Y’a des soirs comme ce soir où je n’ai envie de rien. J’veux juste être tranquille, dans mon monde, dans ma tête et pas avoir à répondre de rien ni personne.  J’ai besoin de m’évader, de réfléchir et, comme j’ai justement un tas de trucs à penser, ça devient nécessaire.

Sauf que j’y peu rien si je fini toujours par m’échouer dans l’un ou l’autre de mes points de repaire.

Ce soir, je suis assise à une table en retrait du Crazy Ginger, faisant tourner entre mes mains le même verre de bière que j’ai commandé à mon arrivé deux heures plus tôt.  Il est toujours à moitié plein, ou à moitié vide selon le point de vue.  Je suis morose et d’humeur massacrante, alors j’opterais pour la moitié vide.

Mon tête à tête avec Howard a laissé sa trace et je suis convaincu plus que jamais que je fais la bonne chose.  Je le fais pour lui et c’est tout ce qui compte. Les autres, j’les emmerdes !

Les groupes qui se produisent sur scène ce soir sont plus que médiocre. On dirait que c’est la soirée porte ouverte au band fond de ruelles. Mais de toute façon, je suis trop préoccupée et perdue dans mes pensées pour réellement leur porter attention.

À force de trop faire tourner mon verre,  j’finis par le renverser. La bière coule sur la table jusque sur mes jeans et je me lève d’un bond, en jurant, poussant ma chaise vers l’arrière sans remarquer l’homme que je viens de bousculer dans mon mouvement de surprise.

- Bravo Bailey, t’es la championne du soir !

Aussi bien me glorifier moi-même pour  ma gaffe puisque j’en suis la reine.  Candy, la serveuse vient éponger et me rapporte un nouveau verre en me laissant un torchon sec pour que je puisse essuyer mon pantalon. Bah, j’ai quand même l’air de m’être pissé dessus, c’est merveilleux la vie !

Tout est allé très vite que j’en oublie ma chaise. Je passe près de me retrouver le cul sur le sol mais l’homme que j’ai bousculé en reculant trop vite me retient au passage et c’est sur ses genoux que je me retrouve.

Un air de déjà vu me direz-vous. Sauf que c’est purement accidentel, je le jure !

- J’suis désolée… pas mon soir on dirait !

L’éclairage ne lui rend pas justice. Ses traits semblent dur pourtant il ne me repousse pas comme il aurait pu le faire. Pas tout le monde qui aime voir sa « bulle » envahit par une inconnue qui ne sait pas boire. Ce que je remarque surtout c’est sa longue barbe blonde, presque aussi longue que ses cheveux semblent l’être.

Il est intimidant.  Je l’avoue.

Et j’peux pas non plus rester indéfiniment assise sur ses genoux dans me présenter. Mais le mieux c’est de commencer par me lever. Vu comment ça s’est terminé la dernière fois, et avec tout ce qui s’en est suivis,  j’ai pas nécessairement envie de répéter l’expérience.  

Une fille prévenue en vaut deux !

- J’vous ai jamais vu trainer dans le coin.  Vous êtes de passage ? Un voyageur ?

Oui, je sais L.A. c’est pas la campagne où tout le monde connait tout le monde. Mais y’a de ces endroits, comme ici au Crazy Ginger, qui connait ses habitués.  Je ne me souviens pas de l’avoir vu ici. Ni ailleurs.

Mais en même temps, aux nombres de visages masculins que je rencontre en une semaine,  ce serait utopique de penser que je puisse me souvenir de tout le monde… Mais un visage comme le sien, ça ne s’oublie pas.

@ Billy Lighter

Fort heureusement, il n’est pas aussi sévère que ses traits ne laissent imaginer.  Je m’attendais à être vertement engueulée pour ma maladresse mais l’homme ne m’en tiens pas rigueur.  Je me permis donc, par curiosité de lui demander sil était de passage dans la ville, son visage ne m’étant pas familier.

J’avais vu juste. Fraîchement débarqué en ville !  C’est toujours plaisant d’accueillir de nouveaux venus.  Et des comme lui, on n’en croise pas souvent. L.A. a toujours besoin de se diversifier et d’innover et allez savoir pourquoi, j’ai l’impression qu’il apportera un vent de fraîcheur !

