à ce problème. Il ne serait pas question d'abandonner un groupe pour un autre, mais bien de m'occuper du matériel des deux groupes. C'était donc le garage que j'allais devoir lâcher.

Ce qui faisait que j'étais tiraillé quand même, au final. Mais faut savoir ce que tu veux, Hudson, à un moment donné.

Et ce genre d'offre ne courait pas les rues.

Je pinçai mes lèvres, frottant mes mains l'une contre l'autre après avoir déposé la tasse sur la table basse. Je me faisais peut-être une fausse idée, mais Timmy Evans ne me semblait pas homme à apprécier les indécis. Il fallait donc que je lui donne une réponse rapide et directe. Il était, cependant, désolé pour moi, sans que je puisse déterminer si c'était sincère ou une politesse réflexe...

Je pris tout de même le temps de reprendre une gorgée de ce délicieux thé... Je n'étais pas indispensable, au garage, je n'avais pas cette prétention. Si j'hésitais un peu, c'était juste parce que j'aimais beaucoup ce job... Et d'un autre côté, j'avais ici l'opportunité de faire partie intégrante du monde de la musique à L.A. et c'était non négligeable.

Je relevai les yeux vers Evans.

-Ok. Je prends. Si je peux travailler pour The Burning Fire et The Lightening, ce serait vraiment génial. Et c'est pas tout le monde qui a l'occasion de faire ça.

L'argent, ce n'était pas vraiment un problème. Je gagnais assez pour vivre et faire le plein de l'Impala... Le reste importait peu puisque mon hobby, c'était m'occuper des groupes et que, donc, mon hobby me rapportait.

Timmy Evans me demanda alors si j'avais déjà rencontré les membres de The Burning Fire.

-J'ai croisé Howard Stone et les anciens membres quelques fois, en tournée avec The Lightening ou dans les couloirs de locaux de MTI, mais je n'ai jamais eu le plaisir de discuter avec eux. Quant aux nouveaux membres, je ne les ai encore jamais rencontrés.

Je reposai ma tasse sur la petite assiette qui allait avec, tout doucement parce que tout ça m'avait vraiment l'air très fragile.

-Dites-moi, combien de roadies comptez-vous engager pour The Burning Fire ? Et... Si ce n'est pas indiscret, quelles compétences vous intéressent ?

@ Billy Lighter

J’appréciais grandement les manières d’Abel. Nous ne venions assurément pas de la même classe sociale, bien que je puisse me tromper, mais cet homme était poli et respectueux. Il découvrait les saveurs du thé anglais et les appréciais. Ceci détendit mes traits du visage qui affichaient un sourire.

Ceci n’avait duré que quelques petites secondes car notre conversation avait un but et c’était l’engagement d’Hudson auprès de The Burning Fire. L’homme était honoré mais voulait la garantie qu’il pourrait continuer ses services auprès de The Lightening, le groupe de Lenny Knowles. Je lui offris toutes les garanties possibles. Il pourrait être affecté aux deux groupes mais cela lui demandera un travail à temps plein pour MTI. Il ne devra renoncer qu’à son actuel travail dans un garage. Ce n’était pas cher payer pour pouvoir fréquenter des rockstars et être un artisan de leur travail.

Je fixais mon hôte avec mon air toujours aussi neutre. J’attendais une réponse claire et nette. Il me semblait hésiter. Hudson me revenait bien, je lui laissais le temps de prendre la bonne décision pour lui. L’homme avait fini par se décider et accepter ce que je lui offrais. Il se rendait compte que cette opportunité était rare.

-Je suis ravi que vous acceptiez.

Il me semblait que seul Amon pourrait entrevoir dans mon regard cette once de satisfaction. Un autre n’y verrait que mon regard bleu de glace synonyme de froideur.

Abel avait déjà eu l’occasion de rencontrer certains membres de groupe dont Howard. Cela c’était arrêté là car ils n’ont point pu discuter.

