Putain – la vie était vraiment dure… L’incident d’hier – avec ce déséquilibré d’Hank North – n’était qu’une goutte supplémentaire dans la mer de merde qu’était l’année 1982.  

J’étais en train de ruminer ça dans le bureau de ma villa. Il était 20h et Maria était – certainement – en train de profiter des derniers rayons de soleil avec Tony sur la terrasse. Ma pommette avait été strippée mais je ne pouvais rien faire pour mon œil dont le contour avait une teinte mauvée – presque noire. La douleur était à la fois physique et psychologique. North n’allait pas s’en sortir sans rien – il allait sérieusement taxer.

J’étais en train de me fixer sur le montant – allant de 500 milles dollars à un million de dollars –  que j’allais demander à cet enfoiré d’Hank tout en organisant les derniers préparatifs de la tournée quand mon téléphone avait sonné. Putain, je bosse ! C’est pas le moment !

J’avais – tout de même – décroché après avoir ignoré longuement la sonnerie. Seulement, le type – à l’autre bout du fil – insistait.  

-Ouais, c’est Ricci, dis-je d’un ton détaché.

-Salut, Ricci… C’est Christopher North, dit mon interlocuteur.

Christopher North, le frère – et la nounou – d’Hank North. Recevoir son coup de fil ne m’étonnait qu’à moitié. Je savais – pertinemment – que Christopher avait l’art d’essayer de réparer les pots cassés après le passage de l’ouragan Hank. Une catastrophe naturelle très connue à L.A.

-Salut Chris, dis-je en prenant ma bouteille de whisky – qui était posée un peu plus loin sur mon bureau. Je suppose que tu téléphones au sujet de ton frère… Tu vas me dire quoi ? Qu’il est innocent, comme Robin l’a fait dans L.A.People ?, demandais-je, sarcastique.

Robin, Christopher, Grace – ils étaient tous aux petits soins de l’ingérable Hank. Avant hier, j’appréciais l’acteur pour son talent – certain ! – pour le cinéma mais aussi pour sa capacité à apprécier mes fêtes. Seulement, ses accès de violence – sur des gens innocents ! – le rendait, parfois, bien détestable.

-Non… Je ne te téléphone pas pour le défendre. Je sais que ça ne servirait à rien. Je viens te faire une proposition à l’amiable pour oublier ce qu’il s’est passé hier, avança-t-il avec un sourire aux lèvres – que j’entendais à travers le téléphone.

On voyait bien que ce n’était pas le premier rodéo de North – il savait comment prendre les devants pour éviter le pire à son frère. Seulement, ma proposition à l’amiable, je l’avais déjà !

-Un million de dollars, dis-je avant de boire une grosse gorgée de whisky. Et je ne veux plus voir Hank dans mes clubs préférés de la ville, dis-je sérieusement. C’est le prix de mon silence.

C’est-à-dire plus ou moins une dizaine de clubs – dont le plus connus. Je savais que ça allait porter un bon coup à Hank North – comme on privait un petit môme de sortie.

-J’ai mieux que ça à te proposer, rétorqua North, sûr de lui.

Oh, intéressant !

-Mieux qu’un million de dollars ?, dis-je en déposant ma bouteille de whisky et en jouant avec le cordon de téléphone.

-Oui ! Je te propose d’être coproducteur de mon prochain film avec comme acteur principal Hank North. Alors ? Qu’est-ce que tu en dis Ricci ? C’est mieux qu’un million de dollars ?, dit-il avec un sourire dans la voix.

Mieux ? C’était plus que mieux ! North aurait vu mon sourire à l’instant T, il aurait su que son affaire était dans la poche. Il venait de m’offrir – sur un plateau d’argent – une proposition à la fois alléchante et excitante. Etre producteur de films !

Les avantages liés à cette offre étaient multiples. J’allais gagner en argent – plus d’un million de dollars – et en notoriété. J’allais devenir – avec ça – Ricci, le manager-producteur-rockstar ! Avec des valeurs sûres comme Christopher North à la réalisation et Hank North comme acteur principal, j’étais certains de la réussite du projet. C’était un win-win comme je les aimais tant !

-J’accepte !, dis-je avec un grand sourire aux lèvres.

J’entendais – déjà – Christopher North se réjouir à l’autre bout du fil. Seulement, je n’en avais pas fini.

-J’accepte uniquement si je suis producteur. Pas coproducteur, rajoutais-je toujours avec le même sourire.

J’étais un Ricci – je ne partageais pas la tête de l’affiche.

Moment d’hésitation à l’autre bout du fil – un peu long à mon goût.

-Adjugé, Ricci !, finit-il par dire.

Il venait de faire le bon choix ! Je voyais dans ce projet la possibilité de rendre l’année 83 bien moins merdique que celle-ci – je le méritais !

-Je veux le script sur mon bureau dans une semaine maximum, North, dis-je en me mettant – déjà – bien dans mon tout nouveau rôle.

-Ça sera fait, répondit Christopher avec un sourire en coin – que j’avais bien entendu aussi !

J’avais souhaité une bonne soirée à North – vu qu’il venait d’embellir la mienne – et j’avais raccroché en profitant déjà de cette nouvelle corde ajoutée à mon arc déjà bien rempli !

@ Billy Lighter