- Alors bienvenu parmi nous !

Alors donc, il avait l’intention de rester un bon moment ici, selon ses dires.  Faut croire que le South L.A. ne l’avait pas traumatisé – encore -  pour qu’il veuille retourner de là où il venait. D’ailleurs, je ne savais pas trop de quel coin il nous arrivait. Mais après un premier visuel, je me doutais que ce n’était pas un Américain pure laine. Pas un Anglais non plus.  Et très certainement pas un Africain ou un Japonais.

- Vous venez de où, si je peux me permettre ?

C’est quand même  la moindre des politesses que de s’intéresser à son interlocuteur surtout quand on a bousculé ce dernier.  Et de lui offrir un verre pour se faire pardonner ce que je fis quand Candy repassa près de moi et cette dernière s’empressa de venir nous les porter.

Je trinquais avec l’homme qui s’empressa de me un p’tit service. Ben tient. Je les vois de loin les « services ».

- Bah, demande toujours, on verra ensuite. Mais je te préviens,  il m’arrive de pas toujours être très «  accommodante » …

Non pas que je n’aime pas aider mon prochain. Mais j’suis déjà tombé assise sur un mec une fois et j’ai payé assez cher cette maladresse. Maladresse qui continu de me pourrir l’existence. Alors faut pas m’en vouloir d’être prudente, voir réticente.

Mais je suis prête à entendre la demande de l’inconnu à la barbe blonde. On ne sait jamais, il est peut-être dépisteur de talent et ma beauté légendaire – oui je sais… - lui inspire une carrière de modèle pour moi !

J’ai bien droit de rêver moi aussi !

@ Billy Lighter

Malgré son apparence quelque peu austère, il est facile d’approche et la conversation promet d’être légère et intéressante. En plein dans mes cordes, surtout des soirs comme ce soir où je n’ai pas spécialement me moral et que je me sens quelque peu anti social.

Je remarque vite qu’il ne semble pas du coin ce qu’il me confirme.  Un Finlandais pure souche perdu dans le bas fond de L.A… bon ce n’est pas l’Eastside mais disons que pour visiter, y’a mieux que South L.A.

J’suis curieuse – c’est tellement pas dans ma personnalité ! – de savoir ce qui l’amène ici, depuis sa lointaine Finlande, y’a quand même un  sacré écart de température. Et je suis presque certaine qu’il n’est pas ici pour surfer…

L’homme, dont j’ignore le prénom – quand on dit que l’histoire se répète – me demande un service. Je ne saurais pas refuser mais, dépendant de la teneur du dit service, il est possible que je refuse.  

Il m’arrive d’être sélective.  J’crois pas que ce soit mal pour autant…
Ainsi donc, le gentil et charmant Finlandais à perdu son chemin et se cherche un motel  dans les environs.  Je fronce un peux des sourcils, parce que, je m’attendais à une autre sorte de demande quoi que c’est peut-être un bon préambule.

- Un bon motel… dans South L.A. ?  Bah, écoute, ça dépend. Tu préfères quoi ? Les cafards ou les chambres avec les banderoles « no trepassing » des scènes de crimes ?

Bon j’exagère un peu mais c’est pas pour rien que je préfère marcher dans l’Eastside.  C’est pas tellement mieux  mais les chambres du petit motel pas loin du Dizzy sont tout de même plus propres que ce que l’on trouve dans ce quartier.

- J’connais pas tes moyens mais si j’étais toi, j’irais dans le Downtown ou carrément à Hollywood. Là tu ne te trompes pas… Mais si tu tiens vraiment à rester ici, ouais je peux bien t’en indiquer un ou deux mais, c’est à tes risques et périls.

J’veux pas avoir l’air prétentieuse dans mes indications, mais j’vois pas pourquoi je lui référerais un endroit miteux. Surtout pour le prix c’est presque gênant.  