-Vous aurez vit fait de les connaitre. Ils sont tous très différents. C’est un groupe qui n’agit pas du tout comme The Lightening. C’est tout à fait autre chose.

The Burning Fire n’avait rien à voir avec The Lightening que cela soit dans la musique ou dans la personnalité des membres. Aucun des membres ne se drogue et les seuls ennuis, si l’on peut appeler cela ainsi, est l’inconscience de Stone et la personnalité bizarre de Williams. C’était plus facile à gérer que l’instabilité mentale de Lighter et l’addiction d’Izbel.

Ma tasse de thé était vide et c’est délicatement que je l’avais reposée pendant qu’Abel me questionnait sur les compétences que nous recherchions chez les roadies.

-The Burning Fire dispose déjà de pas mal de roadies mais nous en avons besoin de 10 supplémentaires. Je cherche essentiellement des pyrotechniciens. Nous voulons quelque chose du plus moderne pour The Burning Fire et l’ajout d’effets pyrotechniques de pointes nous permettrait d’arriver à ce but. Nous cherchons aussi des techniciens du son. J’ai dû envoyer certains affiliés à The Burning Fire s’occuper de BleedingHeart, mon nouveau groupe. Ceci explique cette vague de recrutement.

Je m’étais expliqué de manière complète.

-Vous connaissez des personnes disposant de ces compétences, Monsieur Hudson ?

Je ne pouvais pas passer à côté du bouche à oreille.

@ Billy Lighter

J'avais accepté la proposition de Timmy Evans. Au garage, ils comprendraient. Et puis cela ne voulait pas dire que lorsque j'aurais un peu de temps libre, si j'en avais encore, je ne pourrais pas y passer et faire deux ou trois réparations juste pour le fun et pour aider mes amis. Le manager anglais disait être ravi, mais je ne percevais que la froideur de ses yeux glacials.

J'avais sauté sur cette occasion unique sans trop réfléchir. Parfois, c'est la meilleure chose à faire. Plonger et puis voir après... Mais au moins, même si ça se passait mal, il n'y aurait pas de regret. J'aurai osé. Cela dit, je ne voyais pas bien pourquoi ça se passerait mal. On me demandait d'être roadie, un travail que je connaissais bien et seul le groupe pour qui je bosserais changerait... C'était pas comme si on me demandait carrément de changer de job.

Et en parlant du groupe, justement, Evans m'avait demandé si je connaissais les membres de The Burning Fire. Mais je ne les avais que vaguement croisés sans jamais parler avec eux. Et Timmy d'avancer que son groupe était bien plus gérable que celui de Lenny Knowles... J'eus un sourire un peu bizarre parce que je prenais ça comme une critique négative du groupe de Cash et Billy.

-The Lightening est un groupe spécial. Mais quand on les connaît, il y a moyen de communiquer avec eux.

Quand on savait comment les prendre et à défaut qu'il puisse y avoir communication entre eux en dehors de leurs phases de pure création...

J'avais alors demandé ce que le manager cherchait comme roadie, parce que j'avais une petite idée en tête. Je ne pouvais m'empêcher de penser au visage de Delfino le jour où nous avions travaillé ensemble en tournée. Peut-être que ce recrutement pouvait être une aubaine pour lui comme pour moi. Pas qu'il gagnerait réellement mieux sa vie, mais au moins, il travaillerait en dehors de l'Eastside... Il s'éloignerait de son gang qui avait réussi à le repêcher malgré lui.

Je ne pus retenir un léger rire quand Timmy m'expliqua que ce qu'il cherchait, c'était, en particulier, des pyrotechniciens... Évidemment... Roadtramp avait fait un carton lors de leur concert où Daniele Ricci les avait autorisé à utiliser ce genre d'effet spécial. Et tout le monde savait que la rivalité Evans-Ricci était pire que celle entre les deux maisons de disques elles-mêmes.

-Ok. Je vois...

C'était pas une mauvaise idée, on ne pouvait pas reprocher à Timmy d'utiliser un truc qui avait fait ses preuves.