J’crois un moment qu’il analyse mes recommandations mais son regard me scrute de haut en bas.  J’suis sur le point de lui dire qu’il peut oublier le projet si son intention est de me ramener avec lui dans sa chambre mais en fait, il me demande si je suis chanteuse ou musicienne. Et si je connais le métal symphonique.

- Le métal quoi ? Symphonique ? Non, désolée j’connais pas. C’est quoi ? Des pièces remasterisée de Beethoven et de Mozart ?

J’éclate de rire en imaginant en même temps de quoi ça pourrait avoir l’air les 12 variations en do majeur de Mozart version Metal !

- Et non, je ne chante pas et je ne joue d’aucuns instruments. J’suis dans le…  domaine des relations publiques. Et toi, tu fais quoi dans la vie ?

@ Billy Lighter

Je ne m’en veux pas  de ne pas savoir ce qu’est le métal symphonique. J’suis fan de The Lightening et The Burning Fire et mes connaissances musical s’arrête là. Bon pas tant que ça mais le le métal symphonique ne me dit absolument rien.

L’explication du touriste barbu me semble un peu simpliste mais peut-être aurais-je l’occasion de découvrir de type de musique en sa compagnie un de ces 4. Je ne suis jamais fermée à l’élargissement de mes horizons. (Et que je n’entende pas de commentaires de sous entendu grivois ici !)

- Ça semble bien. Peut-être que tu pourrais me référer des groupes que je pourrais découvrir. Ça me donnerais une meilleure idée de ce que tu m’explique.

Comme il ne revient pas sur les choix de motel, j’en conclu qu’il ira chercher selon les quelque suggestions que je lui ai offert.  C’est pas beaucoup, pas précis mais c’est tout de même mieux que South L.A.

Mon interlocuteur s’enquiert également de mes talents. Le truc c’est que je crois pas en avoir réellement de talent.  Du moins je n’ai rien de précis en tête et allez savoir pourquoi, la première chose qui me vient à l’esprit c’est de me prétendre dans le domaine des relations publics.

Bon. Je me prostitue. J’fais pas ça seule, hein, j’ai des clients et c’est public donc je n’ai pas réellement mentis à celui qui  se présente sous le prénom d’Alvar.

- Enchantée, moi c’est Bailey.

Au moins les présentations en bonne et due forme sont maintenant faite. Je n’aime pas ne pas savoir le nom de la personne avec qui je cause.  J’viens vite à bout des pseudonymes  tel que « mec »  « trésor » et j’en passe, et des meilleurs !

J’prends une grande gorgée de ma bière au moment même ou Alvar me demande si, à tout hasard, je connais un ami à lui. Daniele Ricci.

J’y peux rien, c’est comme un réflexe je recrache ma bière et j’en mets partout ! Non mais, il pouvait pas prévenir avant de me larguer sa question, pourtant inoffensive ?

-  J’suis désolée !

J’sais pas trop quoi lui dire d’autre. J’lui ai craché ma bière sur son t-shirt, j’en ai plein qui me dégouline sur le menton et les vêtements mais j’suis sous le choc. Comprenez-moi bien ! Un touriste finlandais débarque dans la ville, se paume, me demande conseil et ensuite si je connais Daniele Ricci !

Combien de chance que ça me tombe dessus et non pas sur une des centaines de milliers d’autres filles de la ville ?

- Tout le monde à L.A. le connais. J’peux te dire où le trouver mais, compte pas sur moi pour faire plus que ça…

C’est déjà bien suffisant. J’suis une bonne âme, que vouez-vous ?!

@ Billy Lighter

J’suis pas désolée le moins du monde de ne pas connaître le style musical dont il me parle.  C’est peut-être uniquement parce que ce n’est pas très connu ici à Los Angeles où alors que je n’ai pas fait la différence entre ça et un autre genre.

De l’entendre, peut-être que je saurais mieux répondre, Mais pour le moment c’est mystère et boule de gomme.

Ajattara est un groupe s’adonnant au métal symphonique, et selon Alvar, c’était même un bon groupe avant le départ du bassiste.

- Ils le remplaceront où alors le groupe sombrera dans l’oublie c’est commun dans le monde de la musique, non ?