Et puis parfois, faut juste se taire, c'est mieux. Surtout quand on peut tirer son épingle du jeu.

-Je connais quelques gars compétents. Mais utiliser des effets pyrotechniques en concert, c'est relativement nouveau...

Je repris une gorgée de thé avant de continuer.

-Donc il y a peu de roadies réellement qualifiés. Le mieux, ce serait d'en former de nouveaux grâce à un artificier dont c'est le métier, ou d'ajouter cette compétence aux nôtres.

Personnellement, je ne m'occupais que du montage et du démontage de la scène et c'était déjà bien prenant comme travail. Je savais d'avance que je ne saurais pas faire les deux...

-Si vous voulez, je veux bien faire passer le mots. Je pense connaître des gars que ça pourrait intéresser...

@ Billy Lighter

Je n’avais laissé transparaitre que très peu d’éloge sur The Lightening en le comparant très brièvement à mon groupe, The Burning Fire. Toutefois, très loin de moi l’idée de dénigrer le groupe de Knowles dont les prouesses musicales n’étaient plus à prouver. Je trouvais simplement ce groupe bien moins gérable que le mien. Hudson ne se formalisait pas de ces difficultés car il semblait savoir comment s’y prendre avec les membres de The Lightening.

-Je n’en doute point, Monsieur Hudson.

Nous n’étions point là pour débattre de nos avis sur The Lightening. Ma subjectivité aurait, de toute façon, pu être contreproductive pour un tel débat.

Je préférais, de loin, répondre aux questions d’Hudson. Je lui avais fait un bref exposé de ce que j’avais besoin comme roadie pour faire marcher la machine The Burning Fire en concert. Nous avions besoin de pyrotechniciens pour pouvoir faire évoluer le spectacle que proposait The Burning Fire. Certains journaux s’étaient étalés en éloges envers Roadtramp qui utilisait ce genre de technique. Je n’avais pas envie d’être une décennie en retard par rapport à ce que pouvait proposer les groupes de Ricci.

Je dégustais mon thé attendant réponses et conseils de la part d’une personne dans le métier et qui connaissait des gens ayant les compétences requises. La technique était certes nouvelles et former de nouveaux roadies à ces nouveautés étaient l’idée d’Hudson. Cet homme savait réfléchir, cela se faisait rare de nos jours. Je crus même lui sourire à un moment devant son intelligence.

-En effet, c’est nouveau mais je crois que je ne peux pas me passer de ces nouvelles techniques pour ne pas me faire dépasser, si vous voyez ce que je veux dire…

Ma rivalité avec le manager italien n’était pas un secret pour les affiliées aux différentes maisons de disques. De même, qu’elle ne l’était pas non plus pour ceux qui s’intéressent un peu à la vie musicale de cette ville.

-La formation me semble être une très bonne idée, Monsieur Hudson. J’en ferais part à ma maison de disques pour que nous puissions former certains roadies à ces nouvelles techniques.

J’avais déposé ma tasse de thé pour me lever. J’avais sorti, d’un tiroir un calepin ainsi qu’un stylo avant de reprendre ma place initiale en face du roadie.

-Oui, je compte sur vous pour faire passer le mot. Avez-vous des noms de roadies que vous connaissez et qui serait, éventuellement, intéressé à travailler avec nous ? Je les contacterais pour leur faire la même proposition qu’à vous.

J’étais quelques de très professionnel même si on pouvait me reprocher d’être obséquieux.

@ Billy Lighter

Lorsque je parlais, l'Anglais avait l'air de m'écouter attentivement et c'était extrêmement gratifiant. Il ne semblait pas du genre à faire sa diva à vouloir absolument que les choses soient faites à sa façon. Il savait écouter. Il n'était pas non plus de ce style de manager qui n'en avait rien à faire de comment c'était fait, tant que c'était bien fait. Ce qui était plus le genre de Ricci ou du moins était-ce l'impression que j'avais eue quand Delfino et moi, on avait été temporairement recrutés par l'Italien.

Timmy Evans était intéressé et voulais apprendre, avoir le contrôle, sans pour autant mettre la pression. Il me semblait être un bon gestionnaire, sérieux, avec qui ce devait être agréable de travailler. Plus qu'avec Knowles, que je respectais, mais qui était extrêmement stressant.

Et puis, l'Anglais avait une certaine franchise, avouant qu'il refusait d'être dépassé. Il avait raison et j'avais hoché la tête. Ce monde est une compétition constante, quoi qu'on en pense. Les groupes sont les champions des managers qui les font batailler entre eux à coup de notes de musique et les points se comptent en dollars...

Je lui avais donc donné mon humble avis sur ses projets et avait, sans prétention, donné quelques pistes sur comment commencer. D'abord, il fallait des effectifs pour mener tout ça à bien et si possible, former des gens.

Le sourire du manager était encourageant.

Il s'était levé pour prendre un calepin avant de s'installer à nouveau devant moi. Il me demanda des noms. Je fus une seconde bouche bée. C'était la première fois que je rencontrais vraiment l'Anglais et il me faisait confiance pour savoir qui il devait contacter...

J'hésitai une seconde, avant de sourire.

-C'est une grosse responsabilité, ce que vous me demandez-là, je ne voudrais pas faire de jaloux. Tous les roadies avec qui je travaille sont motivés. Mais pour ce que vous voulez faire, ce que je ferais à votre place, c'est de prendre une majorité de jeunes et peut-être un ou deux plus anciens pour les encadrer.

Je réfléchis deux secondes. Oui, jusque-là, ce que je disais se tenait. S'il ne prenait que des jeunes, ça risquait d'être vite un sympathique bordel. Et s'il ne prenait que des anciens qui avaient déjà leurs habitudes, bonnes ou mauvaises, ça allait être compliqué de leur apprendre de nouvelles techniques.

-Les jeunes apprendront plus vite et seront probablement moins réfractaires aux nouvelles techniques. Et avec quelques anciens pour les guider, ça devrait le faire.

Mais je ne voulais pas donner de noms... Sauf un.

-Par contre, je connais un gars que le job pourrait intéresser. Un très bon gars qui a bossé avec moi sur la pyrotechnie de Roadtramp alors qu'il n'est même pas roadie. Il veut changer de vie et vous ne trouverez pas plus motivé que lui à Los Angeles.

C'était un peu une question de vie ou de mort pour Delfino qui était poursuivi par son gang...

-Il sera d'autant plus facile à former aux effets pyrotechniques du fait qu'il n'ait jamais fait quoi que ce soit en tant que roadie.

Je haussai les épaules et souris.

-Il est actuellement barman au Dizzy Warhol. Ces qualités-là peuvent aussi servir.

@ Billy Lighter

The Burning Fire devait disposer des meilleurs roadies pour rivaliser avec la puissance de feu des groupes de Ricci. J’avais eu une bonne idée en invitant Abel ici afin de discuter de tout ceci. Il était compétent et semblait être une personne professionnelle.

J’avais pris un calepin ainsi qu’un stylo. Abel connaissait beaucoup de roadies étant donné qu’il en côtoyait. Il savait comment ceux-ci travaillaient. Il pourrait donc être susceptible de juger ceux qui étaient près à apprendre de nouvelles techniques afin d’entrer dans les compétences que je cherche pour les roadies de mon groupe. J’avais confiance en cet homme car il me faisait très bonne impression. Il m’avait semblé hésité et se résolu à ne pas me donner de nom mais plutôt une ligne directrice. Il avait des arguments pour appuyer son idée. J’avais repris un air neutre pour regarder Hudson. J’étais bien d’accord avec cette idée tout comme je comprenais que le roadie ne veuille pas favorisera certains au détriment d’autres. Ceci s’apprenait vite à Los Angeles et Abel ne voulait pas se mettre dans une telle position.