J’ai envie de lui demander ce qui l’a amené ici, dans la Cité des Anges, mais  Alvar me surprend- c’est le moins que je puisse dire – en me demandant si , à tout hasard, je connais un bon ami à lui. Daniele Ricci. Ben tiens !

Je le connais moi ?  J’connais son corps, ça oui ! J’peux dire précisément où sur son corps se trouve un grain de beauté ou une petite cicatrice. J’peux dire comment se contorsionne ses orteils quand il atteint l’apothéose. J’peux dire qu’il manie la queue – de billard – mieux que personne d’autre. Mais  j’peux pas prétendre que je le connais. Pas au-delà de ce qu’on en dit dans les journaux.

Sa question, pourtant banale, me fais lui cracher ma bière dessus. La surprise, ni plus ni moins.  J’suis gênée et choquée. Je ne m’y attendais pas du tout. À vrai dire, je me sens tirer vers l’arrière, quelques temps dans le passé. Un p’tit bon pas très agréable.

Mais Alvar n’a rien à voir là dedans aussi, je préfère lui dire que je peux lui donner des indications, mais que ma B.A. s’arrêtera là.

- Il est l’un des manager les plus influents de Los Angeles et c’est pour la Brown Sugar Corporation qu’il bosse.  Donc en fait t’as qu’à… prendre un taxi et demander qu’il te conduise là et tu prends rendez-vous… si t as de la chance tu  pourras le voir rapidement.

J’vais quand même pas aller le porter devant les grilles de la Villa Ricci…quoi que…

- Il a été annoncé dans certains journaux que sa secrétaire convolait en justes noces à la fin du mois et que la réception aurait lieu à la Villa Ricci. Les fêtes là-bas sont toujours ouvertes au publique c’est peut-être ta chance. À toi de voir laquelle des opportunités te conviens le mieux…

Je prends la main d’Alvar et, après avoir fouillé dans mon sac pour y sortir un stylo, je lui inscris dans la main le nom de la tour. Ce serait bête qu’il aille demander un rendez-vous avec Daniele chez MTI…

J’suis pas vache à ce point !

@ Billy Lighter

Le métal symphonique ne me dit absolument rien mais  peut-être que si j’écoutais quelques pièces de ce groupe dont il m’annonce être l’ancien  bassiste, je comprendrais mieux de quoi il s’agit comme style.  Je suis une fan inconditionnel de The Burning Fire et The Lightenning  - non pas pour les raisons que vous pourriez croire – et je ne suis pas contre élargir mes horizons musicaux – non pas de la façon dont vous pourriez croire.

- Mouais… Les histoires avec les managers sont souvent à l’origine de l’éclatement de bien des groupes. En plus de siphonner votre blés ils jouent les Divas en faisant la pluie et le beau temps

J’dis ça comme ça en fait, j’en connais pas beaucoup de manager mais pour ce que j’en sais, ça me suffit à ne pas vouloir les fréquenter.

Surtout qu’Alvar  me demande si je connais l’un d’eux. Un très bon ami à lui, apparemment.  Ce qui ne rate pas de me faire cracher ma bière sur lui par surprise. Je ne m’y attendais vraiment pas !
J’veux bien lui dire où le trouver mais ça s’arrête là. Je lui note donc l’adresse  dans la main et je lui laisse le loisir de décider de quand et comment il s’y prendra pour aborder «  The Best ».

- Ouais… tu peux. Mais il n’est pas facile à coincer quelque part. J’te conseille de prendre rendez-vous avez sa secrétaire. J’paris qu’avec de bons arguments tu sauras te caser une rencontre assez rapidement.

J’parle encore plus pour ne rien dire. J’sais rien de sa secrétaire, de son emplois du temps, de comment il occupe son temps. Il doit jouer au billard avec sa belle queue – de billard – tout en buvant du whisky hors de prix tout en se gargarisant d’éloge pour lui-même.

Alvar est sympathique et j’accepte la bière qu’il m’offre avec plaisir. Prenant place à sa table, je me dis que ce serait une belle occasion pour parler de son pays. Moi qui n’a jamais mis les pieds en dehors des États-Unis, ce serait comme voyager… en buvant une bière.

@ Billy Lighter