-Je vous comprends Monsieur Hudson.

C’était un homme très intègre et c’était respectable. Je ne faisais point partie de cette catégorie. Je pouvais jouer avec les sentiments d’autrui si ceci me permettait d’avancer dans mes divers projets. C’est pour ceci que j’avais la place que j’avais aujourd’hui.

-Votre idée me semble parfaitement convenir. Je partirais à la recherche des roadies qui me sembleront pouvoir s’adapter au travail que fait The Burning Fire sur scène.

Hudson s’était, pour finir, résolu à me donner un nom. Il s’agissait d’un homme qui n’était pas roadie mais qui avait fait l’expérience de ce travail pendant la tournée. Je regardais intensément Abel. C’était encore dans un élan de gentillesse qu’il me donnait ce nom. Il voulait aider cet homme. J’avais noté « barman du Dizzy Warhol » sur mon calepin d’une écriture cursive très belle.

-Très bien. Je le contacterai. Il ne devrait pas être trop difficile à trouver. Il m’arrive de fréquenter le Dizzy Warhol quand je suis à la recherche d’un groupe.

J’avais déposé le calepin et achever mon thé.

-Merci beaucoup Monsieur Hudson. Quand l’album de The Burning Fire sera sur le point d’être terminé, nous pourrons travailler sur le show et commencer à voir ce qu’on mettra en place pour des concerts futurs. Vous pourrez ainsi mieux connaitre le groupe.

Je lui avais adressé un sourire poli.

@ Billy Lighter

Le pauvre Timmy qui attendait avec son calepin posé sur son genou pour pouvoir y inscrire des noms, je ne l'aidais pas vraiment. Je ne voulais pas donner de nom. C'était lui, le manager, à lui de savoir quel type de gars il voulaient pour le job. Moi, j'étais au même niveau que les autres et je n'avais aucun droit de dire qui méritait cette place plus qu'un autre. D'autant que tous, nouveaux comme anciens étaient de bons collègues avec chacun leurs qualités et leurs défauts propres.

Evans ne m'en tint cependant pas rigueur puisqu'il affirma qu'il allait faire lui-même les recherches pour les roadies qu'il allait choisir, en tablant en priorité sur les capacités d'adaptation. J'eus un petit sourire, quelques noms, en rapport avec cette qualité, me vinrent directement à l'esprit, mais je les gardai pour moi. On verrait bien, à la fin, si Timmy voyait la même chose que moi chez les gens.

Par contre, je tenais à donner une chance à mon ami latino qui, soit dit en passant, était pas dans la merde pour le moment. Et Evans avait écouté attentivement, alors que je m'attendais, quelque part, à ce qu'il rejette directement cette candidature involontaire. Il avait noté quelque chose sur son calepin et j'avais enchaîné en lui donnant le nom.

-Il s'appelle Delfino Alvarez. C'est un gars motivé, mais très discret... Il est pas mal timide. Mais c'est un bosseur.

Je l'avais vu travailler toute cette journée pendant la tournée et puis, son boulot au Dizzy avait des horaires de merde, mais il s'en plaignait jamais. Puis, il avait un cœur d'or, à se demander comment il avait pu devenir dealer.

Evans me remercia et m'annonça que le boulot commencerait dès la sortie du prochain album de The Burning Fire.

Je me levai alors qu'il venait de finir son thé.

-C'est moi qui vous remercie. Je me tiens à votre disposition, en espérant que Delfino vous fera bonne impression.

Je croisais les doigts pour lui. Et surtout, je priais pour qu'il accepte la proposition de Evans si celui-ci la lui faisait.

-Et merci aussi à votre mère pour le thé. Il était excellent.

Je serrai la main au manager. Une fois dehors, je me demandais ce qui était le mieux à faire : aller voir Delfino ou laisser Evans aller le trouver ?

J'optai pour la deuxième solution. Il ne dirait peut-être pas « non » à Timmy Evans.

@ Billy Lighter